mardi 11 mai 2010

Opération « Juliette-Siéra »

Opération « Juliette-Siéra » (I)

Premier chapitre : Journée d’été particulière


Avertissement : Ceci est un roman, une fiction, une « pure construction intellectuelle », sortie tout droit de l’imaginaire de son auteur. Toute ressemblance avec des personnages, des lieux, des actions, des situations ayant existé ou existant par ailleurs dans la voie lactée (et autres galaxies), y compris sur la planète Terre, y est purement, totalement et parfaitement fortuite !

En définitive, cette affaire-là a commencé très tôt. L’année où Paul obtient son brevet de pilote amateur. Il a alors à peine 16 ans révolus et passe son bac scientifique l’année suivante, au lycée Louis le Grand à Paris, avant d’intégrer la « prépa » scientifique dans le même établissement à la rentrée de l’année encore suivante : la voie royale des grandes écoles d’ingénieur, licence navigation de pilote en poche.
Très clairement, Paul vise déjà « Sup-Aéro », à moins que l’école de l’air ne l’accepte dans ses rangs, « licence moteur » acquise, espère-t-il à ce moment-là.
Bien avant son permis de conduire une automobile. Il faut rappeler que jeune, il est un peu… précoce comme garçon ! En tout.
Paul a poursuivi son parcours personnel, pendant que d’autres œuvraient dans l’ombre à d’autres tâches.

C’est le cas de l’agent spécial Charles Almont. À cette époque, il intègre un peu par hasard la CIA, affecté au « Département Europe occidentale » alors qu’on se bat assez loin de là au Koweït : un département assez mineur au sein de l’agence. Le mur de Berlin est tombé, le pacte de Varsovie vit ses dernières heures, ses collègues du Moyen-Orient sont sur une poudrière, la guerre Iran-Irak s’est tue. Les incidents en Corée deviennent hebdomadaires pour rester mineurs.
Europe occidentale ? Rien jusqu’à l’arrivée au pouvoir de l’union de la gauche en France, dix ans plus tôt, qui donnent des sueurs froides à Washington, mais pas trop à Langley : Le Président nouvellement élu d’alors est un atlantiste convaincu, tournant enfin le dos aux politiques gaullistes d’indépendance.
L’agent Almont apprend au fil du temps et de sa montée dans la hiérarchie de l’agence, à s’accommoder des français, son domaine de spécificité : Pompidou tournait le dos à la politique anti-anglo-saxonne de son prédécesseur. Son successeur est devenu un ami personnel du Président Ford et l’armée américaine a sciemment transmis des « savoir-faire » aux chercheurs atomistes français de l’époque, en vue d’obtenir l’arrêt définitif des essais nucléaires.
C’était un pas de plus vers la réintégration définitive de la France dans l’Otan.
Le nouveau Président a, quant à lui, et dès 1981, un peu avant l’arrivée de Charles à l’agence, « vendu » sa taupe nationale en URSS : un trésor de renseignements qui a permis le démantèlement de plusieurs filières d’espionnage par le FBI, mais tout autant à travers les pays adhérents à l’Organisation Atlantique-Nord.

Les chefs d’Almont n’ont guère confiance dans le chef des gaullistes rassemblés autour du RPR. La première cohabitation leur en donne la preuve avec le retour des « historiques », aux idées courtes, aux convictions indéboulonnables et aux « magouilles » pas très dignes d’une grande démocratie.
Charles, au fil de son ascension, a le temps de faire plusieurs séjours à Paris, de jauger les gens, de juger les jeunes pousses, de préparer à rythme lent, trop lent peut-être, la « normalisation » définitive de ce pays.
Il s’agit d’être discret, intimiste presque, savoir donner du temps au temps et être économe du denier du contribuable américain.

L’élection de 1988 est ressentie comme un échec. On s’est trompé de tactique et en même temps on n’a pas su utiliser, motiver les bons chevaux. Il faut dire qu’aux USA, l’administration est mobilisée toute entière pour l’élection de Bush. Le premier…
La même erreur, un peu aidé par les circonstances, n’est pas commise en 1993 : on peut imaginer désormais faire avec…

On compte alors, très secrètement, beaucoup sur le premier ministre de la deuxième cohabitation pour « déverrouiller » les errements du Président de l’époque. Un type pas mal, pour avoir l’esprit d’un pragmatique. Et on aime ça, le pragmatisme, outre-Atlantique.
Il faut aussi reconnaître que, vu de l’intérieur, l’administration Clinton reste un peu « vaseuse » en pariant sur ce premier ministre français-là, ce qui, contre toute attente de l’attente des français a finalement jeté « un froid » sur les relations du successeur du président socialiste, dès son premier mandat et ce, durant des années.
La « dissolution surprise » n’a guère arrangée les choses : le premier ministre suivant est quant à lui très au fait des manipulations en tout genre, presque hermétique pour être lui-même un pur produit de la politique crypto-underground… mais pas du bon bord !
Il aura fallu les attentats du 11 septembre pour que les choses bougent en France, que le président d’alors s’engage à changer d’attitude, soit plus conciliant à l’égard des « poulains » de l’agence et de la seconde administration Bush, celle de Junior.

Le temps passe, et contrairement aux espérances, il y a eu l’horrible affaire « Pindevil », appuyé depuis l’Élysée par le Président « Rackchi », narguant les alliés jusque sous la coupole de l’Assemblée Générale de l’Onu à New-York et enfin l’élection « du bon cheval » en 2007, pour lequel l’agence n’a pas ménagé son soutien, appuyé en cela par la « Maison Blanche ». À lui de faire le ménage et de revenir dans le rang.
Il aura fallu plus de quarante ans d’efforts et presque deux générations d’agents pour laver l’affront du déménagement honteux de la porte Dauphine vers la banlieue de Bruxelles !
Plus que pour abattre le mur de Berlin, finalement.
Et c’est lui, le sous-directeur Almont, qui en est le fer de lance final. Il se donne un an pour finaliser le problème, juste avant les élections de novembre 2008 : peu importe leur résultat, il ne peut que passer directeur « Europe » avec l’administration du successeur de Bush, à l’occasion du jeu de chaises musicales qui en découlera automatiquement : le « spoil-system ».
Une belle fin de carrière en perspective, finalement : on ne peut guère espérer mieux.

Pour le nouvel élu des français « Krasosky », les choses sont en effet simples et claires. Il faut de toute façon et discrètement finaliser les accords passés en 2002 comme d’une forme d’allégeance, discrète mais bien réelle.
Il fait savoir à qui de droit, sitôt arrivé à la magistrature suprême, qu’il souhaite faire une « visite privée », dans le courant de l’été, au Président Bush, qui lui impose la côte-est au lieu de la résidence d’été espérée de Camp-David.
En remerciement, mais sans rien dire de ses véritables ambitions, naturellement, sauf ce qui est connu autour de l’Union Pour la Méditerranée…
Qui n’est pas vraiment un projet d’hostilité, au contraire, si il venait en renfort et au service d’une Europe des anglo-saxons.

L’été 2007, démarré sur les chapeaux de roue pour le nouveau président français, après la controverse relative à la présence du dictateur libyen sur le sol de la « patrie des droits de l’Homme », vire par ailleurs au cauchemar sur le plan personnel depuis quelques temps. Même s’il en a vu d’autres, finalement.
Le soir même de son élection, il réunit quelques amis dans un restaurant-café-brasserie célèbre de la plus célèbre des avenues du monde : ça fait bondir la presse et l’opinion publique qui oublient déjà que la campagne électorale vient de se clore définitivement et que la suivante ne concerne que les élections législatives.
Son voyage au large de la Sicile fait tout autant scandale : il lui faut faire taire la presse de caniveau au plus vite. Pour lui, c’est l’occasion de plaider le retour définitif de son épouse au foyer conjugal et surtout dans son lit.
Un président ouvertement cocu, ça la fiche mal.
Rien n’y fait. Cette garce, qui a été « l’amour de sa vie », lui a donné, à chacun d’eux, leur unique troisième enfant commun, n’en pince définitivement que pour celui qui fait porter les cornes au président.
Inadmissible pour une première dame : la risée de toute la planète.

D’accord, il n’est pas non plus « blanc-bleu », dans le fond : une vieille habitude prise chacun au moment de leurs double-vies réciproques ! Il fallait bien assumer et donner le change à leur conjoint respectif. Une fois le pli pris, pas facile de s’en défaire, ni pour elle, ni pour lui faut-il reconnaître.
Pourtant, il éprouve à ce moment-là toujours de l’attirance pour cette femme-là. À en subir l’affront, que dire, l’humiliation perpétuellement renouvelée de la « porte close », même sur un espace clos comme celui d’un yacht, errant au large de loin de tout.
Invraisemblable de la part de celle qu’il a fait reine du pays !
Aussi pour son voyage « privé » aux États-Unis, il prend la précaution de partir en imposant la présence de « sa poupée à galipettes » fétiche, celle qu’il vient de faire princesse en la plaçant dans un ministère pas très loin du Palais de la République.
Au moins, elle n’est pas farouche et a la reconnaissance du ventre bien chevillée au corps, elle… Corps qu’elle a de feu quand elle s’en donne la peine : les journées n’en sont que moins pénibles à passer.

Pour le nouveau président français et de son point de vue, ce voyage sur la côte-est est très important : c’est évidemment l’occasion d’aller remercier le patron de ce grand pays qui a si bien favorisé et son ascension au parti, devenue irrésistible à force de « coups-bas », et son accession dans le fauteuil du « Calife », muselant adroitement celui qui part, mis sur la touche en décembre 2006, dès que ce dernier comprend qu’il n’y arrivera pas.
Et de le rassurer pour la suite.
Le président français se fait renseigner par les services entre-temps, afin de contrôler ce qu’il faut savoir et ce qu’on sait ou non de leurs rôles respectifs.
Il a même poussé le « vice » jusqu’à aller faire un détour discret au mois de juin dernier (2007), quai Voltaire à Paris, pour faire le point de ce que son prédécesseur sait ou non, et de ce qu’il veut bien dire, confortant ainsi sa propre synthèse des choses avant cette rencontre « privée » aux USA.
Le « deal » a été noué douze ans auparavant, quand l’ex-ami de trente ans, a été poussé sur les devants de la scène, mais pour louper son « coming-back » définitif, avec confirmation un peu plus tard.

Jeté comme un malpropre, « l’ami » et son équipe – dont l’actuel Président est – pour cause de scrutin impopulaire en 1995, il leur a fallu presque 7 ans pour revenir dans les couloirs du pouvoir. La pression exercée par l’allié américain ayant dû être très forte tout en restant très discrète, pour y parvenir. D’autant que l’administration Clinton ne s’est pas immédiatement ralliée à cette idée : l’objectif affiché étant de faire revenir le pays dans le commandement intégré de l’Otan, uniquement, même si les histoires d’argent restent toujours importantes.
Les alliés ont vraiment trop souffert de ne pas avoir de port en eaux profondes durant la dernière guerre mondiale. Et, malgré la « guerre des étoiles » lancée par Reagan qui a fait éclater le pacte de Varsovie « sans tirer un coup de feu », Brest, Nantes et Bordeaux, avec en appui en profondeur le dense réseau routier et ferroviaire de la France, doivent permettre à tout moment de débarquer du matériel lourd jusqu’en Oural, à l’est. Sans passer par le goulet de la Manche ou de la mer du nord, ou jusqu’au Moyen-Orient et au Maghreb en passant par Marseille et en évitant le passage plus qu’incertain de Gibraltar…
Chacun n’en doute pas une seule seconde.

Et pour y parvenir, il faut éliminer toute la « clique gaulliste » en France, les uns après les autres. Il en reste encore dans « les couloirs » et aux aguets : D’abord lors de la première cohabitation française qui ne fait que les ramener dans les ministères en 1986.
1988 ayant permis de les mettre un peu sur la touche et de renvoyer l’ascenseur au président d’alors, qui, s’il a été obligé de faire entrer des communistes dans son gouvernement après la « trahison » des gaullistes à l’égard de « l’homme de Ford » sept ans plus tôt, a quand même su faire faire le ménage grâce à sa taupe inattendue en URSS.
Entre la peste et le choléra, parfois les choix sont difficiles…
Le président des français jusqu’en 1995 étant plutôt un atlantiste, les travaux d’approche de la réintégration de la France et de ses ports atlantiques, clé d’ogive du dispositif militaire de l’Otan face à un déferlement des soviétiques, a suivi un calendrier lent, parsemé d’embûches, mais précis.

Notamment et par malchance, en 1991, lui et son gouvernement n’ont pas « joué le jeu » en toute transparence, lors de la première guerre en Irak. De plus, non seulement son ministre de la guerre s’est publiquement opposé à l’opération « tempête du désert », mais des fonds en quantité ont été détournés, alors qu’ils devaient alimenter la caisse de garantie du commandement intégré de l’Otan. Pire, il a fallu mobiliser la dite caisse de garantie pour éviter un scandale international avec les pays du Golfe : c’est une des conditions à l’adhésion complète, celle-là avec l’arrêt des essais nucléaires qui ont, de leur côté, été suspendus en 1992 contre mauvaise fortune bon cœur.
L’équipe de la CIA et du Département d’État, ne sont jamais arrivés à leur fin jusque-là. Les français leur opposent systématiquement le motif que le pays n’est pas encore inclus dans le commandement intégré pour tenir parole et payer leur obole, malgré l’accord « pétrole contre nourriture » convenu et mis en place par l’Onu pour faciliter les choses, accord dont les banques françaises nationalisées auront fait leurs choux gras pour se gaver plus que de mesure.
Idem pour les indemnités du Koweït pour l’extinction des puits en feu…
Des sommes colossales versées pour rien ont disparu ! Il en a fallu même le prix d’un effort financier au moins aussi énorme, passant par l’ONU, pour dédommager le Koweït après que la démarche du ministre du pétrole de ce pays auprès du premier ministre français d’alors, mais plus tard, soit restée vaine.
Tout le monde sait ça à la CIA et Clinton sera convaincu de poursuivre l’effort consenti pour faire revenir le « vilain petit canard » dans le rang.
D’où la montée en puissance de « l’ami de trente ans » et de son équipe lors de la deuxième cohabitation se terminant par le véritable hold-up populaire des « enfants gaullistes » en 1995.
Inacceptable !
Facile a alors été de se convaincre de prendre la décision d’œuvrer à une alternance rapide en jouant la carte de l’opposition au président nouvellement élu d’alors, d’autant mieux que le parti d’opposition français est noyauté depuis des années par les services. Au nouveau pouvoir de faire le ménage.

Ce qu’il n’a pas fait. Au contraire. Si le premier ministre d’alternance donne des signes encourageants en annonçant un « devoir d’inventaire » au début de la troisième cohabitation, les deux têtes l’exécutif se neutralisent avec constance durant toute cette période, et la seconde condition pour une normalisation totale n’est toujours pas remplie à la fin du dernier septennat français.
Et puis, le monde change le 11 septembre 2001. Il faut passer à la vitesse supérieure et réagir sur tous les fronts à la fois.
Les manœuvres de la compagnie sont alors tournées vers la lutte contre Al-Qaïda et les nations terroristes. Laissant peut-être un peu trop dans le flou la poursuite de ses activités en France.
Le résultat que tout le monde croit acquis est en fait une catastrophe, rendant difficile la « normalisation » de la politique française : les élections de 2002 consolident le contraire des vœux de l’administration Bush, repoussant d’au moins 5 ans l’intégration de la France dans l’Otan !
Un comble…
La cellule spécialisée de la compagnie est renforcée dès avant le discours du ministre des affaires étrangères français de l’époque. Cet homme-là, le cornac, le coach même, du président finissant, qui fait l’effort de faire revenir les « punis » de son premier septennat, pourrait au moins rester dans une neutralité prudente : il fait l’inverse et s’oppose violemment à Colin Pauwels à New-York, refusant d’entrer dans le second conflit d’Irak.
Mais curieusement, la France, et ce couple infernal, accepte de participer aux opérations en Afghanistan, dans la lutte anti-terroriste mondiale.
Il faut dire que l’aventure espagnole à la veille de la réélection loupée d’Aznar renforce la conviction de chacun que tout peut basculer d’un moment à un autre.
Le président français d’alors lui-même, fait l’expérience de l’aventure du groupe AZF et comprend, peut-être dès ce moment-là – mais surtout après l’opération de minage des voies ferrées du pays – que son éventuelle réélection n’est même pas envisageable : il lui faut bien passer le flambeau. Il est averti de ne pas répéter l’aventure de 1981, au cours de laquelle son parti n’a pas assumé ses responsabilités pour des questions de querelles d’homme.
On le lui a assez reproché durant 14 ans pour qu’il s’en souvienne.
Tout cela, le nouveau président français le sait avant de partir en vacances américaines.

Pour revenir à ce jour-là, Cécilia s’est une nouvelle fois faite portée pâle. Et ce n’est pas seulement « junior », qui le reçoit dans le bureau ovale pour une photo devenue célèbre quelques mois plus tôt, mais aussi son père assis à la barre du petit bateau qui quitte le môle pour le large, loin des photographes que le président rencontre : pas question que quiconque puisse lire sur les lèvres d’autres choses que des amabilités de circonstance.
Au large attend une corvette des gardes-côtes, équipée pour l’occasion de lourds moyens de contre-mesure électronique.
Il y a là, dans la cage faraday du bord, les trois présidents, une interprète, plutôt mignonne dans son uniforme de la marine, pense pour lui-même le Président français, et une cinquième personne en civil qui se révèle être un officier supérieur du renseignement : le patron d’Almont, Ivan Niwe.
Passé les présentations et le petit laïus du Président remerciant son hôte et pair, l’entretien débouche assez vite sur l’objet de cette rencontre.
« Nic ! Tu sais ce qu’on attend de toi maintenant ! », commence junior en anglais, sitôt retraduit par l’interprète au joli visage à mot doux, en français. Le Président comprend l’anglais, mais il en profite pour passer très rapidement au français et répondre en un langage plus riche que son anglais, malgré ses quelques séjours prolongés sur ce continent, dans sa jeunesse.
Bien sûr qu’il sait : 1 – Retour dans le commandement intégré de l’Otan. 2 – La tête de tous les barons du gaullisme au bout d’un « croc de boucher ». 3 – Le soutien de la politique proche et moyen-Oriental des USA.

L’Otan, c’est facile, insiste-t-il : son prédécesseur a fait le nécessaire ! L’arrêt des essais nucléaires, c’est réglé, et le rapprochement des commandements opérationnels des unités sont en cours.
« Ah non, pas tout ! ».
« Ah bon ? Contrariant. »
Consternant, même !


Opération « Juliette-Siéra » (II)

Deuxième chapitre : Bastard of froggies !

Avertissement : Ceci est un roman, une fiction, une « pure construction intellectuelle », sortie tout droit de l’imaginaire de son auteur. Toute ressemblance avec des personnages, des lieux, des actions, des situations ayant existé ou existant par ailleurs dans la voie lactée (et autres galaxies), y compris sur la planète Terre, y est purement, totalement et parfaitement fortuite !

Les français, c’est comme ça : il faut qu’au dernier moment, ils n’en fassent qu’à leur tête !
Et les présidents « père & fils » bataillent ferme un long moment avant de mettre fin à l’entretien avec le nouvel élu qui en ressort manifestement contrarié !
Il y a des journées, comme ça, où il vaut mieux ne pas se lever.

Venir jusque-là pour se faire mettre « un savon » comme un petit garçon pris la main dans le pot de confiture, par deux générations de présidents américains, ça a un côté surréaliste !
Lui veut un poste clé dans l’Otan pour un officier général français et eux veulent du pognon.
Mais lequel grand Dieu ?
La France est ruinée plus qu’au-delà du raisonnable et il faudrait récupérer des fonds secrets dont personne n’a aucune idée de l’endroit où ils sont planqués, ni même s’ils existent vraiment ?
Bush Père lui rappelle l’opération « tempête du désert » et les trois milliards et demie détournés sur les indemnités payées rubis sur l’ongle par le Koweït au titre des remboursements de frais des opérations de libération de son territoire.
Il lui balance le demi-milliard de dollars des commissions sur « l’opération bravo », la vente des frégates furtives à la chine nationaliste pour un prix total de deux milliards huit cents millions de dollars, sans parler de l’équivalent, au taux de 8 % rien que pour les commissions, sur la vente des sous-marins de type Agosta 90B au Pakistan.

Là, le président français sait.
Pour les frégates, il n’était pas au pouvoir, mais seulement à l’occasion de l’alternance qui a suivi. Et il s’est fait « mettre au parfum » sur ces commissions, qui avaient été pour l’essentiel redistribuées aux partis politiques de tout le pays que, ministre du budget de son mentor de premier ministre, il avait été remis le même schéma pour les sous-marins.
Sauf que là, l’élu de l’Élysée de 95, a mis le holà et fait interdire tous versements après coup, que ça n’a pas plu à tout le monde.
Exit l’affaire « Bravo » ! Les commissions ont été payées à tout le petit personnel de tous les partis.
Quant aux 100 millions de commission des sous-marins, il en a été remis 7 aux pakistanais, une partie a servie au financement de la campagne de son mentor en 1995, parfois en billet de 500 francs , un petit bout à son prédécesseur pour l’entre-deux tours, le reste à quelques agitateurs.
Exit l’affaire Agosta ! Car tout le reste et l’essentiel au final, a été bloqué par son propre prédécesseur. Ce qui n’a pas plu à tout le monde, tout le monde sait ça.

Que nenni insiste Bush-fils : Les frégates ont été rachetées plus tard et l’amende de 599 millions de dollars, soit un demi-milliard d’euros, versés à Taipei .
Si le ministre d’alors, « Char-As », a bien signé une autorisation de paiement des commissions, comme il l’a affirmé en 2004, le président français de l’époque a bien vu passer cet argent.
« Non ! Pas le prix du rachat des frégates… ces sommes ont été versées par l’intermédiaire d’un fonds souverains des Émirats-Arabes-Unis pour faire plaisir à ton boss de l’époque. Mais d’où vient cet argent à ton avis ? »
Le président français ne peut pas feindre son ignorance. Tout ce qu’il sait à ce moment-là, c’est qu’un des princes a été vu dans la capitale et à la tribune officielle du défilé du 14 juillet de cette année-là !
« Des fameux fonds secrets ! »
Ça ne fait pas le compte, rétorque le président français.
C’est parce qu’il y a eu d’autres affaires du temps du président de la gauche-unie en France.

L’accord « nourriture-pétrole » a fait ramasser beaucoup d’argent à divers intermédiaires.
Sur la gestion de 64 milliards de dollars durant 10 ans, la succursale New-yorkaise de la BNP a non seulement facturé ses propres commissions, mais au moins 700 millions de dollars d’honoraires divers à des intermédiaires autorisés. Dont beaucoup de français.
La fraude est évaluée à 1,8 milliard de dollars sur des fonds qui auraient dû revenir au Koweït, entre la surfacturation des produits alimentaires des entreprises autorisées et la sous-facturation de cinquante centimes sous le cours du baril déjà décoté.
Sans compter le « sur-lifting » frauduleux des pétroliers !
Et l’extinction des 1.000 puits de pétrole en feu du Koweït en 1991 a été l’occasion d’un détournement de plus de vingt quatre milliards de dollars.
Quinze ont été remboursés sur fond de garanti de l’Otan, via l’Onu, et c’est justement cette somme-là qui doit être restituée avant de rentrer totalement dans l’alliance, et sept sont arrivés via un trust anglais !
« Les intérêts, on tire un trait dessus comme d’un cadeau de bienvenue. »
Car, il faut aussi compter avec les 790 millions de dollars de la vente d’armes en Angola, en 1994, les commissions de l’affaire Luchaire – la vente de 450.000 obus à quelques dollars l’unité en production, le double à la vente, livrés franco de port à l’Iran en guerre contre l’Irak, de 1982 à 1987 – l’affaire Pechiney-Triangle, l’affaire Vivendi, plus l’affaire des frégates de Taïwan, des mirages et missiles de Taipeh, la vente des sous-marins à Karachi, qui vient d’être évoquée. Etc. etc.
« Il y a en gros 20 milliards d’euros qui appartiennent à ton pays et qui se promènent n’importe où sans que tu en aies la maîtrise, « good-guy » ! Il serait temps que tu les retrouves et que tu payes les dettes de ton pays à l’Alliance, soit 15 milliards de dollars. »
Et le père du « chef », d’opiner… du chef…

Mais comment ?
« Ton administration est pourrie ! Une vraie république bananière, « old chap ». Tu te souviens d’AZF ? Pas ton usine d’engrais, mais le groupe terroriste ! »
Oui bien sûr ! Le président était « aux affaires », alors.
« Eh bien, contrairement à ce que tu crois, la rançon a été payée par ton gouvernement – et je peux t’en parler en toute connaissance de cause – mais sans que personne ne le sache ! Retrouve la trace de ce fric et tu trouveras la source ! »
Payée, payée, ce n’est pas ce qui a été affirmé au plus haut de la tête de l’État, au sein même du gouvernement, à cette époque-là. Et comment peut-il savoir tout ça, lui, avec tant d’assurance ?
« Et tu fais vite. Parce que je t’annonce aussi autre chose !
Le groupe Bilderberg en a été averti cette année pendant le dernier week-end de mai à Istanbul. Tu peux vérifier auprès de ton collègue des affaires étrangères, il y était.
Et nous ferons circuler discrètement l’information au prochain congrès de Davos.
»
Bush fils est interrompu par son père et un raclement de gorge. Le fils fait tourner son chewing-gum entre ses mâchoires, le regarde et reprend son discours :
« Il y a beaucoup trop de dollars flottant qui circulent de par le monde.
L’amorce de la crise qu’on veut majeure, doit en faire perdre de la valeur et provoquer la contraction des volumes. C’est déjà en marche depuis un an et nous ne lèverons pas le petit doigt pour l’arrêter. Avec un peu de chance, ça tombera après nos élections de l’année prochaine.
Alors tes avoirs en dollars, place-les rapidement en euros ou autre chose.
»
Junior parle évidement de la crise des subprimes. Ce qui fait hausser des épaules le président des français et lui fait lâcher un marmonnement prophétique du genre : « De toute façon, quand il faudra agir, que les gens attendront des plans d’urgence, on les mettra en place avant que tout ne s’écroule et on en profitera pour moraliser la profession ! »

Et le président français de revenir très vite sur le sujet du moment : « Ok ! Je ferai le nécessaire, mais laissez-moi un peu de temps. Disons… après votre crise annoncée ? »
Un an après, pas plus. Fin 2009 au plus tard.
Et le couple présidentiel américain accepte en échange de maintenir le calendrier et les engagements pris auparavant : ils ne risquent pas grand-chose, puisque de toute façon le mandat du fils aura pris fin avant cette date butoir.
L’entretien finit en apothéose pour le président français, sur le bateau de retour, avec une cynique leçon de morale.
« Méfie-toi aussi de ton épouse, man ! Tu sais, Al Gore aurait pu être élu à ma place si mon prédécesseur avait tenu sa queue dans son pantalon.
Les femmes, ce n’est pas bon pour la politique… Jette celle que tu as et prends en une autre !
»
Il y a des journées, comme ça, où on ferait mieux de ne pas se lever.

Cinq années de travail pour un résultat nul dès les premiers pas d’une nouvelle amitié américano-française naissante grâce à un président « complice ».
Charles Almont est furieux en apprenant le contenu des entretiens… C’est le moins que l’on puisse dire !
Et ce, avant même d’avoir rencontré son supérieur hiérarchique, lui-même particulièrement remonté après son entrevue d’avec les responsables du département d’État !
C’est dire après.

Il faut absolument remettre la machine en marche, refaire ce qui a été fait avec le précédent locataire de l’Élysée, tout faire pour remettre ces « fucking-boys » de mangeurs de grenouilles sur le droit chemin !
Autrement dit, faire monter la pression.
Le service devient rapidement un chaudron bouillonnant. Les nouvelles instructions arrivent et il faut faire face en plein mois d’août, faire tourner la boîte à idées.
Des idées. Des idées et vite !
Le président français a besoin d’aide. Discrète mais comment la lui apporter sans relai ?
Car avec l’arrivée de la nouvelle équipe au pouvoir, on a perdu « Maeva », l’indispensable « oreille de Moscou » qui avait permis durant dix ans de suivre les évolutions du « château » élyséen.
Cette fois-ci, « Maeva » retourne en province, loin des allées du pouvoir alors qu’on avait eu tant de mal à la placer là où il fallait en toute discrétion !
Comment se rendre utile à ses « mangeurs de grenouilles » qui ne savent même pas ce qui se passe dans leurs propres services ?
Ils en sont jusqu’à perdre la trace des milliards de fonds secrets : une gageure à une époque où tout est traçable, surtout en matière d’argent !
Le service a même fourni les clés de la banque de compensation luxembourgeoise, Clearstream, d’abord à un journaliste, puis ensuite à un « petit-malin » d’informaticien de passage à Londres, placé en taupe chez le concurrent des avionneurs américains.
Ça l’avait fait mousser, côtoyer de vrais experts du renseignement et avait dégénéré en règlement de comptes entre les deux ministres français importants de l’époque.
Pas plus mal : Tout ce qui peut alors démolir « Pindevil » est bon à prendre. Et à la veille des élections françaises, ça cadre assez bien que celui-là ne puisse pas faire de l’ombre au « petit-protégé ».
« Petit », il en fait une maladie jusqu’à se prêter à un photomontage où il toise le président Bush qui lui rend bien deux têtes et en a bien rigolé, sur le coup, de ce côté « prêt à tout » pour servir les desseins du pays.
C’est dire l’extraordinaire complexe du bonhomme…
Voyant que ça ne produit pas les effets souhaités, l’agence fournit même un listing papier de plusieurs kilos à la DNEF , par l’intermédiaire d’un cabinet d’avocats fiscalistes implanté dans une des tours de La Défense. Les types font leur boulot moyennant une remise gracieuse des redressements dont est victime leur client, une compagnie américaine, mais ce con de ministre du budget à l’époque, début 2007 , a refusé de les utiliser : Et ils sont passés à la broyeuse sans même avoir été examinés en profondeur.

Le toujours sous-directeur Almont rend donc sa copie à sa hiérarchie dans le courant du dernier trimestre 2007 : Un plan alambiqué dont il suffirait d’actionner les leviers au fil des opportunités.
La première des choses est de replacer un « contact » utile à l’agence auprès du nouveau président français.
La seconde est de refiler, par un nouveau canal, les traces des circulations de fonds suspects.
La troisième est de faire rouvrir une enquête de fond par un service qui n’est pas « mouillé ».
Ni les flics locaux, ni les services du pôle financier, ni ceux des services fiscaux ou des douanes, capables de laisser passer n’importe quoi au fil des « fuites ».
Leur justice, directement ?
Et d’en contrôler le déroulement afin qu’avant l’échéance de fin 2009, l’Otan retrouve ses fonds, que les milliards divagant soient de nouveau sous contrôle des autorités légitimes françaises !
Bien sûr, le tout discrètement, sans qu’on ne puisse jamais remonter à l’agence et encore moins au service.
Le quatrième, mettre la pression de façon anonyme.
Après, c’est l’affaire des « attachés d’ambassade » de faire passer des messages subliminaux aux autorités françaises.

Un an de galère.
Dès novembre 2007, le nouveau « canal habituel » est dans la place. Ah ! Les bienfaits des « idiots utiles » de Lénine : s’ils n’existaient pas, il aurait fallu les inventer !
Ça fonctionne discrètement et par relais. Avec parcimonie au début, mais correctement dès le second trimestre 2008 : une chaîne opaque, insoupçonnable même, qui fait remonter les « états d’âme » du président, ses sujets de préoccupation du moment, via une agence de communication française à capitaux américains.
À ne pas trop bousculer et surtout à n’utiliser que dans un sens : pas question de se dévoiler en le faisant agir ! Ou alors exceptionnellement…
Et ça reste encore du domaine réservé de l’état-major de l’Agence…

Le second est plus compliqué à mettre en place et n’a pas le résultat escompté. Mais c’est désormais une affaire publiée dans la presse, confirmée par leur ministre du budget en 2009, le procureur de la république de Nice, le « juge en solex » de la riviera azuréenne et la justice helvétique : la chasse aux comptes frauduleux mérite d’être racontée.
Il a suffit pour ça de quelques « brèves de comptoirs » dans le salon d’un hôtel de Genève.
L’honorable correspondant local de l’agence « travaille » depuis quelques mois un informaticien franco-italien, Hervé F. qui peut devenir un informateur, décrit comme « vivant dans son monde » à part à lui, fait de bits et d’octets, d’algorithmes et de fonctions booléennes.
Le type est soucieux de ne pas commettre d’illégalité dans son travail pour une des grandes banques mondiales sino-britannique. Il s’épanche et s’ouvre à « son ami » de l’existence d’écritures qui ressemblent fort à du blanchiment d’argent.
« Je redoute que les procédés utilisés par ma banque aient pu contribuer à la crise financière ».
Rappelons que la « crise des subprimes » débute au deuxième semestre 2006 avec le krach des prêts immobiliers (hypothécaires) à risque aux États-Unis (les subprimes), que les emprunteurs, souvent de conditions modestes, ne sont plus capables de rembourser.
Révélée en février 2007 par l'annonce d'importantes provisions passées par l’employeur d’Hervé F., elle s'est transformée en crise ouverte lorsque les adjudications périodiques n'ont pas trouvé preneurs en juillet 2007, justement.
Compte tenu des règles comptables en cours, il est alors devenu impossible de donner une valeur à ces titres qui ont dû être provisionnés à une valeur proche de zéro.
En même temps, les détenteurs ne peuvent plus liquider leur créance. La défiance s'installe envers les créances titrisées (ABS, RMBS, CMBS, CDO) qui comprennent une part plus ou moins grande de crédits subprimes, puis envers les fonds d'investissement, les OPCVM (dont les SICAV monétaires ) et tout le système bancaire, susceptible de détenir ces dérivés de crédit.

Cette crise de confiance générale dans le système financier cause une première chute des marchés boursiers à l'été 2007 provoquée par un arrêt temporaire de la spéculation.
Le trouble est désormais localisé dans le marché interbancaire qui permet le refinancement au jour le jour des banques.
La méfiance dans la liquidité des « collatéraux » et l'incertitude sur la localisation des titres contaminés bloquent progressivement les relations interbancaires et commencent à mettre en difficulté nombre de banques à travers le monde : c’est le « plan bush » qu’il évoquait sur le bâtiment de la « Coast-Guard » en début du second semestre 2007.
Les autorités font d'abord mine de ne pas vouloir croire à une crise de liquidité bancaire et les banques centrales ne cessent d'injecter massivement des liquidités dans le marché interbancaire.
Le feu va ainsi couver jusqu'à ce que les premières faillites apparaissent, puis gagnent les premiers rôles de la finance internationale en septembre 2008.

Hervé F. est alors mûr pour « considérer avoir un rôle à jouer ».
Il ne faut pas beaucoup le pousser pour qu’il détourne 127.000 noms, comptes, adresses, pour plusieurs millions de lignes d’écritures et passe en France avec ses DVD qu’il remet, non pas aux autorités fiscales du pays, mais au Procureur Général de Nice, sur les conseils avisé de son « ami de Genève » : c’est qu’il s’agit aussi de toucher une prime d’aviseur sur l’argent éventuellement récupéré sur les fraudeurs du fisc.
Il ira même proposer ses informations au fisc italien, le tout avec l’appui plus ou moins clair de sa maîtresse.
Le juge peut lui assurer une protection judiciaire s’il est convaincant, pas les services fiscaux de ce pays qui avaient benné les précédents listings.
Et celui-là, n’y connaissant pas grand-chose en matière financière, saisit le SNDJ à qui il transmet les DVD accompagnés d’une commission rogatoire d’ouverture d’enquête.
À Langley, on croit un temps que cette fois-ci, c’est bon.
Et, contrairement aux attentes, voilà ces « bastars of froggies » de garder l’ensemble pour eux, tout en essayant d’extraire à peine trois à quatre mille noms de résidents français que le ministre du budget exhorte à se dénoncer avant le 31 décembre 2009.
Un coup pour rien : Jamais le listing n’aurait dû être utilisé à ça et encore moins à « moraliser » l’activité bancaire.
En décembre 2008, le franco-italien est poursuivi par son ex-employeur pour vol de données informatiques. Convoqué à Genève, il est relâché l’après-midi même en possession d’un sauf-conduit.
En fait, c’est deux millions de comptes et des milliers de milliards d’opérations qu’il faut éplucher à travers le monde pour retrouver les fonds secrets des français. Le NSA s’en est fait une de ses spécialités au fil du temps avec son programme « Promis », mais sans vraiment aboutir clairement.
Un travail titanesque pour l’éventuel enquêteur des français ! Quasiment impossible pour un homme seul, pas soutenu, et même, peut-être, pour un service complet en plusieurs mois…

Le troisième point de l’opération quant à lui n’avance pas très vite, pendant ce temps-là. L’affaire « Clearstream » qui est un des points clés d’entrée dans le dispositif, est détourné de son objectif initial, jusqu’à accuser le président français sortant d’avoir des comptes nippons. La piste est bonne, mais il n’y a pas de comptes japonais : un flop.
À ce moment-là, on est déjà fin 2008, et en parallèle, Almont et l’agence comptent plutôt sur le quatrième point qui doit faire bouger les choses.
C’est « l’épisode des balles » de 9 mm.

Opération « Juliette-Siéra » (III)

Troisième chapitre : Panique à l’Élysée !

Avertissement : Ceci est un roman, une fiction, une « pure construction intellectuelle », sortie tout droit de l’imaginaire de son auteur. Toute ressemblance avec des personnages, des lieux, des actions, des situations ayant existé ou existant par ailleurs dans la voie lactée (et autres galaxies), y compris sur la planète Terre, y est purement, totalement et parfaitement fortuite !

D’accord, c’est une idée stupide, mais comme les choses ne bougent pas depuis plus d’un an, on se décide, à l’agence, à refaire le coup du « groupe AZF ».
Avec une autorisation de la « Maison Blanche », sous forme de carte blanche. Le président Bush ne gère plus que les affaires courantes, se fait tirer l’oreille pour sauver l’économie mondiale après l’avoir soigneusement laisser courir à sa perte sans lever le petit doigt, au moment des faillites bancaires.
Côté français, comme tout le monde, on attend l’arrivée du Président Obama avant de prendre une décision sur quoique ce soit, malgré les relances répétées des « ambassadeurs », notamment le jour des vœux de 2008 à l’Élysée et par la voie militaire hiérarchique autorisée du commandement unifié de Bruxelles. On conçoit alors à l’agence un « plan soft » qui consiste, d’une part, à réactiver la connaissance du réseau AZF et, d’autre part, de faire croire à des menaces bien réelles sur la sûreté des personnes VIP.

Il convient de rappeler que le groupe AZF est le nom d'un groupe armé qui a menacé d'attentats le réseau ferroviaire de la SNCF début 2004 (avec une demande de rançon de 4 millions d'euros et de 1 million de dollars US).
La police tchèque, a également tenté de faire face, en mars 2003, au même type de chantage dans la région d'Olomouc, d’où l’idée de reprendre le nom de ce groupuscule non-identifié, en France.
À l’époque, plus de 10.000 cheminots sont mobilisés pour examiner les 32.000 km de voies que compte le réseau ferré français.
Une première bombe est retrouvée sur la ligne Paris-Toulouse dans la commune de Folles au Nord de Limoges, sur les indications du groupe terroriste. Elle contient un mélange de 2,5 kg de fioul et de nitrate d'ammonium de même nature que dans l’usine explosée en 2001 du groupe chimique homonyme dans la banlieue de Toulouse, la ville rose.
Elle est retrouvée juste à côté d'un embranchement d'un petit bout de voie ferrée de 5 km vers le secteur du stockage de l'uranium de la COGEMA à Bessines.
Pas par hasard…

La police, au courant de l'existence de ce mystérieux groupe terroriste, le contacte par petites annonces codées publiées dans certains grands journaux comme Libération.
C'est un journal du Sud-ouest, la Dépêche du Midi, qui révèle l'information en février 2004, juste au moment des élections régionales.
Une deuxième bombe est alors retrouvée près de Troyes, à Montiéramey en pleine campagne près du bois du Grand Orient, peu avant que le groupe annonce une trêve unilatérale (le 24 mars 2004).
Le communiqué d'AZF annonce que : « conscient de ses faiblesses technologiques, logistiques et autres, AZF suspend son action durant le temps nécessaire pour y remédier… Sans rancune et à bientôt ! », après avoir expliqué que ses équipes étaient « mises à l’abri » et qu’une première tentative de remise de rançon ait échoué.
En octobre 2004, un groupe AZF, sans qu'il soit possible de déterminer s'il s'agit du même, menace plusieurs sociétés agroalimentaires, parmi lesquelles le limonadier Coca-Cola, d'empoisonner leurs produits si une rançon ne lui est pas remise. Des « idiots utiles »…

Le 24 mars 2005, il est fait état de nouvelles menaces du groupe AZF pour mai 2005 en vue d'une extorsion de fonds.
Le groupe terroriste change la forme de son logo et envoie ses menaces avec un détonateur à la présidence de la République et au ministère de l'Intérieur. Encore des « idiots utiles ».
Et le 18 avril 2006, un engin artisanal qui pourrait avoir quelques points communs avec le deuxième type de bombes décrit par le premier groupe AZF dans une de ses lettres, est retrouvé sur la ligne TGV à St-Sylvain d'Anjou.
Une belle opération, comme de remettre la piqûre de temps à autres aux dirigeants français amnésiques de l’époque.

Il est décidé de procéder en plus personnel et plus ciblé. Il serait risqué pour les équipes du service des opérations de refaire la même opération à l’identique.
En février 2009 des balles 9 mm sont mis sous enveloppes et adressées à des personnalités politiques diverses. L’ex-premier ministre, Maire de Bordeaux en a reçu une accompagnée d’un courrier proférant des menaces de mort à son encontre.
Le président lui-même aussi, mais tout autant Christine Al-Banel, Michèle Elliot-Morie et Rachadi Tati, Frédéric Lorfèvre, Christian Van-Neste, Jean-Paul Al-Duy, D’Jacques Noir, toujours avec le même message : « Ministres, députés, sénateurs pourvoyeurs de lois liberticides, et fascistes... Vous n'êtes que des morts en sursis ».
Même Raymond Coude-air, qui n’est pas visé par l’agence en reçoit une : La police finit par arrêter un informaticien dénoncé par sa femme jalouse et pour le moins mentalement déséquilibrée, qui sera mise hors de cause par la suite.
Comment, pourquoi ? Mystère pour l’agence. De toute façon, il n’a rien à voir avec cet épisode.
Notons que pour brouiller les pistes, et là encore en usant des « divines opportunités », des petits malins en font autant à l’automne 2009 auprès de leurs élus locaux et nationaux.
Ils se font arrêtés très rapidement et mis au secret avant jugement pour leur remettre un peu de plomb dans le crâne.
Une seule balle a été interceptée venant de Lille, émanant des services, un peu pour disculper tous ces « idiots utiles » qui se réveillent un beau matin avec une idée stupide à copier qu’ils mettent à exécution en amateur, beaucoup pour « reprendre la main ».
Il faut être définitivement « pro » pour ce genre de choses.

C‘est qu’en début d’été puis en août 2009, enfin, le président français convoque ses chefs de la police pour leur passer un savon : « Ces menaces sont intolérables ! Il faut y mettre fin ! »
Et la « petite voie » de l’étranger, un peu auparavant au moment de la garden-party élyséenne du 14 juillet, de façon très brève, réussit un peu par miracle à se faire entendre : « Souvenez-vous, Monsieur le Président, de ce qu’il vous a été dit, il y a deux ans de ça ! Votre administration est gangrénée jusqu’à l’os ! »
Surpris, le président répond : « De quoi parlez-vous, votre excellence ? »
« De vos engagements vis-à-vis de mon pays. Les hommes passent mais les nécessités demeurent. Croyez-moi, votre police n’arrivera à rien, il vous faut des hommes neufs ! »
Le court échange est interrompu par l’arrivée d’un nouvel invité. Mais il ébranle le président qui en touche un mot, un peu paniqué, à son entourage dès le lendemain.
« Ces américains son têtus. Ils nous annoncent des dizaines de milliards comme s’il en pleuvait, on cherche depuis deux ans sans rien trouver ! Claude, s’il s’agit de rembourser la dette supposée envers l’Otan, et on n’a même plus six mois pour en finir avec cette galère-là ! »
Il faut dire qu’entre-temps, les services de renseignement intérieur sont réformés et unifiés, les bases de données synthétisées, mutualisées et dirigées par des hommes de toute confiance, le tout orienté vers la recherche de la « cagnotte oubliée » et l’ensemble chapeauté par un « Maître » des réseaux placé à l’observatoire de la délinquance.
Pas de trace de fonds secrets : même le « grand couillon » ne sait pas comment ont été débloqués les fonds pour la libération de Claustre, des pilotes abattus en Yougoslavie, des faux époux Turange, des journalistes enlevés au Liban, des ONG divers se faisant kidnapper en brousse, etc.
Il affirme que, quand il est à la présidence, il n’y avait pas de cagnotte et que les fonds spéciaux sont tirés sur des comptes du Trésor ouverts à la Banque de France, même en ce qui concerne l’épopée AZF. Alors des dizaines de milliards, n’en parlons même pas… Même si les grandes-gueules de l’état-major ont fait état depuis 1995 de fonds détournés des opérations de la première guerre du Golfe. « On a enquêté, discrètement bien sûr, d’autant mieux qu’ils ont dû se servir d’un vrai casse-couille pour dénoncer en 98 ces soi-disant détournements. Mais souviens-toi, j’étais un peu aveugle et sourd à cette époque, bataillant avec le premier ministre d’alors qui semble avoir fait la sourde oreille lui aussi… »
Ils en parlent pourtant longtemps ensemble. Et il est convainquant, le bonhomme.

En revanche, du temps où il n’était que premier ministre, sous Cisgard, il affirme qu’il y avait des fonds secrets, alimentés on ne savait pas trop comment. Pour partie par des prélèvements sur le budget de l’armée, et pour une autre partie sur celui de l’intérieur, vraisemblablement.
Quand il avait été premier ministre lors de la première cohabitation, ce n’était pas de son ressort. Mais tout le monde se souvient du débat télévisé d’entre-deux tours avec le président sortant, à propos de la libération des otages du Liban : « Vous êtes un menteur… Monsieur le premier ministre ! »
Les deux hommes savaient de quoi ils parlaient et l’exclu de la compétition présidentielle savait qu’il ne pouvait pas lancer « sa bombe » sur l’affaire des fonds secrets : c’aurait été de toute façon trop tard et ça aurait pu nuire, en plus, à ses ambitions avec des retombées à trop court délai pour les maîtriser. « On était en 88. L’affaire des fonds éventuellement détournés, c’est dix ans plus tard ! »
D’autre part, comme il ignorait l’origine desdits fonds, il ne pouvait alors émettre seulement que des supputations invérifiables : un mauvais plan contre son adversaire politique du moment qui l’aurait balayé d’un revers de manche dans les oubliettes de l’Histoire !
« Un désastre en perspective s’il avait été plus loin dans ce sens… », confie-t-il à son discret visiteur de quelques soirs.
Il devait se taire sur ce coup-là !
Et quand, sept ans plus tard, il est devenu Président à son tour, il ne s’en est même pas préoccupé : « L’intendance, tu sais, ça m’emmerde ! »
Son second premier ministre, d’alternance et dans la foulée de la dissolution ratée, a normalement mis fin à l’existence de ces fonds secrets.
« De toute façon, il n’y avait que quelques millions de francs, plus, sans doute au PS, les restes des Urba et compagnie, pas des milliards de dollars ! »
Alors quid ?
Voilà une affaire qui a tout pour tourner à la panique, au début de l’été 2009. Il faut absolument faire quelque chose de positif.

C’est là, qu’on suggère à « canal habituel » de… suggérer, au moment opportun et sans avoir l’air d’y toucher, une enquête de l’armée, puisqu’elle semble au courant, pas de la police ou des services de sécurité, ni du fisc.
« Bonne idée ! Au moins je ne serai plus emmerdé par tous ces moins que rien de petits cons ! »
D’une pierre deux coups : on fait savoir aux américains qu’on met un autre service sur cette affaire, « des honnêtes » loin du marigot parisien, de préférence piloté par le meilleur parmi les meilleurs et ils pourraient ainsi vérifier la bonne foi du président.
Lui a d’autres urgences, ses réformes, le grand emprunt, la relance.
Le surlendemain, le chef d’état-major de l’Élysée prend ses ordres auprès du secrétaire général.
Surprise du bonhomme : Il doit aller chapeauter une mission de renseignement sur quelque chose qui n’existe pas, à en créer une cellule spécifique au nez et à la barbe d’un ministre qu’il ne faut pas mettre au courant non plus, trop chatouilleux quant à son domaine de compétence !
C’est dire l’état mental du patron…
Et avec des hommes neufs, en plus !
Le pauvre secrétaire général, s’il avait su que depuis la dissolution des groupes spéciaux, la fermeture d’Aspreto suite au couac de Greenpeace dans l’hémisphère sud, il n’y a plus que le GIGN, parmi les militaires, capables de mener une enquête digne de ce nom sur le territoire, alors même que ce n’est pas leur mission essentielle…
Et encore, ceux-ci relèvent du ministère de l’intérieur après la fusion définitive programmée à d’ici quelques mois !
Ministre qui passe justement à la Justice après avoir été le ministre des armées et de l’intérieur au passage…
Un bel imbroglio politique en perspective et avec que des egos surdimensionnés en plus !

Son collègue du ministère de la défense est un peu surpris sur le moment quand on il lui raconte cette histoire-là. Réunir une équipe d’enquêteurs pour retrouver de l’argent détournés 20 ans plus tôt ? Et par qui ? Et comment ?
« Le problème n’est pas tant l’enquête ni ses résultats, me semble-t-il. Ce serait plutôt de sélectionner un agent compétent qu’on va placer en première ligne sur un siège éjectable. Mais je t’avoue qu’il s’agit peut-être d’une opportunité… »
Et son ami, pour en plaisanter, tout à la rigolade de cette idée stupide et légère du moment de ce monde « des politiques » qu’ils sont censés servir tous les deux, de répliquer : « Un pilote de chasse alors ! »
Tout deux en rient de bon cœur.
Qui va-t-on envoyer à l’abattoir qui paraisse suffisamment sérieux et compétent pour plaire aux alliés américains à qui l’on devait bien ça, qui ne soit pas une grosse perte pour la « grande muette » en cas d’échec plus que probable ?
« D’autant mon ami, que si par hasard ces fonds existent encore, car on peut en douter puisqu’aucun service de police n’en a retrouvé trace, c’est que, soit, ils sont bien cachés et je ne vois pas comment notre homme parviendra à les débusquer, soit, ils sont protégés par un dispositif très efficace. »
Et son collègue étoilé de rajouter : « Et comme Icare s’approchant trop près du soleil de toutes les vérités lumineuses, il s’y brûlera forcément les ailes, ton pilote de chasse. »
« C’est tout à fait ça ! »
« Ton dossier sent vraiment le soufre et je ne sais pas si je veux en savoir plus, sur ton cadeau ».
Ils conviennent, après avoir devisé, que l’état-major chercherait un nom à proposer au ministre dans la semaine, parce qu’effectivement, dans les rangs des officiers supérieurs, de toute la hiérarchie militaire même, jusqu’à l’union des sous-officiers, tout le monde est plus ou moins au courant de l’histoire de ses fameux fonds dérobés et introuvables depuis deux décennies !
Et chacun, pour mieux refiler la patate chaude à leur propre secrétariat.
Huit jours d’été passent et toujours rien.
Justement, ça s’énerve sévère au « château », au moment ou se rajoute l’épisode des balles reçues par la poste !
Un coup de téléphone plus tard, les deux hommes se retrouvent place Saint-Augustin au cercle interarmées.
« Ça s’impatiente au sommet de « l’Etna » (terme désignant le « château »). Qu’as-tu à proposer, même d’un peu sous-dimensionné ? »

La pêche est maigre. Les officiers pressentis n’aiment pas se mêler des affaires des civils et encore moins de celles de « basse-police ».
« J’ai une ribambelle de sous-officiers sous le coude, un peu désœuvrés, que ça ne gênerait pas du tout de faire la nique à la poulaille du pays, mais ils n’auront pas assez d’imagination pour être efficace. Pas crédible !
Et comme j’imagine que ton chef n’appréciera pas qu’on se moque de lui, je ne te les présente même pas. J’ai aussi quelques officiers subalternes d’active, mais franchement, ils ont tous un empêchement. »
Et le général d’ouvrir son porte-document.
« Celui-là est dans le collimateur soupçonné de tremper dans de la resquille de matériels. Je ne te le conseille pas.
Cet autre me semble être assez débrouillard et honnête, mais son chef de corps ne veut pas s’en séparer dans ses montagnes afghanes. C’est vrai que ça demanderait de rapatrier toute son unité alors qu’ils y font du bon boulot.
Celui-ci est un marin qui est obnubilé par sa femme qu’il suppose lui être infidèle. Il faut dire qu’on peut la comprendre, il lui tape dessus !
»
La crème…
« Franchement je ne vois pas ! Après on tombe dans les psychorigides ! Là encore, je ne me vois pas te refiler un gars comme ça, lancé sur la piste d’argent détourné sans que ça ne nous revienne pas en boomerang un beau matin ou un autre : affaire trop sensible. »
« Et celui-là ? »
« Il est à l’hôpital.
J’ai bien des officiers de réserve, mais, soit ils sont physiquement inaptes ou indécrottablement rangés dans le civil à gérer des affaires de congrégations, fondations ou autres, soit ils sont soupçonnés de travailler aussi pour des puissances étrangères !
»
Comment ça ? « On a de la « crème de traître » dans nos rangs ? »
Ce n’est pas ce qu’il veut dire : « Tu prends celui-là. Il est patron d’une usine de munitions dans l’Ardèche. Un bon élément. X-Sup-Aéro, anciennement pilote de chasse dans l’aéronavale, il gère une de nos fondations arrières dans le grand sud, et deux ou trois autres bricoles personnelles, dont un business d’enquête et de sécurité des personnes, mais on pense qu’il vole pour les américains ! »
« Il vole quoi ? Des secrets-défenses ? »
Pas du tout : « Il vole pour des missions spéciales pour les américains, en avion ! Voler, pas voler » fait-il en écartant les bras puis en singeant un pique-Pocket.
« Non, c’est un grand patriote de confiance, à n’en pas douter, mais je ne te l’enverrai pas : il a eu des problèmes qui lui ont valu une interdiction de vol sous nos couleurs, en même temps qu’une citation à la flotte. Plus la médaille du Congrès américains ! Un cas à part ! »

Après avoir réfléchit une seconde, le chef d’état-major élyséen rebondit avant que son collègue du ministère passe au dossier suivant :
« Peut-être qu’au contraire c’est notre chance. Bien vu des ricains, un « X », un militaire, médaille de leur Congrès… Il est presque parfait ton bonhomme ! »
« Justement, je t’interromps ! On n’a plus beaucoup de polytechnicien sous l’uniforme. Et celui-là aurait pu finir amiral s’il ne nous avait pas collé sa démission juste après avoir été promu capitaine de corvette. Faut dire qu’il avait été affecté à la DRM en surveillance du site de Mururoa. De quoi te filer le bourdon durablement et de repartir dans le civil au galop.
On ne va pas non plus le sacrifier, même si ce n’est pas un bon numéro ! Un « X » qui conduit une usine de munitions et de missiles sous licence EADS et Safran, on en a besoin, mon ami !
»
Et celui-ci tourne sa langue dans sa bouche et répond :
« Moi, je veux bien, mais réfléchis une seconde : les informations que notre police ne trouve pas, elles pourraient venir des américains qui ont des prétentions sur le sujet plus que solides. Eux semblent savoir des choses qu’on ignore ici-même alors que ça nous concernerait ! Moi, je veux bien » répète-t-il, « mais ce serait peut-être une façon de savoir ce qu’ils ont dans leur froc, ces emmerdeurs-là ! »
Effectivement, bien raisonné.
« Encore faut-il qu’il accepte, ce type. Il aura peut-être des exigences si on veut s’assurer de son concours. Tu n’imagines quand même pas qu’un « X » va se lancer comme ça dans une enquête à siège éjectable ! »
D’un autre côté, il a appris à s’en servir, des sièges éjectables…
« Et puis, il faudrait que les américains le sachent sur le coup, sans ça, on va prendre du retard à l’allumage. »

Ils examinent ensuite d’autres fiches, mais c’est sans résultat. Le seul qui sort du lot, ça reste cet aviateur-marin sans aile. Un cas à part, en effet.
Les deux hommes conviennent de préparer un dossier complet sur ce type-là avant d’avertir leur homme.
Il faut quand même que la hiérarchie de l’Élysée en accepte l’idée au préalable.
Délai, deux trois jours, pas plus.

Opération « Juliette-Siéra » (IV)

Quatrième chapitre : Le retour de Charlotte !

Avertissement : Ceci est un roman, une fiction, une « pure construction intellectuelle », sortie tout droit de l’imaginaire de son auteur. Toute ressemblance avec des personnages, des lieux, des actions, des situations ayant existé ou existant par ailleurs dans la voie lactée (et autres galaxies), y compris sur la planète Terre, y est purement, totalement et parfaitement fortuite !

« Et comment s’appelle-t-il, ce super-agent secret ? » demande le secrétaire général au chef de la place forte.
« Charlotte. C’est son surnom ! »
« Une femme ? » s’exclame l’autre.
« Je ne peux pas vous dire ce détail. Il ne s’agit que d’un nom de code… »
« Voilà qui va plaire au président, que ce soit une femme. Très bien ! Vous organisez ça en vitesse et en toute discrétion. Le président a un dîner en ville ce soir où sera présent l’attaché culturel. Il faut faire savoir sa décision à qui de droit rapidement, qu’on puisse passer à autre chose. »
« C’est que… ! »
Mais l’autre coupe court à toute objection en se levant pour lui serrer la main.
« Excellent travail général ! Excellent ! » répète-t-il en le poussant vers la porte. « Je savais qu’on pouvait compter sur vous ! Merci, vous pouvez disposer. »
C’est que… ça ne peut pas se faire aussi vite : l’homme n’est même pas au courant et est loin d’avoir accepté. Ou alors à des conditions dirimantes !
Dément, le mode de fonctionnement de « l’Etna ».
Maintenant, là, coincé derrière la porte qui se referme, il n’y a plus qu’une chose à faire : refiler très vite la patate chaude au collègue du boulevard Saint-germain.

Le lendemain même, Almont exulte, y croyant à peine ! « Charlotte ? » Pas possible !
La chance, cette petite part de baraka indispensable à toute affaire rondement menée à la réussite se mettrait-elle enfin de la partie ?
Ce n’est pas possible après cette série de guignes, de scoumounes, de contretemps, enfilée depuis des années, voire des décennies.
Bien sûr qu’on connaissait « Charlotte » dans le service. Un des rares « frenchies » accepté avec les honneurs sur le sol américain, médaille du Congrès au revers du veston ! Quelle veine.
Celui-là, il fallait l’aider à fond.
Et il commande immédiatement son dossier papier : pas question de laisser de traces sur les terminaux d’ordinateurs.
Le temps que la secrétaire remonte, il se remémore ce qu’il sait sur « Charlotte ».
Le nom de code de sa dernière mission au-dessus du sol afghan.
Ce jour-là, en 2002 ou 2003, il ne sait plus très bien sur le moment, une mission de pilonnage dans les montagnes tenues par les talibans, au nord près de la frontière pakistanaise, est effectuée par une patrouille de trois avions A 10, les camions à bombes américains basés à Kandahar.
Ils doivent stopper un convoi de munitions et de médicaments de rebelles partis du Pakistan.
La couverture aérienne est assurée par des mirages 2000 français, une patrouille de F 15 et le guidage est assuré par les superbes caméras qui équipent les super-étendards du Charles de Gaulle, faisant des ronds au large.
Après ravitaillement en vol de toute la flottille pour un minutage parfait, il s’agit de repérer la colonne motorisée qui chemine à travers les cols, et de l’attaquer en rase-mottes couvert par le relief pour bénéficier de l’effet de surprise : pas question de faire deux passages, ce qui implique une attaque directe et donc l’emploi à distance des caméras de l’aéronavale française.
Le tout couvert par un awacs et quelques drones en appui rapproché pour éventuellement finir le travail.
Les français repèrent et identifient rapidement le convoi en altitude. Le premier A 10 passe déboulant du versant opposé de la vallée et place ses munitions sur la tête de colonne.
Le second poursuit le travail sur la queue de colonne et le troisième, à moins d’une minute, déverse sa cargaison sur le reste des insurgés pris en tenaille par les deux incendies.
Par mal chance, les talibans tirent sur le deuxième avion à l’arme légère, réagissent vite et le troisième se prend deux Sam 7 dans le sillage.
Il évite l’un, mais pas l’autre qui n’abat pas son appareil, mais le met à mal avec un moteur en rideau. Pas possible de reprendre de l’altitude et de ne pas prendre le risque, sur le chemin du retour à vitesse réduite, de rencontrer d’autres tireurs dans les montagnes.
La patrouille des français en altitude moyenne, hors de portée des Sam, et tous les autres appareils sont évacués vers leurs bases respectives, laissant se débrouiller seul l’oiseau blessé : un ordre, c’est un ordre.
Pas pour le lieutenant de vaisseau de Bréveuil qui va en amont reconnaître le terrain et guide le A 10 via l’Awacs.
Le vol se poursuit vers un aéroport de dégagement mis en alerte, jusqu’à ce que le A 10 fasse un atterrissage forcé à quelques 15 miles du site, faute de kérosène : ça consomme beaucoup plus à basse altitude et les plans de vol ne permettent qu’un retour à 20.000 pieds minimum.
Le super-étendard n’a plus qu’à rentrer sur Kaboul en mode économique, après avoir fait un point GPS à la verticale du pilote. Qui lui fait signe que tout va bien après s’être extrait de son cockpit.
C’est là que les choses tournent grave et sans le pilote français, il y aurait eu un otage de plus à aller libérer aux forceps ou un body-bag à ramener à sa famille.

Paul De Bréveuil refait un tour en prenant de l’altitude, et grâce à ses capteurs et caméras embarquées, repère un groupe de rebelles à portée de fusil qui s’avancent à vie allure sur leurs trois jeeps vers l’appareil au sol. L’alerte est donnée au pilote abattu qui répond qu’effectivement, on lui tire dessus.
« Charlotte » vire et refait un passage à basse altitude « pour faire peur ». À son tour, on lui tire dessus à l’arme légère, alors qu’il demande l’autorisation d’ouvrir le feu. Autorisation qui ne vient pas. Il riposte au canon, ce qui stoppe le groupe des jeeps, plus par l’effet de la peur que par la précision de son tir : Est considéré comme « tireur d’élite », un pilote qui met au moins un obus dans un carré de 5 mètres de côté au sol lors d’un tir en rafale…
Entre-temps, les F 15 de couverture sont sur zone et protègent le pilote à terre. Cinq minutes plus tard, l’artillerie du camp d’aviation dégage la zone à coup de salves guidées par les F 15 et des hélicos récupèrent le pilote une dizaine de minutes plus tard puis « finissent » les rebelles à la rocket et à la mitrailleuse : on l’avait échappé belle, sur ce coup-là.
« Charlotte » est rapatrié à son bord en avion de liaison depuis Kaboul, est mis aux arrêts de rigueur pour avoir ouvert le feu sans autorisation et avoir désobéi à un ordre formel, en temps de guerre, l’ordre du retour de la formation, émanant de son leader et du PC volant.

Le plus drôle aurait été l’appréciation de l’amiral du bord qui l’a interdit de vol.
Mais ce n’est pas vérifié. « Je ne peux pas garder sous mon commandement des olibrius qui se croient tout permis avec les avions que la marine leur confie… Mais, de vous à moi, j’aurai été à votre place, capitaine, j’aurai fait exactement la même ânerie ! Et mon chef en aurait été fier. »
Et de citer à l’ordre de l’escadre le lieutenant de vaisseau Paul de Bréveuil, entré dans l’histoire des forces aériennes et aéronavales des alliés et de la coalition, sous le nom de « Charlotte », le nom de code de sa patrouille.

Quand le dossier remonte, Almont sait déjà que cet « olibrius-là » est son homme.
Le bon cheval qu’il allait falloir pouponner pour qu’il arrive à ses fins.
Mais, compliqué le gaillard : Après sa démission de la marine, il est mêlé à l’affaire des vols de bijoux monstrueux de la guilde internationale des joailliers , fonde une société d’investigation et de télé-sécurité ayant son siège à Paris, « CAP investigation », avec, curieusement, deux associées, dont une est dénommée Charlotte et l’autre Aurélie !
Très drôle, ça : deux Charlotte pour le prix d’une…
Il est embauché et opère un temps chez EADS en qualité d’ingénieur, puis prend la tête d’une de ses filiales à capitaux familiaux comme la France sait encore en préserver.
Il gérerait également un restaurant installé sur une péniche en aval de Rouen, et un centre de repos dans le haut-var, géré, lui, sous la forme d’une fondation archéologique subventionnée, que l’agence suppose être un lieu de repli pour les militaires français traumatisés par les combats.
Un type qui n’affiche pas sa fortune personnelle qui le met pourtant à l’abri des tentations d’argent, très important ça quand il s’agit de milliards de dollars, après une opération immobilière faite au moment de sa sortie d’adolescence, semble-t-il.
Un pilote émérite aussi, volant depuis l’âge de 14 ans sur planeur, ayant eu son premier brevet amateur à 16 ans.
Il est de temps en temps appelé, tant par le NSA que par la CIA, pour exfiltrer « d’honorables correspondants » en zones « difficiles », selon un accord d’avec les ministères de la défense français et américains. La dernière en date étant celle d’un cubain et de sa famille que le régime castriste menaçait de « mesures coercitives ».
Il faut dire qu’il semble s’y entendre à se poser n’importe où avec son hydravion : le plus petit point d’eau lui suffirait.
C’était même vers la fin de l’année dernière, décembre 2008 et Almont avait vu l’avion sur le terrain attenant de Langley, sans savoir de quoi il retournait ni de qui il s’agissait.
En fait, il avait fait un vol depuis la France en passant par l’Islande pour repartir vers le sud.
Arrivé au niveau de Cuba, il a simulé une panne à l’occasion d’une dépression locale au large de l’île, pour se poser en urgence à Guantanamo AB.
Huit jours plus tard, il faisait un vol de nuit sous la couverture radar des castristes jusqu’à un lac central au nord-ouest de la base aérienne, le point de rendez-vous soigneusement choisi, et repartait par le nord-est jusqu’à Saint-Barth avec ses colis.
Même pas une embrouille !

Et là où l’agent spécial Almont se met à jubiler, c’est quand il apprend, à la lecture du dossier, que ce type-là avait fait un stage, obligatoire dans l’aéronavale de son pays, à Nellis Air-Force Base.
Où il avait piloté et s’était qualifié sur plusieurs types d’avions.
Normalement le stage est de 16 mois. Mais lui, l’avait fait en deux séjours de 8 mois. Et le NSA n’avait rien trouvé de mieux que de lui refiler entre les pattes une chanteuse de country locale, qui œuvrait dans les casinos de Vegas, pas vraiment ni une star ni même une vedette, et avec laquelle il s’était marié.
Oh pas longtemps ! Cette conne avait dû se révéler assez stupide pour le décider à demander le divorce au bout d’un mois, chose assez facile à obtenir à Las Vegas, sans doute après qu’il eut découvert son véritable employeur.
Ça remontait à l’année 1998. Pas remarié depuis : elle avait vraiment dû le décevoir grandement de la gente féminine, celle-là, sans ça, on aurait pu avoir une épouse modèle d’un ingénieur aéronautique qui aurait été et allait être utile.

Voilà le contact idéal qu’il faut à l’agence en qualité d’agent de liaison et rapidement en plus : il faut qu’Emily Lison renoue avec « Charlotte ».
Ce premier point acquis, il faut aussi forcer « Charlotte » à suivre les pistes que l’agence fera passer par l’agent Lison. Il pense tout de suite à un petit stratagème qui impose de réactiver une équipe de « pro » sur le territoire français.
Ça devrait marcher assez bien.
Reste justement à donner les dites pistes sans se dévoiler. Nom de code de l’opération ?
Deux lettres s’imposent, évidemment, le « J » et le « S ».
SJ ? JS ?
Juliet-Sierra ? Un pilote doit savoir décoder ça. On dira « Juliette-Siéra » pour franciser le sujet et brouiller un peu les pistes des éventuels pandores français du contre-espionnage.
Là-dessus, l’agent spécial Almont fait le nécessaire, par agents interposés.

Son collègue du NSA ne fait pas de difficulté : L’agent Lison est en stand-by depuis des années.
« Méfiez-vous, ce n’est pas une lumière ! » et d’expliquer le flop de son mariage, sans doute l’unique opération d’un peu d’envergure qui lui avait été confiée durant toutes ces années.
Et de lui raconter qu’elle n’avait travaillé pour l’agence que parce qu’elle avait levé un micheton élève-officier français en permission de stage sur le territoire. Ça, on sait déjà.
« Un bon élément, ce gars-là, apprécié des instructeurs à Nellis AB. »
Suit une appréciation générale qu’Almont a déjà lue dans le profil inclus dans le dossier de « Charlotte », avant qu’il ne reparte aux archives.
« Et comme il a volé sur des prototypes secrets, nous avons été conduits à faire une petite contre-enquête de vos services, à l’époque. C’est là que nous avons demandé quelques services à cette chanteuse.
Cette imbécile, non seulement elle l’épouse, mais en plus ne le garde pas pour le tromper incommensurablement. C’est qu’elle a le feu au cul, la petite chanteuse.
Bien sûr le service du contre-espionnage français, la SDECE, n’a pas manqué de le lui apprendre rapidement. Les services de son ambassade l’avaient à l’œil, sans doute ?
Vous savez quoi, agent spécial Almont, pour se dédouaner, elle s’est déballonnée auprès du pilote français en implorant sa clémence pour rester son épouse.
»
Bien sûr, ça a eu l’effet inverse : un officier français se mariant à une espionne d’une puissance étrangère, c’était dire adieu à sa carrière !
« Je vous la confie, mais méfiez-vous, c’est une véritable andouille ! »
« Pour ce que j’ai à lui faire faire, ça sera parfait, cher ami. »
« Nom de code de l’opération, s’il vous plait ? Pour les budgets ! »
Opération Juliet-Sierra, bien sûr !

En revanche, l’agent Lison commence par faire des difficultés dès le premier contact. Partir en Europe, ça ne cadre pas avec ses engagements de chanteuse qui croyait encore pouvoir devenir une star : Elle a son troisième disque à enregistrer à Los Angeles !
Deux coups de téléphone plus tard, le studio décale sa prise de son au début 2010…
Et puis, avec tout le pognon reçu en 11 ans au tarif de base du stand-by, plus le « cachet » qu’elle allait recevoir pour Noël 2009 si elle fait ce qu’on lui demande, elle pourra mettre en sourdine ses jérémiades.
Le surlendemain, elle est à New-York sur le vol d’Air-France en partance pour Paris avec ses instructions reçues à l’aéroport : Elle a huit heures pour les apprendre par cœur et les détruire.
Et par précaution, un agent d’ambassade doit l’accueillir à Roissy, la conduire à son hôtel et lui donner les dernières indications sur les adresses de « Charlotte ».

Pendant ce temps-là, au ministère de la défense nationale, on s’active. Il est envisagé que le chef de l’opération de « Isidore » sera le Général Jean Wimereux, qui ne comprend pas très bien de quoi il retourne et le contact de « Charlotte » le colonel Pierre Gabeaux qui n’en comprend pas plus.
Personne d’autre n’est dans la confidence du fond de l’affaire, même pas le ministre, que Paul De Bréveuil doit toutefois rencontrer entre deux portes pour légitimer « l’opération Isidore ».
Le ministre y tient, mis au parfum par l’Élysée.
Un nom, comme ça, qui voulait aussi dire « I comme Icare » pour avertir éventuellement le capitaine de corvette réserviste, au moment opportun, qu’il ne doit pas trop s’approcher du soleil du pouvoir !
Sait-on jamais ?
Une idée du secrétariat du « château »…

Paul reçoit sa convocation au siège social attenant à son domicile. Par motard.
Branle-bas-le-combat !
Le ministère répond enfin à ses demandes d’entrevue afin de fournir des fonds nécessaires aux recherches sur les céramiques !
Des mois d’efforts ainsi récompensés.
Il n’y a que ça pour justifier de cette convocation.
Après avoir averti Isabelle, sa principale associée dans la Manufacture Ardéchoise de Poudres, d’Explosifs et d’Armes, pour partager sa joie du moment, il réunit rapidement le dossier de l’avion en céramique sur lequel travaille le bureau d’études de l’usine d’Aubenas.
Il lui faut aussi une « escorte-girl » un peu affriolante pour faire mousser le projet. Sa secrétaire parisienne aurait pu faire l’affaire si elle n’avait pas eu son visage déformée et rouge vif habituel, résultat d’une réaction à un produit de beauté d’antan.
Isabelle ne pouvant être présente dans le court délai imparti, ils optent pour la fille aînée de la famille Nivelle qui justement est sur Paris, en stage au siège.
À condition qu’elle se mette sur son 31 et sur des talons hauts, tenue courte et décolleté profond mais discret, qu’elle fasse moins « pute » que d’habitude.

Quel ne fut pas le quiproquo !
Pendant que Paul et Sophie pénètrent dans la cour du ministère, boulevard Saint-germain, le ministre les espionne depuis la fenêtre de son bureau.
Ils sont conduits à travers un dédale de couloirs jusqu’à l’antichambre du Général Wimereux et le ministre sort de son bureau à l’improviste, déboule les escaliers et se précipite vers le bureau du général pour faire mine de passer en saluant Sophie avec un large sourire rayonnant.
« Charlotte, je présume ! Ravi de vous rencontrer », fait-il en lui faisant un baisemain style vielle-France, sans même un regard pour Paul, qu’il prend pour son garde du corps, tellement il est physiquement impressionnant.
« C’est que… ». Sophie et Paul sont debout et le ministre entre dans le bureau du général, sans même saluer Paul.
« Chut ! Je ne veux rien savoir », termine-t-il en refermant la porte.
Elle est forte celle-là, pense Paul en faisant signe à Sophie de se taire !
« Charlotte », voilà bien qui n’était pas prévu, ça.

Le ministre fait un tour en saluant les deux officiers supérieurs qui se sont levés d’un bon en voyant entrer leur ministre. Il leur dit qu’il les laisse à leurs affaires, mais qu’il a salué « Charlotte » comme convenu pour signifier que « l’opération Isidore » est légitimée par l’autorité politique.
Et il file par la porte de côté, passer un coup de fil au président.
« Alors ? »
« Jeune et mignonne la fille. Peut-être un peu trop jeune pour toi, trop grande aussi, mais très trrrrès mignonne. Pas pour toi à mon avis : tu n’aimes pas trop les blondes, je crois me souvenir ! »
« Ah ! Une blonde, encore ? » répond son correspondant avec un peu de déception dans la voix. « Très bien. Tu les laisses travailler et tu me tiens au courant. Merci à toi, et à plus ! »

Opération « Juliette-Siéra » (V)

Cinquième chapitre : Haute tension


Avertissement : Ceci est un roman, une fiction, une « pure construction intellectuelle », sortie tout droit de l’imaginaire de son auteur. Toute ressemblance avec des personnages, des lieux, des actions, des situations ayant existé ou existant par ailleurs dans la voie lactée (et autres galaxies), y compris sur la planète Terre, y est purement, totalement et parfaitement fortuite !

Il y a des moments magiques, comme ça, où le quiproquo fait bizarrement monter la tension.
Après le passage en coup de vent du ministre, les deux convoqués s’assoient, de nouveau, l’une se demandant pourquoi on l’appelle Charlotte, une méprise sans doute, l’autre se demandant dans quel traquenard il vient de tomber.
Un planton arrive du fond du couloir. « Si Monsieur veut bien se donner la peine. » Ils se lèvent.
« Non, pas vous Mademoiselle ! Vous pouvez attendre ici. »
Dur à avaler pour Sophie. C’est bien la peine qu’elle loupe son cours de rattrapage de comptabilité matinal pour si peu et se « déguise » de façon aussi sophistiquée !
Un affront presque. Une injure. Et Paul de perdre un atout : ça ne se passe pas comme prévu et il n’aime pas ça du tout.
Paul pénètre dans le vaste bureau sur cour.
Les deux officiers supérieurs, dont l’un, le colon, est en uniforme, l’invitent à s’asseoir dans l’un des fauteuils, tout en se demandant, tous les deux chacun pour eux-mêmes, comment un type aussi grand et « costaud » que lui, bâti comme un trois-quarts ailes, qui leur rend au moins une tête à chacun et quelques dizaines de kilos de muscle en plus, peut faire pour rentrer dans des cockpits d’avion de chasse et rester un prétendu as !
Poser un chasseur à 150 nœuds sur le timbre-poste que représente la taille du pont d’un porte-avion perdu dans l’immensité de l’océan, non seulement il faut être adroit et avoir un minimum de sang-froid, mais tout autant sinon plus, être très à l’aise dans ses manœuvres !
Peu importe : il faut attaquer le sujet.

Chacun se présente, excuse l’absence du ministre dont ils savent qu’il a salué le visiteur juste avant l’entretien et Paul ne laisse pas le temps aux deux autres de commencer la partie pour présenter son projet de céramique qui appuie ses demandes de subventions.
Le général le fait taire par un « Cher Monsieur, ce n’est pas le sujet » et redonne la parole au colonel.
Qui lui fait l’exposé de la mission dans ses grandes lignes.
Au bout de quelques temps, et après l’exposé du colonel, Paul prend la parole : « Si je comprends bien, mon général, mon colonel, vous me demandez de rechercher de l’argent qui n’existe pas, dont on ne sait rien depuis des années, ni d’où il sort, ni où il est, ni à quoi il sert, et sans même me dire ce que je dois en faire. »
C’est à peu près ça.
« En faire, en faire, on vous le dira après, quand on saura où il est et comment on peut le rapatrier en toute discrétion » intervient le colonel.
« Messieurs, attendez ! N’avez-vous pas quelques sbires pour faire ce boulot-là ? Je ne suis pas particulièrement compétent pour ce genre de recherche. Exfiltrer un agent en territoire hostile, ça je sais faire et je le fais même de temps en temps sous l’égide du gouvernement pour à peu près qui vous le voulez bien.
Gérer une usine perdue au fin fond de l’Ardèche, passe encore.
Administrer l’un de vos lieux de repos de nos guerriers de retour des théâtres d’opération, admettons.
Prendre en main un bureau d’études ou n’importe quelle administration un peu imposante, je sais faire : j’ai été formé pour ça.
Mais faire le guignol au lieu et place de la flicaille du pays, là, ça, je ne sais pas faire !
»
Il fallait s’y attendre.
« Mais si, vous savez faire : vous cogérez bien une agence privée de renseignement. Vous avez même coopéré avec la justice du pays en parallèle de la police judiciaire ! »
Évidemment, mais ça n’a rien à voir.
« Ça n’a rien à voir ! J’ai rendu service. Et par ailleurs, on n’y gère que des systèmes d’alarme et fait des filatures pour adultère. De temps en temps, on fait un peu de garde-du-corps rapprochée. Rarement des enquêtes ! On n’est même pas équipé pour ça.
Là, il va falloir d’immenses moyens informatiques, un régiment de spécialistes, des hommes prêts à tout pour vous ramener vos milliards.
»
La réponse claque : « On compte sur vous pour organiser tout ça ! »
Bé voyons !
« Et pourquoi vous ne le faites pas vous-même, mon général. Vous êtes au cœur desdits moyens ? »
L’objection est repoussée : « Parce que ce sont les ordres. Et nous sommes soldats, nous obéissons aux ordres ! »
« Sauf votre respect, mon général, si les ordres viennent du pantin que j’ai croisé tout à l’heure devant votre bureau, où vous n’avez pas de couille pour lui dire merde, ou vous avez fumé la moquette enroulée dans les rideaux du salon d’à côté ! »
Le tout est dit sans méchanceté, presqu’avec désarroi, que s’en est drôle.
Ils en rient d’ailleurs tous les deux, les officiers, au lieu de s’offusquer.
« Les ordres viennent de plus haut. »
Et alors ? Un ordre con, ça reste un ordre con.
« De beaucoup plus haut. Une personne à qui on ne dit non qu’accompagné de sa lettre de démission. »
Et Paul de se rappeler que : « Mais je vous l’ai déjà donnée, moi, ma démission, mon général ! »
Le Colonel Gabeaux rétorque : « Raison de plus ! Si vous l’avez déjà donnée, alors vous ne pouvez même plus dire non, Capitaine, et… devrais-je préciser… de frégate ! »

La frégate, c’est le cran d’au-dessus de la corvette.
Paul, en qualité de « X » est rentré directement dans l’aéronavale avec le plus haut grade des officiers subalternes, lieutenant de vaisseau. C’est un droit.
Au bout de 4 ans, c’est automatique, il passe « 4 sardines », avec le plus bas des grades des officiers supérieurs, même s’il n’est plus d’active, au rang de capitaine de corvette.
La carrière d’un « X », même fâché à mort avec l’uniforme, grimpe automatiquement avec le temps qui passe pour passer à « 5 sardines », or et argent, capitaine de frégate en milieu de carrière, et finir avec 5 en or au grade de capitaine de vaisseau le jour de la retraite, sans même avoir tiré un seul coup de feu.
Petits privilèges des élites de la Nation…
« Mon colonel, votre sollicitude me touche, naturellement, mais si j’ai démissionné, c’est justement pour ne plus avoir à accepter des ordres stupides qui vous ruinent la vie d’un homme. L’armée, la marine, je lui dois d’avoir volé sur des avions exceptionnels. J’y ai pris vraiment beaucoup de plaisir, au-delà de toute espérance. Mais j’ai aussi reçu une formation d’élite et me dois de servir mon pays au mieux et selon mes compétences avérées. Or, là, je suis incompétent ! »
La réponse est quasiment sans appel :
« Il n’empêche, commandant, les choses sont claires. Vous ne pouvez pas refuser où il faudra fermer votre usine d’Aubenas qui ne vit que par les commandes publiques ou les autorisations d’exporter que nous délivrons dans ce ministère, ici même.
Combien de temps tiendrez-vous sans licencier ?
Vous venez quémander des subventions de recherche. C’est ici que se décide une partie des programmes de recherche sélectionnés par le comité « Grand emprunt
».
Le ton est subitement plus ferme…
« Et puis soyons clairs, nous aussi : si on vous confie cette mission, c’est parce qu’il est hors de question de mener les investigations nécessaires avec nos propres services.
Vous l’avez sans doute déjà pressenti : nous ne sommes pas des supplétifs de basse-police ou des barbouzards des services d’espionnage, vous pensez bien. Or, eux ont échoué et il n’y a plus que vous pour être qualifié.
Un, parce qu’on vous sait honnête, vous pouvez garder la tête froide face à d’éventuelles montagnes de milliards de dollars ; deux, personne ne peut vous soupçonner d’être en service commandé et c’est un atout indéniable ; trois, vous êtes assez intelligent pour pouvoir vous débrouiller sans tout l’arsenal des moyens techniques trop visibles si on les mobilise d’un bloc !
»
Le colonel se garde bien d’énoncer le « quatre » : parce que les américains peuvent lui donner un coup de main, le chef d’état-major l’avait assuré.
« Ces moyens, vous en disposerez à votre guise par mon intermédiaire, mais ce sera avec parcimonie et discrétion. Ce que je ne peux pas faire autrement sans vous déléguer la mission. Et là, je compte tout spécialement sur un officier de votre rang, capable de faire la part des choses pour ne mettre en difficulté ni le pays, ni son appareil d’État !
Me suis-je bien fait comprendre ?
»
Pas tout à fait, mais admettons.
Paul se rend compte que ces galonnés-là mettent en balance la Manufacture et les petits avantages que ça représente, avec la notion d’intérêt général en se foutant pas mal de ses états d’âme.

« Pour vous aider, cet après-midi je vous fais porter tous les résultats de toutes les enquêtes de tous les services du pays, sur ces fonds et depuis l’origine. Attention, vous en prenez connaissance dans vos locaux, mais aucune copie ne devra être faite car il s’agit de documents couverts par le « secret-défense ».
Vous comprendrez mieux pourquoi même les juges n’y ont pas accès et vous mesurez la confiance qu’on investit en vous.
Nous vous savons avoir une excellente mémoire visuelle. Une demi-journée vous sera nécessaire et on réexpédie l’ensemble dans leurs emplacements respectifs en archive.
Avec un peu d’intelligence, dont nous savons que vous n’êtes pas totalement dénué, vous nous direz demain de quoi vous aurez besoin d’autre et nous vous le fournirons sans délai.
»
Bien reçu.
Ça lui laisse le temps d’exiger l’impossible, façon élégante de dire non.
De toute façon il n’a pas trop le choix, sur le moment.
L’entretien se termine par des salutations respectueuses. Et les trois hommes se séparent.
« Je crois qu’on vient de lui donner une petite leçon de commandement à ce polytechnicien qui aurait dû faire Saint-Cyr », remarque le général.
« Je ne crois pas, mon général. Il vient de trouver la porte de sortie pour ne pas exécuter la mission.
»
Ah bon ! « Alors là, on n’aura pas avancé d’un centimètre ! »
« Mais si, mon général. La seule façon qu’il entre dans la mission, c’est justement qu’il accepte d’y mettre un doigt. Il l’a fait. Après, sa curiosité naturelle fera le reste. »
« Vous croyez ? »
C’est une évidence : « Il a mille raisons pour refuser. Mais vous verrez que demain, il acceptera et nous demandera l’impossible… Que nous lui fournirons, bien sûr, mon général ! »
Sûr de lui, pense le général de son vis-à-vis. Il faut qu’il ait raison. On verra donc demain.

Quant à Paul, il rentre en taxi, seul, Sophie partant de son côté à essayer de rattraper son cours perdu.
Mauvais pour la tension nerveuse, ce genre de convocation, finalement. Il ne faut décidément ne jamais rien demander à qui que ce soit qui émarge à l’effectif de la Nation, et surtout si ça porte un uniforme.
Sitôt le portable de nouveau en réseau, il informe Isabelle que ça n’a rien à voir avec la demande de subvention. « J’ai tout juste pu obtenir qu’elle soit examinée dans le cadre du Grand emprunt de l’autre farfelu. »
Mais alors quoi ? Ils veulent quoi ?
« Une affaire de sécurité nationale. Je ne peux pas t’en parler. Ça ne concerne que moi. Mais je ne sais pas si j’y peux grand-chose… Complètement à la masse, le ministre. Il a même salué ta fille en se trompant de prénom. Elle te racontera ça ce soir, j’imagine ! » rajoute-t-il pour désamorcer les commentaires à venir.
« Ton passé militaire ? »
Oui, si on veut. « Mais rien de grave. Ils veulent des précisions sur ce que j’avais pu voir et comprendre, dans le temps. »
Le mensonge passe. Elle aura oublié d’ici qu’il retourne à Aubenas.

Et comme les emmerdements n’arrivent jamais seuls, histoire de ne pas faire retomber la tension du moment, sitôt de retour, la secrétaire, un peu plus carmin que d’habitude, annonce à son arrivée : « Monsieur le directeur général, une personne vous attend ! »
Ah oui ? Qui ? Il avait fait décommander tous ses rendez-vous dans l’urgence. Encore une contrariété.
« Votre épouse ! Je ne savais pas que vous étiez marié, Monsieur le directeur général… » dit-elle sur un ton quasiment de reproche.
Il ne manque décidément plus qu’elle pour saboter définitivement la journée.
« Mon ex-épouse ! » corrige Paul. « Une erreur de jeunesse. Vous l’avez mise où ? »
Dans l’appartement de l’étage du dessus, naturellement. « Vous auriez pu me le dire que vous aviez été marié, il n’y a pas de honte à ça. Et dans le mot secrétaire, il y a aussi le mot secret… »
Une formule qu’il lui a apprise lui-même en arrivant à la tête de la boutique, il y a trois ans.
« J’en ai tellement, que vous ne sauriez pas où les ranger tous ! »
Il ne manque plus que cette nymphomane-là pour compléter la journée, façon… désastre.
Qu’est-ce qu’elle vient faire à Paris, à débarquer à l’improviste dans ce merdier ?
Il grimpe à l’étage et entre dans son petit deux-pièces-vaste-terrasse.

La « miss » a gardé son physique filiforme et sa voie un peu rauque. Ses grands yeux bleus délavés qui l’ont fait « craquer » 11 ans plus tôt, ses cuisses peut-être un peu plus charnues, ses larges petits seins qui flottent sous sa robe légère, son visage pâle, quelques kilos de plus là où il faut.
« Qu’est-ce que tu viens faire ici ? »
« Ah ! Tu m’as fait peur. Bonjour chéri ! » dit-elle en sursautant. Elle contemplait Paris, lézardant au soleil.
« Dis-moi que tu es juste de passage et que tu repars dans la minute pour une tournée triomphale ! Là, juste pour me faire plaisir, s’il te plaît ! »
Non ! Il ne faut pas rêver avec une fille pareille.
« Dis donc, tu es bien conservé pour ton âge, toi. Ah tiens ! Une cicatrice que je ne connais pas. Un mari jaloux ou une tigresse déchaînée comme tu as su me faire rugir ? »
Décidément, pense Paul, toujours égale à elle-même la poulette espionne : il se retient de lui renvoyer la pareille avec ses nouvelles ridelles autour de la commissure des yeux, ses seins qui flottent juste un peu plus bas qu’il y a onze ans. Si elle est là, ce n’est évidemment pas le fruit du hasard !
« Toujours d’active à ce que je vois. Ça marche pour toi la chansonnette subventionnée par le contribuable américain ? Tu sais, je n’ai pas vraiment suivi ta carrière. Tu t’es remariée avec un milliardaire texan, au moins ? »
Et pour toute réponse, il reçoit une amabilité du genre : « Et toi ? Tu n’es plus dans l’armée ou tu as fait un héritage. C’est chicos, chez toi, en tout cas. Pas non plus un mariage d’argent : tu n’as toujours pas de bague au doigt ? »
Il a failli répondre « toujours plus » mais le fait savoir autrement ses « engagements » : Une femme dans chaque port et de nombreuses escales depuis leur séparation.
« Que des malheureuses ! Toutes à te pleurer, je suppose », lui rétorque-t-elle avec son accent d’américaine du sud.
« Bien, tu restes à déjeuner. J’imagine que tu ne viens pas par hasard et comme il fait beau et chaud, on peut donc manger sur la terrasse. »
Comme elle répond « volontiers », il fait commander un repas pour deux. Chez lui, il n’y jamais rien à manger que des plateaux repas concoctés par le chef du bistrot du rez-de-chaussée, et il n’a pas envie de l’emmener au restaurant : elle ne trouvera pas l’endroit assez discret pour lui dire ce qu’elle a à lui faire savoir, ce qui prolongera d’autant leur tête à tête.
En revanche, la cave de salon à température dirigée est bien fournie et le réfrigérateur n’est là que pour sa machine à glaçons intégrée dans la porte.

En grignotant les amuse-gueules Emily se décide à dire ce qu’elle a à dire, après avoir un peu raconté sa vie.
Elle a dû annuler son tour de chant « triomphal » sur la côte-ouest prévu pour l’été, justement pour passer par Paris le temps qu’il faudra. En mission pour le NSA. En fait, elle ne sait pas trop pour qui.
Ni pour quoi.
« J’ai juste à te faire passer quelques messages de mes employeurs.
Premièrement, ta vie est en danger. Je ne sais pas pourquoi ni comment, mais tu es sur un coup qui va t’attirer des ennuis et qui va mettre en danger ta vie, d’après mes employeurs. Or, il apparaît qu’ils ont encore besoin de toi pour je ne sais quel service que tu sais leur rendre.
Deuxièmement, il y aura une équipe de soutien pour t’aider, ici, sous peu, en cas de besoin. On m’a refilé un téléphone où tu peux me joindre jour et nuit. La nuit surtout, j’espère, chéri.
Ah oui. Troisièmement, il faudrait que tu m’avertisses de tes déplacements, pour ta sécurité, m’a-t-on affirmé
. »
Compte là-dessus, « chérie » se dit Paul à lui-même : pour qu’elle puisse mieux le poursuivre de ses assiduités !
« Et puis quatrièmement, il faut que tu joignes un dénommé « Capitaine Haddock » ».
Celui d’Hergé ?
« Ah, ça, chéri, on ne m’a pas dit ! Et puis cinquièmement, mais on ne m’a pas dit de te le dire, je suis consignée ici jusqu’à Noël. Mes concerts reprennent seulement début janvier. Je crois que tu dois le savoir.
Ça va être long, chéri, tu sais. Mais j’ai un peu d’argent de poche pour faire quelques emplettes entre-temps.
»
Et les capotes sont fournies par l’ambassade américaine, peut-être ?
C’est qu’il connaît son oiseau, Paul, pour en avoir usé et abusé.

…/ (aparté n° 1) /…

Le déjeuner est heureusement rapidement écourté : la secrétaire de l’étage du dessous, n’osant pas monter, appelle sur le portable. « Il y a là deux messieurs qui viennent chacun avec un carton d’archive pour vous. Je les mets où Monsieur le directeur général ? »
Les cartons ou les messieurs ? Dans son bureau.
« Désolé de ne pas pouvoir prolonger l’après-midi avec toi. Mais le devoir m’appelle. Tu es descendue à quel hôtel au juste ?
»
Pas très loin, au Montherlant.
Ils redescendent tous les deux par l’escalier privé, Paul raccompagnant Emily jusqu’à l’ascenseur, elle ne peut pas s’empêcher de lancer une œillade à la secrétaire en passant, qui du coup en plonge le nez sur son clavier, encore plus rouge de confusion que tout à l’heure. Puis Paul va jusqu’à son bureau.
« Monsieur le directeur général, il y en a un qui est resté avec les cartons. Il dit qu’il ne doit pas les quitter des yeux ! »
Prudent le colonel…
En voyant le bonhomme, assis sur une chaise devant les cartons posés sur la table de conférence, dans la grande pièce du coin de l’immeuble, il ne peut pas s’empêcher de commander par l’interphone « une bombonne de café et quelques sandwichs ! » : Les cartons sont volumineux.
Et bien plein.
En fin d’après-midi, le gars se fait relayer. Le suivant aussi, le soir venu.

Au milieu de la nuit, Paul commence à comprendre de quoi il retourne. Il lit, lit, enfin photographie mentalement tous ces dossiers.
Il y a la synthèse de tas d’enquête, de pratiquement tous les services de l’État, police, services spéciaux, armée, douane, relations extérieures, DST, justice et d’autres dont il ne savait même pas qu’ils existent. Le « Capitaine Haddock » est bien mentionné dans un dossier, à l’occasion de courriers répétés de dénonciation sur des détournements de fonds. Paul devine que s’il accepte, il va devoir fouiller bien au-delà de ce qu’on lui fournit, notamment tous ces listings de comptes qui met à rude épreuve sa mémoire, d’autant plus, qu’avec la lumière tombante de la nuit, la lecture devient difficile.
Il croit même, à un moment, avoir la berlue. Un point rouge se déplace sur la table, venant de nulle part depuis l’extérieur.
Il se lève brutalement et se retourne vers Paris illuminé.
La vitre claque sans se briser, pour être blindée.
On lui tire dessus !
Sale journée !…

Opération « Juliette-Siéra » (VI)

Sixième chapitre : Les duperies

Avertissement : Ceci est un roman, une fiction, une « pure construction intellectuelle », sortie tout droit de l’imaginaire de son auteur. Toute ressemblance avec des personnages, des lieux, des actions, des situations ayant existé ou existant par ailleurs dans la voie lactée (et autres galaxies), y compris sur la planète Terre, y est purement, totalement et parfaitement fortuite !

Paul se jette à terre en gueulant au planton d’en faire autant quand le deuxième coup claque contre la vitre blindée.
Celui-là sort de sa torpeur et se jette sous la table de conférence.
« Non pas là, contre les radiateurs ! Sur les côtés ! »
Paul rampe sur le coté pour éteindre la lumière dans la pièce. Et revient vers les fenêtres pour tirer les rideaux vénitiens et dérouler les volets.
En danger de mort, qu’elle disait la torride Emily, en fin de matinée ?
Franchement, « On me prend pour un con ou quoi, dans cette histoire ? »
« Pardon, Monsieur ? » interroge le gardien des dossiers.
« Vous ! Appelez vos chefs qu’on ramène immédiatement tous ces cartons à l’abri dans la minute. »
Ces chefs, mais ils dorment à cette heure-ci.
« L’officier de permanence alors ! Vite. Vous êtes armés ? »
Bien sûr qu’il l’est.
« Alors tirez sur tout ce qui bouge venant du balcon. Idem à travers la porte qui ne ce soit pas identifié. Moi, je file et vous laisse les secrets de la République sur les bras ! Vous claquerez la porte d’entrée derrière vous en partant. »
Un attentat ! Il fallait déguerpir et se mettre à l’abri fissa.
Paul prend une arme de poing rangée sagement dans un tiroir, son casque et son blouson de cuir, des papiers et un chéquier, et descend jusqu’au parking par l’ascenseur en introduisant une balle dans le canon du 11,43.
Le danger peut venir du parking et ensuite, dans la rue de sortie, par derrière.
Si on a à faire à des « pros », ils doivent savoir que les vitres étaient blindées, triple-feuillage et double-vitrage, le tout résistant en principe à du calibre de guerre, hors le 12,7, les coups de feu ne sont là que pour le faire sortir. Autant être le plus rapide possible pour bénéficier de l’effet de surprise. Après, il sera trop tard, même entouré de toute la flicaille du pays.
C’est donc en trombe qu’il sort, passe le coin de la rue, sans le moindre problème et file à vive allure sur sa moto vers la porte d’Orléans et l’autoroute du sud.

Au creux de la nuit, il refait le plein en Bourgogne, passe un coup de fil au sergent-chef Rémarde : il opte pour le haut-var. C’est plus loin, plus long, plus fatigant que le fortin de l’usine d’Aubenas, mais il y sera plus en sécurité.
810 kilomètres, il est parti vers deux heures moins le quart du matin, il devrait arriver vers sept heures et demie pour le café en comptant une autre pose-essence du côté de Grenoble.
Et puis sur la route, il repense à cette absence manifeste d’une deuxième équipe attendue dans le parking ou au coin de la rue.
Pas des « pros » ou alors c’est encore un « coup à trois bandes » : on ne voulait pas vraiment le tuer.
Ce qui contredit l’avertissement d’Emily. Mais alors, ça devient incohérent.

« Quoi ? » C’est le colonel Gabeaux qui hurle dans son combiné téléphonique ! « Et c’est maintenant que vous me prévenez ? »
Il faut dire qu’il ne s’est passé que quelques heures. Les « archives » sont de retour au ministère et sous bonne garde : une équipe est passée dans la nuit pour ramasser tous les papiers, mais entre-temps, on a perdu toute trace de « Charlotte ».
On a paré au plus pressé sans penser à avertir le colonel, responsable de « l’opération Isidore », des événements de la nuit.
« Retrouvez-le moi le plus vite possible et mettez-moi en liaison radio-cryptée avec lui. Je file au ministère. Envoyez-moi la voiture. »
Et le voilà qui se rase sommairement et enfile une tenue civile pour monter en trombe dans le véhicule stationné en double file qui vient à peine d’arriver.
Le coup de l’attentat, aussi rapidement, là, personne ne s’y attendait, faut-il reconnaître.
Il y a des fuites, ce n’est pas possible autrement. Et comme ça ne peut pas venir du ministère, puisqu’à part deux officiers généraux et lui-même, personne n’est au courant, c’est que ça vient « d’au-dessus ».
C’est la seule chose qui puisse expliquer la rapidité de la réaction.
Mais pourquoi un attentat ? C’est l’étape ultime, pas celle par laquelle on démarre.
Ou alors le colonel s’est fait duper lourdement et on ne veut pas, en haut-lieu, avancer sur les ordres reçus, comme d’un avertissement avant « beaucoup plus fort » en termes de sabotage de mission.
Quand même totalement schizophrène comme attitude !
Donner des ordres dont on ne veut pas qu’ils soient exécutés ?
Dément.
Arrivé rapidement au ministère tout proche dans la circulation fluide des petits matins d’été parisien, toujours pas de nouvelle de « Charlotte ».
Pierre Gabeaux téléphone au général Wimereux pour le tenir au courant de l’évolution de la situation.
« Ce n’est pas croyable ce que vous me racontez, Colonel. Non seulement on nous enjoint des ordres stupides, mais en plus on voudrait nous empêcher de les exécuter ? Ça n’a aucun sens ! Et en risquant la vie d’un civil ? C’est vraiment n’importe quoi ! »
Le général doute qu’il en sache plus par sa hiérarchie. Il faut donc prendre les mesures d’urgence et chacun ses responsabilités.
« Un point positif, mon général. « Charlotte » étant désormais personnellement impliqué, comme je vous l’avais prédit, on risque de ne plus pouvoir l’arrêter ! »
« Ne me dites pas que c’est un de vos coups tordus pour lui forcer la main ? »
Bien sûr que non. C’est un coup tordu qui ne relève pas du service. Mais peut-être bien d’un autre, à moins que ce soit une bévue destinée à duper tout le monde en sabotant l’opération.
« En attendant, prenez les mesures de protection qui s’imposent pour protéger notre homme. On ne va pas sacrifier un officier de l’aéronavale pour des nèfles en restant les bras-croisés. Voyez avec les services de sécurité de l’armée. Pas la police ni la gendarmerie : cette affaire a été confiée à l’armée, l’armée l’assumera jusqu’au bout ! »
Quel service au juste. À part la police militaire des casernements, Gabeaux ne voit pas trop, sur le moment.

« Nous avons l’agent « Charlotte » sur la ligne cryptée qui demande à vous parler, mon Colonel » annonce, tout de suite après cette conversation, l’interphone de service.
« Essayez de localiser l’appel », répond-il avant de le prendre.
« Mon colonel ? » C’est la voix de Paul De Bréveuil. « Vous avez reçu le paquet des archives ? »
Oui, bien sûr.
« Où êtes-vous ? » Caché, naturellement et à l’abri. Mais où, le colonel ne le saura pas.
« Que comptez-vous faire ? »
Raclement de gorge. « Mon colonel, je ne sais pas encore. Parce que plus j’y réfléchis, plus je pense que c’est un coup monté : il aurait fallu un bazooka pour passer à travers le blindage de la pièce. Et encore. Mais pas avec un fusil longue portée, sauf le M 95 ou équivalent. Si on avait vraiment voulu me tuer, on s’y serait pris autrement. »
Et Paul de continuer son raisonnement : Il ne s’agit que d’un avertissement ou d’une magouille organisée par le service. S’il l’apprend, il se promet de tuer après mille tortures tous les participants, leurs descendants, leurs collatéraux et même leurs ascendants encore vivants.
« Ça prendra le temps qu’il faudra, mais je le ferai ! » fait-il d’un ton menaçant.
Dénégations du colonel, un brin affolé par la portée de la menace proférée : « Je vous assure que je ne suis pas au courant. Si tel est le cas, je vous promets d’enquêter et de vous livrer le responsable ! »
« Admettons, mais j’enquêterai aussi de mon côté. Pour le moment, je ne vous fais plus confiance.
»
Vous abandonnez la mission ?
« Non, au contraire, mon colonel. Mais vous n’aurez plus de mes nouvelles avant qu’on n’en termine. Je ne tiens pas à risquer ma peau pour du pognon qui n’existe peut-être même pas et qui n’est pas à moi, en plus ! »
Ah bé si : il lui faut assurer sa sécurité, le général l’a exigé, et un ordre reste un ordre, insiste Gabeaux. Faut qu’il comprenne ça, « Charlotte ».
« Alors avec un autre service que celui du ministère ! Qui ne dépende pas de lui directement. Pas question que je remette ma vie dans les mains de personnes qui ne savent pas tenir leur langue, parce que forcément, il y a eu une fuite, mon colonel. C’est impossible autrement. Et vous me prenez des gars qui savent y faire. De préférence des marins. »
Entendu. Il ne sait pas comment il va organiser tout ça, mais il se débrouillera.
« Bon, le reste, je vais avoir aussi besoin d’un crack en informatique, capable de pirater les meilleures sécurités sans se faire remarquer. Et là encore, pas un type de l’armée, sauf éventuellement, de la marine. Mais un type costaud et de totale confiance. »
C’est tout ?
Juste des fonds en avance sur budget. Une ligne de 100.000 euros ouverte sur le compte de la fondation.
Et Paul raccroche.
Moins d’une minute : pas de localisation confirmée. Dans le sud-est de la France.
La base de la Fondation Archéologique Icard ?
Le colonel consulte le dossier du capitaine De Bréveuil, trouve et forme le numéro.
Ça sonne. Le sergent-chef Rémarde décroche. « Passez-moi le commandant De Bréveuil ! »
« Qui le demande ? » Le colonel hésite. Puis se présente.
« À vos ordre mon colonel, mais, désolé, le commandant n’a pas été vu ici depuis plusieurs semaines. Je peux vous rendre un service, lui passer une commission quand il reviendra. Je suis à vos ordre, mon colonel ».
Bien joué, pense Paul en clignant d’un œil à l’adresse de son voisin. Il vaut mieux passer par les portables : on dispose de plusieurs cartes Sim, sur le site.

Il appelle par tranche de moins de deux minutes, le siège parisien pour rassurer. C’est branle-bas-de-combat. La police judiciaire est sur les lieux. Il y a trois impacts de balle. Du 9 mm. Pas deux.
Une de trop se dit Paul et décidément pas le bon calibre. On a bien à faire avec un faux attentat. Il n’a jamais été question de descendre « Charlotte », tout juste de lui faire peur, conclut-il pour lui-même.
Un tueur professionnel ne se sert que de deux étuis. Un pour immobiliser, un autre pour achever.
Dès le premier tir, il aurait dû se rendre compte qu’il ne se passait rien et laisser tomber.
Même en admettant qu’il tire à nouveau pour confirmer que ses projectiles ne passent pas, il n’aurait pas dû tirer une troisième fois.
C’est le premier tir qui n’a pas été entendu par Paul. Il aura fallu qu’il voie le pointeur laser pour qu’il se rende compte de ce qu’il se passait. Sans ça, l’autre aurait pu tirer tout son chargeur, personne n’aurait rien remarqué avant le passage de la femme de ménage le lendemain, tellement Paul était absorbé par sa lecture du moment.
Logique.
Mais alors qui ?
Effectivement, pas le colonel. Il se dit qu’il y ait allé un peu fort avec lui. Et que ce n’est pas plus mal, finalement.
Le détenteur réel des fonds ?
Ça implique que ces derniers existent bien et que l’homme ou les hommes qui les protègent, sont terriblement au courant, formidablement renseignés. Très au-dessus du ministère.
Pas la présidence, tout de même ?
Il n’aurait jamais commandé cette enquête autrement, préférant l’assourdissant silence des maladies honteuses, au lieu de prendre le risque de remuer la boue.
Et puis ça tout ça n’explique pas le dire d’Emily sur ces menaces…
À Aubenas, on avait un autre point de vue. C’est le prototype de l’avion en céramique qui est visé.
« C’est stupide, Isabelle ! »
Paul n’est pas le seul sur cette affaire-là. À la limite, il ne connaît même pas de tous les détails techniques. Le projet peut avancer sans lui : chacun sait ce qu’il a à faire.
Mais elle a quand même pris la décision de renforcer le niveau de sécurité de l’usine.
Pas plus mal.

Un coup de téléphone au restaurant. Mylène est dans ses casseroles, c’est sa fille Éva qui répond. À la masse, comme d’habitude. Sur son nuage à elle.
Mais elle passera la consigne de prudence.
Puis Charlotte, la vraie. Paul lui fait un petit résumé.
« Je peux t’aider en quoi ? »
Sympa la fille. Dommage qu’elle soit grosse, avec son petit nez qui bouge quand elle parle et amoureuse transie de leur associée commune, Aurélie, la géante.
« Tu n’as pas encore changé les clés de ton appart, avec toutes tes histoires de cul compliquées avec Aurélie ? »
Non ! Quelle question. C’est la période « amour fou », entre-elles.
Tant mieux.
« Bon voilà », reprend Paul. « Je suis un peu comme un fugitif. Donc je vais prendre des mesures de prudence et me promener de domicile en domicile. Il se peut que je passe un soir chez toi pour dormir, si je suis dans la merde. Sans prévenir. Point d’ancrage, les portables. J’éteins le mien, mais tu laisses des messages courts ou des Sms. Il faut que tu me trouves un certain « capitaine Haddock ». Tu peux m’organiser une rencontre avec ce type-là ? »
Haddock ? Ou ad hoc ? Ou encore hadock ?
« Un pseudo, j’imagine ! Tu te débrouilles avec tes moyens. »
Et il raccroche. Les deux minutes pas atteintes, les deux minutes nécessaires pour remonter un appel sur un portable.

Celui qui boit du petit-lait en lisant les rapports, mais le surlendemain seulement, c’est le sous-directeur Almont quand il apprend les exploits de son « équipe bis ».
Elle a dupé tout le monde, même les pandores locaux qui cherchent un tueur fou, un « isolé du neurone bancal ». Les militaires y voient un complot et ne savent pas comment l’éventer ou le parer, et même leur sécurité militaire, qui ne comprend rien à rien et cherche à mettre la main sur « Charlotte », soi-disant pour le protéger de lui-même…
L’agent spécial Almont fait rapatrier l’équipe bis, pas la peine de lui faire prendre des risques et renvoie deux équipes sur place. L’une en Ardèche, qu’elle se tienne près à remettre la piqûre, au cas où ce serait nécessaire.
L’autre à Malaga, en Espagne, là où le « Capitaine Haddock » doit faire une conférence sur les Ummos dans le cadre d’un congrès astronautique qui doit décider du lancement d’un projet international de satellite pour la recherche de la vie extraterrestre.
Il faut vérifier si « Charlotte » sort de son bois pour rencontrer le contact indiqué par l’agent de l’équipe first, et s’active ou non sur l’enquête qui lui ait confiée.
Pas question de le lâcher le « bon cheval » sur ce coup-là.
Reste aussi à repérer le loup au fond de sa tanière. Il faudrait, tout autant que l’agent Lison, toute dans sa « cruchitude » de nymphette, soit disponible à proximité pour lui passer les messages dont il aura besoin au moment où il faut, afin de gagner du temps.
Pour le coup, il fait préparer une synthèse du dossier du procédé « Joseph Ferrayé ».
Normalement, ça doit conduire « Charlotte » à Genève ou chez maître Lardco, à Paris.
Ou les deux.
Après, il sera temps de lui fournir les listings des comptes de banque.
Si avec ça, « Charlotte » passe lui aussi à côté, là franchement, c’est à désespérer des français !
De tous les français.

Et quelques jours plus tard, alors qu’on se bat encore dans les montagnes entre Kaboul et Kandahar, se présente une opportunité invraisemblable.
Almont, qui n’est pourtant pas un homme de terrain, se décide à aller jusque là-bas.
À condition que le major-général ne fasse pas trop de difficulté sur place.


Opération « Juliette-Siéra » (VII)

Septième chapitre : Contacts-Sms

Avertissement : Ceci est un roman, une fiction, une « pure construction intellectuelle », sortie tout droit de l’imaginaire de son auteur. Toute ressemblance avec des personnages, des lieux, des actions, des situations ayant existé ou existant par ailleurs dans la voie lactée (et autres galaxies), y compris sur la planète Terre, y est purement, totalement et parfaitement fortuite !

À Fox, Paul s’équipe et repart en hydravion vers le sémaphore de Saint-Florent qu’il loue à la commune pour le compte de la marine, via la fondation. Histoire de passer la nuit et d’équiper le logement en cas de besoin et de repli général.
Il n’ouvre son portable que de retour au matin sur Rouen, pendant la phase de montée en altitude en pilote automatique.
Les Sms pleuvent. L’usine, qui va fermer pour la période estivale se demande où cacher les plans.
Dans le coffre, non ?
Fox qui fait savoir que lieutenant-colonel Solre est chargé de coordonner les liaisons avec le ministère, l’appui logistique et la protection de Paul.
Un autre arrive indiquant que c’est le capitaine de corvette Gijou, des commandos de marine, un marin donc et à son grade putatif à lui, qui est chargé de sa sécurité, aux ordres de Solre, suppose Paul.
Toujours par l’intermédiaire du sergent-chef Rémarde, il apprend à l’approche de l’aéroport de Rouen/Normandie, qu’on envoie un crack en informatique à Fox, demain ou après demain.
Pourquoi Fox et pas Paris, ou Aubenas, là où on dispose des outils informatiques ?
Enfin, Charlotte lui apprend que le « capitaine Haddock » sera à Malaga dimanche à une conférence dont elle joint les coordonnées.
Rapide, ça se met en place tout ça, jubile Paul en éteignant son portable et en changeant de carte Sim avant qu’il n’entame l’amerrissage de son hydravion en vol plané dans une des boucles de la Seine, en aval de Rouen.
Il gare son avion sur la berge, coupe la turbine et marche vers Mylène qui vient à sa rencontre et l’accueille avec un « Tu as pensé à mes salades, au moins ! »
Tu parles : c’est vraiment le moment des salades…
C’est que dans son restaurant gourmet sur péniche, pour ne pas avoir à dire « gastronomique », elle s’est faite une jolie petite réputation de cuisine bio.
Les produits sont frais et bio, c’est vrai. Et il se trouve que Paul a eu l’idée d’occuper un peu de terrain à l’adresse des désœuvrés de Fox en y faisant de la culture maraichère et fruitière de produits bios.
Ça fait un peu de « recettes de poche » sur le marché local et économise sur les budgets tambouilles et autres rations militaires qui ne font qu’améliorer l’ordinaire grâce aux talents de cantinière de Lydia, la femme de Rémarde.
Furax, Mylène.
Elle en retourne à ses fourneaux pour les réservations du midi.
Du coup, sa fille Éva en sort pour se lover contre Paul… ce qui ne fait qu’augmenter la colère de Mylène.
Dire qu’il comptait se reposer un peu et faire le point.

…/ (Aparté n° 2) /…

L’urgence, pour le moment, c’est de donner rendez-vous à Gijou. Si c’est le bon élément, autant le mettre en selle le plus tôt possible. Il faut aussi rencontrer le crack informaticien. C’est donc du sud d’où il vient, qu’il faut repartir. Un peu stupide, mais dans les airs, Paul est à peu près à l’abri d’un tireur isolé. Sauf s’il tente de l’abattre avec un missile.
Par ailleurs, l’inconvénient, c’est que tout ce qui vole, est immanquablement repéré par tous les radars et satellites de la planète ou du pays. Ses allers-et-venues seront donc retracés avec quelques heures de décalage, s’il ne dépose pas de plan de vol et vole en VFR.
Et, plus il en fera, plus ça posera d’immanquables problèmes à tous les étoilés qui chapeautent « l’opération Isidore ».
D’un autre côté, quand il vole, à part lire des dossiers, il est un peu comme d’un paralytique.
Et puis de toute façon, il doit être à Malaga dimanche, il vaut mieux partir du Var en passant éventuellement la nuit aux Baléares après avoir vérifié que les comptes de la Fondation sont bien crédités de l’acompte sur frais demandé.
Cent milles euros d’un coup, il n’y croit pas trop, mais ça démontrera l’intensité de l’intérêt que ses supérieurs auront déployé auprès du Trésor Public.

Coup de fil à Rémarde pour avoir le téléphone de Gijou.
« Capitaine Gijou ? » Commandant, répond-elle, car il se pourrait que ce soit une voix de femme.
« Où êtes-vous ? »
Cette manie…
« En lieu sûr. Vous connaissez votre mission ? » Évidemment !
Pour l’heure, elle dispose de son commando de marine, détaché de la défense de la base de l’île-longue. « Si on ne déploie pas trop de monde, je peux aller jusqu’à une trentaine de personnes en quelques heures… »
Deux ou trois équipes de deux suffiront.
« Je vous propose qu’on se rencontre sur l’aéroport de Cannes/Mandelieu en début de soirée. 19 heures, ça vous va ? »
C’est que là, elle prend sur ses vacances et qu’elle est sur Paris.
« Filez à Orly attrapez la navette et prenez un taxi ! » Et il raccroche, éteint le portable, change de carte Sim : il va finir par s’embrouiller dans les codes Pin !
Ils ont beau être inscrits au dos des cartes, la fatigue et la tension nerveuse aidant, il a failli en gâcher une avant de répéter la manœuvre…
Peut-être que la nuit prochaine, il faut qu’il la passe à Girolata, en Corse, chez son ami Dumé. L’île est remplie de gens curieux mais qui savent se faire discrets, et c’est la haute saison. Le caboulot-paillote de plage de Dumé doit être ouvert, et l’endroit est sûr : aucun chemin carrossable par la terre. Un seul accès : la mer.

Dominique Gijou rend compte au colonel Solre et donne ses ordres à sa petite équipe restée à Brest. Une veille de deux fois deux aux trois endroits connus où le Capitaine de corvette Paul de Bréveuil peut éventuellement passer, plus deux hommes avec elle sur Nice.
En fait, il se trouve que ces derniers vont profiter d’un vol de liaison sur Toulon. Et qu’elle-même, sur les conseils du colonel, se fait inscrire sur un vol sur la base d’Orange depuis Villacoublay.
Pas une bonne idée : Orange/Mandelieu, c’est presque quatre heures de route dans les embouteillages des grands départs vers la côte d’azur. Et avec un véhicule militaire et une escale sur Navy base, pour récupérer ses deux porte-flingues, l’horaire est un peu juste.
Et dire qu’elle devait partir pour le grand nord norvégien, voir le soleil de minuit par latitude 70° nord !
Ils ont juste le temps d’investir le petit hall et de voir atterrir un drôle d’engin peint en noir avec des immatriculations en gris, équipé de flotteurs.
Paul débarque.
Ils se présentent puis s’isolent tous les quatre à la cafétéria, dans un coin, les deux hommes en couverture.
« On ne m’avait pas dit que vous étiez une femme ! »
Non, ça ne le dérange pas, d’autant mieux si elle est compétente.
« Qu’elle est ma mission. On m’a parlé de votre protection rapprochée. Pour combien de temps ? »
Aucune idée.
« Vous avez fait quoi pour mériter ce sort ? »
Elle ne saura pas.
« Bien, je vous emmène dans la ville de votre choix. J’ai trois équipes qui doivent prendre position à l’un des trois choix que je vous propose et après on allègera le dispositif… »
Paul ne la laisse pas poursuivre.
« Ecoutez, je ne suis pas à mettre dans un frigidaire à être pouponné bien au chaud par vos gorilles. On m’avait dit que vous étiez compétente, il va donc falloir vous adapter au mieux.
Je suis également en mission, « Isidore » pour votre plaisir, bien involontairement veuillez me croire, moi qui comptais faire un tour à Papeete cet été retrouver quelques vieux souvenirs du côté de Bora-Bora.
»
Bref, une équipe que de punis alors ?
« Pas des punis, des gens recrutés dans l’urgence. Je vais me promener. Pour être clair, on me tire dessus alors que je n’ai pas encore commencé de dire « oui » à cette mission. Donc tant qu’elle ne sera pas terminée, j’avance là où me conduiront les pistes.
Dimanche, je suis à Malaga, mais entre-temps, je vais bouger. Vous citez trois points de chute, il y en a bien plus et vous n’allez pas pouvoir me suivre partout. Ou alors c’est carrément un régiment qu’il va vous falloir mobiliser !
»
Ennuyeux, ça. C’est pourtant un bon plan que d’enfermer le capitaine de corvette de Bréveuil chez lui à Paris. Au moins, on peut monter un traquenard imposant pour assurer sa sécurité. Ou à son usine, ou encore dans le haut-var.
« Et pourquoi ce ne sont pas les flics qui font ça ? Ce n’est pas dans les missions habituelles des commandos de marine ? »
Si ! La protection des ambassades et des personnalités, les commandos ont l’habitude. « Je ne fais pas confiance aux flics. Ils ont échoué ainsi que nos services d’espionnage et tant d’autres à aller au bout de cette mission. Et comme c’est à notre ministère à nous qu’on a confié de la terminer, je crois que nos chefs souhaitent que l’on reconnaisse un peu les mérites de la grande muette ! »
« Vous êtes affecté à quelle unité ? »
Elle a un joli sourire, la Dominique, avec ses yeux d’un bleu si clair et sa poitrine « massive ». Dommage qu’elle ait embrassé la carrière militaire, ça lui donnait un aspect un peu hommasse, pour cause de séances de musculation pas très féminines.
« Je suis officier de réserve de l’aéronavale. Un civil. Empêtré de force dans cette histoire qui est devenue la mienne. Je n’y peux rien et vous non plus. »
Un vieux beau, pense-t-elle immédiatement, qui pantoufle au lieu de surveiller les océans.
Un planqué en somme ?

« Par conséquent, nous reprenons immédiatement mon avion, je vous emmène où vous voulez pour organiser tout ça comme vous l’entendez, vous et vos hommes et ce soir je dors dans un endroit que vous ne connaissez pas. Moi non plus d’ailleurs, je n’ai pas encore décidé. Mais en tout cas, jamais au même endroit deux fois de suite. C’est entendu ? »
Elle a compris que… ça ne va pas être facile, avec ce gaillard-là !
« Moi je veux bien, mais il va falloir que je vous accompagne alors. On ne peut pas courir partout à votre poursuite tout le temps. »
Surtout si lui vole alors qu’elle se trimballe avec son artillerie dans les véhicules de l’armée de l’air… Discret comme tout, une plaque d’immatriculation de l’air sur un modèle moyen de gamme un peu étriqué !
« Pas si je vous dis, mais à vous seule et uniquement à vous, où je me trouve et où je vais. Et pour ça, je dois pouvoir vous joindre n’importe quand et n’importe où. Les Sms sont idéaux pour ce genre de chose. Attention, moi j’en change après chaque appel. Donc c’est moi qui émets et vous répondez dans les trois minutes par le même canal. Après ce délai, je passe à autre chose. »
Gai comme procédé pour les contacts humains, tiens !
Elle précise alors que son chef hiérarchique est à la DCRI . Que peut-être ce serait une pas si mauvaise idée que d’utiliser leurs propres moyens de communication.
« Surtout pas malheureuse ! Qui a encore eu cette idée là de mettre la DCRI dans le coup ? C’est bourré de poulagas de toutes les espèces là-dedans ! »
Des anciens des RG, des gars de la DST, des types de la préfectorale, des pandores de la PJ, des timbrés de l’antigang… Mais bon, on est au mois d’août, les effectifs de curieux sont allégés…
Alors là, elle n’en a aucune idée. En fait, il s’agit d’un lieutenant-colonel de la DGA .
Paul De Bréveuil est contrarié, pour le coup.
Qu’est-ce que c’est encore que cette histoire tordue ? Pourquoi mettre le contre-espionnage ou les Renseignements Généraux entre lui et le ministère ?
Que je te renvoie la « patate chaude » depuis qu’il a dit qu’il ne voulait plus de contact avec Gabeaux ?
« Ça change un peu les choses. On va se séparer là et je réapparais demain ou après demain à Fox. J’y attends un colis important. J’y serai deux ou trois heures après son arrivée. Et après je file vers l’Espagne. Pouvez-vous vous organiser autour de ces éléments-là ? »
Bien sûr, mais reste à savoir où il passera la prochaine nuit.
« Vous voulez vraiment m’accompagner ? C’est votre mari qui va être jaloux ! »
Son mari… N’en parlons-même pas !
Elle est bonne pour rentrer en avion-taxi avec son équipe sur Paris : effectivement, il va falloir s’organiser au carré, avec ce bonhomme-là. Un « client » peu commode se confirme-t-elle à elle-même.
Elle peut tout juste noter que son hydravion tout noir part en direction de l’Italie. Mais ça peut ne rien vouloir dire, avec ce diable d’homme.

Pendant ce temps-là, on s’active à Kandahar. On annonce l’arrivée d’un sous-directeur de la CIA, de Washington. Sans doute pour enquêter sur un possible sabotage du F 16 qui s’était crashé une poignée d’heures auparavant dans les montagnes au nord de la méga-base aérienne alliée.
Or, le problème pour l’état-major, n’est pas tant le crash lui-même.
Le pilote a indiqué avant de s’éjecter qu’il n’avait plus de commande hydraulique. Une panne de pompe ou une fuite dans les circuits. D’où l’avantage des commandes électriques… Quoiqu’en temps de guerre, l’un comme l’autre ont leurs inconvénients.
L’Awacs de service l’a guidé sur une zone encore contrôlée par les alliés, mais le pilote a dû s’extraire rapidement, commandes bloquées.
On envoie aussitôt un hélico de l’Air-Rescue, avec un toubib à bord, guidé par le signal de la balise du siège qui est clair, pour un hélitreuillage classique.
Et c’est là que la récupération tourne au cauchemar. L’hélico est accueilli par un tir croisé de talibans aux aguets et se met en rotation libre pour un atterrissage forcé.
Dans le choc, c’est le médecin du bord qui se casse la jambe.
Les communications fonctionnent, mais on a quatre hommes dans la nature, exposés, et qui n’ont pas fait leur jonction.
Le général commandant la place, envoie des drones en reconnaissance sur les lieux. Pas question de risquer un second équipage avec une nouvelle machine. Deux appareils perdus le même jour, bonjour les dégâts.
Le temps passe et les appareils de détection des drones ne trouvent aucune présence hostile, même aux infrarouges. On a manifestement à faire à un traquenard inattendu, qui suppose l’existence d’un groupe disséminé, bien équipé pour échapper aux détecteurs, un groupe d’hommes décidés à faire jouer le rôle de la chèvre à leur proie coincée pour attraper le loup.
L’affaire, présentée et analysée comme ça, remonte au Pentagone par le QG des opérations.
Et c’est là qu’intervient la CIA qui propose une solution sous 48 heures.
Pas la peine, pense le général depuis Kandahar. Il a l’idée de préparer une opération de grande envergure pour nettoyer le terrain avec ses commandos, appuyés par l’aviation.
Quelques passages des B 52 venus de Diego-Garcia là-dessus, on devrait écraser cette vermine qui se terre et récupérer les deux équipages sous 24 heures sans trop de problèmes.
36 au grand maximum en comptant avec la nuit.
Au pilote de F 16 de rejoindre l’équipage de l’hélicoptère distant de deux ou trois heures de marche. Un hélitreuillage là-dessus, et le tour sera joué : il suffira de bien minuter l’opération.

L’agent spécial Almont arrive entre-temps par avion, un vol spécial affrété rien que pour lui.
Le général est le commandant de la flotte d’aviation et est bien décidé à passer outre l’avis de la CIA.
C’est là que tout s’emmêle un peu.
L’opération projetée est un échec. Les avions d’appui ne se perdent pas dans la montagne et font leur boulot en essuyant quelques Sam 7 qui déclenchent la contre-offensive des drones, mais les hélicoptères des commandos sont harcelés par des tirs sur leur parcours. L’un d’entre eux a même une turbine qui prend feu. Un autre évite un Sam 7 de justesse avant que l’officier responsable de la mission ordonne le repli, alors qu’ils sont pourtant arrivés à moins de 5 minutes de vol du lieu du crash de la machine de l’Air-Rescue, par un cheminement détourné.
Et les B 52 de devoir retourner dans l’océan indien, mission reportée.

« Quel est le plan de l’agence ? »
On envoie un commando léger de para en soutien et en saut libre depuis la haute altitude, avec des vivres, des médicaments et de l’eau sur le groupe, qui aura fait sa jonction depuis.
Tout le monde se déplace vers le lac à proximité.
Dans la nuit suivante, on récupère tout ce personnel avec un hydravion arrivé spécialement pour ça, appuyé par un bombardement à l’aveugle des rives du lac, sauf sur la petite poche ouest, où se trouveront les soldats américains.
L’hydravion décolle au moment de la deuxième vague de bombardement après avoir récupéré les hommes et les drones d’attaque tirent sur tout ce qu’ils détectent.
« Et quel est le pilote assez cinglé pour décoller au milieu des bombes ? »
Lui, ne décollent pas « au milieu des bombes », puisque les B 52 sont assez précis pour n’arroser que les berges et les alentours, pas le lac qui lui sert de piste de décollage et qui reste large.
« Et vous croyez qu’entre deux vagues de bombardement, il ne peut pas se faire descendre ? »
Pas s’il opère en vol plané, tous feux éteints, dans la nuit, à l’arrivée : il sera silencieux.
« Et vous connaissez un type capable de ça, vous ? »
Bien sûr, sans ça il ne serait pas là.
« Et vous le connaissez aussi, Général. Il s’agit de « Charlotte » ! »
« Charlotte » ? Le pilote français qui s’est fait sacqué pour avoir donner un coup de main à un de nos gars, il y a quelques deux ou trois ans ?
Il est toujours d’active, celui-là ?
« C’était il y a 6 ans et il est d’active, mais pour nous, maintenant ! »
Superbe ! « Ça me fera vraiment très plaisir de le saluer ! »


Opération « Juliette-Siéra » (VIII)

Huitième chapitre : Retour en Afghanistan

Avertissement : Ceci est un roman, une fiction, une « pure construction intellectuelle », sortie tout droit de l’imaginaire de son auteur. Toute ressemblance avec des personnages, des lieux, des actions, des situations ayant existé ou existant par ailleurs dans la voie lactée (et autres galaxies), y compris sur la planète Terre, y est purement, totalement et parfaitement fortuite !

Au matin, avec le café-sur-plage, nouvelle pluie de Sms, sur le portable qui reçoit les messages. Rémarde annonce l’arrivée d’un contrôleur fiscal à Fox !
Pardon ?
C’est le moment, ça, tiens !
Charlotte, la vraie, a reçu un appel pressant dès l’ouverture des bureaux, en provenance de Matignon. Paul doit se présenter avant 16 heures GMT à Kandahar, en Afghanistan. En urgence.
Voilà que décidément les ministres, Bercy, Matignon et la défense se marchent sur les pieds, maintenant ?
Qu’est-ce qu’il doit aller faire en zone de combats au moment d’un contrôle fiscal inopiné alors qu’il est la cible de tueurs pour une enquête en France ? Sûrement une exfiltration pour les alliés, comme d’habitude, quand ça vient des services du chef du gouvernement.
Curieux comme idée : il est en pleine mission pour le ministère de la défense et Matignon semble n’en rien savoir…
Un bref calcul mental plus tard, Paul considère qu’il a le temps de partir pour être sur place à l’heure dite. Tranquillement.
Puis de revenir pour être après-demain à Malaga. C’est jouable.
Et s’il refuse la mission, ça pourrait mettre la puce à l’oreille de tous ces messieurs qui ont perdu le fric du contribuable, le désignant de facto comme la cheville ouvrière du dispositif vraisemblablement imaginé par l’Élysée. Prendre le risque de se dévoiler un peu plus avec des tueurs aux fesses ?
Est-ce aussi une opportunité pour tester le réseau d’information de Gijou ?
Il serait étonnant que son dispositif de sécurité le suive jusque là-bas. Et c’est une chose à vérifier.
Il fait savoir qu’il accepte, avec une autre carte Sim et qu’il passe par Fox pour voir la tête de l’inspecteur des impôts dans les deux à trois heures de battements : de toute façon, il faut que l’équipe de Rémarde aménage l’hydravion pour un vol de 4.000 milles et refasse les pleins en conséquence.
Dès le décollage et la montée en altitude, Paul appelle Fox.
« C’est quoi cette histoire d’inspecteur des impôts ? »
Contrôle inopiné des comptes de la fondation. En plein début de mois d’août !
Mais enfin, comment a-t-il pu le laisser entrer sur le domaine, qui est en principe militaire, sans accréditation ? Et que fait-il ?
« Elle… vous attend après s’être fait remettre les livres de compte. Moi, je l’ai mise dans votre bureau comme elle l’exigeait ! »
Encore une fille, pense Paul : ça doit « ramoner » sévère de la cheminée, dans les ministères en ce moment. Il faut absolument qu’elle dégage de son bureau. De toute façon il arrive.
« C’est qu’elle n’est pas commode. Et puis je sens que ça ne ca pas être votre genre, commandant ! »
Il rappelle sur un autre téléphone portable avant de perdre définitivement le réseau.
« Quoi, pas mon genre ? » Rémarde fait-il encore une crise de jalousie à l’égard de sa femme qu’il accuse de lui faire porter si bien les cornes ?
Pour se dédouaner définitivement, il lui avait un jour expliqué que lui, c’était les grandes blondes aux cheveux courts, pas les boudins brunes aux cheveux longs, comme son épouse : pas son genre du tout. « Mais à chacun ses goûts, Chef », avait-il conclu.
« Bé… C’est pas le genre bimbo-grande-blonde. Vous verrez si vous passez refaire les niveaux. »
Ouais… En attendant, qu’il l’empêche de foutre son nez un peu partout dans son bureau.

Paul débarque quasiment en trombe dans ses locaux, à Fox.
Joëlle Lidoire est effectivement une « petite-brune », un peu boulotte et ras-du-bitume, mais avec un joli visage encadré de cheveux longs tenus en chignon sage, et si elle n’avait pas d’affreuses lunettes de presbyte en demi-lune qui la force à regarder les gens par au dessus en baissant la tête, comme si elle regardait par-dessous, un tic désagréable, elle aurait pu être attrayante.
Paul ne comprend pas sa venue. Ce n’est pas prévu et elle attaque fort avec le train de vie soi-disant somptuaire du domaine, dépensant l’argent des subventions de l’État en frais grotesques, sans compter, et notamment, les avions « de prestige »…
Le tout dans la même phrase juste après s’être présentée.
C’est qu’elle compte vite, ou elle a vraiment préparé son dossier pour un contrôle fiscal inopiné ?
« De prestige ? Vous voulez que je vous montre à quoi ils servent, ces avions ? »
Elle sera curieuse de savoir pourquoi une fondation archéologique, installée sur le plateau du haut-var loin de la mer a effectivement besoin d’un hydravion, par exemple. « Parce qu’à l’ère secondaire, ici c’était un lac où venaient boire les grands sauriens préhistoriques ! Alors on ne sait jamais : il faut pouvoir y amerrir. Et vous, vous venez faire quoi ici ? »
Les contrôler, bien sûr.
« Et ça vous prend souvent de venir emmerder le peuple de cette façon, en plein été et sans même un courrier préalable ? »
Elle non, mais dans les services des finances, c’est la coutume.
« Et pourquoi pas vous ? »
Parce qu’elle n’est pas un contrôleur des impôts, mais une conseillère référendaire de la Cour régionale des comptes plus particulièrement affectée aux fondations. « Ma première mission, que je compte bien mener comme je l’entends et dès avant cette minute. Alors, je veux, notamment tous les justificatifs, rapports et comptes relatives à la fondation et ses activités… »
Paul la coupe. « Vous aurez tout ça, mais la semaine prochaine. Je vous envoie même l’expert-comptable, le commissaire aux comptes et le juriste qui s’occupent de ça si vous le souhaitez. Moi, je suis attendu pour une mission gouvernementale urgente. Alors, soit vous avez des questions qui n’attendent pas et je vous emmène avec moi pour y répondre, comme ça vous en profiterez pour comprendre à quoi sert l’argent du contribuable et comment il est utilisé avec cet avion « somptuaire » (ça n’est pas passé…), là-bas, notamment » reprend-il, « soit vous déguerpissez d’ici et en cas de refus, je vous renvoie manu-militari dans vos bureaux de ronds de cuir ! »
La discussion s’envenime, le ton monte : « C’est bien la première fois que je suis reçue comme ça par un maître-gougnafier de votre espèce ! J’en référerai en haut-lieu et croyez-moi, il vous en cuira si vous touchez à un seul de mes cheveux. »
Paul se tait : toute conseillère de la Cour des comptes, même régionale, elle n’allait pas le retarder comme ça indéfiniment.
« Madame, soit vous venez avec moi et on cause tranquillement. Vous reprendrez votre contrôle demain matin à notre retour, soit vous sortez d’ici immédiatement et je fais rendre la vie impossible à votre chef qu’il en regrettera d’être né. C’est vous qui choisissez ! »
La deuxième proposition est assez sympathique : elle ne supporte pas son chef, même si ça dépend du quel.
« Bon, allons discuter de ça dans votre avion ».
« Prévenez qu’on ne vous revoit que demain matin sur le territoire », fait Paul en l’invitant à sortir.
Pourquoi, il l’emmène où ?
« Secret défense et je ne pense pas que vous soyez accréditée ou habilitée défense ! Sans ça vous ne seriez jamais arrivée jusque dans mon bureau par effraction. Mais au moins, vous reviendrez plus savante qu’en arrivant ici et vous saurez à quoi sert pour de vrai cette fondation ! On y va ? »

Le décollage est toujours un peu chaotique sur le terrain aménagé sommairement pour être parfois piétiné par les chevaux du club hippique de la fondation.
Pareil pour les atterrissages. C’est un travers du Havilland. À l’aise dans les airs, un avion sûr, mais pataud sur l’eau et sur terre.
Cap sur l’Adriatique, la Grèce, la mer noire, la Turquie, le Caucase, l’Iran et enfin l’Afghanistan, il y en a pour au moins 6 heures avec remplissage des réservoirs en vol à mi-parcours, avec le contenu des fûts mis à disposition entre les sièges à cet effet et à la place de la moto de Paul, par l’équipe de Rémarde, au-dessus de la Turquie.
Joëlle Lidoire ne se montre pas désagréable et parle d’elle-même et de sa vie assez facilement dans une première partie du parcours. Femme mariée à un inspecteur des finances, comme elle, mère de deux enfants en bas-âge, brillante mathématicienne, elle a été recrutée par la Cour des comptes pour démêler les imbroglios financiers retords.
Bien sûr, quand elle a reçu l’ordre de se rendre à Fox hier après-midi, elle a fait le nécessaire pour être à la première heure du matin à poste, après avoir parcouru le dossier de la fondation réuni à la hâte en fin d’après-midi, hier.
« Mais au juste, qui vous a donné cet ordre ? »
Son patron, bien évidemment : elle n’a pas compris la question.
« Ah ! J’imagine que c’est un ordre de Paris. La rue Cambon, mais il est vrai que ce n’est très pas coutumier de faire une descente chez les contribuables sans raison préalable et de façon aussi soudaine. D’autant mieux que je ne suis pas une spécialiste des contrôles sur place. »
Mais alors, que fait-elle, pour la Cour des comptes…
Elle n’en dit pas beaucoup, mais Paul pose finalement la question qui lui brûle les lèvres pour lui paraître logique.
« En fait, vous êtes une spécialiste informatique ? »
Pour sûr. Et de se vanter modestement de pouvoir percer n’importe quel système sécurisé à travers le monde en racontant sa demi-douzaine de « frasques-informatiques ».
Au-dessus de la Grèce, Paul l’interrompt de nouveau. « Ne cherchez pas, Madame. Moi j’ai compris pourquoi vous êtes détachée à la fondation ! »
C’est manifestement « le » spécialiste qu’il a réclamé l’autre jour au ministère.
Il dispose bien de « DD », dit disque-dur de chez sa boutique de sécurité, mais si « DD » est très douée pour faire un dossier sur des informations « ouvertes », elle est complètement nulle pour le piratage. Et Paul ne veut pas mêler « CAP Investigations » dans cette affaire d’État.
Ils auraient pu prévenir, quand même ! Du grand n’importe quoi, finalement.
« Vous vous sentez capable de forcer les comptes archivés des meilleures banques, partout dans le monde et de me remonter des écritures si je vous donne des intervalles de dates ? »
Réponse dubitativement affirmative.
Alors il lui explique la trame de sa mission.

La nuit avance et l’hydravion avance vers la nuit quand il en termine : elle pourrait déjà avoir un « plan de bataille » en tête.
« Quel rapport avec notre arrivée en Afghanistan ? »
Aucun !
Et c’est là que c’est particulièrement curieux. Paul ne sait même pas pour quelle raison il y va, ni quelle mission on va lui confier.
« Probablement que même mes chefs au ministère de la défense ne sont pas au courant. On ne va pas tarder à arriver. Nous en saurons plus tout à l’heure. Peut-être n’ont-ils besoin que de l’avion. Je ne sais pas, mais ça m’étonnerait. »

Effectivement, une demi-heure plus tard, Paul est en tenue de combat et en salle d’opérations.
Le colonel de l’USAF explique la situation et la solution proposée par la CIA qui a l’agrément du général.
« On est en train de monter un blindage de protection sur votre machine. Et je vous fais équiper de lunettes de vision nocturne. Si la mission échoue, on recommence demain dans la matinée avec plusieurs pilotes venus des states. Acceptez-vous ces conditions ? »
Paul hésite. C’est un peu suicidaire de plonger en plein nuit sur un lac d’altitude, sans moteur, avec des lunettes de vision nocturne alors que c’est censé être le moment où les B 52 lâchent leurs bombes.
« Ça me paraît jouable, messieurs. Est-il encore possible que vos bombardiers glissent quelques bombes fumigènes dans leurs soutes ? »
Oui c’est possible, mais personne, et même pas lui, n’y verra quoique ce soit dans la nuit, par des conditions météos déjà pas très favorables, alors avec des fumigènes en plus…
C’est vrai, mais si les talibans sont équipés eux aussi en lunettes de vision nocturne, eux seront aveuglés alors que Paul pourra se guider sur la réverbération des explosions sur l’écran des fumigènes.
« Et s’ils n’ont pas de matériel de vision nocturne, de toute façon, il n’y aura plus que le bruit qui pourra les guider sur moi. Or, le moment crucial où ils nous repèreront au bruit, ce n’est qu’au décollage. Même si les explosions des bombes viendront couvrir le bruit de ma turbine. Décollage qui va être difficile de toute façon avec un avion surchargé ! »
Et on passe au minutage, à la navigation et aux codes radios.
« Vous êtes Juliet-Sierra, » intervient le type de la CIA resté silencieux jusque-là dans son coin.
Silence des officiers qui se retournent vers lui.
« Retenez bien ce nom de code, commandant De Bréveuil. »
« Et vous êtes qui, vous ? »
L’agent spécial Almont, celui qui l’a fait venir jusqu’ici. « Vous ne me connaissez pas, mais moi j’ai pu vous apprécier. »
Dire qu’Almont s’est tamponné le décalage horaire uniquement pour lui passer ce message-là !
Voir « Charlotte » aussi, jauger le personnage, se demander comment un type aussi grand et athlétique que lui peut bien entrer dans des cockpits de chasseurs et apprécier s’il pourra ou non mener à bien sa mission, que lui téléguide depuis Langley sans qu’il ne le sache encore.

Le groupe se sépare et Paul retrouve Joëlle au mess des officiers. Une petite collation avant le départ comblera le creux laissé par les sandwichs au cours du vol.
« Alors ? », demande-t-elle.
Secret défense. Il devrait être de retour vers une heure du matin, heure locale. « Si je ne rentre pas, faites-vous ramener à Kaboul par un avion de liaison et reprenez un vol, le premier, pour Paris ou l’Europe. Vous confirmerez de mon décès à vos supérieurs. Mais vous êtes priée de ne pas souffler mot à quiconque, y compris vos proches, de ce dont nous avons parlé en route. »
Pour ce qu’elle en a entendu, de toute façon, il s’agit juste de faire du piratage informatique, sur des comptes bancaires encore indéterminés, à des dates non précisées. Le reste, mystère.
« Vous ne pensez pas que je vais rester seule ici entourée par tous ces militaires agités qui me lorgne de façon bizarre quand j’entre dans leur champ de vision. Même les filles, figurez-vous ! Je viens avec vous ! »
Pas question une seule seconde. C’est extrêmement dangereux. Elle peut être blessée, tuée, peut-être même blessée-tuée-violée dans un ordre aléatoire. « Pas question de fournir un otage de plus à ces gens-là qui ne nous veulent de toute façon pas que du bien ! »
Mais elle n’en démord pas : « Si vous voulez que je collabore à vos pirateries, il faudra me faire confiance et réciproquement, donc m’emmener avec vous où je ne vous attends même pas pour rentrer et dirai à mes chefs que vous m’avez sexuellement harcelée ! »
Pas crédible une seule seconde, elle n’est pas son genre et tout le monde le sait…
« Et puis c’est une question de poids. Vous faites au moins dans les 60 kilos. Et au moment du décollage, c’est une ou deux secondes de trop ! »
« Mufle ! Vous faites bien le double, vous ! »
Pas tout-à-fait, mais lui, il pilote, pas elle. Et pour la manœuvre prévue, si tout le monde l’apprend dans les écoles aériennes sérieuses du monde entier, rares sont ceux qu’ils la font par temps couvert, de nuit, sur un lac posé à 1.500 mètres d’altitude, et sans reconnaissance préalable ! Ils sont une vingtaine à pouvoir ne pas se planter en touchant l’eau. Et il n’est même pas sûr de se compter dans le lot !
Ça ne fait rien et elle insiste tellement que Paul finit par lâcher : « Allez mettre une tenue pendant que je finis votre dessert. C’est pas bon pour votre masse corporelle ! Mais à une seule condition : Vous n’ouvrez plus la bouche avant notre retour, même pour protester que je vous pique votre dessert ! »
À ses risques et périls, après tout. Si ça se passe mal, personne ne pourra plus lui reprocher quoique ce soit, de toute façon.
Si ça se passe bien, elle n’aura pas de rapport à faire sur les « dépenses somptuaires » !

Et au « top départ », le De Havilland décolle de l’unique piste de Kandahar. Paul passe en pilotage-automatique : les programmeurs s’y entendent pour faire faire de la navigation « millimétrée » à la machine. Paul n’a qu’à ajuster la puissance de la turbine pour respecter l’horaire prévu.
Un Awacs en haute altitude supervise les vols. Les B 52 arriveront sur zone à l’heure prévue, feront deux passages aller et retour en deux vagues, laissant un battement de 10 minutes entre leurs tirs est/ouest, et ouest/est après un virage serré sur bâbord à 36.000 pieds. Les drones d’attaques tourneront à 20.000 pieds et Paul est attendu à 30.000 pieds.
La manœuvre consiste à couper la turbine à 5 nautiques de la zone d’amerrissage, en venant de l’est, en amont des B 52. Paul attend que la vitesse de son avion tombe, met les volets en position basse et pique vers le lac, ajustant sa vitesse avec les aérofreins.
En, principe il n’est plus qu’à 2.000 pieds et 140 nœuds quand il aborde la rive-est du lac.
Et ça se passe comme prévu. Il est devancé par la première vague de bombes qui noient les berges nord et sud sous un déluge de feu et une fumée envahissante. S’il n’y avait pas eu de la brume naturelle, Paul aurait eu une visibilité parfaite en cette nuit de lune rayonnante.
Le feu des bombardiers roule plus vite que lui, le dépasse et la seconde vague entame sa traversée du lac, sur le même axe et la même célérité pour le rattraper à peu près au moment où il réduit les volets pour perdre de l’altitude et maintenir sa vitesse : c’est qu’il faut qu’il arrive sur la pointe ouest du lac, jusque-là épargnée par les bombes de la première vague sans démarrer la turbine qui aurait alerté les tireurs.
Il touche l’eau trop tôt, de telle sorte que l’hydravion ne parvient finalement pas à monter sur la berge dans son élan. Faut ramer et pousser l’engin sur une dizaine de mètres où heureusement on a pied, même si c’est un peu « glauque » sous les semelles.
Une partie de soldatesque à évacuer se présente sans prévenir, aidée par son matériel de vision nocturne et vient l’aider à remettre le zinc face à l’est pour le décollage. Un phare s’allume côté sud, qui fouille l’obscurité dans le silence revenu et une autre direction que vers eux.
2 minutes et on entend le sifflement d’un engin lâché par un drone qui vient encadrer le porteur du phare. Encore 2 minutes et le blessé est hissé à bord. Un autre phare s’allume, côté nord, pas très loin de l’endroit où l’équipe des huit rescapés finit d’embarquer le matériel.
On attend le retour des B 52 pour lancer la turbine.
Finalement, le faisceau lumineux balaye l’hydravion masqué par la brume et les fumigènes, revient dessus, puis s‘y fixe. Nouveau sifflement avant l’explosion des projectiles lâchés par un drone qu’on entend au loin. Les rebelles ont le temps d’ouvrir le feu à l’aveuglette en direction de l’hydravion, ce qui décide Paul à anticiper le lancement de la turbine.
Joëlle hurle alors que les commandos ripostent en larges rafales depuis les portes latérales restée ou vertes.
Il est temps de déguerpir.
L’hydravion lourdement chargé a du mal à prendre son accélération. Derrière, le roulement des bombes du B 52 revient. Un Sam 7 est tiré d’en face.
On voit nettement la lumière de ces gaz d’échappement venir rapidement en direction de l’hydravion.
Paul tire une chandelle sur tribord, moteur à fond, pour l’éviter et présenter son ventre blindé au petit missile. Le détonateur fait exploser la charge derrière l’appareil qui est secoué un grand maximum, pour être mis en décrochage, la perte de sustentation, pour le coup.
Ils plongent tous sur la surface du lac, déportés vers le sud. L’hydravion percute l’eau, mais le flotteur résiste bien et renvoie l’appareil sur bâbord. Bon pour un second décollage.
Paul rabat sa machine sur la rive nord pour éviter d’avoir à être sous la trajectoire des bombes lâchées de nettement plus haut et qu’on ne peut plus arrêter.
Quelques impacts de balle sur le blindage. Personne n’est blessé à bord et la machine tient le coup.
À 2.000 pieds, Paul pique de nouveau vers l’ouest sur la surface du lac, quand la seconde et dernière vague de bombes touchent le sol dans cette direction. Cette fois-ci, il s’agit de redonner de la vitesse de pointe à l’hydravion, pour rentrer les volets et pouvoir se dégager.
De préférence côté non-bombardé, ce n’est pas plus mal.
Et l’avion obéit alors que la conseillère référendaire de la Cour régionale des comptes se vide les poumons à hurler depuis tout à l’heure, les yeux écarquillés de terreur.

Finalement, elle se tait une fois que l’avion est stabilisé en montée rectiligne, cap sur Kandahar. En anglais : « Elle est toujours comme ça ? »
« Je ne la connais pas » répond Paul à la voix qui pose la question, derrière lui. « Elle n’est pas à vous ? »
Un doute plane dans l’habitacle : grand moment de solitude partagée dans le ciel Afghan.
« Talibane, alors ? »
Donc, ce serait une prisonnière ? « Splendid, men !... Felicitations ! »


Opération « Juliette-Siéra » (IX)

Neuvième chapitre : Escale à Malaga

Avertissement : Ceci est un roman, une fiction, une « pure construction intellectuelle », sortie tout droit de l’imaginaire de son auteur. Toute ressemblance avec des personnages, des lieux, des actions, des situations ayant existé ou existant par ailleurs dans la voie lactée (et autres galaxies), y compris sur la planète Terre, y est purement, totalement et parfaitement fortuite !

Sitôt confirmation que l’opération est un succès, l’agent spécial Almont salue ses hôtes et s’envole pour Ryad où l’attend le vol vers Washington via Brussels en espérant qu’il se remettra des effets du double « jet-lag ».
Pendant ce temps-là, la rumeur court sur la base de Kandahar que les pilotes et l’équipe de secours rentre avec une prisonnière.
Pas croyables ces français ! Le commando n’a affaire qu’avec des barbus invisibles qui leur tiraient dessus depuis vingt-quatre heures et lui, en à peine cinq minutes, il trouve le moyen de dégotter une pouliche, de la faire prisonnière et de la ramener comme d’un trophée de guerre !
Invraisemblable !
C’est un accueil « festif » auquel ont droit les « miraculés » en se posant sur le tarmac.

Salle de débriefing pour les uns, alors que Joëlle Lidoire reste prostrée sur le siège de copilote, sans mot dire, fiesta des retrouvailles pour les autres, salle d’opération chirurgicale pour le toubib blessé et lui remettre sa double fracture de la jambe en place.
Les équipes techniques n’osent pas déranger « la talibane » aux allures un peu berbères habillée en treillis, pendant qu’ils remettent les sièges, enlèvent les plaques de blindage, bouchent les trous dans le flotteur endommagé, les ailerons et la gouverne et ramènent les affaires du « frenchy ». Et qu’un cordon maintient à distance les curieux encore débout à cette heure tardive, venus vérifier les folles rumeurs sur la « prise de guerre » du « frenchy »…
Le Sam 7 aurait pu envoyer le zinc au tapis, ou trouer de part en part ses occupants si Paul De Bréveuil n’avait pas présenté le ventre de l’appareil avec sa manœuvre d’évitement du missile sur tribord.
On y refait les pleins, les bidons supplémentaires et quelques heures de repos sommaire après, homme et matériel sont près pour repartir vers l’Europe.
Paul ne se fait pas prier : demain, heure locale, il doit être à Malaga. Il piquera un roupillon pendant que Pedro, le pilote automatique, les ramènera à Fox en une seule traite avec ravitaillement en vol depuis les bidons réinstallés dans l’habitacle.
Ça sent un peu l’essence, mais pas assez pour être irrespirable.

…/ (Aparté n° 3) /…

Et surprise, arrivés avec l’aube dans le dos au-dessus de l’Adriatique, une patrouille de F 16 italiens vient les encadrer.
« Les nouvelles vont vite dans les armées de l’air occidentales » commente Paul à sa co-équipière à peine remise de ses émotions passées.
Plus loin, ils sont relayés par des F 14 de la Navy américaine, venus d’un porte-avion croisant vraisemblablement au large de la Sardaigne. La sixième flotte à la manœuvre.
Ils saluent à leur tour par un tonneau de dégagement au niveau des alpes pour être relayés par une patrouille de Mirages 2000 de la base de Salon-de-Provence qui les accompagnent jusqu’au dessus de Fox : la façon des « soldats de l’air » de marquer leur solidarité envers un seul d’entre eux !
C’est que c’est compliqué d’obtenir, pour les uns et les autres, les autorisations de sortie…
Et à chaque fois, en apercevant la passagère dans le cockpit de Paul, c’est la même réaction à la radio.
« Bien le navigateur ! »
« A good shot ? »
Devinez, les aviateurs !

Une fois au sol, l’équipe de Rémarde fait à son tour des commentaires, mais là, sur les réparations des mécanos américains de Kandahar. Beau boulot, mais les tons de la peinture ne sont pas les mêmes : Logique, dans la nuit, les projecteurs du hangar écrasent un peu les nuances. Il y a noir, et… noir !
Paul donne ses instructions à la conseillère de la Cour régionale des comptes, détachée pour « l’opération Isidore ».
Normalement, ils se retrouvent à Paris, demain dans l’après-midi, au siège de la MAPEA où tout le matériel informatique dont elle a besoin est disponible. Et si ce n’est pas le cas, elle le fait rentrer.
« En plus, les locaux sont sécurisés ».
Et elle aura eu le temps de se faire fournir les accréditations auprès de son administration et du responsable de l’opération au ministère de la défense.
À onze heures locales, Paul est sur le tarmac de l’aéroport de Malaga, sur la Costa-Del-Sol, en Espagne.
Midi, il est dans la salle de conférence qui accueille ce jour-là les spécialistes des Ummos et autres chercheurs de la vie d’ailleurs : les « exo-sciences » !
Le « capitaine Haddock » est attendu en ouverture de conférence de la séance de l’après-midi.
D’après les renseignements communiqués par la vraie Charlotte, rassemblés par « Disque-Dur », il s’agit d’un ex-commandant de bord, à la retraite de chez Air-France, qui aurait vu un Ovni il y a quelques années.
Un type original qui se passionne pour les grands-voiliers et clippers d’antan et croit dur comme fer, avec d’autres illuminés, que des civilisations extra-terrestres s’apprêtent à intervenir sur Terre pour aider les humains à sauver leur propre espèce.
Et leur planète, du coup : C’est bien de rêver, ça permet de rester jeune !
C’est d’ailleurs le thème de cette partie-là de la conférence. Le reste étant consacré aux moyens à mettre en œuvre dans le cadre de la recherche d’une hypothétique vie « ailleurs », même pas forcément intelligente, d’ailleurs.
Les Ummos et les OVNI sont pris pour des canulars par certains, très bien monté mais qui ne résiste pas à l’analyse des dires rapportés, pas très au sérieux pour l’ensemble des populations, même « averties », et ignorés totalement par les responsables gouvernementaux.
D’après la plaquette, le « Capitaine Haddock » prétend qu’au contraire, les autorités françaises et en tout cas la gendarmerie enquêtent très sérieusement sur les phénomènes d’Ovni.
Un peu farfelu, mais c’est la piste laissée par Emily, et pour le moment, c’est à peu près la seule en six jours d’enquête.
Faut dire que Paul, entre-temps, il lui est arrivé plein de choses inattendues : pas eu trop le temps pour des choses sérieuses…

Il repère le bonhomme quand celui-ci monte à la tribune du vaste auditorium du centre de presse de conférence de la ville, pour s’exprimer dans un anglais parfait pour un « continental » durant quelques minutes, témoignant de ce qu’il a vu sur le sujet, une maquette oblongue à la main, pour illustrer son propos.
Paul note tout juste et de loin, que c’est le profil parfait pour un engin évoluant en atmosphère, taux d’élongation d’environ un douzième.
Il laisse passer l’intervenant suivant et tente de l’approcher à la coupure avant la clôture de la conférence, pour lier conversation.
Ils se présentent mutuellement, un verre à la main, Haddock un peu surpris de la corpulence athlétique de Paul, quand il lui énonce qu’il est un ex-officier pilote dans l’aéronavale.
« Cher Monsieur, je vais vous étonner », commence Paul. « J’arrive de Kandahar pour un tout autre sujet que celui de cette conférence, particulièrement intéressante. »
Et l’autre recommence son discours de l’heure passée en insistant : « Vous avez tort ; il y a 1.500 observations d’OVNI faites par les pilotes civils et militaires en 50 ans, et le niveau de secret défense de ce dossier est supérieur au niveau du secret nucléaire militaire… »
Paul en a déjà entendu parler dans ses jeunes années…
« Je vous arrête, commandant ! Il n’est pas question d’Ummo. En fait, je suis envoyé par mon ministère, sur indication d’un agent étranger, pour vous parler d’argent détourné en France. »
Le type se fige. Il a le regard perçant et le timbre posé.
« On se retrouve pendant le cocktail de clôture. Vous avez à peine quatre-vingt-dix minutes à attendre, si ça ne vous dérange pas trop. »
Bé non, il vient d’Afghanistan rien que pour ça. Il peut patienter encore un peu, même s’il n’a pas beaucoup dormi depuis ces trente dernières heures…

L’heure et demie passée, tous les deux se retrouvent un peu à l’écart dans le hall du centre de conférence, transformé en vaste « cocktail-party ».
Le Capitaine Haddock n’y va pas par quatre chemins et la question est sans détour. « Vous étiez à Kandahar !… Vous auriez-vous pu y être il y a quelque temps avec mon ami le docteur Xavier Maniguet, spécialiste de la survie en milieu difficile ?... »
Maniguet, qui n’en a pas entendu parler dans les milieux aéronautiques militaires, qui reste un tout petit-monde. C’est lui qui avait loué « l’Ouvéa » pour aller couler le « Rainbow Warrior » en escale en Nouvelle-Zélande ! Mais Paul était alors encore en culotte courte à cette époque. Et il n’a pas croisé Maniguet sur la grande base de l’USAF d’où il revient.
« Maniguet est un ami de longue date » poursuit le bonhomme, « puisque nous étions ensemble au Lycée Jehan Ango à Dieppe et que nous étions inscrit à l’aéro-club de Dieppe au début des années 70… » Encore des mordus, nés avec des ailes attachées dans le dos !
Paul explique en quelques mots l’objet de sa mission : retrouver de l’argent détourné il y a 20 ans…
« Je suis très content de vous voir sur l’affaire des indemnités de la guerre du Golfe dérobées par « l’Arsouille ». D’ailleurs j’avais proposé à Xavier de venir avec moi à la BCR du Havre pour transmettre les informations au ministère des Finances… »
De quoi parle-t-il ? Maniguet connait cette affaire ?
« Tout le renseignement connait ce détournement de fonds et je peux vous assurer d’une chose, c’est que depuis l’affaire du « Rainbow Warrior » il y a un bon nombre d’officiers qui ne rêvent que d’une chose : faire payer l’addition à la classe politique, en particulier aux « Thierimentiens » qui ont décidé de cet attentat stupide, puis qui ont jeté en pâture au public Maniguet. Alors que la règle première, dans n’importe quel service de renseignement du monde, c’est de couvrir l’identité d’un agent des services spéciaux, quelles que soient les circonstances. À n’importe quel prix... »
Comment sait-il tout ça, l’ex-pilote d’Air-France ? Un agent des services spéciaux ? Un « ex » ?
Et puis n’est-ce pas une ânerie ? Cornu, le ministre de la défense de l’époque avait-il vraiment décidé d’une opération contre les « « écologistes de Green Peace », dont tout le monde savait qu’ils étaient financés par la CIA sous couvert de diverses fondations caritatives !
La France pouvait bien faire les essais nucléaires qu’elle voulait dans ses îlots perdus du pacifique-sud à ce moment-là, sans avoir à en découdre avec les doux rêveurs d’un monde meilleur et désarmés face à l’armée rouge ou les « boys » de l’Oncle Sam. Décidément, Paul n’est pas un stratège, mais il parierait bien que c’est plutôt le service « action », les plongeurs de combats des commandos de marine d’Aspreto qui veulent en découdre…
Alors, un « renvoi de cacahouète » sur une affaire qui a mal tourné, dont les « politiques » qui s’y sont laissés embarquer à la va-vite, mais ont quand même sortis les faux « époux Turange » des geôles de Nouvelle-Zélande, pour des « nouveaux venus » aux responsabilités, ils ne s’étaient pas trop mal débrouillés, finalement, dans ce grand cafouillage !
Mais ce n’est pas ce qui importe à Paul sur le moment : Ce « capitaine Haddock » a peut-être un rôle plus important que sa bonhommie naturelle de « gentil débonnaire » ne le laisse supposer au premier abord. Après tout, ce n’est sans doute pas pour rien que les patrons d’Emily l’ont mis sur sa piste : « Que savez-vous exactement sur cette histoire de fonds détournés ? »

Et « Haddock », au nœud papillon impeccable, un verre de champagne à la main, qui commence à déballer son histoire. « Eh bien, je sais deux trois choses, que je ne peux pas divulguer, même à vous »…
Bon ! Ambiance… « Je me casse, alors », pense Paul pour lui-même ! Mais haddock poursuit.
« Sachez que j’ai appris le détournement des indemnités de la guerre du Golfe à la fin 1997 et que j’ai pu confirmer cette information immédiatement auprès des hauts-gradés de la défense avec qui j’ai créé une association, en 1993. Des amiraux et autres officiers supérieurs de la marine en vue de faire revivre la marine à voile d’antan : La Fondation « Les Clippers de France ».
Son objectif était de définir un programme national de formation humaine des jeunes par la navigation en équipage à bord de grands voiliers.
Mais j’étais aussi en contact avec l’état-major de l’armée de l’Air, car j’avais observé en janvier 1994 un gigantesque OVNI qui s’était positionné au-dessus de Paris et qu’il avait été identifié par le radar de Taverny. Raison pour laquelle nous sommes ici aujourd’hui d’ailleurs. Bref, ce n’est pas le propos… Début 98 ? Le démarrage de l’Opération Haddock !
»
Qu’est ce que c’est encore que cette opération éponyme là ? La vaste fumisterie d’un ego surdimensionné ? Pourquoi les services américains l’ont donc envoyé jusqu’ici ?
Et le « capitaine Haddock » de poursuivre sans se rendre compte que Paul commence à s’impatienter…
« Oui, « l’Opération Haddock » a été définie à la fin 1997 et au début de 1998. Elle avait pour but de faire payer l’addition aux politiques sur l’affaire du « Rainbow Warrior » en la dénonçant pour ensuite récupérer les indemnités de la guerre du Golfe détournées par Thieriment, mais aussi afin de créer une structure qui permette qu’un tel crime contre la défense nationale ne puisse jamais se reproduire ! »
S’en prendre au Président de l’alternance du moment, du grand n’importe quoi ! Encore un grand rêveur…
« Ainsi la défense aurait déjà lancée une opération, il y a plus de douze ans, pour récupérer ces fonds ?... »
Pourquoi alors, on lui demande de venir faire le pitre à s’en gâcher ses vacances, se faire tirer dessus, lui qui n’émarge plus au budget de la défense depuis si longtemps, si pendant 12 ans la « grande muette » s’en esquinte le moral tous les jours sur le sujet, comme il a pu s’en rendre compte dans l’examen des dossiers remis le jour même de son premier attentat ?
Ça ne tient pas debout, ces fariboles, d’autant que ça n’a rien donné !
Et puis, Paul n’a vu que deux galonnés jusque-là, et la « Dominiquette » et son escouade de protection, absentes pour le coup, plus leur ministre mais en coup de vent. Aucune trace d’une vaste opération de déstabilisation politique.

Mais l’autre continu entre deux gorgées.
« La première action, celle que j’ai proposée a été immédiatement retenue par les services. Elle a consisté à dénoncer le détournement des indemnités de la guerre du Golfe au ministère des finances. Je l’ai fait fin janvier 1998 à la BCR du Havre. Il y avait quatre inspecteurs et contrôleurs et j’étais venu avec le naïf monsieur X qui amenait des biscuits sur un autre détournement de fonds au détriment de la compagnie aérienne « Air-Transe ». »
Encore quelques barbouzeries sonnantes et trébuchantes d’argent qui se promène dans les airs du pays vers quelques paradis fiscaux, peut-être ? Et alors, il n’a jamais transporté de fonds, des bijoux ou des lingots d’or dans ses cales, celui-là, ou quoi, se demande Paul qui commence à s’impatienter sérieusement, la faute au manque de sommeil.
D’un autre côté, faut reconnaître que c’est assez malin de monter les Services les uns contre les autres. L’armée qui verrait passer du pognon qui n’existe pas, envoie un quidam de civil dénoncer l’affaire à des inspecteurs du fisc qui ne peuvent qu’en référer à la DNEF , qui n’est pas spécialement composé de tire-au-flanc, au contraire : une réputation de sabreur, et qui ne peut que se saisir du dossier et ouvrir une enquête. Ils sont là pour ça : exploiter toutes les dénonciations !
Une véritable petite bombe, directe posée sous le paillasson du ministère des finances, tout en dédouanant les personnels du ministère de la défense de toute cette affaire. Intéressante, cette petite-guéguerre d’un temps dépassé…
« Comment s’est donc déroulée cette entrevue ?... »
Un « porteur de bidons » passe à ce moment-là à proximité et le « Capitaine Haddock » qui échange à la volée une coupe vide contre une autre pleine.
« En fait, il était impossible de présenter une telle dénonciation comme une déclaration quelconque sans bien définir ce qui se passait. J’ai ainsi bien souligné que j’avais eu la confirmation de ce détournement par mes contacts dans les états-majors de la Marine et de l’armée de l’Air tout en précisant que « si les crapules qui étaient en face me faisait la peau cela flinguerai immédiatement ; vous transmettrez bien ces précisions à votre hiérarchie » ».
Prudent, le pilote d’aérobus et autre camions aériens…
« Mais dites-moi, aviez-vous les virements bancaires correspondants aux indemnités de la guerre du Golfe ?... » Réponse embarrassée : « Eh bien non ! Nous avions un certain nombre d’informations indiscutables qui prouvaient que ce détournement était bien une réalité – par exemple le retour de « Thieriment » de Doha avec des caisses de billets dans l’avion et une escale à Zurich – mais il nous manquait l’essentiel à savoir la multitude de bénéficiaires de ce gigantesque vol. »
Accusations faciles, ça… Des caisses de billets ! N’importe quoi, oui ! Pourquoi pas des lingots d’or qui dégoulinent des poches du veston, tant qu’on y est ?
Un million de dollars, c’est 100 liasses de 50 billets de 200 dollars : ça tient dans un seul « pilot-case ».
Encore un type qui ne sait pas qu’on n’a pas besoin « de valises » ou de « caisses » volumineuses pour passer de l’argent d’un endroit à un autre… Quelques octets suffisent. Un chèque, déjà, ça tient entre seulement deux doigts !

« Admettons. Mais c’est quoi, « l’opération haddock » ? Parce que s’il s’agit juste de passer un dossier sans rien dedans que faisant état du petit personnel de piste qui voit passer des valises, c’est un peu mince pour envoyer Cornu, qui est mort entre-temps, aux oubliettes de l’Histoire, histoire de laver l’affront de l’Ouvéa, non ? »
Marre à la fin d’avaler des âneries depuis le début de cet entretien…

« Ce que vous ne savez pas, c’est que l’opération « Haddock », inconnue du public, est suivie très attentivement par l’état-major des armées et qu’elle ne se limite pas à la recherche de fonds disparus… »
Et tout à l’heure, il va affirmer que finalement tout part de lui et que Paul se retrouve de facto à ses ordres ?
« Qu’est-ce que vous entendez par, « ne se limite pas à la recherche de fonds disparus »… ».
Le capitaine Haddock, sentant à la fois la curiosité de son interlocuteur et son agacement poindre, se doit d’en dire plus. Or, pour des raisons de sécurité, il ne doit pas non plus, de son côté dépasser la limite du possible
« En fait l’opération Haddock regroupe un bon nombre de retraités des armées, avec plein d’étoiles - j’aime bien les étoiles - et qui désirent rester au service de leur pays jusqu’au bout. Il y a aussi des membres d’autres ministères. Nous avions parmi nous, dans le « groupe Jean Renaudin » – maintenant décédé - l’un des cinq directeurs à compétence nationale des douanes, qui fut responsable de la zone Nord-Ouest de la France. Il nous a d’ailleurs donné des indications d’une extrême importance pour définir la stratégie la plus adaptée… ».
Les douanes, maintenant ! Manquaient plus qu’eux…
« L’Opération Haddock est une opération sur le long terme et j’ai fais une demande de prime d’aviseur, uniquement parce qu’elle permet de lever la prescription des dix ans sur le détournement en question… »
Une prime d’aviseur ? D’aviseur de quoi, puisque pour le moment, il n’y a pas un élément sérieux qui présumerait d’un quelconque détournement d’un Président disparu, de son administration, de quelques complices ? Rien que du vent présomptueux.
« J’ai demandé 1 % des fonds détournés, ce qui est tout à fait suffisant pour l’acheter un Pilatus PC 12 et partir en week-end avec les copains… Il y a aussi la possibilité de création de fondations, car 1 % d’un montant aussi astronomique – plus de trois milliards de dollars - c’est beaucoup trop pour mes besoins. »
Trois milliards ? D’un coup ? Et ils sortent de quel chapeau ?
Mais Paul, continue de laisser parler le « Capitaine Haddock ».
Trois milliards et un « groupe Jean Renaudin »…

Opération « Juliette-Siéra » (X)

Dixième chapitre : L’opération Haddock


Avertissement : Ceci est un roman, une fiction, une « pure construction intellectuelle », sortie tout droit de l’imaginaire de son auteur. Toute ressemblance avec des personnages, des lieux, des actions, des situations ayant existé ou existant par ailleurs dans la voie lactée (et autres galaxies), y compris sur la planète Terre, y est purement, totalement et parfaitement fortuite !

« Il est urgent de créer une fondation – la fondation Division Daguet – pour nos soldats blessés ou tués en opération, car vous savez que nos militaires sont peu indemnisés. D’autre part, la marine a besoin de grands voiliers-écoles et la révélation au public de ce scandale permettra d’assurer la communication sur le « projet Euroclippers » que je développe avec des amiraux. Car le but ultime de « l’opération Haddock », ce n’est pas que ça. Mais bien plus de contrôler nos dirigeants, parce que la Vème république est devenue d’un tel totalitarisme mafieux, sans autre équivalent sur la planète – avec tous les partis politiques impliqués dans ces affaires… ».
Paul coupe court : « Commandant ! Je vous somme de vous taire : je ne veux pas en entendre un mot de plus ! Vous m’offenseriez ! »
Passe encore des rumeurs, des ragots, des présupposés, des on-dit, même les plus absurdes, même un jugement quant à la qualité des institutions, ou quand à celle des hommes.
Mais pas d’un contrôle des institutions et des dirigeants politiques, même au prétexte qu’ils sont tous mouillés, pourris jusqu’à la gorge !
« Ce serait une tentative de putsch ! Une entreprise anticonstitutionnelle, Commandant ! »
User d’éventuels « dérèglements comportementaux » de quelques-uns, même de tous si nécessaire, et transformer une affaire pour des conséquences politiques incalculables…
« Je ne m’en ferai pas le complice, même involontaire ! De près comme de loin, Commandant ! »

Le « capitaine Haddock », étonné par la soudaine reculade de son cadet, s’arrête, incertain, un léger sourire en coin. Il avale une gorgée de champagne et continue en se disant que ce gars-là, il n’est pas facile à convaincre : un pur produit de la technostructure ambiante et obéissante jusqu’à l’aveuglement, ou simplement un loyalisme ancré au plus profond de l’inconscient ?
Peut-être est-il allé trop loin. Mais son instinct lui commande d’aller plus loin…
« Lorsque le détournement des indemnités de la guerre du Golfe sera révélé au public, le scandale provoquera une crise politique qui entraînera inéluctablement la fin de la Vème république avec la rédaction d’une nouvelle constitution et de très importants aménagements pour que les citoyens puissent contrôler beaucoup plus efficacement leurs dirigeants… ».
« Arrêtez ! Si c’est une tentative de coup d’État que vous me racontez-là, je vous répète que je serai obligé de faire prendre des mesures par nos services de sécurité ! »
Mais non !
« Lorsque le dossier sera rendu public, les choses seront tellement simples que je n’aurai pas d’autre choix que d’être ministre de la défense, et je vous assure que cela ne m’amuse pas car je suis en retraite !... »
Paul se demande s’il a bien entendu ! Un plaisantin !
Mondain peut-être, mais un plaisantin : il a failli s’y laisser prendre.
« Oui bien sûr, je m’y prépare depuis une dizaine d’années car la tension sera beaucoup trop forte au sein des armées pour qu’un des hommes politiques des trois dernières décennies puisse être ministre de la défense car ils sont tous corrompus, ou pire, sont lâches. Je vous suggère de prendre connaissance de mon blog « Alerte Éthique » sur lequel vous trouverez mes courriers aux différents ministres des finances depuis 1998, mais aussi à « Bling-Bling », à « Rackchi », etc.… »
Bon d’accord ! Paul éclate de rire… Tout ça pour aller faire de l’audience sur un blog inconnu au nom accrocheur, franchement, il apprécie le « Capitaine Haddock » finalement, même s’ils n’ont pas le même sens de l’humour.
Drôle de bonhomme !
Et de se demander si l’un ou l’autre n’a pas abusé du champagne ou d’autres molécules hallucinogènes prohibées.
« Cher Ami, vous ne connaissez rien ni à la défense, ni à la gestion de la chose publique, comment pourriez-vous être ministre ?... »
Là, le rire de son vis-à-vis plus le ton railleur de la dernière question, « Haddock » commence à être franchement agacé.
« Et les autres, ceux qui nous gouvernent depuis trois décennies, pensez-vous qu’ils y comprennent grand chose ?... Je prendrai tout simplement trois co-ministres, des anciens chefs d’état-major – il y en de très haute valeur - qui feront le travail et j’aurai ainsi une autorité indiscutable et indiscutée. Dans un deuxième temps une sélection psychologique sera faites chez les anciens militaires de façon à avoir des co-ministres civils ».
N’importe quoi ! Des psy-militaires qui se cooptent entre eux pour gouverner : on nage en plein délire ! Ce sont les peuples du monde entier qui vont rigoler un grand moment de la « patrie des droits de l’homme »…
« Vous avez raison ! On fera comme ça et on internera tout le monde au passage. Cela marchera même si ce n’est pas prévu comme ça dans nos textes et constitutions ! Staline et Hitler, faisaient exactement de la sorte et ça leur à si bien réussi... Quand même mieux que Pol-pot, Pinochet, ou Mao, hein ! Eux se passaient des psys, les andouilles. »

Le « capitaine Haddock » devient franchement de mauvaise humeur. C’est presqu’agressif qu’il invective Paul de Bréveuil.
« Ces connards de politiques n’auront que ce qu’ils méritent. Ils n’auront qu’à fermer leurs gueules. D’ailleurs ils ont un groupe terroriste sur le dos, le groupe AZF, qui a mis des bombes sous les voies ferrées au début 2004 et qui, s’il réapparaît, bloquera les voies ferrées et mettra sous tutelle la bande de crapules ou de lâche qui nous gouvernent !... Mille millions de mille sabords !... »
Paul comprend pourquoi l’ancien commandant de bord d’Air-France est surnommé le « capitaine Haddock » : sous le vernis de civilité et de bonhommie, il y a un caractère trempé et inflexible, jusqu’à l’absurde.
Serait capable n’importe quoi pour faire face aux coups durs, y compris de prendre les mesures radicales, seules capables à ses yeux de régler les problèmes cruciaux, tel que le niveau de corruption desdits supposés « connards »…
Dangereux le bonhomme ou simple hurluberlu, se demande Paul laissant l’autre s’énerver tout seul à la recherche d’un nouveau verre plein.
« Haddock » finit par le trouver et se calmer.
« Vous voudrez bien m’excusez, capitaine… Je m’emporte, je m’emporte alors que je viens d’apercevoir la grande Valérie qui arrive et s’intéresse aux OVNI ; c’est l’ancienne secrétaire de « Cri-cri-d’Amour », l’ancien président d’Air-Transe, et je dois vous avouer que cette très belle brune-là, d’une très grande sensibilité, m’intéresse beaucoup plus que toutes ces affaires de détournement de fonds et de soucoupes volantes !… ».
Ouf, le calvaire va-t-il se clore ?
« Capitaine », fait-il en se retournant vers son interlocuteur, « pour finir, je vous conseille aussi d’aller à Genève rencontrer Ferrayé. Ou son avocat à Paris, maître Lardco. Eux en savent presqu’autant que moi. Mais sur un autre aspect de ces détournements. Normalement, tout ça devrait vous mener sur la banque cantonale privée d’investissement de Luzerne, sur la trace de Sir-Veine : la presse locale suisse s’en est même fait l’écho, un temps. Et si par hasard vous y trouvez ce que vous cherchez, je vous souhaite bien du plaisir pour mettre la main dessus. »
Et de tourner le dos à Paul, une première fois, puis se ravisant, de le lancer :
« Ah ! Capitaine, si par hasard vous arrivez à voler les voleurs sans faire de scandale, prévenez-moi et pensez à mes petits Clippers, s’il vous plaît ! » fait-il avant de partir discuter avec « la grand Valérie » qui, effectivement, le captive bien plus que toutes ces affaires.
Non, le « capitaine Haddock » n’a pas picolé plus que de raison. Mais de tout ce qu’il a pu dire, Paul le stock dans sa mémoire en pensant que dans d’autres circonstances, ce doit être un personnage fabuleux.
Encore qu’il faille se demander s’il s’agit d’un affabulateur, mythomane doublé d’un mégalomaniaque. Mais dans ce cas, pourquoi l’aurait-on envoyé jusqu’à le rencontrer ?
Bref, le détour par Malaga vaut finalement bien la peine : deux noms, plus celui d’une banque, sur la trace de l’homme de l’ombre d’un groupe pétrolier aujourd’hui absorbé. C’est maigre, mais c’est déjà ça.
Et s’il n’y avait pas eu le « numéro burlesque » politico-machin-chose, c’aurait pu être tristounet, finalement. Tout en se disant que vraiment, dans l’aviation commerciale, ils resteront à jamais incompétents à distinguer les grades de la marine nationale.
Après l’hommage aérien rendu ce matin par le triple ballet des ailes de l’Otan, ce n’est vraiment pas la peine d’espérer des civils, dont il est redevenu, hormis ses parenthèses d’exception.

Il se fait tard et Paul n’est pas bien avancé. AZF, pas l’explosion, Lardco, le célèbre ténor du barreau, Ferrayé, un inconnu, une banque Suisse, c’est toujours ça de pris.
Mince récolte en fait.
Il se décide à repartir pour l’aéroport alors que la nuit tombe.
Palma de Majorque ?
Pourquoi pas : il trouvera sûrement gîte et bon accueil en cette saison touristique. Il a sa dose, pour ce soir.
Et comme il n’a pas vu les acolytes de Gijou, la « Dominiquette », ce n’est pas la peine de l’avertir non plus de ce détour impromptu avant de rejoindre Paris et la « Miss Joëlle », pense-t-il pour lui-même.
L’hôtel qui l’accueille à proximité de l’aéroport, un peu loin de la station balnéaire, est équipé d’accès internet à haut débit. C’est l’occasion de faire des recherches sur ces fameux clippers, l’affaire Ferrayé et Cie.
Il prend le risque de passer un courriel à « DD » et Charlotte, la vraie, sous un de ses nombreux pseudos improbables : sont plus douées que lui à ce jeu-là.
Et se décide à aller prendre un verre avant d’aller dîner dans le restaurant de l’hôtel, pour pouvoir dormir le ventre plein.

…/ (Aparté n° 4) /…

Avant midi, le lendemain, il est de retour au siège social. Les dégâts de la fusillade ont disparu. Les deux acolytes de « Dominiquette » sont à poste.
La secrétaire est présente et annonce l’arrivée de la Présidente en titre de la boutique. Elle a passé le week-end avenue Foch dans le loft familial qui sert de refuge à ses allers-et-venues quand elle est parisienne.
La conseillère de la Cour régionale des comptes, loin de ses bases est rue Cambon et est descendue dans un grand hôtel parisien.
Elle devrait être de retour avant la fin de l’après-midi.
L’équipe est au complet.
Effectivement, Isabelle Nivelle arrive et convoque son directeur général dans son bureau. Tout sourire la patronne.
Il lui doit bien une explication.
« Je suis en service commandé. Nos projets industriels ne sont pas en danger, simplement, je suis bien obligé de fournir ce que le ministère demande, si on veut un jour se faire bien voir par ceux-là, tu comprends ? »
De quoi s’agit-il ? Elle ne le saura pas, naturellement : « secret défense ! ».
« J’organise tout ça à partir d’ici. Je ne veux pas mettre mes acolytes d’enquêtrices au courant, compte tenu des enjeux qui ne les regardent pas. »
« Ah ? Pas confiance dans ton panier de gouines ? », fait-elle par pure perfidie féminine totalement hétérosexuelle…
Si elle veut.
« Je serai bien obligé de disparaître de temps à autre, mais vous, toi et ta famille, vous vous mettez à l’abri, on ne sait jamais. »
Ramatuelle, pour l’été qui reste clément, ça sera suffisant ?
Pourquoi pas ? « J’y passerai peut-être quelques jours à l’improviste. »
La porte est bien évidemment ouverte. D’autant que tous ces mystères méritent bien quelques compensations.

Le capitaine de corvette met fin à ce duo-là en arrivant à son tour. Paul présente les deux femmes et demande s’il est possible d’organiser une surveillance et une protection autour de la villa de Ramatuelle.
Une corvée de plus qui mobilisera les gendarmes de Saint-Tropez durant une partie de l’été.
Arrive et entre alors la conseillère de la Cour des comptes marseillaise.
« Mesdames, j’ai du travail. Je vous laisse papoter chiffon ! »
Minute. « Vous étiez où, là, durant les dernières 48 heures ? » questionne la militaire.
Isabelle tend l’oreille.
« J’ai des comptes à vous rendre, commandant ? Vous êtes seulement chargée d’assurer la protection des biens et des personnes de mon entourage, dois-je vous rappeler. Mais si vous voulez savoir où je dîne ce soir, je vous laisse le choix de la table, et je vous invite. Ce sera l’occasion de mettre au point deux ou trois petites choses pour être plus efficace. Parce qu’il est vrai que je ne vous ai pas vraiment vu, ni vos hommes, ces derniers temps ! »
Présenté comme ça, elle ne sait pas si c’est du lard ou du cochon.
« Au bar du Crillon. Vingt heures. D’ici-là, mes hommes ne vous lâchent pas ! », répond-elle.
« Isabelle, tu peux prendre la voiture et le chauffeur, ces messieurs me piloteront. »
Paul sort du bureau d’Isabelle en entrainant Joëlle par le bras : « À nous deux maintenant, je vais vous montrer pourquoi vous êtes là ! »
Les deux femmes croisent leur regard, quasi-incrédule. « Il est comme ça : insatiable ! » fait Isabelle à Dominiquette, fripée de l’uniforme.

Paul et Joëlle s’enferment en faisant tourner le verrou, de la double-porte capitonnée verrouillée. Personne ne peut les déranger pendant toute leur entrevue.

…/ (Aparté n° 5) /…

Sitôt cet épisode passé, ils se décident à ouvrir leurs machines. C’est qu’il s’agit d’être efficace et la conseillère d’expliquer comment elle entreprend d’entrer par effraction dans des systèmes informatiques sans laisser de traces, à coups de schémas sur son écran.
« Attends, Madame la conseillère ! Je croyais qu’on disposait du fameux programme « Promis » qui nous aurait facilité les choses ! »
Bé non, mais elle connaît : « Promis » pour « Prosecutor's Management Information System » qui est un système de gestion de l'information, bâti comme d’un système de base de données et est développé par Inslaw Inc.
Le progiciel a tout d'abord été conçu par Inslaw dans les années 1970 en vertu de contrats et subventions pour l’aide à l'administration aide à l'exécution (LEAA) du ministère de la justice américain.
Mais, le gouvernement américain a d’abord disposé de licences exclusives avec interdiction de modifier le programme ou de créer des programmes dérivés, et de distribuer « Promis » en dehors du gouvernement fédéral.
Ce programme a considérablement évolué depuis 1982 et est référencé par pas mal de fournisseurs commerciaux .
Conçu comme un système de gestion de données, « Promis » peut traiter jusqu’à un échelonnement de 570.000 lignes de sous-codes informatiques et intégrer des bases de données innombrables, sans nécessiter une seule reprogrammation. Il peut aussi transformer les données en informations aveugles. Il a la capacité de combiner des bases de données disparates, et de suivre les gens dans n’importe quel système d’information.
« Imagine que tu es en charge de la branche juridique du gouvernement le plus puissant sur la surface du globe, mais que ton système d'information interne est embourbé dans la technologie désuète des années 1960. Il y a des milliers de bases de données, mais aucune d'entre-elles ne peut partager ses informations. « Promis » peut le faire !
Soit à partir d'énormes systèmes informatiques centraux ou des petits réseaux alimentés par les ancêtres des ordinateurs d'aujourd'hui, « Promis », peut, juste à partir de son « lecteur de premier test », être en mesure de lire simultanément et d'intégrer un grand nombre de différents programmes informatiques.
Ou des milliers de bases de données simultanément, quelle que soit le langage dans laquelle les programmes originaux avaient été écrits ou le système d'exploitation ou de plates-formes sur lesquelles cette base de données a ensuite été installée.
»
Un vaste fichier « edwige » ou « stik », mais à l’échelle planétaire en somme…
« Mais nous n’en disposons pas en France ! » rajoute-t-elle.
Faudra faire sans…


Opération « Juliette-Siéra » (XI)

Onzième chapitre : Dîner au Crillon

Avertissement : Ceci est un roman, une fiction, une « pure construction intellectuelle », sortie tout droit de l’imaginaire de son auteur. Toute ressemblance avec des personnages, des lieux, des actions, des situations ayant existé ou existant par ailleurs dans la voie lactée (et autres galaxies), y compris sur la planète Terre, y est purement, totalement et parfaitement fortuite !

Ce n’est pas le sujet : là, il s’agit de traquer des écritures de compte à compte dans des archives électroniques bancaires.
Suit un long exposé où elle indique que tout système central reçoit des informations de postes externes, chacun identifié par son IP, éventuellement par un ID associé, des codes-maison et un code utilisateur. « Mais il les mouline à la recherche d’un virus ou d’un cheval de Troie. Un cheval de Troie est un mini-programme qui en se mettant en marche, ouvre une porte à un computer extérieur pré-adressé avec son propre IP ou un autre piraté, à un moment donné. Bien sûr, les meilleurs systèmes de sécurité les détectent. Et ils détectent aussi le programme dès qu’il se met en route : les sorties de données et de fichiers sont naturellement contrôlées, interdites en général, sauf exception. »
Les exceptions sont préprogrammées à des adresses IP elles-mêmes sécurisées et seulement pour des données et fichiers autorisés, à des plages horaires elles-mêmes prédéfinies et sécurisées.
Quant aux opérations de compensation inter-banques, elles sont naturellement du lot, quand il s’agit de systèmes bancaires.
Les dites compensations sont de deux types : entre comptes dans la banque elle-même, d’une agence à l’autre et entre comptes d’une banque à une autre via les chambres de compensation nationales, puis éventuellement, indirectement ou directement via les chambres de compensations internationales.
« Celle qui est devenue célèbre, c’est Clearstream pour l’Europe l’ouest continentale. »
Mais il y en plusieurs de part le monde. Et le tout est chapeauté aux USA à la BRI , la banque mondiale de compensation.
Chaque étape, consiste à émettre les coordonnées des comptes à créditer vers la salle de compensation et d’autres banques, qui contiennent naturellement l’identifiant, le numéro du compte, le montant, le libellé de l’opération et le numéro de compte débité. En principe, la date est celle du jour de l’opération.
La Banque de compensation re-mouline et envoie à son tour ces informations à d’autres banques de compensation ou directement aux banques destinataires.
Chaque établissement a donc un compte qui est crédité et un compte qui est débité. « En fait, l’argent, qui est virtuel à ce moment-là, n’est viré pour de vrai que pour les soldes.
Ce sont ces virements qui ont été bloqués fin 2008, le fluctuant, faute de confiance entre banques, qui a provoqué la crise majeure qu’on a connu récemment : on ne savait plus si les flux monétaires n’allaient pas être annulés par retour des chambres de compensation faute de provision.
»
À chaque récipiendaire d’exploiter ses informations reçues et de créditer les comptes des utilisateurs, à la date de valeur propre à chaque institut bancaire.
Et ainsi de suite. « Ce sont les places asiatiques qui commencent la danse les premiers dans une journée calendaire. Et le décalage horaire permet de laisser le temps aux machines pour faire le tri et de préparer les envois. »
Mais comment fait-on pour entrer dans les mémoires ?
Les grosses places sont très verrouillées. On n’entre pas facilement dans les banques centrales, propres à chaque pays, ni les grosses banques locales.
Par ailleurs, il est des banques transnationales qui compensent en leur sein et on ne voit pas passer l’argent sur les plateformes de compensation internationales.
Sont donc exclues toutes les écritures de celles-ci, sauf à entrer dans leur serveur principal.
« Et comment fait-on ? Pour une banque cantonale Suisse, par exemple… »

Ah, les Suisses et leur fameux secret bancaire issu d’une loi des années trente en son article 47 !
« Eux se protègent en plus assez simplement. Il n’y a pas d’accès direct à leur mémoire centrale. Ils n’utilisent que des serveurs spécifiques qui sont ouverts sur l’extérieur. Et trimbalent les données sur CD-Rom d’un terminal à un autre avec un bonhomme derrière chaque disque. »
Pour parvenir à ses fins, un hacker utilise donc un stratagème indécelable. Il ouvre un compte fictif dans une banque locale d’un paradis fiscal, pas trop sécurisée. « J’en ai plusieurs aux îles Largo, quelques-uns à Haïti et puis d’autres ailleurs. »
Avec cet identifiant virtuel, elle provoque des « erreurs » vers la banque cible pour pouvoir décoder ses formats informatiques bancaires.
Et on fait une série de virements fictifs vers des comptes qui n’existent pas dans la banque cible. « Pas trop. Il y a toujours des erreurs dans les informations interbancaires, des refus, des noms mal libellés, des numéros également erronés mais dont les clés RIB sont bonnes telles qu’elles sont passées par le détecteur de faux-vrai ou des annulations-rejets faute de provision. »
Environ un pour mille. « Parfois deux. Quand il y a épidémie qui dépasse ces seuils, ça déclenche des alertes et les informaticiens chargés de la sécurité des opérations recherchent la source. Si elles se répètent trop souvent, venant de la même banque-source, ils s’en inquiètent et en général les dirigeants échangent des coups de fils avant d’alerter les autorités financières de leur pays réciproques. C’est pourquoi il faut opérer à partir de plusieurs comptes de banques différents. »
D’où aussi l’intérêt des banques off-shore : il n’y a pas d’autorité monétaire.

Un autre « détail » au passage : La machine ne s’arrête jamais. « Les serveurs sont branchés en permanence et tous les week-ends, notamment comme l’assomption cette année, ce qui permet de différer la mise en place des procédures d’alertes de 48 heures. C’est à ces moments-là qu’il faut attaquer. Mais parfois, ils coupent leurs serveurs. Surtout s’ils ont été « testés » par un hacker dans les jours qui précèdent. »
Une fois le « format informatique » local de la banque cible décodé par la série des erreurs préalables, elle se débrouillera pour s’infiltrer dans la banque cible. « Pour ça, je m’invite le soir local comme si j’étais le directeur d’une agence en piratant son IP et son ID. Avec un peu d’astuce, on trouve assez facilement son code personnel et on ouvre un compte bidon. »
Il s’agit ensuite de faire le mort pendant quelques jours et on se met à faire quelques opérations depuis ses comptes « off-shore ». Des allers et des retours d’argent fictif. Juste pour tester la procédure de sécurité et avoir le topo des défenses du système bancaire sur place.
Puis on refait le mort et pendant un week-end, à partir du compte, on remonte le cheminement des écritures jusqu’au serveur central. « C’est parfois assez long et c’est pour ça qu’on a besoin de temps, parce qu’il y a forcément une série de codes et de mots de passe à craquer. »
En principe, un des procédés gagnants consiste à « inventer » un nouveau terminal fictif à partir d’une autre agence dont on aura cassé le code l’ID et l’IP du directeur au préalable.
« Mais c’est dangereux : il faut utiliser les codes d’une tierce banque qui peut s’en alerter. Et l’attaque sera effectuée par ce terminal. Une fois en place, il suffit de télécharger toute la mémoire des écritures, ce qui peut demander des heures. C’est pour ça que j’ai besoin soit de l’identifiant du compte cible, soit de son numéro et si possible de quelques intervalles de date. Bien sûr c’est plus compliqué quand les agences pré-formatent des CD-Rom ou des DVD.
Pour contourner l’obstacle, on se débrouille pour verrouiller un compte bancaire qui est lui-même un cheval de Troie qui va faire le travail. Après, il n’y a plus qu’à télécharger les fichiers qu’il aura compacté en vue de les graver, pendant les « creux d’activité » et se le faire virer avec un deuxième cheval de Troie monté de la même façon dès qu’on estimera que le travail a été fait, mais en évitant le gravage des données sur place.
»
Alternatif, le choix des comptes ? Ou cumulatif ?
« C’est mieux si on a tout, ça ne demande alors que quelques minutes. Parce qu’après, il faut effacer la trace de son passage, « tuer » le terminal fictif et les comptes trafiqués en cheval de Troie et effacer toutes les mémoires de référence du fichier temporaire qui a été téléchargé avant que les services de sécurité informatique de la banque ne se réveillent. Sans ça, à l’ouverture, l’informaticien de service se fait engueuler pour avoir pondu un système qui a encore laissé passer un intrus ! »
Et ça peut aller loin, le vol d’un fichier. « Surtout en Suisse où ils ne plaisantent pas avec leur secret bancaire ! Au Luxembourg, c’est plus simple, si c’était possible… »
Non, ce n’est pas possible : C’est apparemment la Suisse. Et à Luzerne en plus, pas ailleurs.
Joëlle ne met pas trop longtemps à jeter son dévolu sur un établissement d’investissement international qui semble la cible parfaite décrite par le « Capitaine Haddock », pour n’avoir qu’une seule agence dans le pays mais une grosse activité putative avec l’étranger, à la vue de son bilan et du rapport de gestion téléchargeable sur internet.

« Bon. On peut poser un terminal fantôme depuis ailleurs, genre Londres ou Moscou, ou Luxembourg ? »
Oui bien sûr, en posant des terminaux fictifs depuis encore ailleurs…
Plus on complique, plus on brouille les pistes, c’est vrai. Mais plus on peut se faire prendre à un endroit quelconque de la chaîne.
« Eh bien Madame la conseillère, c’est ce qu’il faut faire. On essaye avec celle-là. Des terminaux fictifs dormants depuis un peu partout. Même la Chine si c’est possible. Moi, je vais essayer de trouver les bonnes dates, pour commencer et on verra après. »
« Mais s’il s’agit de retrouver que des mouvements, on peut aussi le faire à l’envers ! »
Comment ça ?
« Si on connaît les comptes d’arrivée, les dates et les sommes, la Cour à compte-ouvert en Banque de France et à partir de là, on peut non seulement faire la recherche précise, mais on peut aussi remonter le fil des sous jusqu’au compte originel ! »
Et c’est maintenant qu’elle dit ça, elle ?
Comment ?
« On part du compte d’arrivée. On retrouve la compensation en Banque de France, on remonte à la chambre de compensation continentale. À partir de là, on interroge très officiellement le Clearstream concerné, qui renvoie sous huitaine l’écriture d’origine et on a les coordonnées du compte de départ. Simple et légal en plus ! »
Effectivement. « Et s’il s’agit d’un compte numéroté ? »
Là, c’est une question de collaboration. « Si c’est un compte Suisse, anglais, luxembourgeois, du Delaware ou d’un paradis fiscal, il faudra faire comme j’ai dit avant pour avoir l’identité du détenteur… Ou être persuasif par d’autres voies ! »
Et si on tombe sur une société écran ? Même cause, même effet : être persuasif !
Pas très avancé, au final !

« Bien, Madame la conseillère détachée officiellement de sa Cour des comptes. C’est la Suisse. Il faut que j’aille à mon dîner avec le garde de mon corps. Je propose qu’on remette la suite à demain pendant que je réfléchis à la façon d’avoir les renseignements dont on a besoin. Car j’ai ma petite idée sur où est arrivé l’argent. On peut se faire une recherche sur des écritures rondes libellées à plus de 100.000 dollars arrivant sur les comptes du Trésor public français depuis le début des années 90, et venant de l’étranger, pour commencer ? »
Là, ça va demander quelques jours.
« Alors on fait les deux : la recherche en aval et en remontant et la mise en place du dispositif en amont qui pourrait être cette banque suisse d’investissement international ? »
La fille écarquille les yeux… Une bonne semaine de travail en perspective. Elle qui pensait encore pouvoir passer le reste du mois d’août en famille !
« Il faut préparer ça rapidement ». Après, elle pourra rentrer à Marseille et passer ses trois semaines avec son mari et ses gosses, pour éventuellement une « attaque » plus précise en septembre.
« Si besoin, il faut mettre la pression sur les chefs pour finir avant de partir, au cas où il y ait des autorisations à demander pour inspecter les mouvements avec le Trésor. Il s’agit de « l’opération Isidore » télécommandée par le ministère de la Défense. Le ministre soi-même et le général Wimereux. Je mets au parfum ce dernier de nos démarches de mon côté dès demain. Ok ? Moi, il faut que je file. Bonne soirée ! »
Voilà qui ne va pas être simple, cette affaire de comptes suisses.
Il faut absolument cerner le problème du compte de départ laissé par le « Capitaine Haddock », si ses informations sont à prendre au sérieux.

Dominique Gijou a mis une robe de soirée qui la rend resplendissante. Il n’y aurait pas son mini-sac à main en simili-croco un peu trop enflé de la forme d’un pistolet de petit calibre, avec ses cheveux tirés en chignon savamment négligé, laissant virevolter quelques mèches blondes au gré des courants d’air, ce pourrait être tout-à-fait charmant.
D’ailleurs, accoudée au comptoir du bar, elle est déjà « entreprise » par un duo de gigolos en nœud papillon et costume de soirée.
« Messieurs, je suis au regret de vous ôter toute perspective encourageante pour votre fin de soirée. Madame est attachée exclusivement à la garde de mon corps personnel », fait Paul en arrivant, tout sourire narquois le long des lèvres.
Le Crillon fait scintiller ses marbres vernis avec les lumières de la place de la Concorde. Le décor est somptueux et le plaisir des pupilles passe avant celui des papilles, tout dans la classe des grandes cuisines « à la française » classiques.
Ils s’échangent du « commandant » avant que Paul ne dise qu’il n’a jamais exercé de fonction à ce grade.
« Je le dois au plan de carrière des polytechniciens qui intègrent l’aéronavale au grade de lieutenant de vaisseau, autrement dit de capitaine, avant de passer capitaine de corvette, autrement dit commandant. C’est juste l’ancienneté qui veut ça ! Mais faut être quand même physiquement apte. »
Elle se montre étonnée : un polytechnicien pilote dans l’aéronavale, ce n’est pas courant.
« Une vocation ruinée entre-temps. Vous vouliez savoir ce que j’ai fait ces dernières 48 heures ? Eh bien, crevons l’abcès tout de suite. J’étais en mission en Afghanistan pour le compte de l’Otan. Je suis passé ensuite à Malaga-airport, histoire d’honorer quelques chatoyantes hispaniques en manque de mes charmes de marin et je suis rentré ce matin. En pleine forme, comme vous le voyez… » dit-il avec un large sourire, toujours aussi narquois.
Et de rajouter : « Il fallait me détendre un peu après ces épuisants vols à l’autre bout du monde où nos soldats combattent le grand Satan taliban ! »
Ah évidemment, elle en est restée à leur dernière entrevue à Mandelieu, même s’il l’avait mise au parfum pour son déplacement ibérique.
Pour quelle mission ?
« Ça, ça ne vous regarde pas, très chère Dominique. Vous n’avez qu’à savoir qu’on m’a tiré dessus pour me forcer un peu la main, non pas pour aller faire le guignol chez les talibans, mais pour autre chose. Ma mission de réserviste de l’aéronavale… Mon contrat n’est en fait que suspendu le plus large de mon temps ». Il se penche en avant et sur le ton de la confidence, continue : « Pour tout vous dire, notre Président cherche quelques perles rares qui pourraient faire le sosie de son épouse légitime ! Et dans la plus grande des confidences, je dois lui en ramener une ou deux pour jouer le rôle ! Mais vous ne savez rien et je ne vous ai rien dit ! »
« Vous vous foutez de moi ? Et on vous tirerait dessus pour cette raison-là ? »
Ou il se fout d’elle. « Si on me tire dessus, c’est que c’est de la plus haute importance. Mais je ne sais pas ce que je vais trouver pour autant, donc… Pas la peine d’en savoir plus que ce que je vous ai annoncé l’autre fois. Je suis contraint de me déplacer, à l’improviste le plus souvent, et de ne plus dormir deux fois de suite au même endroit jusqu’à ce que j’en ai terminé avec cette histoire-là.
Vous, vous êtes contrainte de vérifier qu’on ne me tire pas dans le dos. Devant, je m’en charge.
»
Le maître d’hôtel passe prendre la commande.
Puis le caviste, œnologue et maître-chais, recommande un petit cru-bourgeois qui accompagnera avec délice les mets au menu : au diable l’avarice, n’est-ce pas, quand on est avec une jolie femme se commente Paul pour lui-même, d’autant que c’est avec l’avance sur frais qu’il régale : la contribuable doit en avoir pour son argent, n’est-ce pas ?

« Dominique, nous allons donc nous croiser dans les semaines à venir. Je voudrais savoir comment vous abordez cette mission et comment vous allez vous y prendre ? »
Comme d’une corvée qui lui gâche ses vacances.
« Un mari et une ribambelle d’enfants à s’occuper, peut-être ? Je suis vraiment désolé, mais ce n’est pas moi qui vous ai choisie ! »
Un mari, certes, diplomate en poste au Brésil. Loin. Et pas d’enfant. De toute façon, il préfère les garçons.
Ambiance… Un ange passe !
Et comme dans son milieu, on est forcément marié et qu’on ne divorce jamais, elle est donc recasée systématiquement aux tâches qui emmerdent tout le monde pendant les périodes estivales, notamment.
La garde de personnalités, elle ne voyait pas son métier de commando-marine comme ça. En s’engageant, elle pensait participer activement à la défense des valeurs françaises que lui avaient inculquées ses parents. Eux-mêmes marins. Lui fusilier, elle infirmière.
Elle a deux frères aînés, l’un stationné à Djibouti, l’autre en Guyane.
« Eux, au moins, voient du pays. Moi, je ne reste pas très loin de la maison familiale depuis que mon père est dans son fauteuil roulant, la faute à avoir été fauché par une rafale au Gabon, il y a longtemps. »
Des ambitions ?
À part faire des trekkings dans des endroits impossibles, pas vraiment. « Peut-être que plus tard je m’installerai dans le civil comme monitrice de classes d’aventure. Mais il faudrait que je passe les diplômes avant.
»
Oui, utile dans ce métier-là.
« Je reviens sur votre mariage, veuillez m’en excusez. Apparemment, ce n’est pas source de grand bonheur ? »
Et qu’en sait-il, son vis-à-vis ? Il débarque dans sa vie, là comme ça, et profite qu’elle soit une femme pour lui balancer des vacheries sous prétexte que la table est chère !
C’est un type au contraire exceptionnel. « Un homme très bien. Je ne manque de rien, il y pourvoie grassement, il pense à mon anniversaire, ma fête, celui de notre mariage, tous les ans, lui, Monsieur. »
Bon d’accord, elle ne le voit pas très souvent, mais il fait l’effort quand ils se croisent et elle y prend vraiment grand plaisir.
« Je n’ai rien dit, excusez-moi ! »
Et vous, marié ?
« Une fois. Il faut justement que je vous en parle. Il s’agit d’une fille rencontrée à Las Vegas pendant mes stages d’habilitation. À mon premier passage, à l’occasion des stages obligatoires de l’APAN, je l’avais bien remarquée, lors d’une permission vagabonde. Elle est chanteuse et nous nous sommes mariés sur un coup de foudre lors de mon deuxième stage, quand j’ai été habilité à piloter sur des prototypes.
Or, il se trouve que la SDECE m’a convaincu qu’il s’agissait d’une taupe du NSA ou de la CIA. Et qu’en plus, elle n’était pas très fidèle. Donc divorce, séparation et la vie reprend chacun de son côté.
J’ai intégré la flottille du CDG sur Étendard ensuite, et y ai fait mes armes.
Depuis cette expérience assez cuisante, sachez que je n’envisage pas de recommencer.
»
Même avec cette femme qui est son patron en Ardèche et qu’elle a aperçu cet après-midi ? Une riche héritière, c’est bon pour la carrière d’un polytechnicien.
« Pas trop mon genre. Très exigeante à en être sûrement invivable dans l’intimité. Et puis elle n’est l’héritière que d’un tout petit quart. Je l’ai gardée pour faire potiche que je ressors quand j’en ai besoin pour la boîte. Elle-même est veuve. Une affaire d’espionnage de son mari qui vendait les petits secrets de fabrique de l’usine de beau-papa aux puissances de l’ex-pacte de Varsovie . Ça eu pas vraiment plu en haut lieu, et quand je l’ai démasqué, il a eu bêtement un accident de la route. Quand même idiot, juste au moment où il devait être arrêté pour être jugé, vous ne trouvez pas ? »
Donc pas une femme en odeur de sainteté en haut-lieu. « Et on dit qu’une veuve, ça attire le malheur, paraît-il… »
Et l’autre, avec laquelle il s’est enfermé toute l’après-midi ?
« Ça, c’est une « hackeuse » gouvernementale. Un haut-fonctionnaire qu’il convient de protéger, elle et sa famille.
On me l’a collée dans les pattes avant-hier, parce que ma mission comporte une phase de recherche de renseignements qu’on ne peut trouver qu’en cambriolant des données informatiques.
Non, personnellement, je vous parlais d’Emily Lison, mon ex, tout à l’heure, Madame la curieuse.
Figurez-vous qu’elle a refait son apparition comme par miracle pas plus tard que le jour de mon attentat.
Et, plus étrange, figurez-vous que c’était pour me porter trois messages de sa centrale, ce qui confirme bien que c’est un agent de la CIA. Dont l’un, figurez-vous une dernière fois, était de me prévenir qu’on attenterait à ma vie.
Pan, dites donc, le soir même, je servais de cible à des malotrus d’incapables !
D’où votre mobilisation, dès le lendemain !
»
Vous croyez que c’est elle, prise d’un accès de jalousie, peut-être ? Tardif, certes, mais ne dit-on pas que la vengeance est un plat qui se mange froid ?
« La vengeance d’une blonde, je n’y crois pas trop depuis qu’on en a fait un film qui tourne en eau de boudin. En revanche, vues les circonstances, je me persuade, peut-être pour me rassurer, qu’il s’agit d’un avertissement sans frais. Ce que j’aimerai bien savoir, par votre voie hiérarchique, c’est d’où ça peut bien venir. Parce que là, je patauge grave dans le potage du mobile. »
Le vin est du vrai velours en bouche. Et des arômes qu’il y développe, d’une rare délicatesse.
« À propos, je vous avais indiqué que je passais par Malaga. Et je n’ai pas vu vos sbires ! Comme quoi, on pouvait m’abattre, ni vu ni connu, et vous vous seriez fait encore engueulée. Pas par moi, rassurez-vous, un, je n’aurais pas pu, pour avoir décédé précocement ; deux, parce que vous êtes si charmante que je n’oserai pas provoquer la moindre trace de contrariété sur votre beau sourire ! »
Ça vous fait toujours cet effet-là, les crus-bourgeois, rétorque-t-elle du tac-au-tac ?

« Vous ne les avez pas vus parce que ce sont des pros. Même s’il n’est pas facile de passer les frontières avec l’attirail opérationnel habituel pour ce genre de mission. Et ce qu’eux ont vu mais manifestement pas vous, c’est que vous étiez filoché par un autre service. On enquête actuellement pour l’identifier.
Je peux vous dire que j’ai pris sur moi de vous laisser repartir de votre côté, pour en savoir un peu plus sur ces citoyens-là qui sont rentrés à Madrid. C’est tout ce que je sais ce soir.
»
Pas mal la fille, doit reconnaître Paul dans son for intérieur.
« Mais comme on ne vous a pas revu avant la fin de matinée, et je commençais sérieusement à m’inquiéter d’avoir fait ou non le bon choix ! »
Il faut dire que suivre un avion, ce n’est pas évident sans le radar qu’il faut.
« Donc, d’autres que vous et jusqu’en Espagne, s’intéressent à moi. Vous êtes sûre qu’il ne s’agit pas plutôt de mon contact sur place ? »
Non, il est rentré en France du côté de Mont-de-Marsan et eux sont restés en Espagne.
« De qui s’agissait-il d’ailleurs ?
»
Décidément bien trop curieuse, la « Dominiquette »…

…/ (Aparté n° 6) /…

Opération « Juliette-Siéra » (XII)

Douzième chapitre : Ferrayé et AZF

Avertissement : Ceci est un roman, une fiction, une « pure construction intellectuelle », sortie tout droit de l’imaginaire de son auteur. Toute ressemblance avec des personnages, des lieux, des actions, des situations ayant existé ou existant par ailleurs dans la voie lactée (et autres galaxies), y compris sur la planète Terre, y est purement, totalement et parfaitement fortuite !

Avant la fin de la semaine, Joëlle fait le point avec Paul au siège social parisien de la MAPEA.
Paul s’est « planqué » durant les derniers jours entre le Val de Seine, l’Ardèche, Paris, le haut-var, puis Paris, pendant que l’autre a campé dans les bureaux désertés en ce début du mois d’Août, au grand dam de la femme de ménage.
« Je ne sais vraiment pas si c’est la bonne banque, mais c’est déjà impressionnant. Plus de 30.000 comptes, la plupart de non-résidents, environ 100.000 écritures/mois. Sur 19 ans depuis 1990 ça fait 20 millions de mouvements/comptes. J’ai fait 40 DVD en format DBD, lisibles sous Access ! »
Un vrai tour de force que de « pomper » toutes ces données en quelques jours : Elle est vraiment un « crack » la petite boulotte quand elle s’y met !
Un choix plus que judicieux…
Par ailleurs, les demandes d’extraction des comptes du Trésor ont été obtenues. Mais les écritures éventuellement concernées sont des millions de fois plus nombreuses.
« Sans vouloir être pessimiste, j’ai renoncé. En revanche, on m’a autorisé à inspecter les archives électroniques via le serveur de la Banque de France, avec un code et un identifiant. Et ce que je propose, c’est que je fasse des recherches ciblées, parce que là, mes bouts-de-choux m’attendent au dernier TGV. On part demain en croisière en Grèce sur le voilier de nos amis. »
Comment refuser la demande de lever le pied implicite ?
« Je propose de me les confier. Je ferai les recherches nécessaires au fil de l’examen des DVD qui me sont réservés. On va dire qu’on suspend la mission pour le reste du mois. C’est bien mérité ! »
Soulagement visible de la dame…
« Et je fais comment de mon côté ? Il me faut une connexion internet haut-débit, c’est ça ? »
C’est un peu l’idée. À moins de s’enfermer dans une agence de la Banque de France accueillante.
Voilà qui ne va pas être simple. Paul ne connaît personne qui acceptera de le laisser s’enfermer dans son agence, même avec un mot du Président de la République lui-même.
Par ailleurs, il ne dispose de connexions internet qu’à l’usine, qu’il n’est pas question d’ouvrir rien que pour lui, ou à Paris chez Charlotte et ici, ou à Fox.
Ce sera donc Fox l’arrière-pays de la côte archibondée en cette saison. Mais au moins il sera à l’abri, protégé par la petite troupe du coin.
A-t-il avancé, depuis leur dernière entrevue ?
Oui, mais ça ne la regarde pas. « Je commence à comprendre ce que je suis censé trouver. Je crois même avoir à peu près toutes les dates. Et j’ai même une idée des montants que je dois trouver dans les DVD pour confirmation. Sauf si on s’est trompé de banque. Dans cette hypothèse, il faudra remettre ça au tout début septembre. Est-ce possible ? »
Si on lui demande gentiment, tout est possible, répond-elle.

…/ (Aparté n° 7) /…

Une fois la miss ayant pris congés, Paul se remémore ce qu’il sait, notamment de l’affaire Ferrayé.
Un type qu’il faudra peut-être rencontrer pour confirmation, tellement tout cela est extravagant jusqu’à toucher au rocambolesque de niveau olympique.
Il faut remonter à la fin de la première guerre du Golf, en 1992. Le Koweït flambe de ses onze cents soixante quatre torchères dans son désert.
Autant de puits de pétrole incendiés par les troupes du dictateur irakien avant leur repli au nord sous la pression des alliés. Or, il n’y a que deux entreprises capables de les éteindre, et encore sur un mode destructeur.
C’est la technique de « Red Adair », le pompier texan qui s’est fait une spécialité de souffler la flamme de puits en feu à coup de dynamite.
L’inconvénient de la méthode, c’est que la tête de puits ainsi privée de ses vannes d’arrêt continue de faire fuir le geyser de brut souterrain sous la pression naturelle du gisement.
Il faut, soit remonter une tête de puits, dit « arbre de Noël », dans le cambouis en veillant à ne faire aucune soudure pour éviter d’y remettre le feu, soit bétonner suffisamment et arrêter le puits, soit, plus classiquement, forer à proximité et dériver le puits principal vers la nouvelle tête de puits pour poser en toute sécurité une vanne d’arrêt, et bétonner l’ancien puits.
Bref, plusieurs semaines de travail pour chaque puits.
Premier devis de temps pour les puits du Koweït : 4 à 5 ans !
Vertige de pollution et d’assèchement des exportations d’or noir qui risque de faire flamber les cours du baril…

Alors que le procédé de Joseph Ferrayé , qui a manifestement été utilisé pour éteindre les puits de pétrole incendiés par Saddam Hussein (il y a des vidéos qui le confirment sur internet ), consiste à poser une sorte de grand éteignoir de bougie sur le puits en feu avec un appareil de levage sur chenille. On mouille le tout avec de l’eau et du gaz d’azote liquide pour ne pas que ça fonde sous la chaleur dégagée et le feu s’étouffe de lui-même en quelques minutes sous un flot du gaz inerte, le privant d’oxygène.
Après, il suffit de fermer les vannes dès que la température baisse et le tour est joué en moins d’une heure. Le puits peut-être remis en service dans la journée et produire sa liqueur visqueuse.
Estimation de temps : 6 mois !

Dix-sept ans de cauchemar pour l’inventeur libanais du procédé, qui maintient toujours être le descendant d'un fabricant de cotonnades de Beyrouth émigré dans le sud de la France et qui se bat pour obtenir gain de cause.
L'entreprise familiale vient de fermer ses portes quand éclate la guerre du Golfe. Saddam est battu mais le Koweït brûle. Il faut trouver une solution, et vite.
Les plus grandes équipes de spécialistes sont dépêchées sur la place mais se tiennent le menton en signe de perplexité.
Le « pompier volant » Red Adair y perd son latin.
Au même moment, comme Archimède dans sa baignoire, Ferrayé qui n'a aucun mandat mais qu'importe, dans un coin de sa demeure, met au point son procédé permettant d'éteindre les puits sans utiliser d'explosifs. Le tout en un temps record : dix minutes !
L'idée est simple comme bonjour mais il fallait y penser : on recouvre le puits en feu d'un haut fourneau sans utiliser de dynamite. On introduit un gaz inerte qui chasse l'oxygène, l'incendie s'étouffe naturellement et on mouille le tout pour que ça ne fonde pas sous la chaleur.
À ce système d'extinction s'ajoute un système de blocage de la tête de puits.
L'inventeur dépose ses brevets chez qui de droit, notamment à l'Office mondial de la propriété intellectuelle à Genève, puis fort de cette caution juridique, s'en va trouver l'ambassadeur du Koweït en France.
Parallèlement, il s'associe à plusieurs personnes censées disposer d'un bon carnet d'adresses et fonde avec elles une société en France, la CONIRA, dans le but de commercialiser sa trouvaille.
Il n'entend plus parler de ses interlocuteurs jusqu'au jour où l'émir Jaber-al-Ahmad al-Sabah appuie enfin sur le bouton symbolisant la fin du drame. Les puits ne brûlent plus.
Tout le monde s'extasie devant la rapidité de l'opération.
Ferrayé n'a de son côté pas de doute. Le miracle tient à son invention : les images d’archive le prouvent.
Reste à récupérer ce qui lui revient de droit. Son système a permis au Koweït d'économiser des centaines de milliards de dollars et autorise en plus la remise en exploitation de l’essentiel de ses revenus. Aux utilisateurs de payer maintenant !
Vœu pieu. Dix-sept années passent et Ferrayé n'a toujours pas touché un centime.
Pire, il a l'impression d'assister impuissant à la commercialisation en sourdine de son invention. Une technique qui n'a jamais été contestée, même par ses adversaires. Des experts tels que l'ingénieur basque Géraud de Vitrac n'hésitent pas à y voir l'invention du siècle. Un notaire interrogé par la Sûreté genevoise affirme de son côté que le brevet de Ferrayé a été utilisé abusivement au Koweït.
L'inventeur dépose même plainte contre X des chefs d'escroquerie et tentative d'escroquerie. Et l'instruction est confiée à la juge genevoise Christine Junod dont l'enquête piétine toujours depuis.

En 1997, le « Journal de Genève » et la « Gazette de Lausanne » sont les premiers à porter l'affaire à la connaissance du grand public. Pendant ce temps, Joseph Ferrayé se cache, il se sent le laissé-pour-compte d'une formidable nébuleuse d'intérêts dans laquelle gravitent des émirs, des politiciens, des avocats, des banquiers, des notaires, et dont Genève est la plaque tournante.
24 milliards de dollars : c'est la somme que le Koweït aurait déposée au nom de plusieurs associés de Ferrayé, s'il faut en croire un document authentifié par le notaire de Beyrouth en 1997.
La vie de Joseph Ferrayé bascule alors dans le cauchemar mais l'inventeur à la voix douce ne renonce pas. Aujourd'hui moins que jamais, alors qu'une ordonnance datée du 6 mars 2001 est là pour raviver ses espoirs les plus fous.
Telle qu'elle est parvenue à « La Liberté », elle émane du Tribunal de grande instance de Paris et ordonne le dépôt par l'État du Koweït de l'ensemble des contrats et de toutes les conventions ayant trait à l'extinction des puits de pétrole.
Ce n’est pas tout : À l’époque, son avocat, maître Gilbert Lardco, sur le plateau de l'émission (préenregistrée) de « Sans Aucun Doute » du 12 mai 2000 qui a été censurée, parle de « la plus grande escroquerie du siècle, escroquerie incroyable, enjeu colossal ; on ne joue plus avec des rigolos, on joue avec de vrais tueurs, des hommes prêts à tout sous prétexte qu'un État a des intérêts qui sont reliés par d'autres États » . L’animateur-présentateur, déclare : « Cette affaire pourrait remonter très, très-très haut... ».
L'émission en question est censurée par RF1, sur la double intervention du Directeur de la compagnie pétrolière, disparue depuis, avalée par son concurrent national, et du Ministre français de l’industrie de la précédente mandature présidentielle, de l’époque de la première guerre du Koweït, en charge notamment du pétrole et aussi de Propriété Industrielle, actuellement en poste à Washington pour le compte d’une agence internationale de la Haute-finance, mari d’une productrice d’émission télévision politique à l’époque. Dans le « petit milieu » des médias... ça commence à sentir le soufre.

L’inventeur réfugié en Suisse et son avocat se sont tus. Et le ministre du pétrole koweïtien s’est fendu d’une visite en France pour rencontrer le premier ministre d’alors, dit de « gauche plurielle ».
Depuis, plus rien. L’argent des puits s’est évaporé en diverses commissions d’intermédiaires et le juge a classé l’affaire sur un rapport d’expertise psychiatrique bidon – le toubib n’a même pas rencontré son sujet d’expertise – faisant passer l’inventeur pour un fou, débile qui pourrait être dangereux pour lui-même et ses proches…
Étonnant, 24 milliards de dollars évanouis dans la nature ! Mais c’est comme ça que Paul découvre l’affaire : Il lui faut rencontrer cet homme ou au moins son avocat. Ce sera compliqué, car l’homme n’a aucune raison de parler tenu par le secret de son code de déontologie et qu’il n’a aucune raison d’investir sa confiance dans un inconnu qui passe neuf ans plus tard pour en savoir plus.
D’autant mieux, que s’il s’agit sans doute de fonds détournés, le Trésor français n’en est pas la victime directe, ou alors, simplement faute de n’avoir pas vraiment touché l’impôt éventuellement dû sur ces sommes.
Quant à savoir comment les américains ont obtenu la licence du brevet, ce n’est pas très compliqué à comprendre : ils ont un bureau fédéral payé par le contribuable américain rien que pour ça !
Tous les brevets déposés partout dans le monde sont, au moment de leur dépôt, « ouverts » : il suffit de se servir au fil des besoins au nom de la défense nationale, comme l’autorise leur constitution.
C’est exactement comme ça, en plus de l’échange de cellule-souche aux fins de confirmations habituelles, que la découverte du rétrovirus du Sida, faite par l’Institut Pasteur, s’est retrouvée brevetée par des américains…
Paul tente le coup auprès du secrétariat du cabinet de l’avocat.
Pour avoir finalement un rdv début septembre.

Mais s’il n’y avait que ça, c’est que Paul en fouillant dans les sites du « Capitaine Haddock » et de quelques autres sur internet, liens pour l’essentiel envoyés par « DD », le fait remonter sur les pistes indiquées à Malaga.
L’affaire AZF d’abord : L'usine chimique AZF (AZote Fertilisants), aujourd'hui rasée, appartenait jusqu'en 2005 à la société Grande Paroisse.
Cette société était une filiale d'Atofina qui regroupait, depuis la fusion de Total et d'Elf-Aquitaine, une partie des activités chimiques du groupe Total.
Située à 5 km du centre de Toulouse, au sud, entre la Rocade, l'autoroute menant vers Tarbes, et la Garonne, elle avait été initialement construite à l'écart de la ville en 1921, puis a été progressivement englobée par l'agglomération.
Elle employait un peu moins de 500 personnes sur un terrain de 70 hectares et produisait en grande partie des ammonitrates agricoles et, en plus petite quantité, des nitrates d'ammonium industriels, mais aussi de la mélamine, des résines et des produits chlorés tel que l'ATCC et le DCCNA. La fabrication de l'ensemble des produits était issue de la production d'ammoniaque, la synthèse d'ammoniaque réalisée à partir du gaz naturel provenant de Lacq.
Tout le monde se souvient du 21 septembre 2001, dix jours après les attentats de New-York sur les « Twin » et sur le pentagone à Washington, à 10 h 18, qu’un stock d'environ 300 - 400 tonnes de nitrate d'ammonium déclassé destiné à la production d'engrais a explosé creusant un cratère de forme ovale de 70 mètres de long, de 40 mètres de largeur, et de 5 à 6 mètres de profondeur.
D'après certains témoignages et enregistrements sonores, cette explosion aurait été précédée de quelques secondes par une autre explosion de plus faible intensité, une sorte de claquement, et des phénomènes électromagnétiques restés inexpliqués.
La détonation a été entendue jusqu’à 80 km de Toulouse et a généré un séisme de magnitude 3,4.

Trois jours après la catastrophe le procureur de la République, M. Bréard déclare qu'il s'agissait « à plus de 90 % » d'un accident. Le 28 septembre 2001, il ouvre une information judiciaire contre X pour homicides, blessures et destruction des biens involontaires. Le juge d'instruction Thierry Perriquet a repris en novembre 2003 l'instruction commencée par deux autres magistrats.
L’hypothèse de l'accident reste privilégiée par les autorités. En effet cette thèse postule que la catastrophe a été provoquée par une erreur de manipulation qui aurait conduit un employé d'une entreprise sous-traitante d'AZF à déverser, un quart d'heure avant l'explosion, 500 kg de produit chloré pour piscines (du DCCNa ou Dichloroisocyanurate de sodium), produit dans une autre partie de l'usine sur le tas d'ammonitrates stocké en vrac.
Et pourtant, la reconstitution réalisée sur place en octobre 2002 a mis en évidence l'impossibilité de confondre les deux produits, du fait de la très puissante odeur de chlore dégagée par le DCCNa. Pour sortir de cette impasse techniques, les experts ont imaginé par la suite un scénario, dans lequel les quantités de DCCNa mises en jeu sont ramenées de 500 kg à seulement « un ou plusieurs kilos » négligemment balayés par l'employé incriminé, lequel a bénéficié d'un non-lieu peu de temps après.
Après analyses d'échantillons de sol prélevés par le SRPJ de Toulouse en novembre 2001 dans le hangar où le manutentionnaire est censé avoir collecté les fameuses balayures, montrent qu'il n'y avait pas de DCCNa à la surface de ce local.
En outre, si les tests d'explosivité des produits incriminés ont confirmé leur extrême réactivité, celle-ci ne se manifeste que sous certaines conditions qui sont très éloignées de celles qui prévalaient dans le hangar 221 un quart d'heure avant l'explosion : milieu confiné, mélange intime des produits broyés en poudre, forte humidité.

Pour la petite histoire, Paul se remémore ses cours de chimie de prépa et se souvient.
Les explosions ayant impliqué du nitrate d'ammonium ne sont pas très nombreuses. La première date du 4 octobre 1918, à Morgan dans le New Jersey aux États-Unis. À la suite de l'incendie d'un atelier de chargement d'explosif qui dure une journée, des obus lancés en l'air retombèrent dans un magasin de 4.000 tonnes de nitrate d'ammonium et y explosèrent. L'un d'eux provoqua une forte détonation. Cependant, malgré d'autres détonations d'obus similaires, une grande partie du stock de nitrate en barils ne fut pourtant pas détruite.
C’est dire s’il s’agit d’un produit « stable ».
Le 26 juillet 1921 à Krieweld en Silésie, la Pologne actuelle, pour désagréger 30 tonnes de nitrate d'ammonium pris en masse dans deux wagons, on y a fait exploser une cartouche d'explosif minier. Les wagons explosèrent. Dix-neuf personnes furent tuées.
Le 21 septembre 1921, à Oppau en Rhénanie, Allemagne, à la suite d'un tir de mine, un hangar contenant 4.500 tonnes de mischsaltz, un mélange moitié de sulfate d'ammonium et moitié de nitrate d'ammonium, provoque la mort de 450 personnes et la destruction de 700 logements.
L'usine avait l'habitude de désagréger les tas à l'explosif et avait, à la date de la catastrophe, fait plus de 20.000 tirs sans le moindre incident. On suppose que la mine a explosé dans une région du tas où la concentration en nitrate d'ammonium était plus élevée que la moyenne.
La sensibilité du mischsaltz à l'entraînement explosif augmente très vite avec la concentration en nitrate d'ammonium, ce qui explique qu'une partie seulement (450 tonnes, 10 %) du tas ait explosé.

Le 1er mars 1924 à Nixon dans New Jersey aux États-Unis, un incendie, suivie d'explosions, fait rage dans un magasin de nitrate d'ammonium pollué de composés nitrés.
Ce nitrate était fabriqué avec de l'acide nitrique provenant d'acide nitrique résiduel de la fabrication de trinitrotoluène.
Le 5 juin 1940 à Rouen en France, au cours d'un bombardement aérien, une bombe explose dans un important stockage de nitrate d'ammonium en fûts métalliques (six mètres d'épaisseur). L'engrais se répand aux alentours du cratère de la bombe, mais sans exploser !
Plus tard, le 5 août 1940 à Miramas en France, c’est un tas de 240 tonnes de nitrate d'ammonium pur, et en sacs, qui explose après un incendie provoquant l'émission de fumées rousses.
L'enquête conclut que l'explosion avait été déclenchée par celle d'un obus projeté par une autre explosion, en l'occurrence d'un wagon de munitions voisin.
Le 29 avril 1942 à Tessenderlo en Belgique, le tir d'une cartouche dans un tas de 150 tonnes de nitrate d'ammonium provoque son explosion. Bilan : plusieurs centaines de personnes tuées.
Les 16 et 17 avril 1947, à Texas City, au… Texas, États-Unis, le cargo français « Grandcamp », de type « Liberty-ship », en cours de chargement, contenant 2.600 tonnes de nitrate d'ammonium en sacs (32,5 % d'azote, 4 % de charges minérales, 1 % de bitume) prend feu.
Pour étouffer l'incendie, le capitaine fait fermer les panneaux de cale et envoyer de la vapeur sous pression.
Malheureusement, cette cargaison n'a pas besoin d'oxygène pour continuer à brûler puisqu’elle est anaérobique. Une fois le feu pris, la chaleur de la vapeur accéléra la réaction. La pression augmente et, après une heure, la cargaison explose. Elle provoque la mort de plusieurs centaines de personnes et l'incendie du cargo « High Flyer », amarré à 250 m de là, qui contenait 1.050 tonnes de soufre et 960 tonnes de nitrate d'ammonium lui aussi.
Le « High Flyer » explose à son tour le lendemain 17 avril, après avoir brûlé près de 16 heures.
Un stock de 500 tonnes du même nitrate d'ammonium qui se trouvait sur le quai, prit feu également, mais brûla sans exploser.
Les experts expliquent cette différence de comportement par le confinement plus important dans la cale des bateaux.

N’oublions pas que le 28 juillet 1947 à Brest en France, le cargo « Ocean Liberty » chargé de 3.300 tonnes de nitrate d'ammonium et de marchandises inflammables (combustibles, lubrifiants, solvants, polystyrène, pneumatiques) prend feu vers 12h30. Le capitaine fait fermer les cales et envoyer de la vapeur sous pression. La situation s'aggravant, le bateau est remorqué en rade vers 14h00, mais s'échoue sur le banc de Saint Marc à quelques centaines de mètres de la plage la plus populaire de Brest. De la fumée noire et rousse s'en échappe et l'incendie devint très violent. Le cargo explose à 17h00 causant 29 morts et d'importants dégâts dans la ville de Brest pourtant abritée par les hautes falaises qui dominent la rade.
Le bruit de la déflagration est entendu jusqu'à Morlaix, à 60 km de là.
Un raz de marée de quelques décimètres se fait sentir jusque dans le chenal du Four, à plus de 30 km.
Dans les deux cas, il s'agit de l'explosion, dans des conditions fortement confinées, du mélange de nitrate d'ammonium et de combustibles liquides.
Le 23 janvier 1954, en Mer Rouge, le cargo « Tirrenia », chargé de 4.000 tonnes de nitrate d'ammonium prend feu. Le capitaine a recours à la vapeur pour tenter d'arrêter l'incendie. L'échec de cette tentative le conduit à abandonner son navire qui explose dans la nuit.
Le 21 septembre 2001, on impute l’explosion de l'usine AZF de Toulouse en France au nitrate d’ammonium, mais sans pour autant comprendre comment, car sans incendie préalable ni confinement …
Le 2 octobre 2003 à Saint-Romain-en-Jarez, dans le département de la Loire en France, un incendie se déclare dans un hangar agricole contenant de gros ballots de paille (démarrage de l'incendie), une chambre froide pour la conservation des fruits, des cagettes en plastique de fruits, vides, et quatre tonnes de nitrate d'ammonium en sac (engrais).
L'incendie se propage de la paille aux parois de la chambre froide, puis aux cagettes en plastique, qui brûlent et fondent, faisant ainsi un mélange détonant avec le nitrate agricole.
Il s'est écoulé environ 1 heure et 15 minutes entre l'appel aux pompiers pour éteindre le feu de paille et l'explosion du nitrate.
Dix-huit personnes ont été blessées, principalement des pompiers, dont deux grièvement.

Le 9 mars 2004, en Espagne, un camion chargé de 25 tonnes de nitrate d'ammonium 33 % pour engrais, en vrac, explose à Barracas (communauté autonome de Valence-Valencia) sur la route nationale 234 Burgos–Sagonte, à la suite d'une collision, faisant deux morts et trois blessés. L'explosion est entendue à 10 km à la ronde et s'est produite une demi-heure après la collision !
Elle s'explique par le fait que l'accident a entraîné la mise en contact du nitrate (comburant) avec le gazole du réservoir (carburant) et par l'incendie qui s'est produit.
Elle a créé un cratère important de 5 m de diamètre et de profondeur.
Le 24 mai 2004, à Mihailesti en Roumanie, un accident routier impliquant un camion transportant 20 tonnes de nitrate d'ammonium, en sacs de 50 kg, qui s’est renversé vers 4h55 et a pris feu.
Au bout d'une heure, une violente explosion provoque la mort de 18 personnes et en blesse grièvement une dizaine. L'explosion a creusé un cratère d'environ 15 mètres de diamètre et 10 mètres de profondeur.
Enfin, le 22 avril 2004 en Corée du Nord, un train chargé entre autres d'essence et de nitrate d'ammonium, dans la gare de Ryongchon (ville de 130.000 habitants située à 20 km de la frontière chinoise) explose, provoquant la mort de 161 personnes et fait plus de 1.300 blessés.
La gare a été rasée, ainsi que tous les bâtiments dans un rayon de 500 m, près de 8.000 logements sont détruits ou endommagés.
Deux énormes cratères de huit à dix mètres de profondeur ont été vus sur le lieu de l'accident, dont les circonstances précises ne sont pas connues.
Les autorités évoquent une erreur humaine.

Bref, AZF un accident, ce n’est pas une hypothèse très crédible.
Mais celle de l’attentat, c’est encore plus compliqué à accepter.


Opération « Juliette-Siéra » (XIII)

Treizième chapitre : De AZF au Koweït

Avertissement : Ceci est un roman, une fiction, une « pure construction intellectuelle », sortie tout droit de l’imaginaire de son auteur. Toute ressemblance avec des personnages, des lieux, des actions, des situations ayant existé ou existant par ailleurs dans la voie lactée (et autres galaxies), y compris sur la planète Terre, y est purement, totalement et parfaitement fortuite !

Le 9 juillet 2007, peu avant sa nomination à la Cour d'Appel de Monaco, le magistrat instructeur Thierry Perriquet, ordonnait le renvoi devant le tribunal correctionnel de la société Grande Paroisse et du directeur de l'usine Serge Biechlin pour « homicides et blessures involontaires », car les infractions de « mise en danger de la vie d'autrui » et d'« entraves à l'enquête » ne sont pas retenues.
Plusieurs fois reporté, le procès de l’usine AZF s'ouvre lundi 23 février 2009 et dure 4 mois .

D’une part, la thèse d'un attentat ne tient pas la route, même si la catastrophe s'est produite dix jours seulement après les attentats du 11 septembre 2001.
Cette piste n'a été suivie que quelques jours, les recherches menées par une équipe de la police judiciaire de Toulouse et par les Renseignements généraux (RG) ayant été interrompues sur ordre de leur hiérarchie dix jours après les faits.
La perquisition effectuée au domicile du principal suspect – un ouvrier intérimaire retrouvé mort près du cratère de l'explosion dans une tenue qui évoque certains kamikazes islamistes – n’est menée qu'après que son logement eût été vidé de tous ses effets personnels.
Les policiers n'obtiennent l'autorisation d'auditionner le médecin légiste qui avait attiré leur attention sur la tenue extravagante de cet homme (cinq slips et caleçons superposés) et sur l'étrange propreté de son corps. « Cet homme s'était préparé à avoir une relation avec Dieu » confie un enquêteur de la PJ.
Même si des revendications, au nom du « Djihad Islamique » (« Jihad islamique » est le nom de nombreux groupes terroristes, mais aucun d'entre eux n'est connu pour opérer en France) et de « Alpha Bravo » (groupe inconnu), ont été envoyées à la gendarmerie, à la police ainsi qu'à la presse et à la télévision locale, ces revendications sont considérées comme trop peu sérieuses pour que les autorités judiciaires modifient leur attitude. Qui est de considérer l'absence de revendication crédible comme un argument majeur pour écarter la thèse de l'attentat.
Dans leur ordonnance de renvoi du 9 juillet 2007, les juges d'instruction ont repris l'explication donnée par les proches du défunt, à savoir qu'il s'habillait ainsi pour masquer sa maigreur dont il faisait un complexe. Or, le rapport d'autopsie a établi qu'au moment de son décès, le suspect avait une corpulence normale.
Par ailleurs, dans leur « note blanche » du 3 octobre 2001, les RG ont précisé qu'il avait été recruté quelques mois auparavant par un groupe islamiste toulousain.
Enfin, les photos prises, lorsqu'il est extrait de sa housse mortuaire, juste avant l'examen de corps, montrent qu'il était vêtu d'un tee-shirt et d'un pantalon quasiment intacts, alors qu'au-dessous, son thorax et son abdomen étaient profondément brûlés. Ce qui conduit à penser que ses vêtements ont été changés après son décès.
Une hypothèse plus vraisemblable est que les vêtements n'ont pas été changés, mais que les profondes brûlures seraient dues à une électrocution, le courant ayant circulé dans les chairs et non dans les vêtements de la victime. Ces brûlures seraient concomitantes des dommages subis par le réseau électrique AZF lors de l'explosion précédant celle du hangar 221 et excluraient par conséquent toute participation de la victime à une action kamikaze.

Et d’autre part, effectivement, l'analyse des ondes produites par la catastrophe a donné lieu à la publication de deux articles scientifiques.
Dans le premier article, une équipe de sismologues toulousains présente les sismogrammes enregistrés par les stations pyrénéennes du réseau « ReNass » ainsi que le sismogramme fourni par un sismomètre au rebut posé dans un bureau au rez-de-chaussée de l'Observatoire Midi-Pyrénées (A. Souriau et al. C.R.A.S., 2002).
Sur ce dernier enregistrement, on distingue les diverses composantes de l'onde sismique engendrée par l'explosion (onde P directe et convertie, onde dite de Rayleigh) ainsi que l'onde de choc (aérienne) venant d'AZF.
Les auteurs reprennent, sans prendre parti, l'hypothèse d'un double bang produit par une explosion unique. Cette hypothèse sera réfutée dans le second article (A. Joets, C.R.A.S., 2009).

Par ailleurs, si l’hypothèse de l’attentat ne tient pas la route et si l’accident n’est pas d’origine endogène aux conditions de stockages du nitrate d’ammonium, Jean-Marie Arnaudies, professeur réputé de mathématiques en classes préparatoires du Lycée Pierre de Fermat de Toulouse, remet au juge d'instruction Perriquet un mémoire intitulé « Certitudes sur la catastrophe de Toulouse ». Il y recueille plusieurs dizaines de témoignages qui sont consignés sur des attestations judiciaires et qui font état de deux explosions.
À partir de ces témoignages et de sa réflexion de scientifique, il parvient à la conclusion que l'on ne peut pas interpréter une explosion comme un simple écho de la seconde.
Par ailleurs, il pense que « si l'épicentre de l'explosion 2, celle qui a ravagé Toulouse, se trouve bien dans le hangar 221 d'AZF, il paraît mathématiquement impossible que l'épicentre de l'explosion 1 soit situé au même endroit.
L'ensemble des points susceptibles d'avoir été l'épicentre de cette explosion 1 forme une branche d'hyperbole qui ne s'approche jamais à moins de 500 mètres de l'usine AZF mais la traverse de part en part, à environ 800 mètres à l'est, la SNPE : une société d'État aux activités civiles et militaires stratégiques couvertes par le « secret-défense », et qui fabriquait notamment les carburants de la fusée Ariane V et du futur missile balistique M51 !
Corollaire : l'explosion 1, perçue à des kilomètres à la ronde comme très brève, très sèche et très courte (plusieurs témoins parlent d'un « pneu géant qui éclate » et ont ressenti une secousse, sans dégâts matériels apparents) a été très probablement souterraine ».
Il établit même la chronologie suivante :
10h 17min 47 sec : au moins un éclair rectiligne ; 10h 17min 56,5 sec : éclairs, explosion 1, formation nuageuse, etc.… ; 10h 18min 01 sec : formation d'une immense colonne gazeuse bleue ; 10h 18min 05 sec : explosion du hangar 221 d'AZF.
Pour le magazine Valeurs Actuelles, qui a publié plusieurs articles sur cette enquête, quatre enregistrements réalisés le 21 septembre montrent qu'il y a eu en réalité deux explosions, et qu'elles n'ont pas pu se produire au même endroit, parce que le délai entre les deux sons (qui dépend de la distance aux points d'explosion) varie suivant l'emplacement des enregistrements.
Pour l'hebdomadaire, si la seconde explosion est identifiée à celle d'AZF, une première explosion s'est produite sur le site de la SNPE.

Ce qui ne satisfait pas Paul non plus. Comment la première explosion, par la seule onde de choc peut déclencher la seconde en milieu ouvert et à température ambiante à 800 mètres de là ?
Plus vraisemblable, en juillet 2006, on évoque alors une nouvelle piste en partie soutenue par un ancien ingénieur d'EDF, celle de l’hypothèse d'une explosion de nappes de vapeurs dérivées de l'hydrazine.
De telles substances, comme le MMH (monométhylhydrazine), l'UDMH (diméthylhydrazine asymétrique, dont on se sert dans les booster de la navette américaine) ou le FDMH (formaldéhyde diméthylhydrazone) sont fabriquées à la SNPE jouxtant l'usine AZF.
La MAPAE de Paul en manipule pour la fabrication des chambres de combustion de missiles de l’armée sous licence. Même mélangé à du perchlorate d’ammonium en poudre fine avec un adjuvant à base d’alumine pour donner un peu d’élasticité aux blocs fabriqués (les « brisures » et « fêlures » lors des manipulations, lors du transport ou sur le champ de bataille, modifie sensiblement le comportement du missile et de sa poussée, pas toujours corrigée par la tête du guidage qui oriente la tuyère d’éjection des gaz) l’ensemble fournit 2.500 m/s de vitesse d’éjection. Il faut un gros détonateur pour allumer la charge qui brûle à raison d’un kilo seconde et fournit une poussée de 2,5 tonnes. Avec 30 kilos de propergol/ergol auto-inflammable, un engin de 50 kg, charge explosive incluse, fournit une vitesse finale de 1.000 m/s en une demie-minute, soit mach 4 en haute altitude, auquel aucun avion ne peut échapper !
Pour les missiles surface/surface, ou air/surface, on se contente de tailler le mélange solide en cône hyperbolique, de façon à avoir une poussée relativement constante. Il met plus de temps, jusqu’à 2 minutes pour les missiles courte portée, à parcourir les 15 milles nautiques qu’on lui demande jusqu’à la cible…
Ces substances sont également indispensables à la production de carburants pour fusées et missiles, des propergols.
En ce qui concerne l'UDMH, le site de fabrication de ce produit était en arrêt pour maintenance le jour de l'explosion mais environ 17 tonnes d'UDMH étaient stockées sur place.
Ces produits ont une forte odeur d'ammoniac et de poisson pourri, une odeur caractéristique, inhabituelle et particulièrement forte qui a incommodé de nombreux témoins situés sous le vent de la SNPE le matin de la catastrophe.
Mêlées à l'air, ces vapeurs forment un mélange asphyxiant, et explosif quand il est saturé d'oxygène ou mis au contact de métaux oxydés. Aucun obstacle n'aurait pu entraver la progression des vapeurs, poussées en ligne droite par le vent d'Autan qui soufflait ce jour-là à 30 km/h environ de la SNPE vers AZF.
Sur son chemin, se trouvait la tour verte de prilling des nitrates et le hangar 221 de l'usine AZF. Au niveau de la tour de prilling, le mélange gazeux aurait pu être aspiré et remonter dans la tour. Normalement cette circulation d’air sert à refroidir le nitrate fondu pour en faire des granulés. De là, l’air chaud est évacué à l’extérieur via deux gros ventilateurs.
Le mélange air chaud-UDMH évacué ce 21 septembre 2001, en s’enflammant, a très bien pu prendre l’aspect d’un éclair frappant la tour, tandis que l’explosion de ce mélange à l’intérieur aurait suffi pour faire décoller la partie supérieure du bâtiment et amorcer la seconde explosion qui a ravagé les environ de Toulouse.
Logique, pense Paul.

Reste une énième hypothèse : Les deux explosions ont coïncidé avec des perturbations électriques, qui ont été enregistrées par EDF.
L'hypothèse de l'impulsion électromagnétique a été initiée à la suite de témoignages sur des « faisceaux lumineux géants » aperçus quelques secondes avant l'explosion du hangar 221 ainsi que sur des phénomènes locaux comme des coups de foudre, des tétanisations pendant plusieurs secondes et autres perturbations électromagnétiques inhabituelles.
En juin 2002, les sociétés Géoid et Fugro sont chargées par la justice de réaliser les relevés électromagnétiques et magnétiques. Cette expertise fut réduite au simple site d'AZF et à la SEMVAT (bus), parce que le survol de la SNPE avait été interdit par le préfet.
L'association AZF Mémoire et Solidarité, partie civile dans le dossier, qui regroupe plusieurs centaines d'anciens salariés de l'usine sinistrée, a insisté auprès de la justice pour que les phénomènes précurseurs d'origine électromagnétique et magnétique mentionnés soient étudiés et pris en compte. Ces témoignages sont restés définitivement inexpliqués depuis la fermeture du dossier avant procès. Jean-Pierre Petit (le physicien) évoque rapidement sur son site internet les liens qu'il établit entre l'explosion et l'effet qu'il attribue à une impulsion électromagnétique, plus connue sous l'acronyme anglais EMP. Jean-Paul Serbera, dans son premier ouvrage « AZF Toulouse : un mensonge d'État » affirme que l'explosion a produit de nombreuses EMP. Mais dans son second ouvrage « Attentat à la SNPE ? La face cachée de l'affaire AZF » il avance qu'une bombe EMP utilisée sur Toulouse aurait pu provoquer la catastrophe. En 2006, dans son livre « AZF-Toulouse : Quelle vérité ? », Daniel Dissy prétend qu'il existe des bombes EMP américaines et franco-allemandes et propose qu'une telle bombe aurait été utilisée ou testée à Toulouse en milieu aérien ou souterrain. Cette hypothèse est confortée par les témoignages des personnels AZF décrivant des électrocutions alors qu'ils n'étaient au contact que de matériels reliés à la terre. Les témoignages des phénomènes lumineux auraient quant à eux, deux origines : l'amorçage d'un poste électrique de distribution du site pour les observations de faisceaux lumineux, l'émission de boules de plasma pour les observations de foudre en boule.
La première explosion aurait été la cause ou la conséquence des premières perturbations électriques relevées par EDF et ce serait le courant de retour créé par ce premier défaut électrique qui aurait (peut-être suite à la formation d'un arc électrique) provoqué la seconde explosion, celle d'AZF, huit secondes plus tard.

Mais alors quid d’AZF, « pas l’usine, le groupe terroriste » avait dit le « Capitaine Haddock » à Malaga. Et là, il s’agit bien de menaces d’attentat contre les voies ferrées du réseau de la SNCF.
Un « truc » hallucinant qui commence le 11 décembre 2003 :

« Présidence de la République
Ministère de l’Intérieur

Mesdames, Messieurs,

Afin d’éviter toute surprise et une dangereuse incrédulité de la part des services concernés lors du début effectif de notre campagne, par la présente nous vous informons de la prochaines entrée en scène du groupe d’action AZF, sommairement présenté ci-dessous.
Nous vous conseillons vivement de vous convaincre du caractère particulièrement sérieux des injonctions qui vous seront bientôt faîtes sous le nom d’AZF et de prendre dès aujourd’hui toutes les mesures nécessaires pour que nos courriers soient transmis sans délai à des responsables que vous voudrez bien désigner.

Qui sommes-nous ?
AZF est un groupe de pression à caractère terroriste secrètement créé au sein d’une confrérie laïque à spécificité éthique et politique, cela par les membres les plus déterminés, les plus compétents et les plus audacieux de celle-ci – bien évidemment à l’insu des militants ordinaires.
L’existence même de notre groupe n’est donc connu que de ses seuls membres et celui-ci est appelé à être dissous sitôt satisfaites les exigences financières circonstanciées que nous formulerons en temps utile.

Que voulons-nous dans l’immédiat ?
Nous sommes déterminés à augmenter fortement les moyens et l’efficacité de la petite confrérie à laquelle nous appartenons, nous désirons aussi soutenir le travail de personnalités militantes extérieures qui le mérite et, incidemment, récupérer des sommes importantes avancées par plusieurs d’entre nous.

A quel but final voulons-nous contribuer ?
Quelles que soient les contraintes et les motivations des responsables gouvernementaux, souvent compréhensibles pour le court terme, les citoyens conscients se désespèrent de la manière catastrophique dont est géré le monde et notre propre pays, plus que tout autre état moderne gouverné par de simples réflexes primaires et privé d’authentiques dirigeants. Nous, membres d’AZF, sommes déterminés à combattre sans merci :
- Un système économique dévoyé, voué à son propre service plutôt qu’à celui de l’homme.
- Des politiciens plus occupés à parvenir aux commandes et à s’y maintenir qu’à accomplir leurs tâches véritables.
- Des états hypocrites et fortement totalitaires qui dissimulent et combattent des progrès majeurs potentiels (énergies libres, médecines nouvelles) et par ailleurs protègent des techniques archaïques et destructrices afin de prolonger l’existence des pouvoirs en place.
- La collusion de fait entre organismes médico-sociaux, agro-alimentaires, et culturels destinés à baisser la santé physique, intellectuelle et spirituelle de la population.
- Un enseignement réducteur destiné à former des êtres soumis plutôt que créatif.
- Un appareil médiatique complice conçu pour abaisser plutôt que développer la conscience individuelle et collective.
- Etc.…

En résumé, nous voulons plus que jamais accomplir ou soutenir toutes actions susceptibles de remettre les systèmes socio-économiques au service de l’individu responsable et souverain, cela afin de relancer le progrès et permettre la survie même de la planète.

Quels sont nos moyens ?
Ce sont ceux des minorités agissantes : l’action pacifique ordinaire qui préfère la bonne parole quand celle-ci porte et, pour cette fois, une détermination totale et sans interdit qui retourne à son propre service les tactiques ennemies les mieux rodées. Aujourd’hui, face à l’urgence, le chantage le plus machiavélique et le plus implacable qui dégagera les moyens matériels de la démarche pacifique, sinon, en compensation, le rejet de nos demandes nous fera indirectement bénéficier d’une terreur et d’une déstabilisation sociale sans commune mesure avec les diverses formes de diversions et autre profits que, par l’intermédiaire de ses membres les plus pervers, un gouvernement pourrait lui-même obtenir en feignant une fermeté impuissante. Tout cela sans compter l’imitation et l’émulation qui ne manqueront pas s’ensuivre.

Pourquoi nous attaquons-nous directement à l’état ?
Parce que, par exemple, le rançonnement d’une famille ou d’une société fortunée serait combattu par les mêmes services de police et quasiment avec les mêmes moyens que ceux qui seront effectivement mis en œuvre contre nous ; par contre, et à notre bénéfice, la méthode terroriste nouvelle que nous avons mise au point, selon le cas inoffensive ou terriblement meurtrière, fera des responsables gouvernementaux de véritables coupables et d’authentiques criminels aux yeux de tous en cas d’hécatombe. Juste retour de bâton…

Ne craignons-nous pas de mettre la vie d’innocents en danger ?
Pour notre confort moral primaire, nous préférerions évidemment qu’il y ait peu ou pas du tout de victimes, c’est pourquoi notre tactique vous délègue entièrement la responsabilité du choix ; cependant, que représentent les quelques centaines de vies menacée par rapports aux millions de morts, infirmes, malades et idiots causés annuellement par les comportements politiques, économiques, médicaux et culturels de notre époque ?
Que dira t’on de Mr Ben Laden ( ?) dans quelques décennies

A très bientôt.
le porte parole d’AZF, avec l’assentiment de chacun. »

Le logo choisi par ce groupe inconnu rappelle indéniablement le carreau d’une arbalète.
La méthode quasi-militaire de l’exécution de la menace qui se précise un peu plus tard évoque une organisation hautement entraînée aux méthodes d’espionnage et de contre-espionnage.
Ce qui fait conclure au « Capitaine Haddock » que le « Groupe AZF » est « patriote » et que la cause de son action est à rechercher ailleurs que dans la simple extorsion de fonds.
Il s’agirait tout simplement de faire restituer l’argent détourné de la « Division Daguet », le prix du sang et de la mort, le contingent français engagé dans la première guerre du Golf, au Koweït.

Quel rapport entre le groupe qui se choisit un pseudonyme identique à celui de l’usine de la catastrophe de Toulouse datant alors d’un peu plus de 2 ans ?
Le nitrate d’ammonium peut-être, dont sont faites leurs bombes sophistiquées que l’on découvrira plus tard, car il y a 8 courriers au total, des 24 et 29 janvier 2004, 17, 21 et 27 février de la même année, et les 11 et 17 mars qui réclament une dernière fois « le montant de votre contribution à 8 Meuros environ, soit 1 ME + 5 M$ en coupures usagées de 100, plus 2 ME en coupures de 500 E », et enfin un courrier du 24 mars indiquant la fin des opérations.
Paul ne voit pas le rapport immédiatement, mais suit dans le courant du mois d’août, cette piste en notant les dates et les montants.

Après que la deuxième bombe soit retrouvée près de Troyes, le groupe annonce sa « trêve unilatérale » (24 mars 2004). Paul note la date. Et le « Capitaine Haddock » annoncera plus tard sur son site, le retour du groupe en décembre 2009 .

Un homme-clé, le bonhomme rencontré à Malaga ?


Opération « Juliette-Siéra » (XIV)

Quatorzième chapitre : L’argent de la « division Daguet »

Avertissement : Ceci est un roman, une fiction, une « pure construction intellectuelle », sortie tout droit de l’imaginaire de son auteur. Toute ressemblance avec des personnages, des lieux, des actions, des situations ayant existé ou existant par ailleurs dans la voie lactée (et autres galaxies), y compris sur la planète Terre, y est purement, totalement et parfaitement fortuite !

Homme-clé, Paul ne sait pas : En fait, il suit depuis sa retraite dans le haut-var, les deux pistes laissées par Emily Lison, le faux-nez de la CIA qu’on lui a mis entre les pattes avant son attentat.
Et curieusement, ces pistes se recoupent.
Par le haut et par le bas en plus.
Il y a bien de l’argent sale qui entre quelque part, les « commissions cachées » sur les frégates de Taiwan, les sous-marins pakistanais, l’Angolagate, l’affaire Luchaire, peut-être même les mirage 2000 en Chine nationaliste, les missile air-air Matra vendus en même temps, toujours couvert par le « secret-défense », de l’argent qui traine et circule mais qui ressort comment ?
En valises de billet remises par des Méry de passage comme le rapporte « Haddock » ?
Pas seulement, il ne s’agit que de quelques dizaines de millions de francs du type des affaires Urba et compagnie, de la gnognotte qui finançaient en douce les campagnes électorales locales d’avant la loi d’amnistie générale.
Là, on n’est manifestement plus dans le même registre quand il s’agit de dizaine de millions de dollars, voire de milliards comme dans l’affaire Ferrayé ou de celle de la « division Daguet ».
C’est une autre dimension, une autre planète, un facteur 1 pour 1.000 entre les deux genres !
Et si ça sort d’un côté, c’est que c’est rentré par un autre.
Et vice-versa.
À ce jeu-là, le « Capitaine Haddock » est plutôt un homme-têtu qu’un homme-clé.
Un jouet de la CIA, lui aussi ?

Et il y va fort, le bonhomme.
Il écrit une première fois à la BCR du Havre, le 22 février 1998. Puis le 02 juin 1998, à Monsieur Jean-Pascal Beauffret, Directeur Général des Impôts, en pleine grève des pilotes de ligne d’Air-France dont il est un des proches des syndiqués du SNPL.
Le 08 juin 1998, il écrit au ministre de l'Économie des Finances et de l'Industrie.
« Ce courrier a été envoyé lors de la première journée de la deuxième semaine de la grève des pilotes, par télécopie au ministre, à XXX, et à une grande partie de la Presse…
Il avait été entendu, auparavant, avec Jean-Charles Corbet, présidant le Bureau Air-France du SNPL, que si la Direction de la compagnie Air-France déclenchait une forte offensive au moyen de la Presse et des Médias, le SNPL allait lâcher sur les ondes, en Mondovision, l'information du vol des indemnités de la Guerre du Golfe, par l'Arsouille… »
L'effet était garanti.
La grève s'est arrêtée le soir même, dans la nuit du 8 au 9 juin…
« Nous avons été tous très surpris de la rapidité de la capitulation en rase campagne du Gouvernement… Le dossier était vraiment très chaud… »

Là-dessus, on lui fait répondre par courrier du 6 juillet 1998, « de Monsieur B. P., du bureau CF 1 de la sous-direction du Contrôle Fiscal à la Direction Générale des Impôts », qui l'informe « que la règle légale du secret fiscal ne me permet pas d'être informé des suites des faits dont a été avisé les services fiscaux du Havre… »
Le 29 août 1998, il réécrit au ministre de l'Économie et des Finances de l’époque, courrier resté sans réponse. Le 23 novembre 1998, de nouveau au ministre à qui il réitère sa demande sur l'enquête en cours en précisant que Monsieur P. P., de la sous-direction du Contrôle Fiscal, responsable du dossier, confirme qu’il n’y avait pas droit à l’accès aux résultats de cette enquête. Le 27 décembre 1999, au nouveau ministre de l'Économie et des Finances auquel il demande simplement que le ministère communique la somme reçue par la France au titre des indemnités de la Guerre du Golfe. Lettre restée sans réponse.
Il remet ça le 21 février 2000, au même ministre, sous forme d'une lettre ouverte envoyée à la Presse. Toujours sans réponse… Le 3 avril 2000, nouvelle lettre ouverte laissée sans réponse au nouveau ministre de l'Économie, des Finances et de l'Industrie. Le 20 juillet 2000, un rappel au dit Ministre toujours sans réaction.
« Je commençais à être las, lorsque j'ai envoyé un courrier à Monsieur J. P. C., rédacteur en chef de la revue …, avec copie à la Délégation à l'Information et à la Communication de la Défense (DICOD).
J'espérais qu'avec une lettre officielle à la Défense Nationale, le ministère des Finances allait enfin se manifester », écrit-il le 20 avril 2006 au ministre des Finances de l’époque .
« C'est ce qui s'est passé, puisque le 29 janvier 2001, en présence d'un représentant de la DGI, et sur sa demande, un officier de la Défense Nationale est venu à mon domicile pour m'apprendre que, suite à mes courriers, une enquête avait été ouverte, et qu'une vérification de la comptabilité de la Défense avait été entreprise.
Celle-ci a confirmé qu'aucune somme n'a été versée au titre des indemnités de la Guerre du golfe… »
Dont acte ?

Pas du tout, pour lui, l'affaire commence lorsqu’il apprend, en novembre 1997, d'un informateur anonyme, alors qu’il était commandant de bord à la compagnie Air-France et ce rendait très souvent en B-747 Cargo à Dubaï, Abu-Dhabi ou Doha, que les indemnités de la Guerre du Golfe auraient été dérobées par président de la République d’alors.
« Je rappelle qu'au titre de l'indemnisation des dépenses militaires de l'opération « Tempête du Désert » les USA ont reçu du Koweït 13,5 milliards de $.
Le Royaume Uni 1,4 Md$.
La Turquie 1,4 Md$.
L'Égypte 970 millions de $.
Le Zaïre 20 millions de $.
Que 6,89 milliards de $ ont été attribués en « dépenses extraordinaires et d'urgence », et que la Presse s'est fait l'écho d'un versement [supplémentaire] à la France de plus de un milliard de $, par les Émirats Arabes (Courrier International du 28 novembre au 2 décembre 1998). »
Son incrédulité passée, en décembre 1997 il se fait confirmer cette information ahurissante au plus haut niveau de l'état-major des Armées.
« J'avais, en effet, de part mes activités professionnelles et associatives, la possibilité d'être en contact avec de très hauts gradés de l'État-major de la Marine nationale, et de l'État-major de l'Armée de l'Air… »
Confirmation obtenue début janvier 1998, par le parti politique auquel il adhérait.
« Les officiers et les élus qui l'ont découvert étaient scandalisés par ce détournement de fonds, car si la somme dérobée est colossale, le crime contre la morale n’est pas tolérable… »
Tout « ceci est contenu dans le procès verbal d’audition rédigé par M. P.A. et B.B., inspecteur et contrôleur à la Brigade d'intervention interrégionale de Lille, dépendante de la Direction nationale d'enquêtes fiscales, et M. P.C. et M.M., contrôleurs divisionnaires à la BCR du Havre. » écrit-il le 20 juin 2008 à la ministre de l’économie, des finances et de l’industrie du moment .
Et en juin 1991, le dollar valait 6,07 FF.
Soit, après un rapide calcul, 7,301 milliards d’euros…
Avec des commissions de l’ordre de 10 % à 20 % sur le dossier de Ferrayé, serait-on donc entre 10 et 15 milliards d’euros qui se promèneraient ailleurs que dans les caisses du Trésor français ?
Ahurissant pense Paul sous le soleil varois !
Au taux de change du dollar au mois de juillet 2009, ça fait entre 14 et 22,5 milliards de dollars…
Et Haddock de réclamer à chaque fois sa prime d’aviseur, se contentant même que d’1 % de ces montants pour sa fondation pour les grands clippers, prime estimée par lui à 50 millions d’euros…
Exactement la même litanie qu’à Malaga en début de mois !
Sûr que, pour ce prix-là, il peut se payer un grand-voilier… Un beau même.

Paul cherche la trace de ces montants dans les DVD fabriqués en début de mois par Joëlle. Il y a une vingtaine de comptes où se baladent des montants à plus de sept chiffres devant la virgule. Ça arrive en dollars américains, c’est transformé et francs suisses et ça repart en dollars ou en livres britanniques.
Grâce aux renseignements attachés à ces mouvements, il retrouve facilement les pays des comptes d’origine et ceux de destination. Par contre, comme il s’agit, en tout cas pour les comptes suisses, de comptes numérotés, il va falloir apprendre à les décoder, si par hasard ils ne sont pas le fruit du… hasard.
Paul se monte une petite requête sur Access : Il y a des montants très importants qui circulent effectivement du Koweït, de Doha, du Liban, et d’ailleurs même, qui vont en Angleterre, en Belgique, à Washington, voir même à Jersey ou dans des paradis fiscaux tropicaux.
La pêche de la conseillère de la Cour régionale des comptes de Paca démontre qu’elle a bien travaillé, grâce à l’information clé du « Capitaine Haddock » : le nom de la banque et les périodes.
Information dont l’origine reste provenir de son « ex », Emily Lison, revenue en Europe en service commandé…
Mais tout cela n’est pas suffisant, il lui faut d’autres éléments.
C’est ce qu’il le décide à former le numéro qu’elle lui avait laissé il y a quelques semaines.
Rendez-vous est fixé le soir de l’assomption sur le port de Calvi, au milieu du feu d’artifice qui rassemble une grande partie de la Balagne et marque le début de la fin de la saison touristique en Corse.
Lui s’y rend avec son voilier . En mer, ils pourront peut-être discuter.
« Si c’est possible, rencarde-toi auprès de tes chefs sur la suite des opérations. Tu leur dis avant que je suis sur la piste d’AZF, de Ferrayé et de la division Daguet, après avoir rencontré le contact que tu m’avais filé ».

Almont, sitôt averti sur son lieu de villégiature pas très éloigné, cette fois-ci, de son bureau à Langley, essaye de reconstituer l’état des lieux.
« Juliet-Sierra » est au travail et il progresse. Il le sait depuis que son équipe espagnole lui a rapporté l’entrevue à Malaga. C’est plutôt encourageant. Mais il ne faudrait pas qu’il aille trop loin sur AZF, le groupe armé. Bien sûr que de l’argent a été versé, puisque l’agence l’a encaissé pour le compte du Trésor américain, subrogé pour l’occasion à l’Otan, et au titre d’une avance sur intérêts échus en 2004.
Mais lui sait qu’il n’a pas pour origine l’argent perdu par le prédécesseur du président de l’époque. C’est même ce qui a commencé à faire réfléchir ses services sur un possible trafic d’influences, confirmé par la suite quand il a fallu racheter les frégates de Taïwan en 2004 et rétrocéder l’essentiel des commissions au ministre du pétrole koweïtien générée lors du contrat de l’extinction des puits.
Son pays avait fait l’avance, dont il est justement question qu’elle soit remboursée à l’Otan pour éviter un drame international et renouer des relations diplomatiques normales avec la France, une des exigences justifiées de l’équipe de Bush.
D’ailleurs, le Président Obama et la secrétaire d’État, mis au courant par leur ministère ou ses chefs à lui, à chaque sommet, que ce soit Pittsburg ou Londres et peut-être encore le prochain programmé pour Copenhague, avaient parfaitement snobé le président français…
Pour l’un, c’est presque naturel dans sa façon bien à lui de poser le regard sur autrui, le menton légèrement en avant, le regard condescendant, surtout sur « le nain », compte tenu de sa haute stature et sa grande taille.
Et puis lors de son passage à Strasbourg, il s’est rendu compte que le département d’État n’avait pas tout-à-fait tort quant aux « réserves » dont on l’a averti.
Pour l’épouse de « l’ex », bien plus accrocheuse, elle n’a pas fait de difficulté jusque-là. Les initiatives politiques de la France, entraînant Merkel dans son sillage, qui fâchent et la City et les places financières américaines, ne sont pas vraiment faites pour un réchauffement généralisé des relations de « cordialités diplomatiques ».

De quoi avait donc besoin « Charlotte » pour progresser ?
L’emmener sur la piste des frégates. Oui, certes. Mais il n’y trouvera que la conviction que sa présidence de leur république avait perdu les clés de ses fonds secrets depuis le décès du président de « l’union de leur gauche ».
Justement, les clés qu’il lui faut retrouver.
L’emmener sur le « gardien des chasses présidentielles » ?
Ou directement sur le Président de la « fondation du souvenir » de leur prédécesseur ?
À moins qu’il ne lui fasse porter tout le dossier, mais alors sans l’épisode d’AZF, ni celui des balles de 9 mm.
Après tout, « Charlotte » est resté un officier supérieur de sa marine nationale et Almont a pu voir et se rendre compte à Kandahar que c’est avant tout un homme loyal.
Qui n’a pas froid aux yeux non plus et sait prendre des risques calculés.

Quand Emily reçoit l’autorisation de rencontrer à nouveau « l’amour de sa vie » pour avoir été son premier et unique mari, elle biche.
Un agent de l’ambassade lui remet le DVD et ses instructions, et elle prend l’avion pour Calvi, charmante petite station balnéaire du nord-ouest de la Corse.
Paul De Bréveuil a prévenu Gijou de façon à ce qu’elle poste une équipe en couverture : il se méfie de la messagère des mauvaises nouvelles. La dernière fois, il aurait dû prendre deux balles dans le dos si la vitre n’avait pas été blindée, après sa visite.
Dans la foule du soir, ils parviennent à se retrouver autour de la gare pour aller mirer le feu d’artifice programmé pour 22 h 30, mais depuis une paillote sur la plage. Paul a eu la délicatesse d’y retenir une table et « Dominiquette » d’y placer ses hommes aux alentours.
« Tu vas bien ? »
Bien sûr. Elle aussi d’ailleurs.
« Quelles sont tes consignes ? »
Elle lui remet le DVD.
« On m’a dit de te dire qu’il s’agit du vrai. Du vrai quoi, je ne sais pas, alors ne me demande pas. On m’a aussi dit de te dire que quand on pirate un système, quel qu’il soit, on prend la précaution de masquer son IP en en créant un qui n’existe pas. Pas un qui existe déjà, bien entendu. »
Aïe, pense Paul pour lui-même : Joëlle a fait une bourde et s’est fait repérer…
« Et mes menaces de mort, qui planent dans mon dos ? »
Toujours en danger, répond-elle. Peut-être plus encore.
« Paul, mon chéri, dans quoi tu t’es mis pour être ainsi en danger ? Répond-moi, j’ai peur pour toi ! » termine-t-elle, l’accent américain du sud presque convaincant.
Un peu plus, et on aurait pu croire à sa franchise…
Elle n’est décidément pas au courant de ses crypto-activités, pense Paul. Juste un agent de liaison avec Washington qui semble décidément l’avoir mis sous surveillance.
À quelles fins ? Dans quel dessein ?

../ (Aparté n° 8) /…


Opération « Juliette-Siéra » (XV)

Quinzième chapitre : De « Clearstream à Clearstream »

Avertissement : Ceci est un roman, une fiction, une « pure construction intellectuelle », sortie tout droit de l’imaginaire de son auteur. Toute ressemblance avec des personnages, des lieux, des actions, des situations ayant existé ou existant par ailleurs dans la voie lactée (et autres galaxies), y compris sur la planète Terre, y est purement, totalement et parfaitement fortuite !

Paul laisse son voilier à sa bouée d’amarrage dans le golfe de Calvi et rentre à Fox en hydravion. Comme il était venu.
Le DVD contient des fichiers que Paul de Bréveuil ouvre une fois rentré. Des listings de comptes sous format PDF, ceux qui ressemblent si fort à ce qu’il a pu voir dans l’affaire Clearstream dans la presse par le passé.
Beaucoup de comptes, des numéros, des noms, des adresses enfin.
Et puis des dates avec des montants.
Il n’a plus qu’à « croiser » avec les fichiers constitués par Joëlle, ce qui demande bien une bonne semaine de concentration assidue, à se promener entre divers points de chute, ordinateur sous le bras.

Clearstream, une affaire « impossible » !
En France, cette affaire prend place dans les conflits brutaux qui agitent l’industrie française de l’armement depuis la création d’EADS et les luttes d’influence des géants de l’électronique militaire Thales (Ex-Thomson-CSF) et Alcatel-Lucent avant leur possible fusion.
Ainsi, au sein du groupe EADS, se déchireraient deux clans issus de l’ancien groupe Matra de feu Lagardère : d’une part celui d’EADS proprement dit, animé par Philippe Camus et Jean-Louis Gergorin ; d’autre part, celui d’Airbus, dirigé par Noël Forgeard et Philippe Delmas.
En seconde toile de fond, c’est la rivalité politique entre le futur Président et le dernier premier ministre de son prédécesseur.
Dès les débuts de l'affaire, le premier y aura vu une tentative grave de déstabilisation à quelques mois de l'élection présidentielle de 2007 .
C’est en juin 2001, le juge Renaud Van Ruymbeke enquête sur l’affaire des frégates de Taïwan.
Paul note qu’il faudra qu’il fasse quelques recherches sur le sujet. Peut-être attendre le retour de vacances de « DD » de chez « CAP Investigations ».

Au printemps 2004, il reçoit plusieurs lettres anonymes et CD-ROMs prétendant révéler l'existence d'un réseau international d’influences et de malversations, ainsi que celle de 895 comptes bancaires occultes qui, ouverts par de nombreuses personnalités du monde des affaires (dont Alain Mezgo, Pierre Tarminez, le même Philippe Delmas) ou de la politique (dont Krasosky, Strauß-Ghân, Bafius, Dalemin, Chêne-vément et d’autres), auraient fait transiter l'argent des frégates.
Paul se rend compte que c’est faux. D’abord il n’y a pas que 895 noms dans le document remis par Emily, mais des centaines de fois plus.
Ensuite, la plupart de ces noms sont souvent des acronymes, des initiales suivis de chiffres, des noms de banques, de brokers et aucun particulier.
Il est rapidement apparu qu’il s’agissait d’une tentative de manipulation visant le juge Van Ruymbeke, et dont le scénario s’inspirait des thèmes développés dans le livre « Révélation$ » de Denis Robert.
En particulier, les listes de comptes occultes envoyés par le corbeau auraient été trafiquées afin d’impliquer des personnalités étrangères à l’affaire des frégates de Taïwan.
Une enquête sur la réalisation de ces faux est alors confiée aux juges Jean-Marie d'Huy et Henri Pons.
Par ailleurs, dès juin 2001, les juges Renaud Van Ruymbeke et Dominique de Talancé enquêtent sur l’affaire des frégates de Taiwan. Parallèlement, en 2001 et 2002, le journaliste Denis Robert publie ses deux livres sur Clearstream, accusant cette société luxembourgeoise de dissimuler des opérations financières illégales, et lançant ainsi l’affaire « Clearstream 1 ».

Le 3 mai 2004, Renaud Van Ruymbeke reçoit une première lettre anonyme, suivie, le 14 par plusieurs autres et un CD-ROM, contenant cette fois-ci 16.121 comptes bancaires ouverts chez Clearstream, datant du premier trimestre 2000.
Encore insuffisant.
Le délateur, surnommé « le corbeau » peu après, livre un scénario de cinéma très inspiré par le conspirationnisme ambiant. La lettre commence par ces mots :
« Je vous écris pour vous informer de l’existence d’un groupe mafieux comprenant au moins deux personnes auxquelles vous vous intéressez et qui commencent à étendre en France des méthodes de corruption et de prédation qui ont fait tant de mal à la Russie dans les années 1990. »
Selon le corbeau, un « comité » international composé de Français, d’oligarques russes et de narcotrafiquants serait à l’œuvre pour contrôler de grandes entreprises et blanchir des quantités considérables d’argent sale par le biais des comptes occultes de Clearstream.
Le corbeau cite pêle-mêle l’oligarque russe Mikhaïl Khodorkovski, patron du géant pétrolier Ioukos et de la banque Menatep (aujourd’hui emprisonné en Sibérie) et le milliardaire Marc Rich. Il affirme qu’il existe des liens financiers entre des familles colombiennes, des parrains russes, est-allemands et ouzbeks, tout cela au sein d’une vaste confrérie internationale du crime et du blanchiment d'argent !
Rien de moins…
Ce comité serait responsable de la mort de Jean-Luc Lagardère, l’ancien patron de Matra, aujourd’hui fusionné dans EADS . Il faut dire que la mort « naturelle » de Jean-Luc Lagardère, le 14 mars 2003 est considérée comme la suite malheureuse d'une opération chirurgicale du 27 février 2003, de la hanche à la clinique du Sport à Paris qui n’a pas non plus une excellente réputation pour être traînée par une flopée de victimes de maladies nosocomiales.
Huit jours après, le 7 mars 2003, Jean-Luc Lagardère, bien que légèrement fatigué, dîne en famille avec sa femme Bethy, le couturier Emanuel Ungaro et l'épouse du ministre des Affaires étrangères de l’époque.
Le 8 mars 2003, à 75 ans, le patron de Matra est retrouvé dans le coma sur le sol de sa chambre à coucher par sa femme. Après quelques jours en réanimation, il meurt à l'hôpital Lariboisière à Paris, le 14 mars à 22 h 59.
Le diagnostic annoncé par le chef de service, le Pr. Didier Payen, est une « encéphalomyélite aiguë auto-immune ». Selon le journaliste Denis Robert, cette maladie fulgurante peut s'inoculer à des souris de laboratoire au moyen d'un aérosol, rendant possible son utilisation comme arme par des services spéciaux. Décidément, se dit Paul, il faudra des informations sur ce citoyen-là.

Le corbeau prétend ainsi dénoncer des comptes occultes établis chez Clearstream pour plusieurs personnalités du monde des affaires ou de la politique, dont Philippe Delmas, vice-président du géant européen de l’aéronautique EADS, et le ministre de l’Économie d’alors.
Mais aussi Alain Gomez, ancien président de Thomson-CSF (devenu Thales), Pierre Martinez, ancien responsable de la sécurité de Thomson-CSF, Andrew Wang, l’intermédiaire sino-américain impliqué dans le scandale des frégates de Taïwan, ainsi que Chêne-vément, ex-ministre de la guerre, Strauß-Ghân ex-ministre de l’Économie devenu banquier international à Washington, Bafius, ex-ministre des finances avant de devenir chef du gouvernement de l’union de la gauche, etc. etc. Un vrai bottin mondain !
C’est ainsi que le corbeau a fait croire qu’Alain Gomez possédait le compte 83656 à la Cititrust (Bogota), alors que le véritable titulaire se dénommait en réalité Hugo Caceres Gomez.
De même, le compte E 3521, ouvert à la Reserved Mailbox Account, censé appartenir à Pierre Martinez, a comme titulaire une société madrilène dénommée Martinez Gil y Asociados.
Les lettres s’inspirent beaucoup des accusations portées sur la chambre de compensation luxembourgeoise Clearstream, et témoignent d’une connaissance certaine du dossier Clearstream et de l’affaire des frégates de Taiwan.
« Certains numéros de comptes comme ceux de la BNP sont authentiques » écrira Libération, ce que Paul peut aisément vérifier avec les DVD d’Emily.
Dès lors, des commissions rogatoires internationales sont adressées en Suisse, au Luxembourg et en Italie.
Fin 2004, le juge Van Ruymbeke comprend qu’il s’agit d’une manipulation : « Les noms de personnalités ont été rajoutés aux listes de Clearstream. Parfois grossièrement. L’enquête préliminaire ouverte sur les autres comptes est classée sans suite en mai 2005. »
Une enquête sur la réalisation de ces faux est donc confiée aux juges Jean-Marie d'Huy et Henri Pons.
Le parquet de Paris demande une enquête préliminaire sur la chambre de compensation Clearstream et envoie un substitut à Luxembourg.
Le ministre de l'Intérieur de l’époque, futur dernier premier ministre du prédécesseur du Président élu en 2007, demande une enquête au directeur de la DST, Pierre de Bousquet de Florian, dont un des adjoints, Jean-Jacques Martini, est cité dans la liste du corbeau.
En janvier, l’enquête concernant le compte du futur Président, accusé de détenir des comptes à la Banca popolare di Sondrio, un bourg italien situé au centre des Alpes, sous le nom de « Stéphane Bocsa » et « Paul de Nagy », est fermée.
La Banca popolare di Sondrio a en effet répondu à la commission rogatoire du juge Van Ruymbeke réclamant l’identité du titulaire du compte. L’établissement italien a indiqué que le numéro correspondait à un compte de banque ouvert par la société Clearstream, et était utilisé par de très nombreux clients, sans doute à des fins de compensation interne comme l’avait expliqué à Paul Joëlle Lidoire en début de mois.
La Banca popolare réclamait au magistrat français une nouvelle demande désignant la personne visée, mais puisque l’enquête prouvait par ailleurs que les listes avaient été trafiquées, le juge Van Ruymbeke a refermé le dossier.

L’attention des magistrats se porte sur un informaticien d’EADS, Imad Lahoud. Il aurait été recruté chez EADS par Jean-Louis Gergorin, sur recommandation du général Philippe Rondot, vétéran des services de renseignements français. Début 2003, Imad Lahoud a collaboré avec la DGSE pour identifier les réseaux financiers d’Al-Qaïda. À cette occasion, il s’est informé sur le fonctionnement des comptes de Clearstream et a rencontré Denis Robert.
Les juges Pons et d’Huy cherchent, pendant ce temps-là à étendre leurs investigations à l’affaire des frégates de Taïwan. En mai 2006, les magistrats ont obtenu communication de l’intégralité de la procédure judiciaire sur les frégates de Taïwan, instruite depuis 2001 par les juges Renaud Van Ruymbeke et Dominique de Talancé et représentant 35 tomes du dossier.
Un grand quotidien du matin conclut donc que « les quelques 35 tomes du dossier, portant sur d’éventuelles rétro-commissions sur le marché des frégates de Taïwan, sont donc officiellement rattachés à l’affaire Clearstream. » Plusieurs sources judiciaires confient à ce quotidien « ne pas comprendre cette démarche », tandis que le quotidien constate que « les deux juges ont désormais une matière aussi considérable qu’inattendue pour nourrir leurs investigations. »

Rappelons qu’en avril 2006, l’ensemble de l’équipe dirigeante du groupe EADS s’est retrouvé brutalement au centre de l’affaire « Clearstream 2 » (ou affaire du corbeau des frégates de Taiwan). Les bureaux de Noël Forgeard, co-président d’EADS (co-CEO), Gustav Humbert, président d’Airbus et Jean-Louis Gergorin, vice-président d’EADS, sont perquisitionnés.
Le 8 mai 2006, l'ancien ministre Chêne-vément, président d’honneur du Mouvement républicain et citoyen, a affirmé que l’origine de l’affaire « Clearstream 2 » pourrait être à rechercher au sein des instances dirigeantes du groupe EADS.
Le 16 mai 2006, Noël Forgeard s'exprime en ces termes au salon aéronautique de Berlin (ILA) : « Ce n’est absolument pas quelque chose qui concerne la société [...] c’est quelque chose qui concerne deux personnes. ».
« Cela n’a absolument rien à voir avec EADS, même si certains le disent. » ajoute-t-il.
Notamment parce que Jean-Louis Gergorin, directeur d'une branche d’EADS chargé de la stratégie, indique dans la presse des 28 et 29 avril 2006 être l’auteur des deux premières lettres anonymes envoyées au juge Renaud Van Ruymbeke en mai et juin 2004.
Convaincu que le groupe Lagardère est menacé par un réseau international affairiste, il explique alors qu’il bénéficiait des informations d’une source sur des comptes occultes de « Clearstream ». Il tente de déclencher une enquête des services spéciaux français en contactant Philippe Rondot en novembre 2003, puis le ministre en janvier 2004.
En avril 2004, constatant l’inefficacité des investigations, il rencontre en secret Renaud Van Ruymbeke. Refusant de déposer officiellement, il envoie les informations issues de sa source sous forme de plis anonymes au juge Van Ruymbeke.

Quant à Imad Lahoud, il est directeur scientifique au centre de recherche d’EADS. Son frère est Marwan Lahoud, nouveau directeur général d’EADS Défense et sécurité (DS), chargé du marketing, de l'international et de la stratégie, nommé en juin 2007, est l’ancien président de MBDA, leader européen des missiles. Bien que désigné par le général Philippe Rondot et Jean-Louis Gergorin comme la source des informations sur « Clearstream », il nie toute implication dans cette affaire.
Par ailleurs, en présence de Jean-Louis Gergorin, le ministre de l’intérieur devenu celui des affaires étrangères demande le 9 janvier 2004 une première enquête au général Philippe Rondot, proche conseiller de la ministre de la Défense de l’époque (aujourd’hui garde-des sceaux après avoir fait un séjour au ministère de l’intérieur.… Le jeu des « chaises musicales » de Madame La Garde des Sceaux dont l’époux était aussi désigné par les faux fichiers « Clearstream » : chacun aura pu donc vérifier et croiser ses données !), pour vérifier l’existence des comptes bancaires attribués à des personnalités.
La compétence du ministre à demander une enquête à un officier supérieur est discutée. Fin juin 2004, il informe son Premier ministre à qui il succédera que l’hebdomadaire Le Point va publier des informations mettant en cause un ministre important du gouvernement.
Il lui est demandé de mener des investigations et il demande une deuxième enquête à Pierre de Bousquet de Florian, directeur de la DST, sans l’informer de l’enquête préliminaire de Philippe Rondot et surtout, des forts doutes de ce dernier.

En juin 2006, devenu premier ministre à son tour, le même personnage dépose plainte contre plusieurs ouvrages documentant son instrumentalisation de l’affaire : Denis Robert pour « Clearstream, l'enquête » (Les Arènes), Jean-Marie Pontaut et Gilles Gaetner pour « Règlements de compte pour l'Élysée », (Ohéditions) et Airy Routier pour « Le complot des paranos » (Albin Michel). En octobre 2006, le procureur de la République de Paris ne requiert pas la mise en examen du Premier ministre ou son audition comme témoin assisté, mais son audition comme simple témoin.
Les 4, 5 et 6 juillet 2007, il est alors définitivement exclu pour un temps de la vie politique du pays et est mis en cause par Philippe Rondot et Imad Lahoud. En particulier, des notes retrouvées sur l'ordinateur du général Rondot indiqueraient qu'il aurait donné instruction à Jean-Louis Gergorin « de « balancer » Nicolas Krasosky ». Son domicile et ses bureaux sont perquisitionnés.
Au cours d'auditions ayant lieu en juillet 2007, et à la suite de la reconstitution de ces notes ayant transité sur l'ordinateur du général Rondot, J-L Gergorin dévoile n'avoir agi que sur ordre de l’ex-premier ministre, se réclamant lui-même d'instructions du Président de la République de l’époque. Il en résulte alors un recentrage de l'enquête autour de l'ex-premier ministre, passé depuis peu du statut de membre du gouvernement à celui de simple citoyen avec la formation d'un nouveau gouvernement consécutif à l'élection à la Présidence de la République de mai 2007, qui s'est constitué partie civile dans ce dossier, et aboutissant dans des délais extrêmement rapides à la mise en examen de l'ancien premier ministre sous pas moins de quatre chefs d'accusation différents le 27 juillet 2007.
On lui reproche sa complicité de dénonciation calomnieuse, recel de vol, recel d'abus de confiance et complicité d'usage de faux. Il lui est depuis cette mise en examen interdit de rencontrer les principaux protagonistes de l'affaire. Comprenant entre autres l'ancien président.
Mi-novembre 2008, il est renvoyé en correctionnelle. Le jugement est mis en délibéré au 28 janvier 2010 .

Car l'actuel président de la République est le plus fréquemment présenté en victime de l’affaire, mais parfois aussi comme ayant, à l'époque, favorisé sa propre victimisation.
Selon Philippe Rondot, conseiller pour le renseignement du ministre de la Défense, Stéphane Denis, du « grand quotidien » du matin, et Éric Decouty, de « Marianne », auraient été informés de l’enquête en cours dès l’été 2004, par le ministre de l’Économie, des Finances et de l’Industrie de l’époque. Le contrôle de la DST aurait d'ailleurs été une de ses motivations pour son retour au Ministère de l’Intérieur, qu'il avait quitté en mars 2004.
Aussi, quand il y revint effectivement en juin 2005, une de ses premières demandes fut de réclamer le rapport de la DST sur cette affaire.
Quant à la Ministre de la Défense des gouvernements des deux gouvernements du prédécesseur du Président, elle aurait été informée dès la fin de l’année 2003, par son CROS, le général Philippe Rondot, de l’existence d’un listing comprenant des hauts responsables et des hommes politiques, dont son collègue, futur Président, ayant des comptes occultes chez « Clearstream ».
De fait, elle demande au général Rondot d’enquêter et devant les juges, en mars 2004 et en juillet 2007, le général Rondot affirme que, dès mai 2004, il avait la conviction que ce listing était trafiqué et aurait fait part de sa conviction à la ministre de la défense.
À cette période, toutefois, il doute que la ministre ait prévenu son collègue, le futur Président. Selon cette dernière, elle n’aurait été informée qu’au début de l’été 2004.

Alors Président de la République, l’élu de 2002 a donné des « instructions » dans cette affaire. Elles sembleraient ne pas porter uniquement sur « la protection des marchés internationaux et la lutte contre les réseaux mafieux », ainsi que l’affirmait l’Élysée le 28 avril 2006. Il demande à Philippe Rondot de lui rendre compte directement ainsi qu’à son premier ministre, au grand dam de la ministre de la défense.
Le 22 juin 2007, le bureau de l'ancien chef de l'État fait savoir dans un communiqué, en invoquant la Constitution, que ce dernier ne peut répondre favorablement à la démarche des juges d'Huy et Pons qui ont souhaité l'entendre comme témoin dans le cadre de l'instruction. Il rappelle en outre le communiqué diffusé du 28 avril 2006 par l'Élysée, dans lequel le président démentait « catégoriquement avoir demandé la moindre enquête visant des personnalités politiques dont le nom avait pu être mentionné ».
Le 4 juillet 2007, l’expertise judiciaire retrouva des notes du général Rondot sur l'ordinateur de ce dernier. Celles-ci indiqueraient que « Jean-Louis Gergorin aurait, fin avril 2004, reçu instruction du (futur « relaxé »), elle-même formulée par le président de la République (d’alors), de « balancer » (le nom du futur Président) ».
Ces nouveaux documents accréditeraient l'idée que le futur président était la cible d’une manipulation dans laquelle les deux hommes auraient tenu un rôle. Lors d'interrogatoires ayant eu lieu en juillet 2007, J-L Gergorin aurait confirmé cette version des faits, tout en soulignant que lui-même et le premier ministre tenaient alors les listings pour vrais.

Dans cette affaire, ce n’est pas tout.


Opération « Juliette-Siéra » (XVI)

Seizième chapitre : Les morts de « Clearstream »


Avertissement : Ceci est un roman, une fiction, une « pure construction intellectuelle », sortie tout droit de l’imaginaire de son auteur. Toute ressemblance avec des personnages, des lieux, des actions, des situations ayant existé ou existant par ailleurs dans la voie lactée (et autres galaxies), y compris sur la planète Terre, y est purement, totalement et parfaitement fortuite !

Paul, après une bonne nuit de sommeil, note au cours de sa prise de connaissance du dossier, le rôle d’Yves Bertrand, directeur central des Renseignements généraux de 1992 à 2004.
Début 2006, il a été suspecté d'avoir fourni de faux listings dans l'affaire « Clearstream 2 », ce dont il se défend. Le 16 janvier 2008, son domicile et son bureau sont perquisitionnés. Cependant, rien en relation avec cette affaire n'a été découvert par les juges d'Huy et Pons chargés de l'enquête.
Quant à Imad Lahoud, le « professeur de mathématique », génie d’informatique putatif, dans Le Point du 26 novembre 2008, il affirme que : « La dernière fois que j'ai vu Bertrand, c'était dans son bureau, pour ajouter le nom de Krasosky sur les faux listings. C'est le seul nom que j'ai ajouté. C'était en présence d'une troisième personne, dont je préfère pour l'instant taire l'identité ». M. Bertrand affirme lui qu'il n'a « jamais vu ni entendu M. Lahoud, ni dans (son) bureau ni ailleurs »… Le 20 mai 2009, Yves Bertrand a décidé de se désister de la plainte pour diffamation qu'il avait déposée contre l'hebdomadaire Le Point et contre l'informaticien Imad Lahoud.

Le Général de division Rondot, à la retraite depuis décembre 2005, lui, après avoir reçu un listing « Clearstream » des mains de Jean-Louis Gergorin, a enquêté sur ordre du ministère de la défense, tout en rendant compte à au Premier ministre d’alors. Selon Le Monde du 29 avril 2006, il a déclaré aux juges qu’il lui aurait confié le listing mentionnant le nom du futur Président dès la fin 2003 et lui aurait demandé d’enquêter sur lui et ses prétendus comptes occultes chez « Clearstream ». Selon le général Rondot, son rapport ferait état d’une liste de bénéficiaires de comptes chez « Clearstream » qui serait « bidon ».
Par ailleurs, des notes compromettantes pour le ministre accusé de recel ont été retrouvées sur le disque dur du général après avoir été effacées. Le général Rondot a confirmé l'existence de ces notes et affirmé qu'elles avaient été effacées à la demande du ministre. Stéphanie Queroy, qui est à la fois la nièce et l'assistante du général Rondot, a confirmé le 4 juillet 2007 devant les enquêteurs le contenu de ces notes qu'elle a tapée et qu’effectivement, ces notes avaient été effacées à la demande du ministre.
De son côté, Pierre de Bousquet de Florian est directeur de la DST depuis septembre 2002 et il aurait reçu la demande du ministre de l’Intérieur d’alors, d’enquêter sur l’affaire « Clearstream 2 » le 5 juillet 2004. Le commissaire divisionnaire Jean-François Gayraud est chargé de superviser une cellule d’enquête aujourd’hui dispersée. Le ministre lui aurait dissimulé à lui aussi l’existence des investigations du général Rondot et des doutes de ce dernier.
Devenu premier ministre et remplacé par le futur président au ministère de l’Intérieur, ce dernier lui reprocherait seulement d’avoir enquêté sur ses prétendus comptes occultes et d’avoir conclu à une manipulation sans jamais l’en informer.
Selon le directeur de la DST, il s’agissait d’un simple « recueil de renseignements ». Pierre de Bousquet a appris à l’automne 2004 par Philippe Rondot que ce dernier avait entrepris des vérifications sur des hauts fonctionnaires de la défense cités dans les listings « Clearstream », mais il ignorait tout le reste.
Dans ses notes saisies par les juges, M. Rondot avait écrit, à la date du 27 juillet 2004, avoir lui-même suggéré de « travailler avec P. de Bousquet ». Il ajoutait : « Pour D de P, qui est d’accord, il manque d’imagination ». La proposition n’aurait donc été suivie d’effet qu’avec plusieurs mois de retard, et très partiellement. À la DST, on assure n’avoir mesuré l’ampleur des investigations du général qu’à la lecture de la presse en avril-mai 2006.
Le 10 juillet 2004, la DST obtient pourtant le document publié par le Point. Très vite, la falsification apparaît. Peu après, M. de Bousquet prévient le directeur du cabinet du ministre de l’intérieur, de la présence du nom du ministre dans le listing.
Quant au juge Renaud Van Ruymbeke, il s'est laissé entraîner dès avril 2004 par Jean-Louis Gergorin dans un arrangement non prévu par le code de procédure pénale : un rendez-vous secret non-acté avec le vice-président d’EADS, Jean-Louis Gergorin, chez son avocat Thibault de Montbrial. Le « corbeau » est donc connu depuis toujours du magistrat qui a voulu protéger la vie de son témoin dans un dossier qui a connu une épidémie de morts subites relatives à l’Affaire des frégates de Taiwan.
Le garde des Sceaux Pascal Clément avait demandé une enquête administrative. Plus tard, Renaud Van Ruymbeke postulait pour une fonction de président de chambre à la Cour d'appel de Paris. Le CSM, présidé par l’ancien Président impliqué dans l’affaire, a suspendu sa décision.

Il faut également signalé que France Info met en ligne le 16 mai 2006 sur son site une partie de la note dactylographiée intitulée « Opération Reflux » du général Philippe Rondot écrite le 17 mars 2004 et détruite en juillet 2004. Dans l'article de France Info, on voit sur la reproduction de la note qu'il y a un tampon daté du 17 mars 2004 et le journaliste de France Info précise que cette note est signée. Le journaliste suppose qu’en mai 2006 cette note devait être destinée à la ministre de la défense. À l'exception du journaliste de France Info et celui du journal « Le Monde », aucun protagoniste ne parlera de cette note avant que le fichier informatique qui a servi à son élaboration ne soit reconstituée en juin 2007 après l'analyse de l'ordinateur du général Philippe Rondot.
Ainsi, à partir de juillet 2007, la justice découvre les 4 notes « Opération Reflux ».
Dès lors, Rondot parlera aussi pour la première fois de ces 4 notes tapées à l'époque par sa secrétaire Stéphanie Queroy.
À droite, à la place de l'adresse du destinataire, apparaît les mentions : « Opération Réservée PR - Exemplaire unique ». Une tradition des opérations spéciales…
C'est une note interne avec une mention diffusion interdite. Selon le général Philippe Rondot, ces notes étaient des notes personnelles et n'avaient aucun destinataire. Pourtant sa note « Opération Reflux » a bien été communiqué par quelqu'un à France Info le 16 mai 2006 et plusieurs éléments laissent penser (le tampon, sa signature, son en-tête, l'intitulé du destinataire, la mention diffusion interdite reprise dans d'autres notes officielles, la mention du carnet Rondot le 19 juillet 2004 liant la destruction des 4 notes rapporte le propos du ministre :
« Si nous apparaissons, le PR et moi, nous sautons ' --> 'notes et disquette détruites' »).
Prémonitoire ou seulement fort probable ?
Début mai 2006, Le Monde apparaît comme le détonateur de cette affaire d’État en publiant la déposition du général Philippe Rondot auprès des magistrats Henri Pons et Jean-Marie d'Huy.
La déposition au format « .pdf » sera massivement diffusée sur les sites Web, les forums et les courriels d’Internet. Le 11 mai 2006, il publie des extraits des notes privées du général Rondot saisies à ses domiciles montrant à nouveau son accès au dossier d’instruction. Ce même jour, suite à la demande du général Rondot, le garde des Sceaux demande au parquet de Paris d’ouvrir une information judiciaire pour « violation du secret de l’instruction ».
Quant à l’hebdomadaire « Le Point », dirigé par Franz-Olivier Giesbert, quand il rend l’affaire publique en juillet 2004 en faisant de l’affaire son titre de couverture, il parle de ministres et d’anciens ministres sans citer de nom. « Le Point a eu accès à des lettres anonymes envoyées au juge Renaud Van Ruymbeke dénonçant un système de blanchiment d’argent par « la banque des banques », Clearstream. Parmi les personnes « dénoncées », notamment de nombreuses personnalités politiques. »
Le 24 septembre 2004, « Libération » indiquait, par la prose de Karl Laske, faire part de ses doutes dans l'article « Les comptes rêvés des frégates de Taiwan » : « La justice retiendra peut-être que, sans être vraie, c’est sûrement l’une des plus belles histoires qu’on lui ait racontées ».
Mais c’est l'hebdomadaire « Le Canard enchaîné », qui le 26 mars 2008, publie une note d'Yves Bertrand (ancien patron des RG) indiquant qu'il aurait eu une réunion avec le Président en exercice et son secrétaire général à l'automne 2004, le 28 février 2005. Dans cette note, Bertrand indique que le ministre « m'avait en terme très vif, reproché d'avoir été l'un des investigateurs, avec Philippe Massoni, de l'affaire Clearstream ».
Rappelons que Massoni, après avoir été directeur des RG puis Préfet de Police est alors le patron de la sécurité à l’Élysée.
Le ministre « avait élargi ses accusations à certains membres de l'entourage du Président de la république, qu'il soupçonne de complot contre lui ». Interrogé par « Le Canard enchaîné » avant la publication de l'article, le secrétaire général avait non seulement confirmé les propos, mais aussi ajouté « Je n'ai pas changé d'avis. ».
Le procès s'ouvrira dans quelques jours, quand Paul finit de digérer ses informations sans vraiment voir le lien avec ce qui l’occupe pour le compte du ministre de la Défense, le 21 septembre 2009 .

Ce n’est pas tout. On oublie assez vite que l’affaire « Clearstream 2 » n’est qu’un avatar de « Clearstream 1 » qui est directement lié à l’affaire des « Frégates de Taïwan ». Clearstream est d’ailleurs née de la fusion de « Cedel International » avec « Deutsche Börse Clearing ».
Paul note qu’en 2004, la France tentait de négocier le rachat des frégates vendues en août 1991 à Taïwan. Une délégation taïwanaise était ainsi présente au salon du Bourget, ouverte à tout type d'accord.
L'armée française n'a pas besoin de ces frégates et le budget de la France ne peut rembourser 2,5 milliards plus les intérêts. L'idée serait de trouver un pays tiers qui rachèterait les frégates maudites. Le Qatar a été un temps évoqué. De même, les 60 mirages 2000 fournis à Taïwan en 1992 pourraient avoir échoué à Singapour.

Et puis il y a eu des morts !
Trois protagonistes se seraient suicidés par défenestration ou seraient tombés par accident, et l'un a subi une mort violente.
Yin Chin-Feun (ou Yin Chen-Feng). Le capitaine de la marine de guerre taïwanaise gérait la direction des achats de la marine taïwanaise. En septembre 1993, il est envoyé en mission à Lorient, en France, où sont construites les frégates Lafayette. En décembre 1993, il est retrouvé noyé dans la baie de Taipeh, portant de violents coups à la nuque. Sa veuve Lee Mei-Kuei a été auditionnée le 14 mai 2002 par Renaud Van Ruymbeke, introduite dans son cabinet par Maître Thibault de Montbrial, l’avocat du vice-président d’EADS Jean-Louis Gergorin.
Jacques Morisson. Capitaine de vaisseau de la marine française, il était négociateur du volet technique de la vente des frégates à Taïwan. En mai 2001, il s'écrase en bas de son immeuble à Neuilly, dans la banlieue de Paris. Habitant au deuxième étage, il serait monté au cinquième par l'escalier de service, aurait ouvert une fenêtre pour se jeter dans le vide. La justice française a conclu au suicide.
Thierry Imbot, le fils du général Imbot, ancien de la DGSE reconverti dans les affaires, a participé à la vente des frégates. Il fut retrouvé défenestré en bas de son immeuble. La justice française a conclu que M. Imbot réparait un volet de son appartement à 23 h 30 et aurait chuté.
Son père a contesté cette version lors de son audition par le Juge Van Ruymbeke.
James Kuo, « Loan Officer » sous les ordres de Joël Bucher de la Société générale de Taïwan.
Il suivait le compte de « China Shipbuilding » mais pas le montage élaboré par la Direction SG/Sofrantem dans « l'opération Bravo ».
Défenestration en novembre 1992 pour une raison probablement indépendante à ce montage mis au point par J. Bucher & Steve Ho de « Europasia », mais en secret.
Plus des morts « naturelles »…
Jean-Claude Albessard : Aucun doute. Cet ancien directeur de Thomson pour l'Asie, représentant de la société Thomson CSF à Taïwan, est mort d'un cancer au Japon en mars 2001.
Yves de Galzin, ex-représentant des missiles Matra à Taïwan. Victime d’un accident thérapeutique en 2001… Comme son grand patron Jean-Luc Lagardère, plus tard.
Le chef d'escadron Michel Rouaret également. Cet ancien commandant de la brigade financière de la Gendarmerie à Paris avait découvert le schéma des rétro-commissions chez M. Lambert, ex-financier de Thomson. Son dossier est ignoré par les juges dont bien curieusement E. Joly. Décédé d'une crise cardiaque quelques mois après son départ à la retraite dans le cabinet d'un médecin…
Pierre Aigrain. Le véritable responsable du choix des frégates par Taïwan qui le respectait en tant que conseiller militaire pour Thomson et membre du gouvernement français.
Il est décédé sans avoir jamais parlé aux juges pourtant au courant de son action décisive !
Il faut aussi compter avec Thierry Jean-Pierre, ex-Juge, avocat. Mort des suites d'un cancer à la veille de ses 50 ans et peu après la parution de son livre sur les frégates de Taïwan. « Taiwan connection » rédigé avec, en partie, les documents de son client Joël Bucher.

Et que l’affaire dévoilée au grand public est née en février 2001 et janvier 2002 par la publication de « Révélation$ » et de « La Boîte noire », coécrits (uniquement dans le cas du premier ouvrage) par Denis Robert, journaliste, et Ernest Backes, ancien numéro trois de « Cedel International », licencié en 1983, affirmant qu'il existait un système de comptes non-publiés, qui aurait été mis en place dans les années 1970, et généralisé après son départ. Ce système de comptes, en se servant du système (légal) de compensation interbancaire permet l'effacement des traces des transactions, et pourrait ou aurait pu faire de « Clearstream » une plateforme mondiale de l'évasion fiscale et du blanchiment d'argent.
Complètement stupide, puisque la conseillère de la Cour des Comptes de PACA a bien réussi à retrouver toutes les écritures après coup constate Paul.
D'ailleurs, d’après les défenseurs de « Clearstream, » aucune preuve de ces allégations n'a été apportée. « Clearstream » n'a pas été créée pour le blanchiment d'argent mais pour faciliter le règlement livraison des euro-obligations.
Aucune enquête judiciaire n'a établi que « Cedel International » - devenu « Clearstream », ait mis en place un système de transactions ­ occultes et des comptes secrets utilisés par des banques délictueuses ou des personnes privées.

Pourtant, des entreprises disposent de comptes chez « Clearstream », et ces comptes ont servi à faire des transferts de fonds illégaux. Les clients de « Cedel International » puis « Clearstream » peuvent ainsi demander à ce que leurs comptes soient publiés ou non.
Selon « Clearstream », les comptes dits « non-publiés » sont audités et soumis aux mêmes contrôles que les comptes dits « publiés ». Or, au moins une transaction illégale a été démontrée, c’est celle de la « BCCI » après sa fermeture judiciaire.
« Clearstream » détiendraient aussi des comptes de sociétés non financières et de particuliers. De nombreux groupes industriels internationaux sont aussi des groupes financiers, incluant une institution bancaire. Selon « Clearstream », ses clients sont des banques privées ou publiques ainsi que des Banques Centrales ou des institutions financières mais aussi quatre entreprises.
Mais selon Régis Hempel, un ancien informaticien de « Cedel-Clearstream » licencié en 1992, des données auraient été effacées avant les investigations de la justice luxembourgeoise.
Ernest Backes affirme aussi dans « Révélation$ » qu'il était en charge du transfert de 7 millions de dollars de la Chase Manhattan Bank à la Citibank, le 16 janvier 1980, qui a permis de payer la libération des otages américains détenus dans l'ambassade de Téhéran. Il a donné une copie des fichiers à l'Assemblée nationale, éclairant ainsi d’une façon particulière ce que les Américains appellent la « Surprise d'octobre ».
En mars 2001, Denis Robert et Ernest Backes ont présenté leurs travaux à l'intergroupe « Capital Tax, Fiscal Systems and Globalization » du Parlement européen ainsi qu'à l'Assemblée nationale (mission parlementaire de Vincent Payons et Arnaud Monte-bourre, députés socialistes, adeptes d’une VIème République…).
Un hasard, se demande Paul ?
Dans les suites de cette enquête, Denis Robert diffusera trois listings en sa possession : celui de 1995 (4.500 comptes), celui d'avril 2000 (16.322 comptes) et celui d'octobre 2001 (33.400 comptes) (Source : « Paris Match » du 4 mai 2006).
Paul de Bréveuil en a un entre les mains, soi-disant le seul authentique d’après Emily, remis le soir du 15 août 2009 à Calvi, qui compte plus de 100.000 entrées.
Mais il est mondial avec une forte proportion de comptes européens et d’après ce qu’il a pu s’en rendre compte, assez peu de particuliers, quelques entreprises industrielles ou commerciales de renom, tout le reste renvoyant à des institutions financières, brokers, traders, banques, et compagnies d’assurance.
C'est le listing de 33.400 comptes, volé par un ancien auditeur de chez Arthur Andersen, Florian Bourges, et proposé à la vente par ce dernier à Denis Robert (cf. « La Boite Noire ») qui aurait été truqué et aurait servi de base à la tentative d'intoxication des services de renseignement français et du juge Van Ruymbeke dans l'affaire « Clearstream 2 » pour aboutir à 895 noms.

Parmi les grandes compagnies ayant eu des comptes non publiés, Ernest Backes cite le Shell Petroleum Group, Unilever, Siemens. Parmi les banques, Backes cite la Banque internationale du Luxembourg (309 comptes non publiés), Citibank (271), la Barclays (200), le LCL (23) et la banque japonaise Nomura (12).
D’où l’idée que le Président Rackchi ait pu en avoir un…
Des dizaines d'autres banques sont également citées, dont toutes les grandes banques françaises.
C’est ainsi que le 19 mai 2006, Jean-Louis Gergorin dévoilait le résultat de son enquête personnelle : « J'ai téléchargé le manuel utilisateur de « Clearstream », qui n'est plus disponible sur Internet. Les banques ne sont qu'une clé d'entrée pour ouvrir un compte chez « Clearstream » : de jure, c'est un sous-compte bancaire ; de facto, c'est un compte individuel. Avec quelques millions d'euros, vous pouvez demander l'ouverture d'un compte. Il y a des codes d'accès pour que le client dispose d'un accès direct à « Clearstream » sans passer par sa banque. Mais celle-ci ne donne pas à « Clearstream » le numéro de ce compte client, seulement le code de transfert. Puis le reporting du transfert de fonds est envoyé à la banque, pas à « Clearstream ». L'ensemble des transactions est alors consolidé au niveau du compte général de la banque. Il n'y a plus de trace de mouvements ponctuels. »
C’est un peu ce que Miss Joëlle Lidoire a expliqué à Paul en début de mois d’août avant de partir en croisière !
Mais elle a été nettement plus précise.


Opération « Juliette-Siéra » (XVII)

Dix-septième chapitre : L’opération « bravo »

Avertissement : Ceci est un roman, une fiction, une « pure construction intellectuelle », sortie tout droit de l’imaginaire de son auteur. Toute ressemblance avec des personnages, des lieux, des actions, des situations ayant existé ou existant par ailleurs dans la voie lactée (et autres galaxies), y compris sur la planète Terre, y est purement, totalement et parfaitement fortuite !

Et tout ça éloigne encore plus Paul de sa recherche. Il tente alors, toujours son ordinateur sous le bras de reconstituer la chronologie de l’affaire des « Frégates », puisque c’est par-là que ses lectures des dossiers le guide, un peu seulement, il est vrai.
Affaire étonnante à plus d’un titre…
Et l’affaire des frégates de Taïwan commence par celle de « Thalès », ex-Thomson CSF dont le patron d’alors est Alain Gomez. En janvier 1990, sous la pression de la Chine, le gouvernement français met d’abord son veto à un projet de vente par « Thomson CSF » de 6 frégates militaires de la classe « La Fayette » à Taiwan, pour 14 milliards de francs. 355 millions d’euros le bout, 2,1 milliards pour l’ensemble !
Qui finiront à 2,5 milliards d’euros pour le tout et d’occasion, mais armés en 2004 au moment du rachat des frégates… L’inflation des coûts des programmes de maintenance…
Un ancien conseiller à la présidence d’un « pétrolier national » aujourd’hui absorbé par son concurrent direct, Alfred Sir-veine, propose la médiation de son groupe pétrolier, par le biais d'un homme d'affaires chinois, Edmond Kwan pour lever le veto. Et effectivement en août 1991, Paris lève son veto.
Le contrat de vente prévoit la livraison de bâtiments non armés qui seront équipés sur place par « Thomson CSF », une fois livrés.
Le 15 août 1991 le contrat est signé par Taïwan pour six frégates à Thomson CSF mais au prix de 16 milliards de francs soit 2,439 milliards d’euros : un surcoût de 304,892 millions d’euros en 21 mois de négociation pour lever le veto, nonobstant la fureur de Pékin qui d’un coup se calme malgré la tempête qui aurait dû être déclenchée.
Des frégates réputées furtives, c’est plutôt une arme offensive dont la République de Formose n’a normalement pas besoin pour défendre son territoire…
Entre-temps s’engage la « première guerre du Golf », puis quelques mois après, en 1992, l’affaire de l’extinction des puits de pétrole en feu au Koweït, « l’affaire Ferrayé » et l’accord « Pétrole contre nourriture » dont une grande banque française encore nationale, pour ressortir de la politique du « ni-ni », l’année suivante à l’occasion de la deuxième cohabitation à la tête de l’exécutif national, porte l’essentiel des mouvements de fonds sous couvert de l’ONU…
Entre-temps également, 60 Mirage 2000 sont livrés à la Chine nationaliste, en 1992.

En décembre 1993, un haut responsable des forces navales qui s'apprêtait à révéler le scandale financier, le capitaine de vaisseau Yin Chin-Feng, est retrouvé mort dans la baie de Taipeh. C’’est à ce moment-là que le scandale éclate à Taïwan.
En août 1996, Thomson SA est condamnée par la commission internationale d'arbitrage de Genève à payer 160 millions de francs (24,392 millions d’euros) à l'intermédiaire Edmond Kwan.
Dans la foulée, le 26 février 1997, Thomson SA dépose plainte pour « tentative d'escroquerie » et se constitue partie civile. Le 7 mars 1997 est ouverte une information judiciaire contre X pour « tentative d'escroquerie » concernant l'intervention d'un « réseau » pétrolier dirigée par « Sir-Veine » qui justement réclame 160 millions de francs pour son intervention supposée dans le contrat des frégates, après une plainte de Thomson CSF décidée par Alain Gomez.
L'affaire est alors confiée au juge Eva Joly, déjà saisie du dossier du pétrolier national, et le 5 mai 1997 au juge Vichnievsky est co-désignée pour enquêter avec elle.
Le 7 novembre 1997 Leviers-Jonc-Court est mise en examen et placée en détention provisoire. Il lui est reproché d'avoir indûment perçu du groupe pétrolier de 1990 à 1993 environ 66 MF, constitués du paiement d'une commission occulte de 59 MF, de salaires de complaisance et de l'utilisation abusive d'une carte bancaire du groupe pétrolier.
C’est ce qu’on appellera ensuite « l’affaire Dumât », qui poussera l’ancien ministre des affaires étrangère de l’union de la gauche, alors à la tête du Conseil constitutionnel, à la démission.
Car dès 20 novembre 1997, l'ancien PDG du groupe au Gabon, André Tara-l’eau est mis en examen pour « abus de biens sociaux », notamment pour avoir signé le contrat d'embauche de la Miss « Jonc-court ». Et le surlendemain, le 22 novembre 1997, il révèle qu'un appartement acheté rue de Lille à Paris par « Madame » en 1992, a été financé par le groupe pétrolier : toujours un avatar de l’affaire concernant le ministre des affaires étrangères, qui aimait les femmes brunes et maigres, un peu plus jeunes que lui, en tout cas celle-là pour avoir été sa maîtresse à l’époque.
Le 8 janvier 1998 : « Miss Christine » est à son tour mise en examen pour « complicité de tentative d'escroquerie ». Pas moins de 19 jours plus tard, le 27 janvier 1998, les juges perquisitionnent aux domiciles et aux bureaux de « Du-Mât », où ils saisissent des « documents bancaires ». Le 5 février de la même année « Miss Christine » est de nouveau mise en examen pour le versement sur un compte suisse de 42 MF (6,4 millions d’euros) de commissions occultes.
En avril 1998, elle est remise en liberté et placée sous contrôle judiciaire.
Entre 1998 et 2000, cinq personnes sont ainsi et tour à tour mises en examen, parmi lesquelles G. Miara, « Miss Christine », le pédégé de la compagnie pétrolière, et Sir-Veine. Toutes sont intervenues dans le réseau pétrolier, dans son volet « collatéral » de l'affaire des frégates.
Il faut attendre le printemps 2001 pour que la justice Suisse découvre que d'importantes commissions ont été versées à un homme d'affaires du nom de Wang à l'occasion de la vente des frégates. Selon le magistrat de Genève, Paul Perraudin, les sommes ont été « blanchies sous couvert de membres de sa famille et de comptes ouverts notamment en Suisse ».
Curieuse idée en effet…
Bien trop repérable et immanquables suspicions d’enrichissement sans cause personnel à venir !

Le 22 juin 2001, le parquet de Paris ouvre une information judiciaire pour « abus de biens sociaux et recel » et le versement de commissions occultes et rétro-commissions illégales.
C’est en octobre 2001 que le futur « plus jeune premier ministre de la France » qui ira s’empêtrer dans une affaire de sang contaminé au virus du Sida, à l’époque ministre des finances du pays qui refuse de lever le « secret défense » sur cette affaire, « coinçant » définitivement les juges dans leurs investigations sur cette affaire.
Pour quelle raison, n’est-ce pas ?
Entre-temps, le juge Van Ruymbeke tente de se rendre au siège de Thales le 13 février 2002 pour saisir les documents relatifs aux frégates. En vain.
Après les élections, et la seconde cohabitation, c’est au tour de Francis Mer, le nouveau ministre des finances de refuser à nouveau, le 9 juin 2002, la levée du « secret défense ».
19 jours plus tard, 28 juin 2002, les deux dossiers relatifs aux frégates, ainsi que ceux visant plusieurs morts inexpliquées, sont joints dans une même procédure.
En octobre 2003, Taïwan se constitue partie civile au motif que la société Thomson aurait violé un point du contrat interdisant tout paiement d'intermédiaires notamment en l’article 18 du contrat. Le juge Suisse Paul Perraudin accepte enfin de communiquer les résultats de son enquête sur les comptes d’Andrew Wang, l’intermédiaire chinois aux juges français le 8 décembre 2003, ce qui déclenche immédiatement un recours de ses avocats !
Un mois plus tard, le 15 janvier 2004, un rapport de synthèse parvient au ministère de la justice, celui qu’a eu Paul entre les mains le soir où on lui a tiré dessus. La France risque de devoir payer près de 600 millions de dollars à l'État de Taïwan (environ 590 millions d’euros) en vertu de l'article 18 du contrat qui interdit le versement de commissions occulte et prévoit des indemnités en cas de sa violation .
Par ailleurs, en mai 2004, Le tribunal fédéral Suisse se prononce en faveur de l'entraide avec la France. Le tribunal fédéral écrit ainsi à propos de pièces découvertes dans plusieurs institutions bancaires : « Thomson a fait verser (sur des comptes de Wang) un montant total de l'ordre de 920 millions de dollars, dont environ 520 millions proviendraient de commissions liées au contrat des frégates. Ces éléments constituent des indices suffisants de l'accusation selon laquelle M. Wang aurait joué un rôle de récipiendaire, de gestionnaire et de re-distributeur des pots-de-vin versés par Thomson pour obtenir que le contrat des frégates soit conclu (...). Il apparaît que les comptes en question ont servi à des transactions que l'on peut objectivement tenir pour suspectes. ».
Toutefois, la procédure est aussitôt bloquée par ses avocats, le dénommé Wang s’étant réfugié en Angleterre, qui saisissent le ministre de la Justice Helvète.
Au mois de septembre 2004, la réponse, à une commission rogatoire du juge Van Ruymbeke, afin de vérifier si les numéros de comptes susceptibles d'intéresser son enquête sur les frégates de Taïwan, est positive quant à l’existence effective chez « Clearstream » des comptes visés par la commission rogatoire du juge.
Néanmoins, le 24 juillet 2008, le procureur de la République de Paris, Jean-Claude Marin, signe un réquisitoire aux fins de non-lieu général, le même qui fait appel de la décision de relaxe d’un ancien-premier ministre dans le volet « Clearstream 2 », adressé aux juges du pôle financier.
Drôle d’affaire, que ce même procureur qui plaidera dans « l’affaire Clearstream 2 » contre les falsificateurs du listing qui porte ombrage à des personnalités politiques de haut-rang, sous la « houlette » du dernier premier ministre gaulliste.

Le contrat portait sur 2,5 milliards en 1988, et il a fallu en fait, c’est de notoriété publique, trois réseaux d'intermédiaires pour faire aboutir son dossier :
Le réseau A cible Taïwan et est animé par Andrew Wang ; le réseau B cible la Chine populaire ;
le réseau C, animé par Alfred Sir-veine et Edmond Kwan, cible Taïwan et la France.
Ces trois réseaux apparaissent dans une série de notes internes de Thomson-CSF saisies par les juges français en 2000. Ces intermédiaires ont distribué des sommes que Roland Dumât avait publiquement estimées en 1998 à « 2,5 milliards de francs environ », avant de réévaluer ce chiffre à « 5 milliards de francs » dans un entretien accordé au Nouvel Observateur le 9 mars 2000.
Soumis à une « autorisation de transfert » signée le 17 septembre 1991 de la part de la Direction générale des douanes du Ministère du Budget, alors dirigé par Michel « Char-Asse », les « rémunérations » consenties se montèrent à près de 3 milliards de francs pour le réseau A et à quelque 80 millions de francs pour le réseau B, selon les informations confiées en 1998 à la brigade financière par l'ancien directeur de Thomson pour l'Asie, Alain Fribourg.
À en croire Alain Fribourg, la disproportion entre les deux commissions s'expliquait par le fait que les « négociations » menées à Taïwan par Andrew Wang avaient « permis d'obtenir » l'augmentation du volume du marché conclu avec Taipeh, passant de 12 milliards initialement prévus à 16 milliards de francs lors de la signature finale.
Le réseau « A », appelé « réseau traditionnel », doit traiter l'administration et la présidence taïwanaise.
Dans une note de 1991, l'ancien directeur général de Thomson-CSF, Jean-François Briand, précise que ce réseau a « fonctionné efficacement, étant bien entendu motivé par la structure politique de Taïwan et son désir ardent de signer cette affaire ». Il repose sur le trésor de guerre d'Andrew Wang, qui s'élève à 1 milliard de francs suisses. Les comptes suisses d'Andrew Wang ont probablement été bloqués avant que les rétro-commissions n'aient été distribuées en Europe.
Les juges français exigent alors les contrats de commissions, qui faisaient l'objet d'autorisations au plus haut niveau chez Thomson et au ministère des Finances.
Le « secret défense » leur est opposé par deux ministres successifs de l'Économie. En avril 2001, 250 millions de francs suisses (1 milliard de francs) sont bloqués lors d'un transfert bancaire effectué par le fils d'un autre intermédiaire.
Quant à l'enquête Suisse, confiée au juge Paul Perraudin, elle continue, mais l'argent des Wang n'a pas été redistribué. Contractuellement interdites, les commissions ont fait gonfler le prix. Taïwan engage une procédure pour se faire rembourser.
Avant Jean-Louis Gergorin, un ancien banquier français avait expliqué au juge Renaud Van Ruymbeke que l'argent des commissions avait pu passer par des comptes « Clearstream » qui aurait servi d'écran. Les Suisses ont vérifié sans succès cette piste « Clearstream ».
Le réseau B, c’est celui qui a pour animatrice une femme d'affaires chinoise de Hongkong, Lily Liu, uniquement désignée par son prénom dans les notes internes, et qui aurait également des compétences artistiques de chant et de danse.
« À cheval sur Taïwan et Pékin », ce deuxième réseau « ne pouvait être mis en œuvre que de manière ponctuelle et discrète », note l'ancien directeur général de Thomson-CSF, Jean-François Briand. Une note de synthèse établie à l'intention du PDG de l'époque, Alain Gomez, précise qu'entre mars et octobre 1990 « une série d'actions » a été lancée par Lily Liu « pour préparer les rencontres d'octobre 1990 avec les dirigeants chinois, au niveau essentiellement du ministère de la défense et des commissions politiques correspondantes du comité central du Parti communiste chinois ».
La note ajoutait que, « au cours du voyage d'octobre 1990 à Pékin, une réponse positive avait été obtenue des responsables chinois rencontrés dans le contexte difficile d'après Tiananmen ». Soulignant la complémentarité des différentes filières, Jean-François Briand précisait que le réseau « B » avait « permis de valider l'action du réseau A au niveau le plus élevé de Taïwan ». Dans un courrier daté du 19 décembre 1991, Alain Gomez affirme lui-même que le réseau de Lily Liu avait « prouvé son efficacité ».
Quant au réseau « C », il repose sur Kwan et Sire-veine, dirigeant du groupe pétrolier disparu aujourd’hui. « Mis en place (…) par mesure d'assurance » et « dans des conditions non rigoureuses », écrira Jean-François Briand, l'ancien directeur général de Thomson-CSF, ce réseau suscitait plus de doutes que de certitudes chez les dirigeants de la compagnie pétrolière. Aux policiers, ce dernier a expliqué qu'au moment où le projet de vente des frégates était bloqué par l'Élysée et le Quai d'Orsay, il était apparu utile d'« utiliser les relations que le groupe avait en Chine », signalant que de telles synergies existaient déjà « entre Thomson CSF et le pétrolier, en Afrique ».
Mais s'il rencontra bien « Sire-veine », Jean-François Briand semble avoir été tenu dans l'ignorance du rôle joué par « Miss Jonc-court », a fortiori de sa proximité avec le ministre des Affaires étrangères « Roland Dumât ». Et lors de son voyage en Chine, Jean-François Briand n'aurait entendu parler d'aucune intervention de ce prétendu, qu'était censé incarner sur place l'homme d'affaires Edmond Kwan.
Après la conclusion du marché taïwanais, en août 1991, les « doutes » du dirigeant de Thomson se changèrent en inquiétudes. Peu avant de quitter le groupe, en raisons de désaccords persistants avec son PDG, Jean-François Briand bloque le paiement du réseau « C », derrière lequel il entrevoyait « le financement d'un parti politique », ce que l'un de ses collaborateurs, Alain Fribourg, interpréta comme le soupçon d'un « financement du PS . »
C’est depuis le 4 juillet 1991, que « Sire-veine », décédé d’un arrêt cardiaque le 12 février 2005, lui aussi, le énième « mort naturel », et « Jonc-court » auraient mis en place un dispositif bancaire destiné à accueillir la commission espérée. La compagne du ministre devait entreposer sa part sur un compte à Lugano. L’autre part devait être transférée vers le Luxembourg, sous couvert d'une société de droit britannique, « Travlane Haulage Limited ». Nul n’a su où la piste conduisait ensuite.
Or, « TH Limited », Paul se souvient en avoir vu quelque part sa trace dans les listings de la conseillère de la Cour des comptes régionales.
Vérification faite, il ne s’agit que d’un compte de transfert vers un trust londonien, « SJ trust ».

« SJ », « SJ ». Il a déjà entendu ça quelque part.
« SJ », Sierra Juliet en code international aéronautique !
Pourquoi donc le civil de Kandahar avait-il « imposé » ce nom d’opération au sauvetage des deux équipages américains, il y a moins d’un mois, dans les montagnes afghanes ?


Opération « Juliette-Siéra » (XVIII)

Dix-huitième chapitre : Second attentat

Avertissement : Ceci est un roman, une fiction, une « pure construction intellectuelle », sortie tout droit de l’imaginaire de son auteur. Toute ressemblance avec des personnages, des lieux, des actions, des situations ayant existé ou existant par ailleurs dans la voie lactée (et autres galaxies), y compris sur la planète Terre, y est purement, totalement et parfaitement fortuite !

Pas facile à suivre. Car c’est là que le beau schéma imaginé par on ne sait qui commence à « branler du manche ».
Peu après la signature du contrat « Bravo », Alain Gomez, PDG du Thomson CSF, refuse de payer car il a des doutes sur la destination finale des 160 millions de francs de commissions.
Alfred « Sir-veine » fait payer une partie de la commission promise par les fonds secrets de sa compagnie pétrolière. 8,25 millions de dollars partent sur le compte de Christine « Jonc-Court ». Quant à Edmond Kwan, il attend 7 %.
Saisie de la plainte de Thomson CSF pour « tentative d'escroquerie » visant « Sir-veine » et « Jonc-court », Eva Joly préfère renvoyer « Roland Dumât » et son ex-amie devant le tribunal correctionnel pour des « abus de biens sociaux » au détriment de la compagnie pétrolière.
En « oubliant », hélas et au passage, les frégates…
Cet oubli est peut-être dû aux menaces de mort explicites qu'elle reçoit alors de la part d'officiers supérieurs français, et peu avant le suicide de son propre mari, en avril 2001 à Saint-Vrain dans l’Essonne où il avait été toubib généraliste et frère de l’actrice Sylvie Joly.
S’en est suivi un drôle d’enterrement le vendredi 2 mars : si les relations professionnelles de la juge étaient présentes en nombre au cimetière, à part Sylvie, aucun autre membre de sa famille n’avait fait le déplacement.

C'est Renaud van Ruymbeke qui reprendra alors ce dossier qui s'enlisera dans les sables mouvant du « secret défense ».
Sur cette vente de 2,5 milliards de dollars, plus de 500 millions de dollars de commissions occultes ont été versées, vraisemblablement à des fins de corruption et d'enrichissement de divers protagonistes, voire pour le financement illégal des partis politiques français.
Ces commissions sont passées par plusieurs réseaux d'intermédiaires, en particulier le sino-américain Andrew Wang. Leur destination finale n'est pas connue.
Interrogé comme témoin en juin 2001, « Roland Du-mât », ministre des affaires étrangères au moment de la signature du contrat Bravo, précise que cette somme était en fait destinée à « des responsables de Taïwan, à concurrence de 400 millions de dollars, et de 100 millions de dollars à destination du comité central du Parti communiste de Pékin ».
Il fallait à la fois convaincre le gouvernement taïwanais « d'acheter français » et amadouer les autorités chinoises, opposées à toute livraison de matériel sensible à l'île nationaliste. Selon « Roland Dumât », les commissions étaient destinées à 80 % aux « responsables de Taïwan » et à 20 % au « comité central du Parti communiste chinois », ce qui avec le recul a de quoi faire sourire !
Il y a bien corruption à Taïwan, mais à Pékin, la « ville du nord » de l’empire du milieu… c‘en est presque risible quand on connaît la rigueur et le contrôle de l’appareil étatique chinois.
L’ex-directeur adjoint chez Thomson-CSF, Alain Fribourg a assuré aux juges quant à lui avoir « toujours considéré à l'époque que c'était le parti au pouvoir à Taïwan qui bénéficiait pour une bonne partie de ce que l'on versait à M. Wang ».

Curieusement, c’est le 17 mai 2004, que l'ancien ministre du Budget Michel « Char-Asse » a reconnu avoir signé des commissions « légales » pour les frégates de Taïwan.
« J'ai signé, comme ministre chargé de l'administration des douanes et des impôts, la commission douanière, ce qu'on appelle les frais de prospection de marché, qui a été allouée aux intermédiaires étrangers qui ont facilité l'acquisition des frégates de Taïwan », a-t-il expliqué L'ancien ministre assure que « c'était légal et régulier » mais a toujours refusé de révéler le montant de ces commissions au nom du « secret défense ».
D’autant que ces commissions sont par ailleurs déductibles d'impôt chez la partie versantes, en l’occurrence, « Thomson », puisqu'elles sont considérées comme des frais de prospection.
Une telle autorisation ne pourrait désormais plus être légalement accordée depuis la ratification par la France de la Convention de l'OCDE contre la corruption.
En revanche les rétro-commissions versées à des personnalités françaises en marge de la vente des frégates l’est totalement. Les juges français estiment que 3 milliards de francs (environ 458 millions d'euros) de commissions auraient été versés à l'occasion du marché.
Ils n'ont cependant pu établir la réalité de rétro-commissions versées à des intermédiaires français. Et leur enquête a été close le 2 octobre 2006.

Paul note que le 24 juillet 2006, l'ex-ministre de la défense Alain Riz-Char a été le seul à mettre en cause le Président de la République d’alors, mais aussi son premier ministre de la deuxième cohabitation, entre 1993 et 1995 dans le versement de ces rétro-commissions.
Depuis cette déclaration, les juges ont entendu Nicolas « Base-Ire », ex-directeur de cabinet du premier ministre de la seconde cohabitation, ainsi que trois proches du Président d’alors : Hubert « Vais-Drine », actuel patron de « l’Institut » qui porte le nom du Président de l’Union de la Gauche, alors ex-ministre des affaires étrangères, J-L. Bianca, ex-secrétaire général de l'Élysée, et G. Manège, ancien directeur adjoint du cabinet du président.
500 millions de dollars ont été bloqués sur les 46 comptes suisses de l'intermédiaire Andrew Wang (certains au nom de ses proches). Il est probable que ce blocage a eu lieu avant la dispersion des commissions occultes.
Le retour vers l'Europe d'une partie de cette masse énorme (rétro-commissions) a nourri d'importants fantasmes dont le prolongement a été trouvé dans l'affaire « Clearstream 2 », et y compris la base de la scénarisation par le « corbeau » de distribution de ces rétro-commissions à travers la « boîte noire » financière « Clearstream » conclut Paul.
Une autre enquête est en cours à Taïwan pour les actes de corruption des fonctionnaires et des personnalités politiques taïwanaises.

Paul note aussi que Joël Bucher, ancien directeur adjoint de la Société générale à Taïwan (Sogenal) entre 1987 et 1990, a expliqué à de nombreux juges le montage auquel il a participé avec « Sofrantem », filiale de la Société Générale à l'époque.
Il a aussi souligné l'implication de plusieurs banques françaises dans le système de commissions installé autour des ventes d'armes du début 1990 (frégates La Fayette, Mirages 2000 Dassault, missiles MICA de Matra). Il évoquera également des retours de rétro-commissions vers l'Europe (Luxembourg, Suisse et Monaco).
Il s’agit de récapituler et de chercher les traces de cet argent si par hasard il est rentré en Europe par le biais soit de « Clearstream », un acronyme qui voudrait dire, « rapide diffuseur » ou « diffusion claire » pour une affaire aussi bizarre et tellement fantasmagorée par une multitude, conclut Paul.
Quand même pas claire cette histoire de « rétro-commissions ».
Pas claire du tout non plus le black-out total sur la vente des missiles, ni des Mirage 2000 datant de la même époque.
Et comment retrouver tout ça dans les fichiers ? Les sommes peuvent paraître énormes pour se composer millions de dollars ou d’euros, peu importe, mais quel rapport avec l’argent de la « division Daguet » du nom des troupes françaises en opération au Koweït en 91/92, celui de l’extinction des puits en feu, qui là passe carrément à la dizaine supérieure ?

Paul se décide à rentrer à Rouen, dans les boucles de la Seine près du restaurant de Mylène avec ces questions en tête, alors même qu’il lui faut aussi songer à l’ouverture de l’Usine d’Aubenas, signer les bons d’approvisionnement, les LCR, les chèques et virements de paye du mois, lire les devis, les propositions d’embauche et autres contrats.
Que doit-il chercher qui ne soit pas déjà clair dans sa tête ?
Sitôt passée la porte d’accès aux bureaux en direction du parking, il aperçoit une fumée blanche descendant de la montagne située en face. Il en a suffisamment vu pour reconnaître la traînée d’un missile qui trace manifestement sur la voiture de direction qu’il ne comptait pas utiliser.
Juste le temps de tourner le coin du bâtiment tout proche pour s’abriter et la charge explose en percutant le véhicule de fonction, déclenchant le vacarme des sirènes d’alarmes de l’usine !
Encore un attentat : il s’agit de ne pas rester là.
Sans demander son reste, Paul enfourche sa moto située à l’arrière du bâtiment de services et laisse le gardien se débrouiller pour maîtriser l’incendie qui pourrait embraser le bâtiment des bureaux.
Direction l’autoroute, pour brouiller les pistes, et à fond les manettes. Tant pis pour le de Havilland stationné sur l’aéroport tout proche : trop « sensible », trop dangereux.
Paris, Rouen. « La péniche », le restaurant de Mylène, rien que pour son plaisir.

Au soir, « Dominiquette » est aux abords. Furieuse de parcourir des milliers de kilomètres dans tous les sens et se sentant marrie de ne pas pouvoir assurer la sécurité de son VIP personnel malgré les efforts de toute son équipe.
Il va falloir que ça cesse et qu’elle le tienne au chaud.
« Cessez de dire des âneries, commandant : je ne suis en sécurité nulle part. Et ce n’est pas en mettant vos « g’men » en travers que ça changera quoique ce soit. Vous les transformerez en chaire à saucisse, c’est tout. »
Une attaque au missile, ce n’est pas courant dans le pays. La prochaine fois, ce sera quoi ?
L’affaire remonte très vite la hiérarchie militaire et même politique, à ce qu’il paraît.
La gendarmerie ne trouve aucun indice déterminant pour comprendre de quoi il s’agissait, d’autant mieux que le seul témoin est hors de portée des pandores locaux…
Le gardien de l’usine s’étant bien gardé d’expliquer que son patron a passé la journée et la nuit précédente dans les locaux de l’établissement.
Gijou s’est faite engueulée par le lieutenant-colonel Solre à qui elle est rattachée depuis que Paul avait décidé de ne plus avoir de contact avec le ministère. Solre sert de coordinateur et rend compte au colonel Gabeaux qui lui-même rend compte à son général, Wimereux, qui rend compte à son ministre, et les notes d’information circulent comme ça jusqu’à Cap Nègre où l’éminent estivant qui y réside rentre d’urgence à Paris pour sermonner les responsables de la sécurité publique du pays.
Un attentat au missile et des balles de 9 mm reçues par lui-même, enfin, ses services, ainsi qu’à d’autres personnalités politiques de premier rang, et même des journalistes, durant tout le trimestre précédent, ça fait beaucoup.
« Et elle en est où, Charlotte, dans son enquête ? On ne me tient au courant de rien dans ce pays ! »
C’est ainsi que ça redescend en pluie fine selon la voie hiérarchique habituelle pour demander un rapport d’étape circonstancié. Et fissa.
« Il attendra le chef ! Faut que je le rédige… »
Devant l’insistance du capitaine de corvette Gijou qui minaude devant Mylène dans la chambrée du bord à l’en énerver un maximum, Paul se décide à passer par la DCRI dans la matinée.

« Messieurs » commence-t-il dans la salle de conférence où deux généraux en civil plus deux inconnus qui ne se sont même pas donnés la peine de se présenter, l’écoutent en front de Seine.
« J’ai retrouvé la trace de plein d’argent. Contrairement à ce que je croyais, il existe bien quelques milliards de dollars détournés d’au moins deux sources : les indemnités de guerre du Koweït et l’argent des contrats du « pompier volant », Red Ader. Cet argent a vraiment disparu.
Il faut aussi compter avec les ventes des frégates de Taïwan, les mirages 2000, les missiles qui vont avec et vraisemblablement les sous-marins de Karachi et les frégates de Ryad. Mais là, c’est un peu plus compliqué et une partie est sur la place publique à se faire démêler dans les affaires « Clearstream » que vous connaissez tous. On sait à peu près où il a été. Rien à voir.
J’imagine que vous savez de quoi il retourne : la presse en a été pleine depuis le début des années 2000.
»
Les autres restent dubitatifs.
On ne va pas leur resservir les détails des affaires judiciaires du pays, une fois de plus.
« Il ne s’agit pas seulement de l’argent de la corruption, plus ou moins autorisée par le ministère des finances via les douanes. Mais bien de milliards de dollars et non pas de centaines de millions et qui n’ont même pas transités par le pays !
Manifestement, ils auraient dû, pour les uns, entrer dans les caisses du Trésor. Il l’a peut-être fait pour un bout, mais pas en totalité et c’est de toute façon à vérifier d’urgence.
Idem pour l’argent des extinctions des feux puits de pétrole à la fin de la première guerre du Koweït. Il aurait au moins dû enrichir l’inventeur du brevet, mais cet argent, il ne l’a jamais vu passer là où il aurait fallu, mais par ailleurs pour ensuite disparaître.
»
Où est-il ?
Reparti vers des cieux meilleurs. « Attendez Messieurs. Ce n’est pas tout. J’ai, par diverses sources, aujourd’hui la quasi-certitude que toutes les affaires qui tournent autour des deux guerres, Koweït et Irak, ont participé à alimenter un système mafieux de commissions occultes.
Si je creuse un peu, on risque d’en trouver d’autres : il me faut du temps. Et une confirmation qui ne peut venir que de vous : OUI ou NON les opérations lors de la première guerre du golfe ont-elles fait l’objet d’indemnisations de la part du Koweït ?
Et je ne me contenterai pas de vagues assertions, cette fois-ci, parce que je ne veux plus risquer ma peau pour un truc qui finalement n’est seulement que caché par les autorités !
»
Les deux « civils » bichent dans leur for intérieur. Ainsi « Charlotte » fait le nécessaire pour donner corps à toutes ces rumeurs insistantes depuis presque deux décennies.
Il l’aura, sa certitude « officielle ». Mais de « mémoire de soldat et d’officier », l’armée n’a jamais rien touché, ne serait-ce que pour indemniser les familles des « morts au champ d’honneur ».
D’ailleurs, c’est invraisemblable : à aucun moment il ne s’agissait d’opérations barbouzardes, mais bien de former une coalition d’alliés sous l’égide de l’ONU.
Oui, mais… il est où, cet argent ?
« Si je n’étais pas dérangé à tout bout de champ, il est probable que je le saurai déjà. Avant qu’on ne me tire dessus, j’étais sur la piste des mouvements de fonds via les banques centrales et interbancaires. Il me semble que l’ensemble aille, par petits bouts, vers un trust de droit britannique pour être blanchi et est recyclé par ailleurs. Sans doute en Suisse, mais je ne suis pas encore sûr. »
Et peut-être par l’intermédiaire d’un banque française ayant pignon sur rue, mais là, il n’en est pas sûr du tout et n’en informe même pas ses « chefs présumés ».
« Car s’il y a d’autres sources, et je ne comprends pas bien à quoi sert toute cette fortune. Elle doit bien ressortir ici où là, de temps à autre : l’argent corrompu, en principe, ça sert à corrompre à nouveau. Et vus les montants, ça pourrait mettre en difficulté des personnalités du plus haut niveau qui soit, vous préviens-je ! »
C’est à ce moment-là que Wimereux lâche une information dont il ne connaît pas lui-même toute la valeur : « Il faut que vous cherchiez dans toutes ces affaires qui ont procédé à du chantage ou se sont soldé par des décès… étranges. »
Paul l’avait compris pour ce qui est du « groupe AZF ».
Et le général, en précisant sa pensée, lâche la mort restée suspecte à ses yeux de son ami Lagardère, le père, les suicides dans l’entourage du Président des années 80-90, les morts violentes qui ont trait au dossier des frégates de Taiwan, l’attentat de Karachi, etc.
Paul sait déjà tout ça.
« Peut-être même celui de Lockerbie ou de l’UTA ! » s’exclame-t-il dans un soudain délire paranoïaque.
Et pourquoi pas refaire une enquête sur la mort de Louis XVI, tant qu’on y est ?
« Je vais chercher, mon général. Mais franchement, je ne comprends pas encore pourquoi on me tire dessus depuis que vous m’avez refourgué cette affaire, ni qui réclame des comptes. Encore moins pourquoi ! »
Là, ils peuvent l’aider. Les uns et les autres lui affirment qu’il y a eu des dossiers « pas clairs » depuis une dizaine d’années ou plus. Des ventes d’armes qui ne se sont pas faites, des contrats qui n’ont pas été conclus. Des missions secrètes d’officines inhabituelles.
« Essayez de voir du côté des frégates de Taïwan. Je reste persuadé que nous en disposons, mais curieusement, dans aucun de nos ports, jusque-là », rajoute l’un des deux hommes qui ne se sont pas présentés tout à l’heure et qui se comporte manifestement comme le supérieur hiérarchique de Wimereux.
Paul, quelque peu agacé, ne se voit pourtant pas de devoir refaire 20 ans d’histoire de magouilles à la française : il avait 13 ans à l’occasion du deuxième mandat du président de l’union de la gauche…
Et les seules choses qui l’intéressaient à l’époque, c’était déjà les avions et les filles !
« Je sais pour ces histoires-là : c’est complexe au possible et je me suis tamponné une série de recherches sur le sujet. Il ne s’agit pas de cela, Messieurs. Vous ne m’avez pas compris ! Ça c’est de la gnognotte pour premiers communiants qui piquent dans les troncs des églises. Je vous parle d’au moins deux dizaines de milliards de dollars, des milliards, pas de quelques malheureuses centaines de millions ! »
Taclés. Abasourdis même. Mais où est cet argent, la question qui revient.
Paul, impatient, fait un résumé de ses recherches et découvertes. Et conclus par un : « Vous comprendrez pourquoi j’ai besoin de vos certitudes. »
Ils ont compris, un peu effarés pour les uns, ravis, pour les autres…

La « conférence » terminée, Paul reparti vers son destin, le chef d’état-major de l’Élysée s’adresse à son collègue du ministère de la défense : « Tu vois, très bon choix, finalement. Ce type-là, il ira loin. Je tiens personnellement », dit-il en s’adressant à tous les autres, « qu’on lui fournisse tous les moyens pour aller au bout de sa mission ! Que rien ne puisse l’arrêter, même pas la peur du scandale politique. »
Car il semble pour tous, qu’effectivement, des dizaines de milliards de dollars perdus pendant l’épisode de la « gauche au pouvoir » et des alternances successives, disparus on ne sait où, ça fait désordre.
« Et comme c’est à l’armée qu’on a donné enfin mission de les retrouver » fait son compère du ministère comme en écho, « il s’agit de mettre le paquet ! Elle ne peut pas, elle ne doit pas échouer à récupérer l’argent du sang versé en opération… »
Ce n’est pas que les militaires autour de la table se prennent pour des mercenaires : tous servent leur pays. Mais c’est le pays tout entier qui doit être servi, « pas quelques cliques opportunistes. Je compte sur vous. Tenez-moi au courant, heure par heure s’il le faut » dit le « patron » avant de saluer tout le monde et de s’en aller à son tour.
« Vous avez entendu ? Je rajouterai qu’on ne lâche pas notre bonhomme » fait le second à l’adresse de Wimereux et de son collègue. « Je n’aime pas beaucoup le travail « en solo », c’est contraire à nos procédures habituelles. Mais, si la situation l’exige, il faut bien faire avec. En revanche, on met les moyens pour ne pas le lâcher de vue et lui venir en aide à tout moment. Il est très bon et a fait mieux que n’importe qui jusque-là. Et sans traîner, en plus ! »

Pendant ce temps, Paul sort du bâtiment et va pour se replier dans l’appartement du siège parisien.
Approche une ombre…
Paul, se retourne et reconnaît immédiatement le faciès bridé de Miho !
Pendant qu’elle s’approche de lui l’air étrangement menaçant et complice à la fois, les souvenirs remontent à la surface comme d’un coup un tsunami de peurs anciennes et malsaines qui vous submergent.


Opération « Juliette-Siéra » (XIX)

Dix-neuvième chapitre : Le rapt

Avertissement : Ceci est un roman, une fiction, une « pure construction intellectuelle », sortie tout droit de l’imaginaire de son auteur. Toute ressemblance avec des personnages, des lieux, des actions, des situations ayant existé ou existant par ailleurs dans la voie lactée (et autres galaxies), y compris sur la planète Terre, y est purement, totalement et parfaitement fortuite !

C’était en 2006. Après la récupération des bijoux de la guilde des orfèvres .
Paul venait de regagner ses galons d’officiers de l’aéronavale d’active avant de se mettre en réserve après le coup d’avoir débusqué « la taupe » de la MAPEA , dont il était ensuite devenu le dirigeant social exclusif aux côtés de « l’héritière ». C’était donc à l’automne.

Les alliés avaient fait appel à ses talents de pilote : une mission de fou !
Pour comprendre, il faut savoir que début 2006, les Nord-Coréens avaient de leur côté établi dans leurs eaux territoriales une nouvelle zone d’exclusion aérienne de 0 à 100.000 pieds, au nord de l’archipel.
Immédiatement, elle fut mise en observation satellitaire, mais sans succès.
Quelques mois après, il y avait eu, stationnée à demeure, une vedette anti-aérienne, soutenue par plusieurs navires type « patrouilleur ».
Dans les états-majors de la région, on s’interrogeait bien de la nature de ce lieu de faible fond.
Y avait-il un lien avec le programme nucléaire des coréens ?
Était-ce seulement un espace-cible de tirs de missile ? Mais alors pourquoi y avoir placé des marins en surveillance au risque d’accident ?
À moins qu’il ne se trame sous la surface de l’eau des projets inaccessibles aux détecteurs d’altitude habituels ?
Une ou deux tentatives d’approche avaient pu être tentées, mais sans grands résultats, puisqu’apparemment, à Washington ils avaient été contraints de décider d’envisager de neutraliser l’endroit, un grand quadrilatère de plusieurs miles, orienté NE/SO, quitte à provoquer encore un incident de frontière supplémentaire qui pouvait une nouvelle fois dégénérer en futiles batailles diplomatiques.
De toute façon, l’administration Bush avait désigné l’État nord-coréen comme un suppôt de Satan, le mal dans toute son horreur, depuis 5 ans déjà !
Avait donc germé l’idée de rendre non-opérationnelle toute installation électronique dans le coin, et sans tirer un coup de feu, en créant un champ électromagnétique puissant et explosif avec un dispositif ad hoc à concevoir, trainé par un avion en vol supersonique.
Le principe de la bombe électromagnétique-nucléaire magnétique (BENM), découvert un peu par hasard lors d’essais atmosphériques passés.

La fission de l’atome dans une bombe nucléaire et le grand dégagement d’énergie qui s’en suit provoquent non seulement un souffle mécanique dévastateur, mais un rayonnement puissant de radiations diverses, neutrons rapides, rayonnement alpha, plus la formation d’un plasma à très haute température, la « boule de feu », qui rayonne à son tour en perturbations électromagnétiques aux alentours.
C’est d’ailleurs une des hypothèses du déclenchement de l’explosion de l’usine AZF de Toulouse en septembre 2001.
Dans ce type d’attaque, tous les appareils électriques et électroniques, dans un rayon de 30 à 50 km selon la puissance du champ, sautent définitivement.
Avec pour conséquence recherchée de rendre aveugles, sourds et paralytiques tous les équipements militaires actifs dans ce rayon…
On a ainsi calculé qu’un bombe H d’une puissance de 100 mégatonnes explosant au-dessus de l’Europe à 70 kilomètre d’altitude, tirée d’un missile « venant de nulle part », rendrait tous les ordinateurs et leur mémoire « dure », tous les moyens de communications, tous les moteurs d’avions, de voitures, tous les équipements ménagers, toutes les centrales électriques, les ascenseurs, tout absolument tout qui est sous tension ou en marche à ce moment-là, définitivement hors-service de l’Écosse à la Sicile, de Gibraltar à Varsovie !
L’arme absolue et sans faire le moindre mort en plus !
C’était d’ailleurs un des projets de Ford et du président « Cisgard » dans les années 70 : la fameuse « bombe à neutron », abandonnée depuis, justement parce qu’on n’en savait pas trop les effets et les avantages sur le plan tactique en cas de conflit sur le théâtre européen…
Et puis les allemands non réunifiés râlaient de devoir encore servir de glacis aux français et aux américains de l’Otan, en cas d’attaque des troupes de l’armée rouge de Brejnev…

Pour en revenir aux nord-coréens et à leur nouvelle zone d’exclusion dont on ne savait pas à quoi elle allait servir , il a donc été conçu un plan d’action de neutralisation, où un avion venant de la Corée du Nord, axe Ouest/Est, traverse ladite zone interdite à vitesse transsonique en vol plané et en rase-motte, en même temps qu’il anime son dispositif « BENM » idoine, puis pique vers le Japon avant de revenir sous la couverture radar nord-coréenne vers la base d’Osan.
Seulement voilà, les problèmes « techniques » n’ont fait que s’accumuler tout au long du programme.
Un, il fallait d’abord trouver un avion aux couleurs nord-coréennes ou chinoises.
Pas trop compliqué : si les Mig 21 n’étaient pas assez puissant ni ne pouvaient emporter de charges assez lourdes avec le carburant nécessaire pour ce périple, le Mig 23 pouvait faire l’affaire… à condition de le repeindre.
D’autant mieux qu’ils y en avaient encore quelques exemplaires, choyés-entretenus, chez les « agresseurs » des bases secrètes du Nevada.
On pouvait donc en démonter au moins un, l’envoyer par C5 « Galaxie » à Osan, le remonter sur place, et le repeindre comme il fallait pour donner le change.
Avec des bidons supplémentaires, il était capable d’avaler les milles miles du parcours prévu.
Deux, il fallait aussi former un équipage : donc un avion biplace…
Le navigateur devait également être assez « pointus » pour armer et tirer la « BENM » au bon moment, question de secondes sinon de dixièmes de seconde, et le pilote assez costaud pour voler sur 90 % du parcours à moins de 100 pieds d’altitude (30 mètres au-dessus de la mer) sans perdre ses nerfs.
De plus, il lui fallait être « qualifié » sur Mig 23, donc un militaire de préférence (ce qui allait de paire, en principe).
Là, les difficultés commençaient à devenir irréalistes.
Trois, il fallait mettre au point un dispositif « BENM » assez puissant, compact et pas trop lourd pour être soulevé par le Mig 23 sans le déstabiliser.
Et amener le tout à Osan, la grande base militaire du sud de la Corée… du sud, toujours dans le plus grand secret de l’objectif final de la mission…

Les labos de l’US Air-force ont su faire et dans les temps en plus.
Un essai a même été réalisé en « statique » dans un désert texan, avec succès, en juin ou juillet 2006, semble-t-il, qui a eu le mérite de préciser le cahier des charges techniques de la mission pour s’assurer de son succès.
Le premier point a également été rapidement réglé, mais avec un avion trafiqué pour installer le siège du navigateur derrière et sous le siège du pilote, les jambes autour du caisson du train d’atterrissage avant, à la place des instruments de détection des menaces adverses, c’était jouable à condition de trouver le volontaire pour appuyer sur le bouton, qui lui ne pouvait disposer d’un siège éjectable en cas de problème. Et à 30 mètres d’altitude au-dessus de la mer, il n’y avait rien d’évident…
Par ailleurs, il s’agissait alors d’un avion aveugle et ne disposant que pas de moyen de contre-mesure. Du coup, il est apparu intelligent de remplacer ses équipements par un poste radiorécepteur multi-bande avec un navigateur capable aussi de comprendre le Coréen, qui soit bilingue anglais pour informer le pilote de l’environnement tactique et des menaces susceptibles de contrarier la mission, avec, en renfort des Awacs qui patrouilleraient plus au sud au dessus de la mer.
La composition de l’équipage a donc fait trainer l’affaire tout au long de l’été.

Il y avait bien deux douzaines de pilotes qualifiés « Mig 23 », dont seulement une petite vingtaine d’américains, les autres étant canadiens, mexicains, britanniques et français.
Le français, c’était Paul qui avait fait forte impression en 1997 lors de son stage étranger, avec la double casquette de polytechnicien et de pilote breveté de l’aéronavale.
En deux saisons de 8 mois, Paul avait piloté des dizaines d’avions de chasse de toute nationalité à raison de 2 vols quotidiens et s’était qualifié avec aisance sur presque tout ce qui volait dans les chasses du moment.
Sur la vingtaine de pilotes américains, la plupart étaient devenus réservistes et travaillaient désormais dans le civil : pas commode à mobiliser.
D’autant que tous, sauf trois dont un colonel de l’Air-force, n’étaient pas capables de maintenir leur zinc à moins de 100 pieds durant plus d’une heure sans broncher…
Quant aux américains d’active, ils n’étaient « pas très chauds » pour tenter l’expérience.
Les canadiens et mexicains non plus.
Le britannique aurait bien voulu, mais l’état-major de sa gracieuse majesté y était opposé.
Quant à Paul, détaché de la DRM, pas encore tout-à-fait en odeur de sainteté ni à Balard, ni à l’amirauté place de la Concorde après « ses frasques » en Afghanistan qui lui avaient valu une interdiction de vol, c’était plus un « joker » pour les américains, mais une bonne façon de « l’éloigner utilement », à se rendre… utile ailleurs qu’en France pour les français.
Pourquoi pas au bénéfice de l’US Air-Force ?
De toute façon, il ne pouvait pas refuser et des polytechniciens-Sup-Aéro, le pays en comptaient plusieurs : à cette époque-là, il était « sacrifiable ».

Quant au navigateur, c’était un peu plus compliqué : ils étaient peu nombreux dès l’origine, mais alors parler à en être parfaitement bilingue anglais-coréen, ça n’avait rien d’évident…
La première tentative aurait dû été tentée par un équipage binational, le « colon » et un navigateur coréen travaillant sur la base de Gozan.
Les essais préliminaires en mer du Japon n’ont pas été concluants. À deux reprises, le zinc a tiré une chandelle d’urgence se laissant détecter par les radars de surface et « shooté » virtuellement par la cible avant de parvenir sur son objectif.
À la troisième tentative, c’est le navigateur qui a piqué une crise de nerf à vouloir s’extraire à travers la canopée du cockpit à grand coup de casque en plein vol, malgré sa position… « difficile ».
Le temps passait et les volontaires devenaient rares pour une opération de plus en plus urgente – le Pentagone s’impatientait après les millions de dollars dépensés à faire une « BENM » sur mesure sans le moindre résultat probant – dont la rumeur grandissante indiquait qu’elle était impossible.

C’est à ce moment-là que Paul fut envoyé à Séoul, comme du « Joker » devenu indispensable.
Vite briefé par l’état-major, il a commencé ses vols d’essai sans navigateur : il n’y en avait pas et on envisageait alors un regroupement des commandes de « tir » dans le cockpit du pilote.
Le Mig 23 est un bon avion, rustique, mais plaisant à piloter. À condition de ne pas faire trop confiance ni à l’altimètre ni au pilote automatique.
Pour plus de sûreté, Paul avait demandé à ce qu’on lui installe un appareillage d’altimétrie-radio précis sous le fuselage, et là, en prenant son temps, il pouvait descendre à moins de 100 pieds, si l’atmosphère était calme.
Le temps vint des ultimes répétitions, mais toujours sans navigateur.
Le vol devait partir d’Osan, se passer à 300 nœuds vers le nord-est à 400 pieds au-dessus du territoire sud-coréen, le tout surveillé par un awacs en haute altitude, devant prévenir en cas de décollage de la chasse adverse et ordre d’annuler l’opération, plus, en soutien, deux patrouilles de routine de Tomcat et de F 15 aux limites de l’espace aérien nord-coréen, armés jusqu’aux dents, prêt à venir soutenir le Mig 23 en cas de besoin, mais sur la route du retour, uniquement.
Arrivé à la mer, cap à l’est et descente progressive sous les zones de balayages des radars nord-coréens, large virage au nord en entrant dans l’espace aérien nord-coréen, le navigateur devant de son côté surveiller les fréquences dudit pays, centre civil « Pyongyang » et « Incheon » inclus.
Vitesse subsonique 290/300 nœuds pour économiser le carburant. À moins de 10 minutes de l’objectif, largage au large des bidons supplémentaires et virage large au nord à droite, puis à encore à droite cap sur le 28/30° par rapport au nord géographique, en vue de se mettre dans l’axe de la zone cible.
Arrivée à moins de cinq minutes, passage en supersonique, 450/500 nœuds au maximum de la machine et, à une minute, montée progressive à 300 pieds pour dérouler le câble de la « BENM » accrochée à son parachute : il ne fallait pas que câble qui recevrait la décharge touche l’eau avant le « tir ».
Traversée de la zone à neutraliser en 80/90 secondes, 10 nautiques, couper le réacteur et tous les appareils électriques à h – 1 minute, tirs des condensateurs en sortie de zone, largage du câble, rallumage du réacteur et montée en chandelle de préférence en mode supersonique pour éviter les Sam 7 ou les Sam 4 à moyenne portée postés sur la côte.
Puis redescente en mode supersonique, cap au sud vers le Japon, et retour à Gozan à 100 pieds jusqu’à la côte sud-coréenne, cap au 270, avec un largage du matériel de la « BENM » en mer pour alléger l’avion, mais dans les eaux internationales, au grand large, seulement.
Prise en charge ensuite par les centres de navigation militaire, à 300/400 pieds suivant la configuration du relief, au fond des vallées, petite allure, 200/250 nœuds pour économiser le reste de pétrole.
Simple.

Jusqu’à ce que l’état-major sud-coréen dégotte un « navigateur volontaire » qui avait le mérite d’ânonner un peu de français…
Un transfuge du Nord, qui souhaitait l’asile politique aux USA ou en Europe, s’estimant peu en sécurité en Corée du sud et en Asie d’une façon générale, pour avoir été victime d’une tentative d’enlèvement et d’un attentat à la voiture piégée dans la banlieue de Séoul.
Il s’agit de Miho Mahido, versée dans les communications de l’armée sud-coréenne avec le grade de sergent.
Une femme, un peu chétive, maîtrisant assez mal le français, ayant un accent épouvantable en anglais, mais qui avait été débriefée il y a quelques années de ça par les services de sécurité de l’armée et par la CIA.
Depuis son passage au sud, il fallait non seulement l’expatrier pour sa sécurité, mais en plus, la perspective acceptée par l’ambassadeur de France de Séoul de l’extrader en France si elle acceptait la mission, l’avait particulièrement motivée.
Paul fit sa connaissance à Osan la veille au soir du jour du vol, alors que l’on se préparait pour un vol « solo », avec toutes les fameuses commandes de la « BENM » rapportées dans le cockpit du pilote.
Rien n’y fit : Paul n’avait pas du tout envie de risquer la vie d’une volontaire qui pesait quand même son poids en kérosène mais, malgré le tableau dressé des risques, elle restait outrageusement partante.

…/ (Aparté n° 9) /…

Une histoire de fou !
La mission s’était donc bien déroulée jusqu’à ce que l’Awacs signale le décollage d’un patrouille de Mig 21 à l’ouest du secteur : rien d’alarmant, ils étaient assez loin, mais leurs radars embarqués auraient éventuellement pu repérer l’avion de Paul en plein final de l’intervention sur site.
Puis deuxième information alarmiste de l’Awacs : Le zinc de Paul émettait un signal radio non prévu !
À h – 3 minutes, bien dans l’axe du 28° à la boussole, à moins d’une minute de la critique remontée à 300 pieds, troisième alerte : Une seconde patrouille arrivait du nord droit sur zone, la seconde coursant le zinc de Paul à l’aveugle !
Là, ça devenait « chaud » : la chasse au cul, c’était quand même trop tard pour renoncer.
Et la patrouille de F 15, commandée par un camarade croisé dans le Nevada neuf ans plus tôt, commençait à s’énerver dans les écouteurs.
Et là, en postcombustion et montée en vitesse à mach 1,5, au moment de lancer la première bouée, l’arbre de noël qui commence à s’allumer de tous ses feux : Tirs multiples de Sam 7 droit devant. 2. 3, bientôt 4. Un vrai piège à con !
Paul met en rideau le réacteur, tire sa cargaison de leurres infrarouges, coupe toute l’électronique du bord, générateur, batteries maîtresse et de secours, et envoie de la sauce de la « BENM » en sortie de zone, toutes lumières éteintes.
Miho qui hurle sans les écouteurs en voyant un Sam arriver par au-dessus dans le rétroviseur. Un grand coup sur le palonnier, l’avion évite le missile, et Paul tire une chandelle : Vite ! Contact-batterie, démarreur, vol en chandelle douce et vers le large.
Il faut au moins 15 secondes pour que la bestiole reprenne du souffle, mais c’est à environ 6.000 pieds que l’appareil commence à décrocher, moteur toujours pas lancé, ailes déployées.
Plus de missile en vue, la radio qui ne semble pas vouloir fonctionner, pour avoir grillé tous les circuits avec les restes d’ampérage dans les fils !
Le démarreur avait-il aussi été grillé par la « BENM » ?
Si cela avait été le cas, c’était la fin : même le dispositif d’éjection n’allait pas vouloir fonctionner.
Paul tente un piqué pour retrouver de la sustentation et de la manœuvrabilité, et l’instant d’après la turbine recommence à compresser. Manettes au tableau, l’avion reprend son vol, ailes en position repliée .
Crise de nerf derrière, enfin dessous et descente à vive allure au ras des flots, en « arrondissant » sévère à basse altitude et vitesse supersonique, 3 G au compteur, les combinaisons enserrant les jambes par gonflement des ballonnets incorporés, à en faire mal au chevilles.
Retour à la base en silence radio, morte pour l’occasion – la faute aux transistors partiellement sous tension alimentée par les condensateurs électriques – et c’est à l’atterrissage à Gozan que les choses prennent une tournure pour le moins étrange après le délice du « grand frisson ».

La mission est un succès, pourtant c’est une patrouille en arme qui accueille Paul et son équipière de dernière minute.
Sans autre forme de procès, l’officier sort son arme de service et ajuste Miho à la tête dès qu’elle est au pied de l’échelle de coupée.
Paul parvient à détourner le bras de l’officier, mais pas assez rapidement : celui-ci tire et blesse Miho à l’épaule, qui s’effondre sous le choc dans une marre de sang.
Lutte au corps-à-corps, les marines attirés par le coup de feu parviennent à désarmer les coréens sans heurts, et le tireur et Miho sont évacués, l’un entravé, l’autre menottée.
Explications au débriefing avant de reprendre le vol régulier pour San Francisco : Le signal radio inopportun qui a guidé la chasse et déclenché l’alerte sur le navire anti-aérien laissé sur place, était une balise passée inaperçue dans la combinaison « anti-G », actionnée par Miho.
Destinée à saboter la mission au dernier moment.
Elle l’aurait enclenchée plus tôt, l’awacs aurait annulé la mission.
Effectivement, jamais Paul n’aurait dû être accueilli pas une salve de Sam.
Normalement, à 30 mètres du niveau de la mer et à l’allure où il allait, en supposant que les radaristes du bord aient été particulièrement attentifs, la mise en état d’alerte et en position de tir demandait au mieux 60 secondes, le temps de dépasser le navire, pas de recevoir des missiles de face.
Les Nord-Coréens savaient donc ce qu’il se préparait, où pensaient à un vol de reconnaissance rapprochée, parce que sans ça ils n’auraient pas envoyé la chasse qui n’attendait que le signal convenu pour passer à l’action.

Avec le recul, normalement, la mission n’était qu’un vaste piège. Piège qui s’est refermé sur Miho et ses complices.
Certes les installations ont été détruites, mais elles ont été remplacées par la suite.
Certes, les missiles tirés sont devenus aveugles grâce à la « BENM », ce qui a permis la fuite de Paul lancé comme un boulet de canon. Mais il s’en est vraiment fallu de peu.
Et Paul s’est bien demandé durant des années ce qui avait bien pu motiver l’agent de la DLI pour une pareille mission-suicide : ses hurlements de terreur, en voyant arriver le Sam 7, pourtant de courte portée, mais c’était peut-être un tir de Sam 4 depuis la côte, n’avaient pas été feints.
Secret défense : il n’en saura pas plus jusque-là.

Alors évidemment, ce jour-là, des années plus tard, la bouffée de « mauvais souvenirs » est remontée comme d’un tsunami en revoyant les yeux de Miho.
« Direction Neuilly » fait-elle, son arme de poing pointée dans le dos de Paul.
La délégation générale de Corée du nord, près du boulevard Bineau, au 47 rue de Chauveau pense immédiatement Paul.
Elle agit donc comme si elle était un « agent » en mission du DFUT, le Département du Front Uni du Travail, bras « opérationnel » de l’ex-DLI, Département des Liaisons Internationales, le redoutable service secret des Nord-Coréens.
« Qu’est-ce qu’ils viennent foutre dans cette pétaudière ? » s’interroge alors Paul en démarrant la moto avant de s’inquiéter de savoir si le « cordon de protection » dressé autour de sa personne allait bien fonctionner…
Hélas, ce kidnapping-là n’est pas tout à fait une opération improvisée.


Opération « Juliette-Siéra » (XX)

Vingtième chapitre : Escale à Saint-Florent

Avertissement : Ceci est un roman, une fiction, une « pure construction intellectuelle », sortie tout droit de l’imaginaire de son auteur. Toute ressemblance avec des personnages, des lieux, des actions, des situations ayant existé ou existant par ailleurs dans la voie lactée (et autres galaxies), y compris sur la planète Terre, y est purement, totalement et parfaitement fortuite !

Paul démarre sitôt Miho à califourchon dans son dos, la bouche du canon de son arme dans les reins.
Derrière, une voiture banalisée suit, alors qu’une autre précède.
L’équipe du capitaine Corine Gijou semble avoir du retard à l’allumage. Paul ne reconnaît pas les suiveurs et de toute façon ceux-ci ne tentent rien pour lui barrer la route et retourner la situation.

En effet, au même instant, le sergent de l’équipe de Gijou chargé de la protection de Paul attend au volant de son véhicule son équipier qui doit revenir avec des sandwichs tout neufs. Il ne voit pas tout de suite Miho aborder Paul. Et quand il les voit partir, il pense que ce gars-là a encore lever une nana, là comme ça, sur le trottoir pour l’emmener tirer un coup dans une des piaules dont il a le secret, pendant que lui et son équipier feront le pied de grue au pied de l’immeuble.
Discret, il laisse le couple motard prendre de l’avance et donne un petit coup de klaxon pour rappeler son équipier à ses devoirs.
Ce n’est que quand il voit la moto de Paul, au bout de la rue, impression confirmée par le bruit du moteur qui s’emballe à vive allure, plus le mouvement d’une voiture suiveuse bourrée de types dont il devine qu’ils n’ont pas de bonnes intentions derrière leur yeux bridés, vu l’allure qu’ils prennent à leur tour, qu’il lance son moteur.
Il monte sur le trottoir vers son équipier. Voyant arriver la voiture de service sur lui de façon extraordinaire, ce dernier lâche ses sandwichs et grimpe à la volée dans la voiture : il y a manifestement quelle que chose d’anormal qui se passe.
L’alerte est donnée au carrefour suivant.

Paul file maintenant à très vive allure et à contre-sens à l’approche des feux rouges, sur les quais, vers le périphérique ouest, suivi de peu par une seconde voiture qui déboîte et double à son tour à contresens.
Pas le temps de finir l’alerte-radio, gyrophare sorti et sirène deux-tons hurlante, que le sergent des commandos de marine se précipite à son tour à contre-sens et ne peut éviter la première voiture suiveuse qui lui barre le passage dans un grand fracas de tôles !
C’était ça ou une embardée sur la voiture venant en face pour un choc frontal…
Les fugitifs sont désormais hors d’atteinte, loin sur vers le Beau-grenelle ou la voie rapide rive-droite s’ils ont traversé la Seine au pont suivant.
Et avec une voiture suiveuse sur le dos, en plus, mais, comble du comble, qui n’est pas du service : savon assuré pour ce soir !

Le capitaine de corvette Dominique Gijou est mise immédiatement au courant de la situation par Sms. Elle file rapidement à son PC du boulevard Saint-germain pour avoir déjeuné au Flore voisin, une fois de plus.
Et organiser la chasse : tout le monde sur le pont ! Pendant que sa troupe se rassemble, rapport immédiat, à la hiérarchie qui l’autorise à mobiliser la gendarmerie.
Mais pas la préfecture qui course déjà comme elle peut les fugitifs de la voiture tamponneuse des quais, le sergent et son équipier s’étant fait fausser compagnie juste avant le moment de sortir les formulaires de constats amiables…

Vingt minutes plus tard, le PC route de l’A 13 avertit, par routage, du passage d’une moto à vive allure sur le pont enjambant la Seine, avant l’entrée du tunnel de Saint-Cloud : ils n’ont pas pu lire la plaque, tellement la vitesse et le slalom entre les voitures étaient rapidement enchaînés, mais ça ne peut qu’être Paul !
Il file sur Mantes, ou Versailles.
Encore un de ses tours ? Mais lequel ? Dire qu’elle croyait connaître tout du bonhomme…
En tout cas, ce n’est pas un comportement normal, prévisible, discret qui sied à sa mission.
Une autoroute, c’est une souricière : les sorties sont comptées, répertoriées. Il suffit d’y installer des barrages et des observateurs. Branle-bas le combat ! C’est décidé : La gendarmerie du 78 est mobilisée.
Et elle, elle peut suivre les évolutions depuis les airs en réquisitionnant un hélico à la porte d’Issy-les-Moulineaux. Avec ses moyens de communication embarqués, elle peut diriger les opérations de récupération du Capitaine de corvette de Bréveuil, rapidement espère-t-elle.

Pendant ce temps-là, Paul comprend très tôt qu’il faut ne compter que sur lui-même. La moto n’étant pas équipée de balise satellitaire, Neuilly étant à moins d’un quart d’heure, s’il ne réagit pas très vite, il est bon pour être enfermé au secret un moment dans les caves de locaux couverts par l’immunité diplomatique : Ce n’était vraiment pas le moment.
Si les Nord-coréens ont eu une bouffée vengeresse pour une opération d’il y a presque quatre ans, ils l’auraient abattu, pas enlevé.
C’est donc que ce qu’il sait, sur ses activités en Ardèche, ou sur sa mission actuelle, mais c’est bien improbable, qui a quelconque importance à leurs yeux.
Sur le moment, il est tenté de se laisser faire pour en savoir plus. Et puis le canon de l’arme de poing de sa passagère au creux de ses reins se montre suffisamment dissuasif : il n’a pas l’étoffe d’un héros, lui qui s’affole, rien qu’à la vue d’une aiguille hypodermique.
Il ne tiendrait pas une heure sous la torture.
Il faut absolument tenter quelque chose pour se sortir de cette situation.
Il peut désarçonner sa passagère kidnappeuse à l’occasion d’un virage, d’une accélération brutale. Mais elle n’a pas de casque : elle pourrait morfler bêtement.
Pensée idiote, elle qui le tient au bout de son flingue…
Il lui adresse la parole : « Miho, je ne sais pas si tu réalises ce que tu es en train de faire, mais tu vas te faire tuer ! »
Pour toute réponse, il reçoit un enfoncement plus profond du canon de l’arme dans ses reins. « Alors accroche-toi très fort, chérie ! »
C’est là qu’il se met à contre-sens au premier feu rouge et en vive accélération.
Miho en est surprise et s’accroche comme elle peut à ses vêtements. Le compteur affiche 130 km/h un peu plus loin et Paul voit à l’occasion une voiture tenter de le suivre et celle de son escorte se faire emplafonner derrière dans un concert de klaxons !
Il enfile alors la voie expresse sous les anciens terrains des usines Citroën : ça faisait un moment qu’il ne s’était pas amusé autant à cette allure dans Paris ! Tant pis pour les radars automatiques et ses points sur son permis.
Et plus il accélère, et plus il sent Miho se serrer contre lui, se lovant de plus en plus fort pour ne pas basculer.
Naturellement, le flingue n’est plus dans les reins. Il pend sur son thorax, à peine tenu. La fille hurle à l’occasion d’une manœuvre de slalom osée. S’en fout : il a un casque qui amortit les bruits lui.
Arrivé sur les embranchements du périphérique, en virages serrés, sans même marquer le moindre ralentissement aux feux : sportif !
Enfilade du périphérique au-dessus de la Seine et à droite sur la bretelle d’accès de l’A 13. Là, bien obligé de ralentir l’allure et Miho de tenter de se ressaisir et de reprendre la situation en main. Heureusement le virage est serré sous le tunnel d’accès de Boulogne, elle s’accroche de nouveau.
Normalement, se dit Paul, l’équipe de nazes a dû déjà donner l’alerte. Reste à leur laisser une piste à suivre. Et à se débarrasser du flingue.
Celui-ci tombe de lui-même au-dessus de la Seine, à l’occasion d’un coup de rein pour éviter une voiture à dépasser. Ce qui change tout.
Elle peut avoir un couteau : il faut donc continuer à la tétaniser de trouille jusqu’à un endroit où il pourra sauter de sa machine. Le poste d’essence de Morainvillier-nord situé après la bretelle de Poissy et de l’A 14.
Trente bornes, à l’allure où Paul pilote, ils y seront dans dix minutes.
Pas question de ralentir avant.
Paul passe donc toutes les sorties allant sur Louveciennes ou Versailles. Avec la satisfaction de constater que la « Dominiquette », fidèle supportrice, a enfin fait le nécessaire : il y a des motards de la gendarmerie sur les ponts et deux d’entre eux le prennent en chasse.
Avec leurs grosses BM impropres aux acrobaties routières, ça donne quelques minutes d’avance.
La patrouille de motards mise en attente sur la bretelle de sortie de Poissy est dépassée. Ils vont bien mettre une bonne minute à se mettre en ordre de marche, juste le temps d’arriver.
Un hélicoptère vole au-dessus et devant depuis la sortie de la forêt de Marly.
Miho est scotchée dans le dos de Paul, inerte et tremblotante.
Même pas la peine de décélérer brutalement pour la faire culbuter à la station d’essence.
Paul arrête sa machine sur l’aire de stationnement située un peu plus loin que les pompes. Il met la béquille et descend en prenant soin de sa passagère, transite de froid et de peur : pas à la hauteur les coréennes, décidément.

« C’est la deuxième fois que tu essayes de me tuer ? Pourquoi tant de haine ? »
Pour toute réponse il n’obtient qu’un : « Moi pas tuer toi. Moi pas tuer toi. Moi asile politique ! »
Elle est bien bonne celle-là, alors qu’il y a trois ans il lui était déjà accordé.
Paul en éclate de rire dans le tourbillon des pâles de l’hélicoptère qui atterrit à deux dizaines de mètre de là !
Gijou saute de l’appareil, l’arme au poing. Les motards des deux patrouilles les rejoignent prêts eux aussi à faire feu.
« Alors commandant ! » fait Paul à l’adresse de Gijou, « on fait comme dans les westerns avec la cavalerie ? »
Et sans lui laisser le temps de répondre il rajoute : « Je vous présente le sergent Miho Mahido, je crois me souvenir… Qui nous demande l’asile politique ! Rassurez-vous, ce ne sera pas trop difficile à obtenir, elle l’a déjà eu il y a trois ans ! »
Et l’un des quatre motards de la ramener à distance respectueuse, le flingue à la main : « Vos papiers, espèce de chauffard ! Vous avez vu à quelle allure vous rouliez ? »
Ses collègues en restent cois, comme pétris, figés…
Les explications sont données rapidement, Miho est entravée et menottée : il s’agit de ne pas rester là trop longtemps. La deuxième voiture de coréens pourrait arriver.
En fait, mais ils ne le sauront que plus tard, ils ont été retenus à Paris dans un immense embouteillage provoqué par un accident, sans gravité, dû aux facéties « motardesques » de Paul, au niveau de la porte de Saint-Cloud, dans son sillage.
« On en fait quoi, de cette fille ? » demande le capitaine de corvette Gijou.
« Le mieux serait de la mettre au secret et de savoir pourquoi je leur étais si important pour ne pas m’abattre mais pour m’enlever ! »
Au secret ?
Un personnel dont elle aurait parié qu’on allait apprendre qu’il est diplomate auprès de l’Unesco dans moins d’une heure ?
Pas facile à envisager…
Bien sûr, si elle demandait l’asile politique, elle peut passer devant un juge administratif réquisitionné rapidement et on peut espérer l’envoyer ensuite devant un juge pénal en procédure de flagrant délit pour la faire enfermer pour tentative de kidnapping.
Ainsi les flics ou l’armée pourrait la cuisiner.
« Punaise ! Encore de la paperasserie par tombereaux ! Vous la connaissez d’où, Commandant ? C’est encore une femme abandonnée dont vous avez abusée et qui cherche à se venger ? »
Trop drôle la « Dominiquette » quand elle devient jalouse à en être suspicieuse !
Mais entre-temps, on saura peut-être pourquoi et comment on lui tire dessus depuis la fin juillet.
Paul lui explique en quelques mots la mission en Corée et la trahison de la miss.
« Mais il faut vérifier : je ne sais pas pourquoi elle n’a pas été passée par le peloton d’exécution ou qu’elle ne croupit pas encore à Guantanamo ! Y’a un os là dedans. Faut savoir avant de la lâcher à la justice du pays. »

Et le capitaine Gijou de rajouter : « Au juste, pourquoi les coréens ? Et du nord en plus ? Ça n’a quand même rien à voir avec votre mission, je présume ! »
C’est bien ce qu’il faut savoir avant de la jeter en prison.
« S’il y a un lien, effectivement, c’est grave : ça veut dire qu’on a fait une gaffe quelle que part ! Vont pas être contents, là-haut ! » répond Paul.
« Si vous me disiez en quoi consiste votre mission, peut-être qu’on en saurait plus et plus vite ! »
Ah, la vieille rengaine de la miss qui aimerait être au parfum ! Bé non, pas possible.
« Commandant, vous avez raison ! » commence Paul en reluquant le sourire de sa vis-à-vis : « Vous êtes chargée de ma sécurité et de celle de mon équipe, moi je suis chargé de cette affaire ! On s’en tient aux ordres, et du coup cette personne est ma prisonnière ! J’en prends la responsabilité : il ne manquerait plus que l’objectif de ma mission soit éventé avec ça ! Je vous la rends quand on sera sûr qu’elle est inoffensive. »
Ce sourire, qui la rend parfois jolie, s’évanouit en une grimace discrète.
« Allez et merci. Vous avez été très efficace aujourd’hui. On note l’heure et on part chacun faire son rapport ! » conclut Paul à l’adresse de tous, qui n’en pense pas vraiment un mot.
« Vous allez où ? » se ressaisit la Gijou.
« Rouen. L’aéroport. Je loue un avion pour récupérer le mien à Aubenas et je file à Fox. Je devrais y être ce soir. Prévenez vos équipes sur place. »
Et Paul fait ramener Miho qu’on installe sur la place arrière de la Yamaha, toujours menottée, pendant que l’hélicoptère lance sa turbine.
À la station essence suivante, après le péage de Mantes, Paul s’arrête et passe un coup de fil à Mylène, qu’elle prévienne Rémarde à Fox : pas question d’appeler deux fois avec le même portable.
Gentille Mylène. Gentille et obéissante.
Puis au lieu de poursuivre sur l’autoroute, Paul opte pour la sortie suivante et revient sur Giverny : il y a encore des motards en attente au péage. Gijou essaye de le suivre. Autant lui rendre la vie un peu difficile après le « raté » de ce début d’après-midi tumultueuse, qu’elle se souvienne de ses devoirs envers la patrie.
Et puis, à l’aérodrome de Chérence, on ne lui refusera pas un coucou…

Le Capitaine de corvette Gijou rentre effectivement sur Paris pour une réunion de débriefing avec ses gars réunis dans le PC du boulevard Saint-germain et fait son rapport téléphonique au lieutenant-colonel Solre, dans ses bureaux du 15ème.
Celui-ci note que Paul a gardé sa prisonnière. Il s’agit d’en avertir l’amirauté : ce n’est pas conventionnel, ça, comme procédure. À eux d’en informer le ministère qui ne manquera pas de faire circuler l’information jusqu’au quai d’Orsay.
Demain, de toute façon, tout ça figurera dans les notes blanches distribuées à la première heure auprès des ministres « sensibles », Matignon, intérieur, défense, justice, affaires étrangères et Élysée, entre autre.
Pas à lui de se charger de prévenir le ministère de la défense des bévues d’un officier supérieur qui provoque des embouteillages dans la capitale en faisant du rodéo sur la voie publique et de devoir porter un chapeau trop grand pour ses chétives épaules, dont il ne connaît ni les tenants ni les aboutissants.
Reste que l’enlèvement de de Bréveuil, par des Coréens en plus, en pleine mission ubuesque, ça n’est pas banal. Voilà que la « petite enquête » pilotée par la cellule de la défense prend un tour tout-à-fait inattendu.
Et intéressant : que cherchent-ils donc de si important, tous ces gens dont il ignore qu’ils s’étaient réunis quelques heures plus tôt à quelques étages au-dessus de sa tête ?
Quant au Capitaine de corvette Gijou qui suit les déplacements de Paul, elle commence à s’inquiéter de ne pas avoir de rapport de son arrivée à proximité de l’aéroport de Rouen alors qu’elle a fait s’y déplacer son équipe stationnée près du restaurant-péniche. Ce serait-il fait alpaguer par ses ravisseurs au nez et à son menton (elle n’a pas de barbe, contrairement à ses hommes qui commencent à avoir le rasage passablement grossier en cette fin de journée) ?
Ce type-là la rendra folle. Sûre qu’il a fait une étape coquine dans une auberge de passage avec sa coréenne. Pas possible autrement !

Par ailleurs, les écoutes ont encore bien fonctionné. Langley reçoit en fin de matinée les dernières péripéties parisiennes.
Le directeur Charles Almont s’interroge. Pourquoi une coréenne ?
Est-ce que ça a un rapport avec l’identité réelle des IP que l’équipe avait empruntés début août pour pirater des archives bancaires ? Après tout, un des IP est celui d’un PC installé dans les locaux de la police routière de Shanghai sous environnement linux, sans doute pour brouiller les pistes. L’agent Lison a même dû avertir « Charlotte », à la mi-août de faire attention à ce genre de détail…
Mais pourquoi pas directement des chinois au lieu de coréens ?
Miho Mahido : ils doivent bien avoir un dossier sur elle, si elle est bien du DLI…
Il se fait renseigner de son côté et transmets par le canal habituel l’heure probable d’arrivée à l’équipe de Fox, dans le Var.
Normalement, Emily Lison, ou un de ses sbires, devrait entendre le sifflement du moteur de l’hydravion de de Bréveuil.
À confirmer.

En fait Paul fait d’abord escale à l’aérodrome d’Aubenas, récupère l’hydravion et y transfère Miho, puis redécolle et met le cap au jugé sur le 150, pour passer les alpes à 30.000 pieds, par l’Italie, Miho solidement entravée sur un des sièges arrière, prostrée, silencieuse. Prisonnière de celui-là même qui lui a sauvé la vie il y a trois ans, alors que ce devait être à elle de le soumettre à la question dans les locaux de Neuilly…
Et là, où l’emmène-t-il ?

En attendant, le « plan B » fonctionne se dit-elle, puisqu’il était prévu qu’elle le fasse évader pour mieux lui coller aux basques.
Mais il faut absolument qu’elle s’échappe et qu’elle trouve un téléphone pour qu’on la localise avant qu’il ne soit trop tard : car elle si elle ne donne pas de nouvelle sous peu, c’est sa vie qui peut ne plus rien valoir du tout pour ses compatriotes se doute-t-elle. Ni vraisemblablement pour son geôlier !
Quand même idiot de finir ainsi si jeune, pense-t-elle dans l’avion qui survole la mer dans le crépuscule.
Même si c’est un sort qu’elle accepte, ce n’est pas par gaîté de cœur.

Paul n’atterrit pas à Fox, ni sur le plan d’eau du barrage du Verdon, mais amerrit au large des Agriates, au pied du sémaphore d’entrée du golfe de Saint-Florent, en Corse.
L’endroit est désertique, les chemins ne sont pas carrossables, il n’y a ni eau courante ni téléphone et seul le « chef » Jean Vecchia y passe de temps à autre pour vérifier l’état du phare, des provisions et jeter un coup d’œil sur les bouées du large.
Lui-même y était passé après son premier attentat pour vérifier que tout était en ordre en cas de besoin.
L’endroit idéal pour passer inaperçu, accessible seulement de la mer ou à dos d’âne.
Les bouées ? Au large, il y a une fosse sous-marine de plus de neuf cents mètre de profondeur : un cimetière marin idéal, d’autant mieux qu’il est entretenu par la marine pour y contenir quelques réserves secrètes de fioul lourd prêt à l’emploi pour ses navires de guerre.

L’abordage de la bouée du coffre d’amarrage armé de ses pare-battages se passe bien malgré la houle résiduelle du large et le défaut de manœuvrabilité du Havilland. L’endroit est pourtant abrité à souhait. Le petit youyou sert de transfert jusqu’à terre, à quelques brassées.
Miho découvre l’endroit dans la pénombre de la nuit tombante, marchant maladroitement dans le chemin escarpé à flanc de montagne, toujours les mains liées dans le dos.
Paul souffle avec son sac sur les dos, se perd dans la pénombre, reprend le bon chemin et finit par glisser sur une pierre roulante à s’en retrouver dix mètres plus bas, sur le ventre, en pestant.
C’est le moment que choisit Miho pour lui fausser compagnie en piquant un sprint tout droit vers la crête.
Elle-même tombe, roule, se relève pendant que son geôlier hurle, l’appelle et la recherche avec sa petite lampe-torche.
Elle court à travers le maquis qui la griffe dans la nuit tombante histoire de donner le change et s’arrête, épuisée au bout de 5 minutes, jugeant le phare du sémaphore assez éloigné : Elle n’a plus que la lumière des étoiles dans le ciel noir pour se guider vers des lumières de civilisation.
Mais lesquelles ?
Celles d’en face, sont loin et ténues et il y a la mer entre.

Paul est furieux sur le moment. Tout ce chemin pour perdre sa prisonnière à la fin !
Merde.
Et en plus, on va encore s’inquiéter en haut-lieu !
La poisse !
Pourvu que son ordinateur portable n’ait pas souffert à l’occasion de sa chute…


Opération « Juliette-Siéra » (XXI)

Vingt-et-unième chapitre épisode : Miho Mahido

Avertissement : Ceci est un roman, une fiction, une « pure construction intellectuelle », sortie tout droit de l’imaginaire de son auteur. Toute ressemblance avec des personnages, des lieux, des actions, des situations ayant existé ou existant par ailleurs dans la voie lactée (et autres galaxies), y compris sur la planète Terre, y est purement, totalement et parfaitement fortuite !

À Pyongyang, le général Li-Phong, arrivé tôt à son QG ce matin-là, lit les rapports de la mission diplomatique de Paris. C’est un homme calme et pondéré, mais là, il a du mal à ne pas exulter de joie bruyamment.
Le plan « A » a échoué comme prévu. Enfin, plus vite que prévu.
Le plan « B » va donc n’en fonctionner que mieux.
Une perle, décidément, le major Mahido !
On l’a perdue à Paris : c’est plutôt bon signe !
Elle peut être n’importe où maintenant. À elle d’improviser et de jouer le scénario qu’il lui avait prévu.
C’est son homologue de Pékin qui allait jubiler. Il doit déjeuner avec son correspondant à Pyongyang et confirmer ainsi que le plan fonctionne correctement.
Une certitude incontournable, en attendant. Le Capitaine de corvette De Bréveuil est bien l’agent qu’on pense, malgré les opinions contraires : jamais autrement il n’aurait échappé à un pareil dispositif d’enlèvement, aussi bien combiné par ses services.
L’opération prend un tour qu’il avait été presque le seul à prévoir et savoir anticiper.
Tout avait commencé au début du mois, quand la « Sécurité Intérieure » du grand voisin détecte qu’un de ses ordinateurs reçoit un fichier qui n’existe pas. Un gros. Le journal du réseau internet de la machine détecte bien l’entrée et la sortie dudit fichier électronique non-sollicité. C’aurait pu être une tentative d’hameçonnage d’une puissance étrangère, un virus agissant en mode « cache », voire un fichier portant sur des secrets militaires.
De quoi « énerver » un peu la sécurité et justifier des mesures de coercition à l’égard des moteurs de recherches…
Les « hackers » du « grand frère » finissent par remonter la piste, pour atterrir sur un PC en France, au siège d’une entreprise d’armement du pays.
« Le cher Leader » est alors sollicité et le général Li-Phong n’a rien à refuser ni à son chef d’État, ni à son seul allié dans la région. Eux savent que le patron de cette entreprise tricolore est en fait un ancien militaire, aviateur-mercenaire, qui, il n’y a pas si longtemps s’est aventuré dans les eaux territoriales du pays pour y saboter des installations inexistantes au bénéfice des impérialistes honnis d’américains et les « cousins-traites » de sudistes.
Une opération qui aurait dû échouer, pour avoir réussi in extremis à y glisser un agent, qui aurait dû en périr, c’est dire toute sa loyauté au régime, mais qui n’a pas permis d’abattre l’intrus.
Naturellement que le service était partant pour prendre une revanche sur ce pilote et lui refiler entre les pattes celle qui avait réussi à le convaincre de l’emmener dans ce vol suicide.
Paul de Bréveuil, si le major Mihado acceptait sa mission, ne pourrait pas faire autrement que de la laisser entrer dans le cercle de ses activités, légales ou parallèles, et c’aurait été tout au bénéfice de la « chère patrie » et de son « leader bien aimé »…
Or, compte tenu de leur « passé commun », c’était elle, ou l’affaire aurait été pilotée par des éléments de la communauté asiatique parisienne.
Et la Chine peut savoir compter sur un allié fidèle et indéfectible.
Encore fallait-il que le major Mihado approche l’aviateur, se fasse accepter de lui pour l’observer discrètement. Le prétexte d’un ordinateur piraté, même par inadvertance, un petit scénario de « mise en demeure », quelques moyens pour donner corps à tout ça et il ne resterait plus qu’à l’agent du service à improviser pour rester placée à demeure dans l’ombre des industries militaires de l’Europe occidentale…
Un strapontin, mais c’est toujours ça de prit pour savoir anticiper les ventes d’armes aux ennemis des alliés de Pékin. Et le « Cher Leader » saura naturellement monnayer auprès de l’empire du milieu son soutien au fil du temps et des remontées d’informations.
Bref, première étape franchie sans difficulté.

Pour Paul, la situation se retourne dès le frichti à base de poulet est servi bien chaud : ça sent bon dans la cambuse du sémaphore.
La faim, la soif, la fatigue, la peur font sortir le loup du bois, dit-on !
Vers vingt-et-une heure, Miho tape du front contre la porte d’entrée.
Elle est visiblement épuisée, ses vêtements sont déchirés à de multiples endroits, presqu’en loque. Elle a froid, faim et les mains toujours entravées dans le dos.
« Manger ? »
Il l’assied sur une chaise en face de lui dans la cambuse du sémaphore, sans lui ôter ses menottes, va lui chercher une couverture pour recouvrir son indécence naissante et la réchauffer un peu, pose une assiette devant elle et la sert copieusement de morceaux de poulet pas trop gros, accompagnés de quelques légumes.
À elle de plonger la tête dans son assiette pour se rassasier.
Et elle ne se fait prier qu’une seule fois, tellement le poulet « sauce-frichti » a une odeur appétissante après qu’elle ait compris que Paul ne la détachera pas.
« Boire ? »
Il se lève, saisit un verre et une bouteille d’eau, fait le tour de la table et la fait boire trois fois de suite.
« Merci. Quoi toi vouloir faire de moi ? » finit-elle par dire.

Maintenant, il est question d’être astucieux et crédible, pense Paul en reprenant la parole lentement.
« Ma chérie, tu sais combien je t’adore ! Je t’ai même sauvé la vie au moins par deux fois ! Une au-dessus de tes eaux territoriales, une autre sur le tarmac de Gozan. Maintenant tu es ma prisonnière pour avoir tenté de m’enlever et, personne ne sait où tu es à part moi ! Ton sort, ta vie est une nouvelle fois uniquement entre mes mains. Compris ? »
Elle le regarde avec ses grands yeux apeurés qui font tout son charme, tant est qu’elle puisse avoir quelques charmes pour une femme sans forme, ni grâce ni encore moins de musculature, même pas bien proportionnée, avec sa tête proportionnellement plus longue que son corps monté sur jambes courtes.
« Où être nous ? »
« Nous sommes sur un phare au large de l’Albanie… » Un petit mensonge, comme d’une pincée de sel, n’en est toujours que meilleur.
« Loin de tes bases. Je t’assure, tu ne verras personne d’autre que moi avant plusieurs semaines, si j’en décide ainsi. Mieux, chérie ! Si je meurs, même par inadvertance, ou par rencontre de tes complices, tu n’auras plus rien à manger ni à boire. En 10 ou 15 jours, tu mourras d’épuisement ! Ça te va ? »
Paul avait hissé la double flamme rouge sur le mât, interdisant à Jean Vecchia de venir faire son tour hebdomadaire mais l’obligeant à être vigilant des allers-et-venues dans le secteur : il verra et comprendra le message convenu, demain matin en passant de retour de sa pêche matinale à la langouste.
« Quoi toi vouloir moi ? » répète-t-elle une nouvelle fois après avoir assimilé les paroles de Paul qui se verse un fond de vin rouge local.

Paul vide son verre. « Je vais t’entraver dans une pièce isolée, sans fenêtre et blindée. Économise l’air, je ne suis pas sûr que ce soit bien aéré. Ça, c’est ton sort si tu ne réponds pas à quelques questions. Si tu réponds, je pars vérifier tes réponses et je ne reviens que si les réponses sont bonnes. Si tu ne réponds pas ou que tes informations sont fausses ou invérifiables, je ne reviens que dans plus d’un mois pour jeter ton cadavre dans la mer. Pigé ? »
« Pigé ? … Pas comprendre ! »
Ça commence mal, se dit Paul…
« Pigé, ça veut dire comprendre. Tu as compris ce que je viens de dire ou non ? Parce que je n’ai pas envie de répéter trente-six fois ! »
« Oui, oui ! Moi comprendre. Toi veux savoir quoi de moi ? », s’exclame-t-elle en réponse avec des grands signes de tête affirmatifs.
Vocabulaire d’une « bilingue » ? Macache !
« Moi tout dire à toi, mais toi faire quoi à moi, après ? »
« Ce que tu veux ! Tu pourras repartir chez toi si tu veux. »
Là, franchement, ça lui en coupe le souffle. Ça tête fait non, mais aucun son ne sort sur le moment.
« Si moi répondre à question, toi savoir moi mourir ! »
« Et si tu ne réponds pas, toi aussi mourir ici, de faim, de soif et de froid ! »
Belle façon de dealer, pense Paul sur le moment.
« C’est toi qui choisis ! »
Re-long-silence.
« Toi pas vouloir torture moi ? Viol de moi ? »
Violer une femme ! La battre ou la torturer ! N’importe quoi, décidément dans la tête d’une asiate coréenne : Paul a de l’éducation, joue bien sûr de la situation et peut-être même sur les prémices d’un syndrome de Stockholm, pourquoi pas ?
« Pas besoin Miho ! D’abord tu n’es vraiment pas mon style de bonne femme : tu es un vrai tas d’os informe, donc pas de viol, même consenti. »
D’autant qu’il avait eu le loisir de la « consommer », dans le temps. Pas un « coup terrible », se rappelle-t-il.
« Ensuite, je ne te frapperai que pour me défendre. Pas mon genre de brutaliser quiconque sauf en état de légitime défense !
Faut pas non plus rêver, jeune fille : on ne s’enverra pas en l’air ce coup-ci, sauf peut-être pour ton plaisir, mais dans une autre vie, alors !
»
Pan dans les dents… Humiliée et sans brutalité en plus : une bonne façon de faire avec un prisonnier détenteur d’informations.

« Plus facile si toi torture moi ! Une chance de survie chez moi ! »
« Eh bien n’y compte même pas, la belle. Si tu retournes un jour chez toi, ce sera libre et sans la moindre trace de torture ! On n’est pas des sauvages en France et encore moins dans la marine ! « Honneur et Patrie », telle est notre devise !
Et tant pis si ce sont tes connards de compatriotes qui te flinguent : je ne veux pas le savoir !
»
Paul se lève pour débarrasser la table des restes du repas.
« Moi résumer. Toi pas taper, toi pas violer. Dommage ! Moi parler. Toi contrôler. Véri…fie ? Moi libre mais morte. Moi pas parler. Moi mourir ici ? C’est bon ? »
« C’est bon… Maintenant, si je sais ce que je veux savoir, tu peux aussi librement accepter qu’on te protège ici, peut-être par mes équipes le temps qu’il faudra. On n’est pas chien avec un agent qui collabore après l’avoir retourné. »
« Toi vouloir moi par… derrière ? »
Rien compris, la fille, pense Paul en la voyant faire mine de se lever et de se retourner pour lui présenter ses fesses plates.
« Ok ! Assied-toi et reste sage. Je vais chercher tes chaînes ».

Paul finit par trouver ce qu’il cherche dans le foutoir un peu oublié du sémaphore : il y a bien longtemps qu’il n’a pas revu tout l’inventaire et les choses ont un peu changé de place entre-temps.
Miho finit de lécher son assiette quand il revient et elle réclame encore un peu d’eau avant de le suivre dans la pièce du fond, sous le phare.
Des murs de trois mètres d’épaisseur qui supportent les fondations de la tour. Sol sec, juste une ampoule électrique haut-perchée au plafond voûté.
Le dispositif de maintien de sa prisonnière relève du moyen-âge, pour être particulièrement barbare : deux chaînes scellées dans le mur rond qui épouse la forme du phare ! Il faut un escabeau pour les atteindre.
Les lourdes chaînes assez longues pour permettre de se lever mais pas d’aller au bout de l’une ou de l’autre. L’une est arrimée et cadenassée autour du cou de la coréenne, l’autre autour de sa cheville.
Sauf à s’arracher le cou ou le pied, normalement il n’y avait pas moyen de s’en défaire.
Bien sûr, puisqu’elle n’aura que ça à faire, elle tentera bien de forcer les serrures de ses entraves : il faut juste un point de colle extraforte pour noyer les mécanismes et les rendre inviolables. Si on doit la libérer un jour, il faudra une scie électrique !
Il lui installe un matelas confortable à même le sol, quelques couvertures en nombre suffisant en plus d’un épais duvet, une bassine d’eau, un autre vide pour ses besoins et un pain de campagne à proximité.
« Je pars ce soir et ne reviens que dans deux jours : tu as tout le temps de réfléchir à ce que tu vas faire. D’ailleurs, tu n’as que ça à faire, ma chérie ! Y réfléchir. »
« Quelles questions toi vouloir savoir ? »
« Appelle-moi Paul, sublime Miho ! »
« Paul ! » Elle opine de la tête.
« Je veux savoir ce qui t’est advenu, ce qui t’est arrivé après notre séparation à Gozan. Ce que tu as fait, pour qui et sur quoi tu travaillais, que je puisse vérifier que tu ne mentes pas. »
Elle acquiesce, les yeux grands ouverts, comme pour mieux comprendre.
« Après, tu me diras quelle était ta mission ici à Paris, qui et quoi l’on provoquée, ce que vous en attendiez et ce que tu sais de ma mission. Ok ? »
Elle répond « ok ! »
« Je vérifierai et alors, si tu ne m’as pas raconté d’histoires, je te remettrai à la disposition de mes chefs, qui te feront sans doute le même interrogatoire, plus plein de choses sur ton service, j’imagine.
Là, tu pourras dire ce que tu veux et si ça se passe bien, tu pourras demander l’asile politique et une protection.
Alors ton autre vie commencera pour toi, là où tu l’auras décidé.
Évidemment, si dans la première phase avec moi ça ne se passe pas comme prévu, je te laisse ici mourir tranquillement et je balancerais ta dépouille dans la flotte avec plusieurs parpaings aux pieds pour te faire bouffer par les petits poissons… Et je dirais que tu t’es échappée.
Peut-être que la police locale te cherchera, mais ce n’est pas sûr, on est en Albanie ici et les coréens, ils s’en foutent.
Peut-être que tes potes viendront jusqu’ici, mais pas avant plusieurs mois de toute façon et tu auras disparu au fond de l’Adriatique depuis bien longtemps.
C’est clair dans ta tête ?
»
Elle fit signe que oui.
« Prends bien soin de toi, peut-être qu’il y a des rats, ici ! »
Paul sort, barricade la porte, retire le fusible de l’ampoule électrique et retourne à l’hydravion.
Il sait qu’elle entendra l’appareil décoller, pour faire un saut de puce jusqu’à Fox.
Il est urgent de donner signe de vie, sans ça, ça serait encore l’affolement dans les états-majors de la cité qui allait retomber en pluie fine sur la tronche du « capitaine Dominiquette ».
Chaude journée…

Le capitaine Gijou reçoit de ses agents à Fox, un Sms en pleine nuit. Paul vient d’atterrir sur le petit terrain sommairement aménagé devant la propriété : elle fera suivre l’information demain matin.
À peu près au même moment, Emily en reçoit un aussi de sa propre équipe. Elle le transmet dans la minute. Il faut qu’elle envisage de remonter dans le Var.
En revanche, à Neuilly, c’est soirée d’angoisse. La mission a échoué et on attend de nouveaux ordres.
Et plus ils mettent de temps à arriver, et plus c’est long, plus on peut imaginer que les décisions à prendre montent très haut dans la hiérarchie du régime, peut-être même jusqu’au « Cher Leader ».
Ce qui n’est pas bon signe pour l’avenir des camarades…
Finalement, au cours de la journée suivante, ordre est donné de dissoudre l’équipe et de la rapatrier par les prochains avions pour Pékin.
La sentence vaut pour tout le monde, y compris le chef d’antenne !
Déçu, celui-ci tente de plaider qu’on peut retrouver le major Mihado en se donnant un peu de temps.
Mais non, la décision est ferme et définitive. À Pyongyang, manifestement, on préfère l’abandonner à son sort. Ils enverront peut-être une équipe de « nettoyeurs » plus tard pour la neutraliser, si elle est vraiment détentrice de secret d’État, ce qui est probable.
En réalité, le général Li-Phong est aux anges. Il enverra bien une équipe-bis légère, mais pour éventuellement établir le contact avec le Major Mihado au cas où elle en ait besoin et surtout surveiller ses activités de loin. Elle ressortira bien un jour de son trou.
Pour le moment, il est juste question, par la voie officielle et diplomatique, de faire savoir aux autorités françaises qu’une attachée culturelle auprès de l’Unesco a disparu.
Ça remuera un peu la police locale, une diplomate manquante, pensez donc, et provoquera, normalement, une réponse oiseuse et gênée avant de connaître vraiment son sort de façon lapidaire à la deuxième ou troisième relance.
Moment où officiellement l’équipe-bis, déjà sur place entre-temps, pourra devenir plus active…


Opération « Juliette-Siéra » (XXII)

Vingt-deuxième chapitre : De fox au sémaphore

Avertissement : Ceci est un roman, une fiction, une « pure construction intellectuelle », sortie tout droit de l’imaginaire de son auteur. Toute ressemblance avec des personnages, des lieux, des actions, des situations ayant existé ou existant par ailleurs dans la voie lactée (et autres galaxies), y compris sur la planète Terre, y est purement, totalement et parfaitement fortuite !

À Paris, la note blanche matinale fait son effet. C’est journée « comité restreint » de défense à l’Élysée. Le Président ne manque évidemment pas de demander de « préciser » cette affaire, ni à son chef d’état-major, ni au ministre de la défense.
Réponse embarrassée du ministre : « Tu sais bien, c’est l’équipe qui s’est mise au boulot sur ta mission des recherches de fonds détournés demandé par les américains ! »
« Ah, c’est Charlotte ? » Comme si il ne savait pas déjà !...
« Oui, ça je sais ! Mais que viennent faire les coréens dans ce cirque ? Et que fait ton agent avec un prisonnier qui est sûrement un diplomate ? Et où est-il au juste ? Il en fait quoi ? »
Gêné, le ministre lui répond qu’il n’en sait trop rien.
« Il est dans son cantonnement du Var et je suppose qu’il doit l’interroger pour pouvoir répondre à toutes vos questions ! » propose le Chef d’état-major qui se tient à côté de son patron politique.
« Un diplomate entre les mains d’un militaire ! Je te jure, on va droit au conflit armé avec les coréens du nord ! J’espère qu’il le remettra à notre disposition avant ce soir et en bon état, sans ça je ne raconte pas tes oreilles ! », fait-il au ministre.
Le ministre n’a pas le temps d’évaluer la menace que déjà son collègue des affaires étrangères s’avance vers lui à pas rapides.
« Dis donc, man, tu te débrouilles pour ne pas biseauter les cartes avec cette affaire de diplomate coréen enlevé hier à Paris par tes militaires, apparemment : c’est l’affaire des ricains, la Corée, pas la nôtre ! Faudrait peut-être à voir à tenir tes troupes, camarade ou ça va chauffer ! »
L’algarade s’arrête là : Le président, sur un ton impérieux comme à son habitude, fait commencer la réunion ! Il a un emploi du temps surchargé en ce moment.
Comme d’habitude, pense le ministre de la défense.

Mais de retour au ministère, il fait convoquer d’urgence le lieutenant-colonel Solre et le général Wimereux pour le début d’après-midi.
Comme quoi, c’est encore sur lui que retombe les emmerdements pour quelque chose dont il ne sait absolument rien, comme il le redoutait.
Celui-ci l’apprenant, téléphone au Capitaine de corvette Gijou pour avoir des nouvelles fraîches de cette histoire abracadabrante.
« Monsieur le ministre, avec tous mes respects, le capitaine de corvette de Bréveuil ne ressort pas de ma compétence. Nous n’avons reçu d’ordre de l’amirauté que de protéger le capitaine… » Et de lui raconter par le menu les événements de l’après-midi d’hier.
« Pour le reste, nous n’avons pas compétence : il faut voir avec la hiérarchie de l’amirauté ! »
« Vous lui avez pourtant bien confié une mission, général ? » dit le ministre en s’adressant à l’autre interlocuteur. L’autre acquiesce, mais les ordres viennent directement de l’état-major élyséen.
Là, c’en est à la fois trop et pas assez pour le ministre.
« Écoutez messieurs, premièrement, vos équipes ont échoué à protéger l’agent « Charlotte ». D’après ce que vous me racontez, je pensais, colonel, que vous étiez missionné pour ça et que vous aviez demandé les moyens optimum pour remplir votre mission.
Deuxièmement, elle agit en solo, général, et manifestement hors hiérarchie de l’amirauté. Je croyais vous avoir déjà dit que ce n’est pas normal. C’est juste un agent détaché. Il ne devrait répondre qu’à moi, et moi je n’ai de nouvelles que par vous, c’est-à-dire rien.
Alors troisièmement, vous vous débrouillez pour lui faire savoir qu’il faut qu’elle remette en liberté le diplomate coréen qu’elle a enlevé au plus vite et qu’elle fasse son rapport ici même demain matin.
C’est entendu ?
»
« À vos ordres, Monsieur le ministre ! » Et les trois hommes se séparent sans un mot.
Le général Wimereux note tout juste que le ministre semble essayer de tirer la couverture à lui, même si elle est bien trop grande pour lui. Il lui en faudra rapporter à son supérieur au ministère qui rapportera à son collègue de l’Élysée…

Solre, de son côté, réussit effectivement à passer la consigne au capitaine Gijou, en plus d’un savon à la hauteur de l’humiliation qu’il a dû subir silencieusement dans le cabinet du ministre, sans pouvoir ni se défendre ni en savoir plus sur la mission de « Charlotte », un comble pour un des patrons des services de renseignements intérieurs unifiés du pays !
Une injure, même !
Il y a un secret particulièrement bien protégé qui circule autour du haut de l’État. Invraisemblable d’avoir des chefs politiques aussi suspicieux !
Honteux, même !
Le Capitaine Gijou reste calme pendant l’orage téléphonique : elle sera sur place vers midi et fera son rapport si tôt après avoir transmis les ordres du ministre.
Un bon agent.

Évidemment, « Canal habituel » transmet très rapidement à Langley l’information des nouveaux ordres reçus par la DCRI.
Charles Almont, dès qu’il apprend les nouvelles informations, comprend aussitôt qu’il faut fournir une échappatoire à « Charlotte ».
Saborder une mission en plein milieu d’opération, pour cause de grain de sable, ce n’est vraiment son ambition.
Et il faut que ni la « Maison-Blanche » ni le Pentagone n’ait vent de cette affaire.
Miho Mihado est en tout cas fichée à l’agence.
Agent double.
Née en février 1980, études d’informatique moyenne à l’université de Pyongyang, un seul séjour de 4 semaines en Californie en stage chez Sun, affectée aux services de transmission de l’armée nord-coréenne, mariée soi-disant de force à un sous-officier en 2001, passée en Corée du sud par la mer fin 2002, dans une équipée où elle a été la seule survivante.
Elle avait été débriefée par l’antenne locale de l’agence après celle des services sud-coréens en janvier 2003.
Rapport mitigé : le détecteur de mensonge s’est un peu trop affolé ! Elle a été affectée aux écoutes chez les sudistes. Victime de deux attentats sur le sol coréen quand même dans le courant de 2003, elle a été ensuite consignée sur la base d’Osan.
Volontaire pour une mission avec Paul De Bréveuil en octobre 2003, elle est blessée à son retour par son officier traitant, l’agent-double, venue l’arrêter.
Soupçonnée d’avoir tenté de faire capoter la mission, elle est relaxée mi-2005 par le tribunal militaire après que son officier traitant ait été reconnu coupable d’avoir dissimulé une balise automatique à retardement dans son équipement de vol.
Celui-là est encore en prison à purger une peine de 30 ans pour haute trahison et fait actuellement l’objet de tractations pour un échange de prisonniers avec Pyongyang.
2006, réaffectée aux écoutes.
2007, obtient le grade de sergent-major chez les coréens de Séoul.
Démissionne en 2008, part au Japon à la recherche de sa famille et obtient un poste de pigiste dans un quotidien du pays pour les affaires coréennes. Quelques déplacements pour son journal à l’étranger et en Europe.
Jusqu’à ce qu’on la retrouve dans le dos de « Charlotte » fin 2009 !

Bien étrange parcours d’un agent-double manifestement tourné et retourné par son pays d’origine. Pas fiable, et à y regarder de près, il faudra aussi faire le détail sur ses déplacements depuis 2008, à recoller avec quelques affaires en archive : on ne sait jamais.
En attendant si « Charlotte » la détient, il faut savoir où et l’inviter à l’exfiltrer rapidement jusque sur une base de l’Otan, en Allemagne par exemple : il ne va pas pouvoir garder une bombe pareille très longtemps, pense Monsieur Charles pour lui-même.
Trop dangereuse.
À moins de l’éliminer tout de suite.
Il pèse le pour et le contre.
Emily ne sera pas capable de « l’effacer » proprement, ni aucune personne de son équipe. Il faudrait envoyer un agent depuis Londres, elle n’aura qu’à assurer l’intendance.
Non, pas facile pour une « amatrice du NSA ».
Et puis ce serait prendre le risque que son agence à elle s’inquiète du changement de cap de la mission d’accompagnement de jusqu’alors : un coup à ce que ça remonte via le Pentagone jusqu’à la Maison-Blanche.
Il vaut nettement mieux qu’Emily transmette les informations sur Mihado à « Charlotte » et lui propose l’exfiltration en Allemagne.
Lui au moins, on peut compter sur lui, pas comme tous ces ringards de français !
« Ah ! Si Rackchi avait bien voulu jouer le jeu au lieu d’en passer par son cornac de Pindevil : on n’en serait pas là », pense tout haut Charles Almont avant de donner ses ordres qui sont doubles : Plan 1, l’exfiltration, plan 2, Londres : Abattre la prisonnière de « Charlotte » le plus vite possible avant que les français ne la renvoie en Corée par la valise diplomatique.
Une question de jour, voire d’heures.

Pendant ce temps-là, Paul se repose : deux attentats, un kidnapping, c’est beaucoup.
Une affaire à régler, une prisonnière à gérer, c’est trop.
Il faut qu’elle parle au plus vite de façon à « déléguer le problème » rapidement.
Sûr qu’en plus, on va lui mettre la pression pour ça.
Mais revenir demain au sémaphore comme il en avait l’intention, ce n’est pas suffisant pour la faire craquer, il faut trouver une autre astuce.
Et la faire craquer sur quoi ? Quelle information manque pour expliquer que les nord-coréens se mêlent dans la danse de ces affaires de milliards disparus ?
Car il y a forcément un rapport…
Avant d’aller se coucher, il reprend son ordinateur nomade et poursuis ces lectures et recherches sur Internet.
Les morts suspectes des années 80/90 ?
Ça veut dire quoi ?

Il y a eu les morts dans « Clearstream » et les frégates, l’attentat de Karachi contre les ingénieurs de la DCN travaillant sur les sous-marins pakistanais.
On lui a cité le nom de Lagardère-père, mais c’est une affaire liée, éventuellement à la mafia russe ou à la furtivité des frégates et qui a dégénérée avec « Clearstream 2 » jusque devant le tribunal correctionnel.
Pas de trace de rien pour les ventes de Mirage 2000, ni le marché des missiles qui vont avec.
Dans l’entourage du Président de l’union de la gauche de l’époque ? Il y a au moins deux noms : Grossouvre et Bérégovoy.
Grossouvre est mort en avril 1994 dans le palais de l’Élysée.
Durant la Seconde Guerre mondiale, il est affecté comme médecin auxiliaire à un régiment de tirailleurs marocains, et rejoint ensuite une équipe d'éclaireurs skieurs dans le Vercors (où sa mère a une maison).
Il y rencontrera Bousquet, et créera avec lui l'un des premiers réseaux de l'Organisation de résistance de l'armée (ORA), puis revient à Lyon où il obtient son diplôme de docteur en médecine en 1942, et devient médecin du 11èmecuirassiers. Il rejoint quelques temps le Service d'ordre légionnaire (SOL), mais en 1943 il part pour le maquis de la Chartreuse (près de Grenoble) et participe aux combats du Vercors.
Après la guerre, sous le nom de code de « Monsieur Leduc », il devient le chef du réseau « stay-behind Arc-en-ciel », installé par l'OTAN en France, dans le cadre de l'opération « Gladio ».
Fondateur de la Générale Sucrière, la boutique de sa belle-famille, il installe la première usine Coca-Cola en France. Parallèlement conseiller du commerce extérieur de la France (1952-67) et vice-président de la Chambre de commerce franco-sarroise (1955-62), dès 1953, il investit dans la création du magazine « L'Express » où il noue, à cette occasion, une amitié avec Françoise Giroud et Jean-Jacques Servan-Schreiber. C’est un industriel qui reprend une entreprise de soierie. Dans les années 70, il devient actionnaire majoritaire des quotidiens « Le Journal du Centre » et « La Montagne », deux quotidiens régionaux du nord du Massif central.
Avant-guerre, il est proche des milieux de l'Action française tout en se liant d’amitié avec le futur président de l’union de la gauche en 65, aux côtés de Charles Cornu (l’homme de « l’œuvre du diable » de l’affaire du « Rainbow-Warrior »). En 1974, il devient le parrain de Marazine Pageot, la fille qu'Anne-Laure Pageot donne à l’adversaire de Cisgard, et veille sur les secrets de famille, dont aucun ne sera révélé de son vivant.
Nommé en juin 1981 chargé de mission auprès du Président de la République, qui lui confie les problèmes de sécurité et les « dossiers sensibles », notamment ceux liés au Liban, à la Syrie, à la Tunisie, au Maroc, au Gabon, aux pays du Golfe, au Pakistan et aux deux Corée, il est également président du « Comité des chasses présidentielles », fonction qu'il conservera jusqu'à son décès, et qu'il utilise pour des rencontres informelles avec des personnalités politiques nationales ou étrangères.
En juillet 1985, il quitte ses fonctions de chargé de mission et embarque pour le rôle conseiller international des avions Marcel Dassault (1985-86), au moment de l’opération « Bravo » qui fournira frégates, missiles et avions à Taïwan.

Le 7 avril 1994, peu avant 20 h, son garde du corps, un gendarme du GIGN, le retrouve mort, d'une balle tirée dans la tête, dans son bureau du palais de l'Élysée, situé au premier étage de l'aile Ouest. Le suicide présumé de de Grossouvre donne lieu à plusieurs versions et contestations. Aucune des thèses soutenant la version de l'assassinat ne s'est imposée à ce jour. Bizarrement, personne n'a entendu le coup de feu à l'Élysée, pas même le gendarme en faction sous sa fenêtre, alors que l'arme utilisée est de gros calibre, un 357, au point qu'il y a « du sang jusqu'au plafond ». L'enquête judiciaire est écourtée (il n'y a notamment pas eu d'expertise balistique), et conclut au suicide malgré des indices troublants : le rapport d'autopsie précise que le corps présentait « une luxation avant de l'épaule gauche et une ecchymose à la face », alors que le corps est retrouvé assis dans son fauteuil.
Dans un de ses bouquins, Pierre Péan indique que le responsable des chasses aurait tout fait pour diffamer le Président. Ce qui est assez peu probable. Mais qu’il ait été dégouté par l'affairisme du Président et de nombreux socialistes arrivés au pouvoir, ça, on peut comprendre. Il serait allé, indique le journaliste, jusqu'à proposer ses services au « RPR » en 1988, ce qui est « n’importe quoi » pour un fidèle de plus de 30 ans !
Pourtant, des éléments précis militent objectivement pour la thèse d’un assassinat. La disparition de la totalité de ses notes au Président de la République, de nombreuses autres archives et surtout du manuscrit de « souvenirs » que François de Grossouvre rédigeait…
La luxation de l'épaule gauche de la victime, découverte lors de l'autopsie, qui pourrait être due au fait qu'il aurait été maintenu de force sur son fauteuil lors du « suicide »… On ne voit pas d’autres solutions, notamment pour expliquer l’ecchymose frontale. L’absence de bruit de la détonation de l'arme qui a nécessairement être masquée par un silencieux que personne n’a retrouvé, notamment pour éviter que le garde du corps, demeurant à proximité, n'intervienne trop vite. Et puis, des remarques de Grossouvre vers la fin de sa vie affirmant qu'il se sentait menacé : « Ils vont me flinguer. Je sais tout maintenant. Ils ont peur. Ce sont des salauds... », ou : « Je ne suis pas venu ici en 1981 pour que cela se termine comme ça. Certains sont là pour prendre de l'argent, ils se foutent de la France. Jusqu'où iront-ils ? ». Les derniers temps, il gardait en permanence une arme chargée près de lui, normalement toute désignée pour son suicide, et… qui n’aura curieusement pas servi.
On peut aussi faire le lien avec son gendre, « suicidé sans aucun doute » le 11 juillet 1997, quarante-trois ans, dans la nuit de vendredi à samedi près de La Châtre (Indre), en se tirant une balle dans la tête. Le corps a été retrouvé par un promeneur samedi matin dans le bois de Bellevue. Philippe Brelot a utilisé une arme de chasse, a indiqué la gendarmerie.
Curieux aussi, ça. On chasse à la chevrotine dans le coin, à moins que ce soit une chasse au sanglier. Mais pas facile de se tirer dessus avec un fusil, quand même, à moins de se plier en deux et d’accepter par avance de mourir en se vidant de son sang avec un coup porté à la poitrine…
Lors des derniers mois de sa vie, François de Grossouvre invitait régulièrement des journalistes pour leur faire des confidences sur les dérives du pouvoir du Président de l’Union de la gauche, et il rédigeait des mémoires.

Encore un qui n’aura pas su se préserver à suivre la course du soleil de trop près, pense Paul.
« Isidore » : « I » comme Icare ? Paul arrive-t-il si près que ça du même soleil pour être la prochaine cible désignée du double attentat dont il a été victime en sus d’une tentative d’enlèvement.
Mais quel soleil ? Et pourquoi dès avant qu’il ne commence à fouiner dans des archives « top-secret » que le ministère lui a fourni ?

Puis la bonne idée lui vient enfin. Demain, c’est week-end de fin de saison. La période hebdomadaire où le Chef Rémarde quitte le domaine pour descendre « visiter sa sœur ». En fait, il se tape les putes du port de Toulon avec quelques copains de bordée depuis des années. Miss Lydia, son épouse, peut donc jouer « son numéro » de mère maquerelle en toute liberté, au lieu de flâner à ses lessives. Il lui en parle discrètement après le dîner.
« Lydia, vous avez toujours vos tenues de cuir ? » Bien sûr qu’elle les a, mais ne sait pas si elle entrera encore dedans, répond-elle l’œil soudain brillant. « Je pars récupérer ma moto et je passe vous prendre en fin de matinée pour une virée discrète et exceptionnelle, si vous voulez bien me rendre service. »
Bien sûr qu’elle veut bien « rendre service » depuis le temps qu’ils se connaissent, ce qui remonte à 2003, quand l’amiral avait flanqué Paul, devenu « Charlotte » dans le monde aéronautique militaire, aux arrêts après ses frasques afghanes. Arrêts qu’il avait faits ici même pour partie, avant de repartir pour Mururoa pour le compte de la DRM et finir par filer sa démission l’année suivante.
Bérégovoy attendra. Vol du soir jusqu’à Aubenas. Rapatriement de l’avion école à Chérence dans la nuit, puis route de retour jusqu’à Aubenas en moto avec escale dans un motel au bord de l’autoroute d’Auvergne.

…/ (Aparté n° 10) /…

Arrivée en fin de matinée du samedi pour relever les e-mails où il découvre celui relatif à Miho venant d’Emily : Le CV complet de l’espionne qu’il allait retrouver !
Plus les messages téléphoniques de Gijou qui dit de l’attendre à Fox. Elle arrive avec des instructions.
Elle trouvera le nid vide.

Lydia, l’œil brillant l’attend. Il lui explique brièvement la mission : « J’ai une prisonnière auquel je ne veux pas faire trop de mal mais qui doit me confirmer certaines informations. Motus et bouche cousue, secret défense et compagnie, bien sûr. Pas un mot à personne sur ce qu’on va faire et ce qui sera dit, hein ? Ni aujourd’hui, ni demain, ni même jamais ! »
Promis, craché juré, bien sûr.
Et ils s’envolent tous les deux pour le coffre d’amarrage sous le sémaphore de Saint-Florent qu’ils atteignent un peu avant midi.
Pendant le trajet, il explique à Lydia le scénario qu’il attend qu’elle joue pour lui.
« Bien sûr, il n’est pas question que je vous roue de coups. Mais vous, vous pouvez vous débattre férocement. Quant à la gégène, il vous faudra jouer la comédie et hurler comme si c’était bien une électrocution. Je veux que la fille soit impressionnée un grand maximum.
Et au final, vous aurez dit « non » à tout et je serai dans l’obligation de vous abattre. On ne va pas faire ça sous ses yeux, mais à l’étage. Le tout, c’est que quand je l’amènerai en lui ayant fait croire que je vais lui faire subir le même sort, il faut qu’elle vous croie morte, allongée dans votre sang.
Ce sera le coup de grâce émotionnelle. Si après ça, elle ne crache pas tout ce qu’elle sait, bé de toute façon, on rentre.
»
Lydia n’en demande pas tant. Ça lui plaisait assez, finalement cette séance de sadomasochisme, même simulée.
« Mais vous allez la tuer ? »
Non, même pas. Il suffit qu’elle croie fermement qu’elle va mourir.
« On la ramène ensuite à Fox, dans la nuit. Je suis sûr qu’on aura à la remettre aux agents du ministère arrivés entre-temps. »
Pas de problème !

…/ (Aparté n° 11) /…


Opération « Juliette-Siéra » (XXIII)

Vingt-troisième chapitre : Révélations…

Avertissement : Ceci est un roman, une fiction, une « pure construction intellectuelle », sortie tout droit de l’imaginaire de son auteur. Toute ressemblance avec des personnages, des lieux, des actions, des situations ayant existé ou existant par ailleurs dans la voie lactée (et autres galaxies), y compris sur la planète Terre, y est purement, totalement et parfaitement fortuite !

« Le sémaphore, ça n’existe même pas en rêve, vous vous souvenez de votre promesse, Lydia ! Quoiqu’il se soit passé, il ne s’est rien passé, il ne s’est rien dit, vous n’avez d’ailleurs rien vu, vous n’y êtes jamais venu, vous ne savez même pas que ça existe, ok ? »
Trop excitée au souvenir de ce qu’elle vient de vivre, de toute façon elle sera de retour au soir comme promis sans que personne n’en sache rien. Et elle pourra toujours expliquer qu’elle s’est promenée à la recherche de sa « belle-sœur putative » sans succès, où qu’elle a seulement accompagné le commandant de la fondation jusqu’à Rouen pour livrer des légumes frais et biologiques à « La péniche » de Mylène… elle aurait tout acquiescé de toute façon.
Maintenant que Paul sait ce qu’il doit savoir, il n’y a plus qu’à redonner forme décente à la coréenne encore sous le violant choc émotionnel qu’elle vient de subir, se croyant mourante et abandonnée, presque miraculeusement vivante, et la ramener à Fox où doit l’attendre la « Dominiquette ».
Il pourra même lui faire un rapport et tancer la conseillère régionale de la Cour des comptes.
Quelque part, ça tombe bien, il a son RDV avec Lardco à Paris lundi matin, et elle est censée être revenue au siège parisien dans la matinée.
Normalement, elle aura matière à affiner les recherches à suivre.
Sitôt le trio embarqué à bord de l’hydravion le téléphone portable remis en ligne fourmille de messages audios et scripturaux.
À la descente d’avion en pleine nuit, l’équipe en tenue de combat arme au ceinturon des commandos de marine de « Dominiquette » est sur les nerfs.
Où était-il ? Où est la prisonnière ? Qu’est-ce qui s’est passé depuis vendredi dernier ?
« J’ai débriefé la coréenne en la menaçant de la passer par-dessus bord au-dessus de la méditerranée. Il me fallait bien un copilote pour contrôler le pilote automatique, non ? » expliquant ainsi la présence de Lydia dans l’hydravion.
« Elle vous a appris quoi ? »
Un truc étonnant.
« Par on ne sait quel hasard, Miss Lidoire, vous savez ma « hackeuse » que vous avez croisée début août à Paris, nous a fait un coup tordu par inadvertance. »
Lequel ? Peut-être qu’elle va enfin savoir pourquoi on la tourne en bourrique depuis le début de cette mission de protection du bonhomme…
« Juste une bévue informatique. Elle a emprunté un « IP » qui correspond à une adresse informatique chinoise de Pékin ! Pas de chance, n’est-ce pas. Et je pense que je vais avoir d’autres précisions de sa part. Ce qui a déclenché une réaction via le seul agent asiatique pour qui j’aurai pu avoir quelques amitiés d’armes dans le temps, à savoir mon navigateur coréen lors d’un vol « top-secret » pour l’Otan qui a failli mal-tourner il y a quelques années. »
Ce sera en tout cas le contenu de son prochain rapport.
Là-dessus, coups de fil à Paris, confirmations, etc.
L’information circule de bas en haut.

Ordre est donné de rapatrier Mihado dans les locaux de la « Piscine », QG du ministère de l’intérieur qui prend le relais au grand dam de Solre, sans doute, à moins que ce soit lui qui soit « à la manœuvre ». Peu importe, finalement.
« De toute façon, je rentre sur la Capitale. J’ai un RDV matinal demain. Je vous offrirai bien de rentrer avec moi, mais il vaut peut-être mieux que vous vous occupiez de la coréenne, non ? » fait-il subrepticement à la Capitaine de corvette Gijou…
Il ne tient pas particulièrement à la garder sur son siège de copilote, l’agent-double ligoté derrière : elle prendrait soin de le cuisiner pour en savoir plus sur cette mission qui la promène à travers tout le pays sans rien y comprendre !
Déception visible dans le regard de « Dominiquette ».
Est-ce de devoir encore courir dans tous les sens, où seulement de se taper le sale boulot de convoyage sur 800 bornes ?

Arrivé au soir au siège social, Paul peut reprendre sa lecture des dossiers sur son ordinateur portable après s’être fait livré un repas du restaurant du coin, comme à son accoutumée.
Pierre Bérégovoy 13ème Premier ministre de la Vème République, du 2 avril 1992 au 28 mars 1993, successeur d’Edith « Lassalade » qui a chauffé la place à Édouard « Bat-la-mou », le mentor de l’actuel Président.
Ancien Ministre de la Défense, en mars 1993, ancien Ministre de l'Économie et des Finances de mai 1988 à mars 1992, Ministre des Affaires sociales et de la Solidarité de juin 1982 à juillet 1984, Secrétaire général de la Présidence de la République de mai 1981 à juin 1982.
Brillant parcours pour un petit bonhomme aux chaussettes tire-bouchonnantes qui ne payait pas de mine, né en décembre 1925, diplômé de la Faculté de droit de l'Université de Strasbourg (formation continue), pour avoir d’abord été « ajusteur-fraiseur » à la SNCF en 1942.
C’est en 1950 qu’il entre à Gaz de France comme agent technico-commercial à Rouen, puis obtient en 1957 sa mutation pour Paris. En 1972, il est promu chargé de mission à GDF pour y terminer sa carrière en 1978 comme directeur adjoint. La « grande secte des gaziers »…
Par ailleurs, il devient secrétaire national chargé des affaires sociales dans son parti politique en 1973 puis, à partir de février 1975, chargé des relations extérieures.
Élu maire de Nevers en septembre 1983 et pendant 10 ans, il en est aussi le député de 1986 à 1993.
Ce qui reste étonnant, une fois arrivé au poste de premier ministre, c’est son discours d’investiture à la Assemblée Nationale le 8 avril 1992 : il se présente d’emblée comme le chantre de la lutte contre la corruption affairiste et politique du moment, juste après la guerre du Koweït, exactement au moment où se situe l’affaire des puits de pétrole en feu.
« [...] Urgence, enfin, dans la lutte contre la corruption. [...] Avec le garde des sceaux […], je veux publiquement apporter mon soutien aux juges qui poursuivent la fraude, sans autre passion que le droit. On soupçonne certains hommes publics de s'être enrichis personnellement de manière illégale. S'ils sont innocents, ils doivent être disculpés ; s'ils sont coupables, ils doivent être châtiés ; dans tous les cas, la justice doit passer.
[...] J'apporte également mon soutien aux policiers qui travaillent consciencieusement sous le contrôle des juges pour traquer les corrupteurs.
[...] Toutes les procédures seront conduites à leur terme, dès lors qu'elles révèleront des actes frauduleux commis à des fins d'enrichissement personnel.
[...] S'il est des dossiers qui traînent, croyez-moi, ils ne traîneront plus.
[...] Croyez-vous que je prendrais la responsabilité de tels propos devant la représentation nationale - que je respecte - et devant l'opinion publique, si je n'avais pas l'intention d'honorer tous les engagements que je prends devant vous ? »
Et curieusement, il répond aux invectives de certains députés, en brandissant alors une feuille de papier et déclare : « Comme je suis un Premier ministre nouveau et un homme politique précautionneux, j'ai ici une liste de personnalités dont je pourrais éventuellement vous parler. Je m'en garderai bien !
[...] S'il existe encore des élus qui, à quelque niveau que ce soit et à quelque parti qu'ils appartiennent, ne respectent pas les nouvelles règles de financement de l'activité politique, qu'ils le sachent : le gouvernement sera impitoyable. »
Le dernier qui leur avait fait ce coup-là, c’était Danton…

En mars suivant, il est battu aux élections législatives après avoir essuyé quelques scandales en rafale sur son propre compte et ses amitiés douteuses et prolixes. Il est très vite rattrapé par le cas de Samir Tramoulsi, un financier libanais, ami de la famille qui, depuis 1989, se débat avec la justice dans l'affaire Pechiney-Triangle, encore un délit d'initié qui remonte autour de la fameuse compagnie pétrolière aujourd’hui absorbée qui aura servie à bien d’autres choses que de distribuer du pétrole en station-service. Même son directeur de cabinet semble impliqué…
Dans le même temps, éclate l'affaire du prêt Latpel, révélée par « Le Canard déchaîné », en février 1993. Il s'agit d'un prêt d’un million de francs, sans intérêt, que Pierre Bérégovoy avait reçu en 1986 de l’ami intime du Président des gauches-unies, pour l’achat d'un appartement à Paris dans le 16ème arrondissement. Or cet « ami » est lui-même impliqué dans l'affaire Péchiney-triangle, se retrouve au centre d'une autre affaire de corruption, concernant l’entreprise de travaux publics Heulin, au Mans, qui constituera elle-même le point de départ de l'affaire Urba.
Le 1er mai, Bérégovoy se suicide.

En fait, d’après le dossier, il est évacué encore en vie, et il meurt quelques heures plus tard, lors de son transfert héliporté vers l'hôpital militaire du Val-de-Grâce.
Bérégovoy est en effet retrouvé gravement blessé en fin d'après-midi le 1er mai 1993, presqu’un an avant Grossouvre, le long du canal de la Jonction à Nevers, victime d'un traumatisme crânien causé par un tir de revolver : autrement dit, son suicide commence par un long calvaire, incapable de « s’abréger » de lui-même.
Les pompiers de Nevers, prévenus par téléphone à 18 h 18, arrivent sur place vers 18 h 22.
L'enquête de police a conclu, de manière formelle, à son suicide au moyen de l'arme de service de son officier de sécurité…
Tout de suite, c’est le grand « Chabadabada » de la presse qui indique que « ses proches le décrivaient comme dépressif depuis la défaite de la gauche aux législatives de mars 1993 et la polémique à propos de l'achat d'un appartement à Paris grâce à un prêt à 0 % consenti par R-P Latpel ».
La meilleure vient quand même du président de la République d’alors, déclarant lors de ses obsèques : « Toutes les explications du monde ne justifieront pas qu'on ait pu livrer aux chiens l'honneur d'un homme et finalement sa vie, au prix d'un double manquement de ses accusateurs aux lois fondamentales de notre République, celles qui protègent la dignité et la liberté de chacun d'entre nous. L'émotion, la tristesse, la douleur qui vont loin dans la conscience populaire depuis l'annonce de ce qui s'est passé samedi
[...] lanceront-elles le signal à partir duquel de nouvelles façons de s'affronter – tout en se respectant – donneront un autre sens à la vie politique ? Je le souhaite, je le demande et je rends juges les Français du grave avertissement que porte en elle la mort voulue de Pierre Bérégovoy. »
Voulue par qui ?
En 2002, bien que la hiérarchie des Renseignements généraux déclare officiellement ne pas la tenir pour crédible, le quotidien « Le Parisien » fait état d'une note interne de ce service concluant à l'assassinat.
Signée par Didier Rouch, cette note de 27 pages, intitulée « L'étrange suicide », résume une contre-enquête réalisée sous la responsabilité de l'ex-commissaire des Renseignements généraux de la Nièvre de l'époque.
Ce dernier affirmera avoir travaillé pour le compte du directeur des RG, Y. Bertrand (et ses petits carnets sulfureux), qu’on retrouve dans les démêlés de « Clearstream » aussi, qui lui aurait demandé de creuser la piste du meurtre, en parlant notamment d'un « commando » chargé de surveiller Bérégovoy. Bertrand a catégoriquement nié cette version des faits. Selon ce rapport, Pierre Bérégovoy aurait été abattu par des hommes-grenouilles. L'argument le plus probant concerne le calibre de la balle tueuse qui serait différent de celui de l'arme de service supposée avoir été utilisée par Pierre Bérégovoy, ce qui serait en effet assez peu banal.
En 2003, puis en 2008, deux journalistes, signent chacun un livre dans lequel ils prennent parti pour la thèse de l'assassinat, affirmant que Bérégovoy aurait menacé de révéler des informations explosives.
Mais lesquelles ? Les fonds de la « division Daguet » ou ceux de l’affaire « Ferrayé » dont les montants ahurissants justifierait en effet « mort d’homme » pour en protéger la destination ?
Paul avait bien essuyé et le tir d’un tueur à gage et celui d’un missile…

En 2008, un documentaire diffusé sur France 2 en avril rejette cette hypothèse en prétendant lever les principales zones d'ombre sur lesquelles elle se fondait.
Le documentaire apporte une explication aux « deux coups » de feu entendus par certains témoins : le premier aurait été un coup d'essai tiré par l’ex-premier ministre (logique… Le « garde-du-corps », possesseur de l’arme, et le chauffeur, ne se sont évidemment pas rendus compte de rien alors qu’ils fumaient à quelques mètres de là en tournant consciencieusement le dos …), de manière à s'assurer du fonctionnement de l'arme dont il n'avait pas l'habitude !
Il révèle également que le directeur de cabinet de Pierre Bérégovoy à l'époque a subtilisé le répertoire de l'ancien premier ministre, du fait qu'il contenait des informations personnelles qu'il aurait été fâcheux de montrer à sa femme.
En revanche, un journaliste rapporte dans son livre de 2008, les confidences de l'ancien gendre de Pierre Bérégovoy, l'avocat Vincent Sol, concernant deux lettres que Pierre Bérégovoy lui aurait remises en main-propre quelques semaines avant sa mort, dont celle, qui lui était destinée, lui demandant de s’occuper de la famille après sa mort : mort qu’il pressentait ou seulement propos suicidaires ?
Dans la même optique, l’enquête diffusée en mai 2008 sur France Inter, a apporté les précisions de témoins qui n’avaient pas encore parlé : le responsable des pompiers de Nevers, un lieutenant-colonel, le docteur responsable du SAMU de la Nièvre, premiers sur les lieux, confirment le suicide, eux.
Sans apporter de précision sur la deuxième balle… enfin la première !
En mai 2008, un énième documentaire diffusé sur France 3, présente quand même certains éléments perturbants qui laissent persister le doute :
– Rétractation ou refus de parler de certains témoins,
– Déclarations invraisemblables du garde du corps et du chauffeur,
– Impossibilité d'accès aux scanners effectués à l'hôpital,
– Impossibilité d'accès aux résultats de l'autopsie,
– Police scientifique et technique écartée,
– Aveux de gendarmes reconnaissant que l'enquête était de pure forme,
– Cliché photographique semblant démentir la balistique officielle,
– Apparition en 2007 d'un témoin de la scène relatant la présence sur les lieux d’au moins deux personnes, manifestement militaires, bloquant l'accès à la zone au moment même des coups de feu, etc.…

Quand même curieux cette épidémie suicidaire qui s’abat sur ces gens qui ont fait de la résistance active, Grossouvre, Bérégovoy, dès qu’ils approchent « Dieu » en son palais se dit Paul !
Des hommes forts, intègres, aux longues carrières, qui ont essuyé des coups, mais qui meurent abruptement pour être écœurés par « les affaires », se préparant à révéler ou à lutter contre, les corruptions du moment.
« Soyons clairs ! » se précise pour lui-même Paul.
Est-ce l’époque des « grandes truanderies » au plus haut de l’État ?
C’est Taïwan, plus tard les sous-marins pakistanais, les ventes d’armes et de munitions dans les divers pays du Golfe.
Mais ce ne sont que des centaines de millions de francs ou d’euros, pas des milliards de dollars.
Avant, c’est de la gnognotte avec les affaires Urba et Cie, à peine de quoi se payer quelques campagnes électorales, quelques millions de francs.
Les caisses noires s’emplissent et se dissolvent au rythme des « bons coups », des restitutions d’otages, au Liban, au Tchad peut-être, des affaires Gordji, Eurodif, des mirages de Bagdad.
Et puis là, au début des années 90 ce serait le détournement de deux dizaines de milliards de dollars.
Comment ? Par qui ? Pourquoi ? Pour qui ?

Paul en apprend nettement plus le lendemain matin, dans le cabinet parisien de l’avocat de Ferrayé.
Est présent un dénommé Bossana, qui se présente comme un ex-expert-comptable.
L’entretien est amical, presque désinvolte et reste sur le mode « confidentiel ».
De Bréveuil se présente et explique qu’il est à la recherche des « milliards volés », mais pas pour rendre justice au client de Lardco : ils ne lui sont pas dus.
Éclats de rire de l’avocat. « Mon client a été victime d’une escroquerie et je compte bien qu’il soit dédommagé, volé par des aigrefins de passage au plus haut niveau de l’État ! Jusque-là, on le lui refuse et je suis moi-même menacé sur ma vie si je vais plus loin.
Votre « entrée » dans le circuit est nouveau et je ne sais pas encore si vous êtes cette « menace »… ».
Paul le rassure partiellement : « Je ne suis pas missionné pour rendre justice, même et surtout de façon expéditive. Je dois juste identifier, non pas les aigrefins, mais les détenteurs de ces sommes. Après, notamment l’usage de ces sommes, ce n’est plus mon travail. »
Les détenteurs ?
Mais ils sont connus des deux types, sûrs de leur fait.
« Ah ? »
« Pour nous c’est clair comme de l’eau de roche. Nous vous avons préparé un dossier avec tous les mouvements de fonds, les comptes et les noms. Je vous le remets : tout y est ! » fait l’avocat en poussant dans la direction de Paul un épais dossier, le seul et unique trônant sur le table.
« Bien sûr, il faut savoir lire. Il n’y a là que les intermédiaires, les commissionnaires. Les ramasse-merdes. Ils en ont gardé partie pour eux-mêmes au titre de leurs honoraires et commissions. L’essentiel est ailleurs. Et pour ça il vous faudra remonter par les fichiers « Clearstream » pour en savoir plus ! »

Les fichiers « Clearstream », les vrais, Paul les a. Non seulement Emily les lui avait procurés, manifestement venant depuis les bureaux de la CIA, mais toutes les affaires pendantes autour des frégates de Taïwan, les avatars et procès entre « balamouriens et rackchiquiens », les « secrètes » et celles qui étaient étalées dans les prétoires et sur la voie publique, au vu et au su de l’opinion publique qui s’en fout pas mal depuis tout ce temps, depuis plus d’une décennie, tournent manifestement et justement autour de ça.
Et Maître Lardco et son acolyte ex-expert-comptable, de raconter le détail de ce qu’ils savaient de comment les choses s’étaient passées.
L’invention, la démarche incongrue et néophyte de l’inventeur. Le pillage de son brevet par le ministre de l’industrie et des finances de l’époque, celui qui fait banquier mondial à Washington, les commissions et rétrocessions. Pas loin de 24 milliards de dollars qui s’évaporent dans la nature.
« J’estime à 20 milliards de dollars le montant détourné, disparu, volé. Au détriment et tout d’abord du Koweït.
Vous verrez, ils n’ont reçu, le 15 novembre 1996, du fait du Conseil d’Administration de la Commission d’indemnisation des Nations Unies dans le cadre du programme humanitaire « Pétrole contre nourriture », qu’une indemnité de 950.715.662 dollars, pour être précis et pour les frais afférents à la maîtrise des éruptions de puits.
Leur coût réel facturé par Red Adair. Vous pouvez vérifier.
Or, les opérations autour du brevet ont généré 23 milliards et 5 millions de dollars de mouvement.
Enlevez 10 % de commissions, frais et honoraires, il en reste 20 milliards. Le compte est bon !
»
Énorme, non ?
« Ce n’est pas tout. Le Ministre du Pétrole koweïtien fait le déplacement jusqu’à Matignon pour rencontrer le Premier ministre de l’époque, un 13 septembre 2000 si mes souvenirs sont exacts : Vous vérifierez dans les coupures de presse de l’époque, ou sur Internet.
Pour lui réclamer au nom de son pays une indemnisation de 22 milliards de dollars pour le coût supplémentaire engendré par l’utilisation de la méthode de mon client.
»
L’ex-expert-comptable rajoute aussitôt : « Cette somme correspond très exactement au devis envoyé en juin 1991 par mes soins au Directeur de la National Bank of Kuwait. Soit un peu plus de 19,4 millions par puits ou environ la moitié de la première estimation des opérations de soufflage/forage de puits en feu par la méthode de « Red Adair ».
Le bonhomme gère encore actuellement un fonds d’investissement (TMW Asia Fund) de justement 22 milliards de dollars.
Et, comme par hasard, le 27 septembre 2000, lors de sa 37ème session le Conseil d’Administration de la Commission d’indemnisation des Nations Unies, sur proposition de la France, 15,9 milliards de dollars ont été consentis à une compagnie pétrolière koweïtienne (K.O.C).
»
Ca veut dire quoi au juste ?

Je te prends 23,005 milliards d’un côté, je te paye l’extinction des feux de puits pour un peu moins d’1 milliard, et je te restitue via l’accord « pétrole contre nourriture » 16 milliards payés par Bagdad.
« Il en manque, non ? » D’autant qu’on en retrouve bien 22 à l’arrivée (23 moins le coût des équipes de Red Adair) dans le TMW Asia Fund… « Qui qu’a payé les 6 milliards, dont vous me dites qu’il faut compter 2 milliards de commissions et d’intermédiaires ? »
Ça, ils ne savent pas.
Mais en fait, ils récriminent Paul !
« Ce n’est pas tout à fait ça. Vous faites entrer dans une boîte noire 23 milliards… Vous payez 1 à Red Adair, vous payez 2 à vos intermédiaires. Et quand le Koweït réclame ses 23 milliards, les 1 de Red Adair sont payés par l’ONU, 16 également, le tout par la population irakienne, et 5 viennent d’ailleurs, de fonds secrets. Pas très important, puisqu’il vous en reste 15 en caisse noire ! »
Et perfide, l’avocat de rajouter : « Mais je ne suis même pas sûr que ce ne soit pas un tiers qui n’ait pas mis la main à la poche pour combler les trous. À mon avis, il se peut que les 5 + 16 aient été avancé par les caisses noires des USA pour calmer son allié koweïti. »
Ce qui expliquerait le déluge d’informations venant d’Emily : ils veulent récupérer leur argent, pense Paul. Et mettent la pression sur le gouvernement français.
« Où est tout cet argent ? »
« Cher ami. Si le gouvernement français vous charge de le retrouver en son nom, c’est qu’il ne l’a pas et ne l’a jamais eu. Donc, c’est quelqu’un d’autre, qui avait forcément pouvoir sur tous les autres. Je suppose que vous avez moyens de le vérifier. Si tel est le cas, qui reste probable, il vous faut aller voir du côté de deux supports juridiques de l’ancien chef d’État… Sa fondation et, ou, son trust anglais.
Le premier est une vitrine officielle dédiée à « sa mémoire », ici en France. Le second s’appelle « Solutré-Jarnac Trust » et a son siège à Londres.
»

« SJ », une nouvelle fois, « Sierra-Juliet », le verlan de « Juliet-Sierra », « SJ – Trust », mention déjà vu dans les listings d’Emily et de la conseillère de la Cour des comptes…
Solutré et sa roche. Solutré et son « pèlerinage ».
Jarnac, nom d’une petite ville dans le cimetière duquel repose la dépouille d’un Président de la République dans le caveau familial ?
Ou le « coup de Jarnac »…
Tout désigne donc bien, le même homme.

Mais pourquoi aurait-il fait une pareille horreur ?
Ce n’est évidement pas possible, quelqu’un s’est servi de lui, de son autorité, de son aura. Lui n’aurait jamais commis une pareille arnaque.
« Arsouille » peut-être, pour reprendre le mot d’un de ses prédécesseurs et réentendu à Malaga dans la bouche du « capitaine Haddock », à la plus haute magistrature du pays, ses proches et amis peut-être, ce qui expliquerait les « suicides » dans son entourage, mais pas lui !
Proprement impossible, pense Paul, bien évidement…


Opération « Juliette-Siéra » (XXIV)

Vingt-quatrième chapitre : Confirmations…

Avertissement : Ceci est un roman, une fiction, une « pure construction intellectuelle », sortie tout droit de l’imaginaire de son auteur. Toute ressemblance avec des personnages, des lieux, des actions, des situations ayant existé ou existant par ailleurs dans la voie lactée (et autres galaxies), y compris sur la planète Terre, y est purement, totalement et parfaitement fortuite !

Effarant !
Et pourquoi l’ancien Président décédé aurait pris le risque d’un pareil détournement personnel ?
C’est aberrant. Pas un homme de gauche, ce n’est pas possible s’insurge Paul dans son for intérieur.
Les deux hommes qui lui font face lui laissent le temps d’encaisser le « choc ». Et reprennent.
« Nous ce qu’on veut, c’est que notre client soit blanchi et plus inquiété par quiconque. Par ailleurs, il a engagé des frais pour faire valoir ses droits et exploiter son invention.
Il est bien conscient que les 24 milliards de dollars qui lui ont été volés ne correspondent pas aux services qui ont été rendus au peuple Koweïti.
Mais 10 % de droit d’auteur doivent lui revenir !
»
Et tiens donc !
Une prime d’aviseur d’un côté, des droits d’auteur d’un autre !
« Désolé Messieurs, je ne peux que transmettre vos doléances. Ce n’est pas moi qui dispose de cet argent. Et je ne l’ai même pas encore récupérer » fait-il pour toute réponse.
Et puis, cet entretien relève peut-être dans la grande esbroufe, après tout : comment un Président de la République, normalement au-dessus des contingences bassement matérielles peut-il mettre la main dans la caisse pour y puiser ce qu’il a envie et d’un pareil montant ?
« Oh là c’est très simple ! Il a suffit d’un ministre de l’industrie au fait des brevets déposés, et de quelques coups de téléphone pour « capter » les droits sur ces brevets, au moins quant au contenu. Avec une photocopieuse, le tour est joué.
Il suffit alors de mettre en jeu quelques intermédiaires qui n’ont rien à vous refuser, genre « Sir-vaine » capables de tout pour faire modifier, à lui en faire-faire un « 180° », une politique d’embargo sur les vente d’armes par un ministre bienveillant.
»
Juste réactiver des réseaux préexistants, en effet.

Et Paul a en tête les réseaux « A », « B » et « C » de l’affaire des frégates. Il a encore en mémoire les détails des « avatars » autour de « Clearstream », de l’argent qui se ballade par centaines de millions de dollars.
Il y a les 7 milliards (7,89 pour être précis) des indemnités de guerre jamais reçues ni du Koweït, ni de l’ONU pour « défraiement des troupes engagées ».
Tout ça signale bien un « réseau de blanchiment » fonctionnant au quart de tour : ce qui a marché pour 7 milliards, peut fonctionner pour plus du triple, bien évidemment.
S’il n’y avait pas eu en plus, les morts « suicidaires » autour du Président de la République d’alors, avec classement de première classe, du fait du manque de trace sous la dent, tout cela pourrait n’être que fantasmagories, pures spéculations romanesques, délires d’esprits complètement parano.
Mais voilà, il y a Grossouvre, l’ami de trente ans, écœuré de l’affairisme ambiant dans l’entourage de l’Élysée.
Il y a Bérégovoy et le prêt de R-P. Latpel et Tramoulsi, à ce dernier, qui lui a tant coûté de ne pas aller au bout de son discours de politique générale devant l’AN contre la corruption, comme pour lui couper les ailes, les lui brûler pour avoir été trop proche du soleil comme Icare, Latpel qui est aussi un « ami personnel et de toujours » du fameux Président.
Et l’ex-expert-comptable, de narrer son aventure : on s’est servi de son identité pour ouvrir des comptes, 6 au total, où ont transité sans qu’il ne le sache, presque 8,5 milliards de dollars et être fermés tout de suite après.
Il explique à Paul qu’il se bat de son côté pour faire ouvrir une enquête et être réhabilité après avoir été radié de l’ordre et empêché d’exercer son métier faut d’avoir payé une cotisation de 1.200 euros ! « Moi, le milliardaire putatif ! Vous vous rendez compte ! »
Il détaille ses emmerdements avec le fisc venu en rajouter une couche pour des prunes, les classements verticaux de ses plaintes successives par procureur de Paris, « celui qui a même reçu la légion d’honneur pour services rendus à la patrie » !
Gros sur la patate, le bonhomme en costard gris…
Paul est sonné quand il prend congé de ces deux là.

On est en plein délire : Maintenant, il faut retrouver, dans l’immense masse d’informations volées par Miss Lidoire, et l’autre base de données fournie par les patrons de Lison, les traces de ces sommes pour confirmation.
Soit d’avoir perdu son temps, soit la preuve que tout cet argent existe.
Mais alors vient et taraude la deuxième question, si la réponse est positive : Pourquoi ?
Dans quel dessein ?
Paul rentre tout tourneboulé par cet entretien matinal. Joëlle est toute bronzée et souriante. La secrétaire de Paul encore plus rouge que d’habitude, la faute au soleil dans les deux cas. Les traits reposés des gens qui rentrent de vacances avec des images encore plein les yeux.
Une tonne de paperasse sur la table de travail de Paul de Bréveuil : la saison a recommencé pour la MAPAE et on n’a toujours pas le premier rond pour poursuivre les travaux de recherche sur l’avion en céramique ! Un été pour rien à planer en tout sens à éviter d’éventuels tueurs…
« Joëlle, J’aimerai qu’à l’avenir, quand vous bossez pour moi, vous me disiez ce que vous faites. Je viens de me prendre le plus mauvais week-end de ma vie entre les gencives à cause de vous ! »
De moi ?
Joëlle note le vouvoiement soudain…
Et Paul de lui raconter que ces petits bidouillages, d’inventions d’IP fantôme, d’ID de « password » et autres billevesées, c’est très bien, mais pas quand on vole un IP d’un bureau de la police de Shanghai !
« J’ai failli être tué avec ce genre de conneries ! Vous ne vous rendez-pas compte !… »
À son tour d’être ébranlée sévère… Un vrai savon !
Elle ne sait plus quoi inventer pour s’esquiver avant même d’essayer de comprendre comment elle avait pu faire une erreur pareille. « Mes IP sont d’abord vérifiés avant d’être utilisés ! »
Eh bien ses vérifications datent : les choses ont pu être modifiées entre-temps. Les puces qui sont mis en route peuvent s’attribuer ces IP fantômes à n’importe quel moment.
Il faut qu’elle vérifie avant de les emprunter.
Bref, elle se fait engueuler un long moment, Paul rouge de colère de la peur rétrospective pour cause d’ânerie de débutant.

…/ (Aparté n° 12) /…

« Bien, il faut rester sérieux et professionnel. Nous n’en avons pas terminé. Il me faut tout ce qu’il est possible de savoir sur un trust anglais. À Londres. De sa création que je suppose être des années 90/91 à nos jours. Est-ce possible pour la fin de la semaine ? »
Pas folle la guêpe ! « C’est ce qu’on cherchait depuis le début ? »
Oui, et on l’a déjà dans les fichiers : « SJ trust ! Solutré-Jarnac trust… Mais il me faut le reste, tous les mouvements. »
« Solutré-Jarnac ? Ça me fait penser à quelqu’un, ça. Pas vous ? »
Que surtout elle ne pense pas. Jamais !
Secret défense. « On ne touche pas comme ça à n’importe qui sans réfléchir, avant, à une voie de sortie. Mais pour sortir, il faut savoir de quoi ce truc-là est fait ! »
Et d’expliquer que c’est peut-être une mauvaise piste. Alors pas d’emballement.

Joëlle se met au travail dans la salle de réunion au moment où le téléphone sonne.
Emily. « Je peux te voir en urgence ? » De quoi il s’agit ? « Encore un attentat imminent ? »
Non ! On lui a juste fait savoir qu’il a un agent-double depuis récemment dans son entourage.
« On te propose de l’exfiltrer rapidement en Allemagne sur une Base de l’Otan. »
Et puis quoi encore ? Elle arrive par la route à la « piscine » ou ailleurs et sous bonne garde.
« Désolé. Ça m’a un peu retardé, mais j’ai balancé son cadavre en Méditerranée hier soir. Je ne savais pas que vous en aviez besoin. Faut être plus rapide que ça, les amis, sur ces coups-là ! »
Toujours un répit de gagner avant qu’ils ne découvrent, à Washington, que c’est un bobard…
Joëlle n’en croit pas ses oreilles et en écarquille les yeux grands comme des soucoupes volantes !
Sur le coup, Emily ne sait pas quoi répondre non plus. Elle ne voit pas « l’amour de sa vie » en tueur à gage acharné contre quiconque : ça ne cadre pas avec ce qu’elle sait de lui.
« Mais t’en fais pas, tu diras à tes chefs que l’agent-double a confirmé l’histoire des pirateries de mon « hacker » personnel, qui vient de se prendre un savon monumental. »
Là, elle est complètement déboussolée. « Tu ne te souviens déjà plus de notre RDV dans la baie de Calvi ? Et des messages que tu m’as fait porter en urgence le soir du 15 août dernier ? »
Non, elle ne se souvient plus : un parfait agent de liaison, complètement cruche en plus…
« Puisque je t’ai au téléphone, dis donc à tes employeurs que je suis sur une piste. Mais qu’il faut qu’ils m’introduisent à London-city avec peut-être l’appui des autorités locales. Il se peut que j’aille y faire un tour avec un lasso et des pistolets à la ceinture, un de ces quatre. Autant ne pas être tout seul : plus on est de fous, plus on rigole ! »
Là, complètement larguée, la fille.
Mais ce sera peut-être l’occasion de rencontrer ses « guides naturels » à eux deux aussi.
D’ailleurs, Paul insiste : « Tu leur dis, hein ! Et ça me fait penser que j’ai rencontré un type très bien, y’a pas longtemps, assez loin d’ici et lui de ses bases. J’aimerai bien le rencontrer à nouveau, mais pas forcément pour le rodéo londonien. Plutôt après. Tu peux le lui dire aussi ? »
Quelques onomatopées embarrassées plus tard, elle réitère son invitation à déjeuner ensemble pour bien redire le message qu’elle a à transmettre.
« Écoute, j’ai plein de boulot à rendre. Je n’ai pas trop le temps de deviser avec toi. Et je te réaffirme que ton agent-double est à la flotte en train de se faire bouffer par les petits poissons : une glissade de mon hydravion. Il a oublié d’attacher sa ceinture et n’a pas maîtrisé les phénomènes d’appel d’air en haute altitude, c’est tout, mais c’est comme ça. Ok ? »
Faut vraiment passer à autre chose… Il raccroche donc brutalement.

Avant la fin de la matinée, c’est Isabelle Nivelle, la pédégère d’Aubenas qui appelle un peu catastrophée : Il y a grève générale à l’usine ! L’attentat de la mi-août a laissé des traces sur les peintures, mais également dans les mémoires des cerveaux échaudés du personnel.
Ils veulent savoir si le personnel de l’usine et des bureaux est en danger.
« Tu leur racontes que non. Mais pour les calmer, tu leur dis que j’arrive ce soir sur le coup des 18 heures et qu’on fait une réunion pour explication. Les délégués, les représentants syndicaux, les membres du comité d’entreprise et les chefs de service. »
Tout le monde alors ?
« Si tu veux. Une AG si ça les chante. Mais qu’entre-temps, on remette l’outil de travail au propre pour demain matin. »

Un peu plus tard dans l’après-midi, c’est autour de la « Dominiquette » de se faire introduire par la secrétaire de Paul dans son bureau.
Elle vient au rapport. Miho est à Satory au secret. « Faut faire gaffe à celle-là : les bleusailles des services secrets américains veulent lui remettre le grappin dessus. »
Comme elle n’a pas l’air de comprendre tout l’enjeu, Paul précise. « S’ils ne l’ont pas, ils vont la descendre ! »
Un agent d’une puissance étrangère de plus ou de moins…
« Pour le moment, je leur ai fait croire qu’elle est morte. Mais ça ne va pas prendre éternellement, surtout si elle ressort. Bref, on a peut-être une monnaie d’échange : il faut en avertir « le grand patron », depuis que je ne cause plus au mien ! »
Mais ça veut aussi dire que Paul bosse pour une puissance étrangère ? Ça vaut bien un rapport, ça !
« Ce n’est pas ça. Ça veut surtout dire que les ricains sont sur le coup et qu’ils tuyautent depuis le début. Je t’en ai parlé le mois dernier… mon « ex ». Elle fait trop agent de liaison de la CIA depuis le début pour ne pas me rendre compte que je suis piloté depuis Langley. C’est un fait, c’est comme ça. Alors autant que ça serve. »
Et c’est quoi, cette mission du ministère en relation avec l’allié américain ?
Toujours aussi curieuse, la « Dominiquette » : Elle n’en saura pas plus. Paul l’avertit seulement qu’il va devoir faire face à ses devoirs et charges envers la MAPEA qu’il dirige.
« Ce qui veut dire que mes déplacements vont redevenir prévisibles. Je me suis pris trois attentats, y compris sous les fenêtres de la DCRI alors qu’en principe personne ne savait où je me promenais, alors là, ça va vraiment devenir drôlement plus difficile d’assurer ma protection pour le service ! »
Et comme l’avant-dernière fois, c’était au missile, il va peut-être falloir mobiliser un char Leclerc avec des chenillettes anti-aériennes sur les autoroutes…
La perspective n’amuse manifestement pas le Capitaine de corvette Gijou. Qu’elle en choit réellement de la mâchoire.
« De toute façon, j’y vais ce soir, avec l’hydravion. J’ai des places pour des gars en tenue de combat équipés de l’artillerie d’usage… Départ 16 heures de Pontoise. Ah, et puis, va falloir assurer jusqu’au Royaume-Uni. Il se peut que j’aille y faire un tour… »
Là, c’est trop pour elle… Elle tourne le talon comme dans un demi-tour réglementaire et file, l’air furieux.
Une vraie tornade ce type.

Et Paul épluche le dossier remis le matin par maître Lardco et Bassano.
L’ex-expert-comptable niçois est en fait le héros malheureux d’une histoire très complexe liée à la Guerre du Golfe. Il s’est d’abord rendu compte qu’on s’était servi de son identité et de ses papiers pour transférer, via une banque hollandaise, des fonds provenant du Koweït.
Et puis les billets qu’il collecte au fil du temps sont très complets.
Paul en vérifie les détails dans les nombreuses bases de données fournies par Lidoire et Emily.
On y retrouve, datant tous de la même période, des mouvements de fonds « entrants » suivants :
Étienne T… : Banca dei Gottardo (États-Unis), compte n° 191.974 : 5.263.000.000 US $ ;
François C… : UBS (Genève), compte n° 248.466.71 : 710.000.000 US $, VOLKSBANK (Fribourg), compte n° 240.075.7739 : 1.280.500.000 US $ ; Bank America International (New-York), compte n°393.72139 : 1.750.000.000 US $ ;
Serge R… : BNP (Luxembourg), compte n° 63.114.887 : 1.320.000.000 US $, BNP (Luxembourg), compte n° 52.195.582 : 50.000.000 US $, BNP (Luxembourg), compte n° 165.964 : 3.363.600 US $, UBS (Genève), compte n° 564.911.DF : 380.000.000 US $, UBS (Genève), compte n° 20.087 S : 410.000.000 US $, Bankgesellschat (Buelach), compte n° 80.5696.7 : 300.000.000 US $;
Fouad H… : Lloyds Bank (Genève), compte n° 952.655 : 563.200.000 US $, Kreddietbank (Genève), compte n° 195.583 : 109.000.000 US $, UBS (Genève), compte n° 22.633 M : 690.000.000 US $, Citibank (Londres), compte n° 400.515.018 : 130.500.000 US $ ;
Victor G… : ABN AMRO Bank (Rotterdam), compte n° 18.157 : 29.500.000 US $, SBS (Genève), compte n° 15.018/C.3.112.957 : 650.000.000 US $, SBS (Genève), compte n° 16.287/C.3.112.957 : 715.000.000 US $, SBS (Genève), compte n° 15.018/C.3.112.957 : 9.000.000 US $, DANER HENTSEH & Cie (Genève), compte n°10.465 : 13.000.000 US $, ABN AMRO (Basel), compte n° 1.068.635 : 1.420.000.000 US $, BMB (Genève), compte n° 7915 : 2.485.000.000 US $, Royal Trust (Toronto), compte n° 436.543 : 1.811.000.000 US $, First Interstate Bank (New York), compte n°477.925 : 1.200.000.000 US $, First Home Bank (Grand Cayman), compte n° 392.857 : 1.122.000.000 US $ et enfin UBS (Genève), compte n° 231.215 : 381.987.200 US $
Pour un total hallucinant de vingt-deux milliards sept-cent-quatre-vingt-seize millions et cinquante milles huit cents $ US...

Et Bassano de préciser dans une note jointe au dossier que, malgré les pressions et les menaces, il a été le seul à refuser de signer ses lettres d’instruction bancaire préparées par les notaires car il avait compris (de par mon expérience d’auditeur de banques notamment à Monaco) : la manipulation et le piège pour déposséder totalement les Ayant-Droits Economiques Réels (clients « effectifs ») de la possibilité de regard, par rapport aux sommes versées sur chacun desdits comptes. Ce que n’ont pas comprit à temps les autres ADER, qui furent malheureusement à l’époque, tous manipulés par leurs avocats respectifs.
Une note plus loin est cité le montant total des comptes légalisés par les notaires s’élève à : 23.005.341.300 US $. Il manque donc 209.290.500 dollars ! Le prix des commissions diverses, se dit Paul. À peine 9,09 pour 1.000…
Paul cherche dans ses fichiers, avec une requête Access, les mouvements sur ces comptes depuis 1991.
Tous sont effectivement soldés, à 1 % près au total au profit de « SJ Trust »…
Ça et les 7,89 milliards, on devrait donc trouver 30,895 milliards dans les comptes du trust de droit anglais.
En tout cas en mouvements d’entrée. Quant aux sorties, c’est à la conseillère régionale de la Cour des comptes de lui faire un topo complet d’ici quelques jours.


Opération « Juliette-Siéra » (XXV)

Vingt-cinquième chapitre : Descente à Londres

Avertissement : Ceci est un roman, une fiction, une « pure construction intellectuelle », sortie tout droit de l’imaginaire de son auteur. Toute ressemblance avec des personnages, des lieux, des actions, des situations ayant existé ou existant par ailleurs dans la voie lactée (et autres galaxies), y compris sur la planète Terre, y est purement, totalement et parfaitement fortuite !

À Aubenas, Paul est accueilli par un piquet de grève : forte impression les « g-men » en treillis autour de lui ! Pas fait pour détendre l’atmosphère, ce genre de chose.
« Bon, tout le monde à l’atelier ! Je vais à l’échelle de coupée des bureaux pour vous voir tous ! »
Il en profite pour passer en enfilade tous les bureaux, direction les WC. Isabelle Nivelle le suit jusque-là, encadrée par deux gorilles des commandos de marine.
« Tu vas leur dire quoi ? Qu’est-ce qui se passe au juste ? Pourquoi tu n’as pas donné signe de vie depuis ton dernier passage ici ? ». La rengaine des femmes flouées, abusées, au courant de rien.
« Tu vas savoir ! »
C’est qu’ils sont tous remontés, d’abord inquiets, ensuite manipulés par les deux syndicalistes virulents qui ne manquent jamais une occasion de se faire mousser, de faire du bruit pour pas grand-chose.
Ceux-là, on n’est pas encore arrivé à les virer, mais il va falloir s’en occuper sérieusement.
Il faut dire aussi que Paul aurait dû prévoir la réaction au tir de missile sur la voiture de direction de l’été alors qu’il passait en catimini. Mais il a eu tellement de choses à régler en même temps, qu’il a oublié d’y songer.
« L’usine et son personnel ne sont pas en danger ! Cet attentat ne visait que moi et encore, ce n’était sans doute qu’un avertissement. »
« Nous devons rester vigilants. Vous savez combien notre outil de travail, nos savoir-faire, notre bureau d’études et de recherche importent aux yeux de certaines puissances étrangères. »
« Toutefois, je suis en passe de finaliser une mission « secret-défense » qui m’est tombée dessus avant mon départ en vacances. Elle m’a été imposée, bien qu’elle n’ait rien à voir, afin de garantir les financements de nos projets. Ceux que vous connaissez plus ou moins ici même et qui concerne notre avenir collectif. Bien sûr, en l’acceptant pendant que vous vous reposiez au soleil, je n’avais pas imaginé une seule seconde qu’on, en viendrait à faire le coup de feu jusqu’à ici même. »
« Depuis, les autorités ont pris les mesures nécessaires pour nous protéger tous, y compris moi-même » dit-il en désignant du menton les deux garde-du-corps.
« Car c’est plus moi et ce que j’ai dans le crâne qui reste visé. Aussi, pour ne pas vous mettre en danger d’actions qui pourraient avoir des effets collatéraux dont vous pourriez, tous ou chacun être victime, je repars rapidement loin de vous par les yeux, mais reste proche par le cœur, rassurez-vous ! »
« Tout ce que je vous demande, c’est de reprendre le travail selon les plans de charge prévus, exactement comme si de rien n’était : Vous n’êtes pas menacé, ni même l’usine Vous n’êtes pas concernés, ni vos familles. Ce n’est que moi qui suis visé, et je reviendrai comme à l’accoutumée dès que cette affaire sera pliée, rassurez-vous ! »
Pas très rassurant.
Au point qu’il faut poursuivre en Comité d’entreprise « élargi », laissant la plupart rentrer chez eux pour leur première journée de « travail ».

Les membres du comité sont plus incisifs. De quoi parle le patron ? Par qui il est menacé ?
« Je ne peux guère vous en dire plus que tout à l’heure. Vous seriez immédiatement consignés au secret. Et je pense qu’on vous attend à la maison ce soir. Après tout, la rentrée des classes, c’est demain. »
Que se passera-t-il s’il décède ?
« Vous savez que c’est prévu. Personne, ici n’est immortel. »
Il a déjà expliqué qu’Isabelle Nivelle restait la Présidente et qu’un nouvel administrateur serait trouvé par qui de droit pour l’épauler.
« Mais si par hasard vous êtes tous les deux tués dans un nouvel attentat ? »
Ils ne sont jamais ensemble, sauf pour les Conseils d’administration parisiens et ici quand ils y travaillent, où tout le monde aura à cœur de déjouer toute tentative…
Et l’usine, son activité, ses projets ?
« Le carnet de commande est plein jusqu’à Noël. D’ici là, comme il y a des troupes qui se battent, il y aura des commandes supplémentaires pour le trimestre prochain. Par ailleurs, notre projet « Harpagon » (l’avion en céramique) peut continuer d’avancer. Nous avons les fonds jusqu’à la fin de l’année. Et je compte bien qu’on nous remettre une rallonge importante si j’aboutis rapidement dans l’affaire qui vous préoccupe. Il se trouve qu’elle est pilotée par le ministère, celui-là même qui nous finance : je ne pouvais pas refuser d’y prendre ma part de responsabilités. Pour vous, pour nous. »
Bref, il faut avancer selon le calendrier prévu, tester les parties chaudes mobiles tel que cela avait été défini en mars dernier.
« C’est aussi une question de crédibilité et de transparence. Nous devons faire ces tests et ainsi faire sérieux : Dire ce qu’on fait et faire ce qu’on dit. »
« Dites-nous ce que vous faites pour le compte du gouvernement, alors, et vous deviendrez crédible, patron ! »
Aaah, l’homme de la dialectique cégétiste !
« Désolé Jean. Tu vois les hommes et femmes en arme autour de moi. Eux non plus ne savent pas. Et pourtant, ils me font confiance et sont près à faire feu sur n’importe quelle menace ! »
Raclement de gorge de « Dominiquette », qui sonne fort dans le silence qui vient de se faire.
« Quoi ? Vous ne vous feriez pas tuer pour moi, Commandant ? »
Toute rose, empourprée du visage par l’effet inattendu de son raclement de gorge, elle explique que si on pouvait éviter d’en arriver là, elle en serait fort satisfaite.
Rires complices autour de la table.

La séance est levée.
C’est autour d’Isabelle de tenter de demander des comptes, sitôt Paul retourné dans son bureau.
« Écoute, Patronne ! Je ne peux pas t’en dire plus. Tu gères la boutique comme d’habitude. Moi je file : j’ai des dossiers en retard. On se joint par portable et Sms. Je refais surface dès que tout est terminé ou si tu as besoin de moi dans l’urgence comme ce midi. »
Et Paul s’engouffre avec sa suite armée sur les talons, Gijou en tête, dans les véhicules prêtées par la gendarmerie locale, direction l’aéroport.
« On file à Fox ! Au moins, je pourrais vous loger tous… »
Une fois arrivé à bon port et après un repas servi sur le pouce par Lydia, il s’enferme dans son bureau.
Le Capitaine de Corvette Gijou fait son rapport à ses supérieurs : la situation est redevenue « stable » et calme.

« Tu penses ce que je pense ? » Les deux hommes, assis à une table basse des salons discrets du cercle Interarmées de la place Saint Augustins sont au diapason : « Je conclue ce que tu conclues. » Et l’autre de reprendre : « Mon ami, vu ce que nous voyons, entendu ce que nous entendons, compris ce que nous comprenons, pensant ce que nous pensons, nous avons raison de conclure à ce que nous concluons ! » fit sentencieusement l’homme du château.
L’enquête a avancé comme jamais, mais « on est très pressé de conclure, au sommet de l’Etna ! »
La « crise » est passée par-là, les plans de relance de l’économie et de soutien des banquiers fleurissent partout dans le monde occidental.
« Il va y avoir un sommet à Pittsburgh à la fin du mois. C’est l’occasion pour le patron de rencontrer son homologue américain. Et il tient absolument à apporter des réponses précises à tous ces messieurs de Washington. »
Voire des solutions d’ici décembre.
Car, désormais, tous les deux soupçonnent que les fonds disparus depuis les années 90 existent bien. « Si Charlotte demande à aller opérer en Grande-Bretagne, c’est qu’il a des raisons. »
Oui, mais !
« Tu te rends compte des retombées d’une opération barbouzarde chez sa royale majesté ? Il faut absolument que cela se fasse sous contrôle des autorités locales. »
Une petite communication d’ambassade et un appui d’Interpol ?
Absolument : on ne peut pas faire autrement.
« Mais tu sais aussi ce que ça veut dire, si par hasard la pêche est bonne ? »
Bien sûr qu’il sait ! Il l’a même évoqué avec le Secrétaire général de l’Élysée. « On va devoir mettre en grande difficulté toute une partie de la classe politique. Et à l’avant-veille d’élection régionale, ça la fiche mal ! »
« Rassure-toi. En haut, ils veulent rester discrets. Tu comprends, la doctrine de « Rackchi » est toujours en vigueur. Pas de versement de commission à autoriser si elle concerne des nationaux. Donc pas de vague : on doit faire comme si cela n’avait jamais existé ! »
Puis, réfléchissant un moment, il reprend : « L’idéal serait que « Charlotte » nous trouve une solution. »
À quel problème ?
« Je résume. De l’argent disparaît. « Charlotte » le retrouve vingt ans plus tard. Admettons qu’il soit en position d’en disposer. Soit on le rapatrie dans les comptes du Trésor, mais ça va se voir. Et si ça se voit, il y aura bien quelqu’un pour poser la mauvaise question et déclencher un cataclysme politique. Or, j’ai cru comprendre qu’on aurait encore besoin d’une opposition crédible. Et puis j’avoue que si tremblement de terre il doit y avoir, il est clair que se seraient nos racailles de trotskistes-écologiste qui en profiteraient et nous serions tous en danger. »
Donc, il ne faut pas le rapatrier en direct.
« Certes, mais comme il appartient au pays, qui a, comme tu t’en doutes déjà, de lourdes difficultés financières, il faut quand même le rapatrier. D’autant mieux que les américains souhaitent leur part. Il semble, il semble seulement, c’est un point à confirmer, que notre Président ait reconnu il y a deux ans, le principe d’une dette à l’égard du Trésor américain. Une dette évaluée à 15 milliards de dollars. Ne me demande pas comment ni d’où elle vient. Mais elle existerait également ! »
Espérons que l’un compense au moins l’autre…
« Et alors ? »
À « Charlotte » d’élaborer une solution.
« Et comment lui fait-on part de ces instructions-là ? Et crois-tu qu’il en sera capable ? Ne serait-ce pas plutôt le travail des agents de Bercy ? »
Capable ? Pourquoi pas : il a bien été capable de retrouver une piste perdue depuis tant d’années.
« Et ce n’était pas gagné, souviens-toi ! »
Que Bercy pilote ou contrôle l’opération, pas de doute. « Mais à tout peser, idéalement et si on peut faire confiance à « Charlotte », autant que le moins de monde possible soit au courant à Bercy. Je préférerai nettement qu’il pilote et que Bercy contrôle. Parce que si Bercy pilote, qui va donc contrôler ? »
Faire confiance à « Charlotte » ? À part l’épisode de fin août sous les fenêtres de la DCRI et sous leur nez à eux deux, avec l’espionne Coréenne, il n’y a pas eu de bavure, jusque-là !
« Où est-elle, d’ailleurs, cette espionne ? » Au secret.
« En fait, elle a confirmé le rapport indirect fait par « Charlotte », via le Capitaine Gijou et le Colonel Solre. Sa mission ultime, c’est de noyauter les activités de la MAPAE, directement dans l’entourage de « Charlotte ». Je crois qu’on va décider de la renvoyer entre les mains de « Charlotte ». Comme ça, on pourra mieux enfumer les coréens et donc les chinois qui sont sans doute derrière ».
Mais ce n’est pas encore décidé : le Service du contre-espionnage aime bien l’idée d’avoir un agent retourné sur place, mais pèse les risques de vraies fuites. Or, il y a un projet secret d’avion de combat du futur dans les ateliers à Aubenas. Les drones, le projet le plus important pour les forces armées, sont logés ailleurs, même si Aubenas y participe. Un bon écran de fumée, en somme.
« Quant à lui passer la consigne, mais tu as tout le personnel qu’il faut au ministère, mon vieux : un officier général, son adjoint. « Isidore », c’est l’armée, non ? Tu te débrouilles avec ! »
Évidemment, pense pour lui le représentant du ministère de la défense : les corvées, toujours pour le boulevard Saint-Germain.

Charles Almont exulte dans son bureau de la banlieue de Washington !
Un rapide, « Charlotte » : s’il veut aller à Londres, c’est qu’il a retrouvé les fonds. Logique, Londres. Les pistes de la maison s’évaporaient toutes au-dessus du Channel. Blocus instantané des autorités financières londoniennes. Comment lui avait-il pu passer au-dessus ? Extraordinaire ce gars-là !
Quant à lui donner un coup de main sur place, bien sûr qu’avec les liens que le Service entretient avec le MI6, il n’y aura pas trop de problèmes.
Peut-être pas avec « un lasso et des pistolets à la ceinture », mais c’est l’occasion de contrôler le bonhomme dans ses excès : le coup de l’agent coréen qui passe par-dessus bord, c’est bien la preuve qu’il a un « côté sanguin » irrépressible.
À moins que ce soit un « faux-nez » ? Car ça ne cadre pas trop avec le personnage : à suivre.
Quant à le rencontrer après, eh bien non. Ce sera pendant l’opération. Il fera le déplacement et très vite pour préparer le terrain et être en mesure de réagir sur place.
Si encore l’agent Lison avait pu lui dire où et quand…
Nulle, cette fille-là !
Il s’appuiera donc sur son équipe, qui a localisé « Charlotte » dans le haut-var après son passage dans l’Ardèche : elle donnera le top départ !
Il a un peu de temps de se préparer un petit séjour « aux oignons » dans la City.

Le reste de la semaine se passe un peu dans une atmosphère curieuse, où chacun se regarde en chien de faïence, s’isole et ne pipe mot : à chacun sa place.
Grâce aux renseignements pris ici et ailleurs, à la veille de la gendarmerie locale, on sait qu’il n’y a pas de coréen dans le secteur. Mais quatre bonshommes, dont deux au fort accent anglais qui surveillent à tour de rôle les allers-et-venues sur la route qui mène au domaine où Paul s’est réfugié. Pas très discrets. Et identifiés comme des attachés « culturels » de l’Ambassade de la Place de la Concorde.
Le jeudi, on annonce l’arrivée de la conseillère de la Cour des comptes présentée au Capitaine de corvette Gijou comme la « hackeuse » de service.
Et Paul de s’enfermer avec elle dans le huis clos de la pièce du haut. Aux jumelles, ils bossent, avant qu’elle ne reparte.
Son travail confirme à Paul que le trust visé est bien celui recherché.
Lui-même, piloté de Londres par un vieux Lord britannique, membre des Lloyd’s depuis des générations, possède une ribambelle de comptes, au Luxembourg, en Suisse, en France, à Guernesey, aux Bahamas et en Angleterre.
Des sommes importantes arrivent en rafale depuis le début de l’année 91, depuis les comptes qui sont identifiés à la fois dans les fichiers piratés par Miss Lidoire, mais également dans ceux qui ont été remis par Emily à Calvi. Puis encore et bien plus dans le courant de l’année 92.
Et le tout par les fameuses plateformes interbancaires dont les fichiers piratés permettent de faire les corrélations, toutes les corrélations, grâce aux dates des opérations.
Consternant, avec le recul, que les fichiers « Clearstream » ait servis à tout autre chose !
Pas tout-à-fait 30 milliards de dollar… Quelques dizaines de millions se sont donc encore évaporées au passage !
Mais ça ressort de 1992 à 1994. Pour aller se placer dans trois catégories d’actifs. De la dette publique française d’une part et régulièrement renouvelée depuis à presque chaque émissions/remboursements de papier OAT émis par le Trésor français.
Des titres de sociétés françaises, actions, obligations, convertibles ou non en action, des fonds de créances, des sicav, des FCP, tous émis et gérés par des banques françaises, nationalisées à l’époque.
Et enfin, des sociétés civiles, forestières, lagunaires et quelques immeubles gérés sous forme de SCPI de bureaux et de locaux commerciaux, ou en direct, par SCI interposées, pour des locaux d’habitation dans des grandes villes, ou des domaines agricoles.
Gestion impeccable de « bon père de famille ».
Les dividendes, intérêts, loyers, plus-values perçues sont intégralement réinvestis sur des supports similaires à échéance longue, et dans les semaines qui suivent leurs versements.
Hors les commissions du gérant trust.
« Depuis 20 ans, ils ont ainsi touché plusieurs dizaines de millions d’euros. La valeur capitalisée totale, à date d’aujourd’hui est de 35 à 36 milliards d’euros. Tout dépend de la valorisation des immeubles à la revente » signale Joëlle.
« Ça veut dire que jamais une personne physique, une fondation ou une institution quelconque n’a touché quoique ce soit de cette fortune depuis tout ce temps ? »
Réponse indubitablement positive : jamais.
Voilà bien un mystère que Paul compte éclaircir rapidement. Il saisit son téléphone, compose le numéro du siège londonien du gérant du trust et engage la conversation avec son meilleur anglais.
« Je souhaiterai parler à Lord Thornner, please ! »
Milady Joan Thornner. Lord Arthur est décédé depuis plus de 5 ans. Elle n’est pas disponible actuellement.
Devant l’insistance de Paul de Bréveuil, rendez-vous est fixé au lendemain matin, dans les bureaux de la Compagnie.
Branle-bas le combat ! Joëlle est renvoyée à Marseille auprès de ses collègues habituels et sa petite famille. « Dominiquette » est sollicitée pour passer la nouvelle en « haut-lieu » et annoncer son déplacement imminent à London-city. Rémarde et ses équipes arment l’hydravion pour un vol à City-Airport dans la soirée.


Opération « Juliette-Siéra » (XXVI)

Vingt-sixième épisode : Rencontres londoniennes

Avertissement : Ceci est un roman, une fiction, une « pure construction intellectuelle », sortie tout droit de l’imaginaire de son auteur. Toute ressemblance avec des personnages, des lieux, des actions, des situations ayant existé ou existant par ailleurs dans la voie lactée (et autres galaxies), y compris sur la planète Terre, y est purement, totalement et parfaitement fortuite !

Le Sofitel de St James-Square, sur la Regent street à deux pas de Piccadilly-Circus, est parfait. Si tôt arrivés, les Capitaines de corvette Gijou et de Bréveuil investissent avec leur escorte la suite disponible qu’on leur loue pour le week-end.
« Dominiquette » organise comme elle peut les tours de garde, pendant qu’elle passe en urgence au consulat chercher des compléments d’instruction et des armes : un coup à se faire arrêter rapidement dans une ville bigarrée ou se côtoient des boubous et autres têtes de taliban ou de Sikh enrubannées avec des parfaits descendants de cousins des Windsor sortis tout droit de la garde-robe d’Oxford ou de Cambridge. Étonnant mélange.
D’autant mieux que le parc public voisin retient toujours le chaland par de nombreux « prédicateurs » sous le regard bon-enfant des « Bobbies » !
Paul, habitué à vivre de chemises froissées engoncées à la « va-que-je-te-pousse » dans son baise-en-ville qui voyage au fond de son hydravion ou dans le top-case de sa moto, décide d’aller faire un tour chez un tailleur du quartier : histoire de ne pas faire trop dépenaillé devant la Milady du lendemain.
À son retour de soldes, le concierge de l’hôtel lui indique qu’il est attendu au fumoir… qui ne fume plus.
Charles Almont, averti en catastrophe de l’arrivée de « Charlotte », lit le « New-York Times » dans un des confortables fauteuils. Les deux hommes se reconnaissent.
« Mister Juliet-Sierra ! Quel bon vent vous amène jusqu’ici ? Mon hydravion peut redécoller d’ici une heure ! »
Il ne s’agit bien évidemment pas de ça.

L’américain vient mettre les points sur le « i ».
Oui, c’est lui qui pilote l’opération, mais depuis bientôt 10 ans, tout ce qui touche la France. L’affaire des milliards de la division Daguet, ça l’a rendu malade plus qu’à son tour.
« Quand nous avons eu la conviction que votre Président d’alors les avait détournés à son profit, vous pensez bien que nous avons fait le nécessaire pour que ça ne se reproduise plus ! »
Ils savaient à l’agence, l’avancement de la deuxième équipe de cohabitation sur le marché des sous-marins de Karachi. « Et nous avions fait savoir aux deux candidats déclarés de la droite qu’il n’était pas question que cela se reproduise. D’abord parce que ce n’est pas digne d’une grande démocratie telle que la vôtre. Ensuite parce que nous craignions que cet argent aille alimenter le marché des stupéfiants… »
L’un a fait mine de ne pas entendre. L’autre s’est engagé à bloquer toute les commissions occultes. « Et devinez qui donc a pu gagner les élections de 1995 ? Celui de la bonne réponse ! Malgré nos intérêts objectifs pour l’autre… »
Comme quoi, chez les américains, l’engagement politique plie sous le pragmatisme ambiant.
« Notre problème a ensuite été de retrouver des financements pour le rachat des frégates de Taïwan. Manifestement, les 3,5 milliards de dollars, contrairement à ce que nous avions espéré n’ont pas été mobilisés. D’ailleurs, nous en avions perdu la trace dans les fichiers « Clearstream ». Mais vous allez m’en dire plus sur le sujet, j’imagine ! »
Il imagine mal, se dit Paul.
« Et puis il y a eu les questions du Koweït, nous accusant d’avoir surfacturé, à tort, le prix de l’extinction des incendies de leurs puits. Ils ont sollicité nos services. Nos sociétés étaient parfaitement en règle. Ils sont allés voir votre premier ministre de la dernière cohabitation, le trotskiste soi-disant repenti, aux cheveux blancs, votre homme du « sous réserve d’inventaire ». Pas de trace de l’argent de l’escroquerie dont ils avaient été victimes. Alors c’est nous qui les avons dédommagés, via l’Otan pour partie, via l’Onu pour un petit bout, via les bénéfices douteux de l’accord « pétrole contre nourriture ». S’agissant seulement d’une avance, vous admettrez qu’il nous faut récupérer cet argent ! »
Paul n’admet rien du tout, ni quant à une prime d’aviseur, ni quant à des droits d’auteur, ni quant à une avance de quoique ce soit.
« Je ne suis qu’un exécutant, Monsieur le Directeur… »
Que peut-il pour lui ?
« J’ai la conviction que vous avez remis la main sur la piste de cette fortune divagante. Je ne sais pas encore si vous serez dans la capacité de nous rembourser les 15 milliards de dollars dus, mais je suis venu vous apporter notre concours en m’assurant également du concours du « Foreign office ». Si vous êtes venus en urgence jusqu’à Londres, ce n’est sans doute pas pour les beaux yeux de leur Reine, ni même pour les charmes des londoniennes. »
Bien évidemment que non. Mais il a plusieurs questions demeurées sans réponse.

Lesquelles ?
« D’abord le rôle de l’agent Lison ? »
Un agent de liaison uniquement. « Commode en plus, puisque vous la connaissiez d’auparavant ! »
Les tentatives d’assassinat sur sa personne ? « Du pipo ! Il s’agissait seulement de mobiliser vos pandores : seuls, vous n’y seriez pas arrivés, malgré notre informateur. En définitive, ça ne vous visait pas, mais seulement vos chefs. Qu’ils vous prennent au sérieux et ne vous laissent pas tomber au milieu du gué par lassitude ou un autre motif entre-temps, comme à leur accoutumée proportion habituelle. »
Et d’expliquer : « Vous savez, on en a tellement vu depuis 15 ans sur ce dossier, des Rackchiquiens ne s’en en préoccupant même pas, des Pindevillistes nous tirant des bras d’honneur, droit dans leurs bottes alors même qu’on leur avait fait savoir que nous ne voulions pas d’eux en Irak tant qu’ils n’auraient pas remboursé les sommes dues, qu’on en a fait, des choses pour rien. »
Et le sous-directeur Almont de raconter l’affaire des fichiers « Clearstream ». « Ces imbéciles, au lieu de s’en servir pour faire le travail de recherche que vous avez dû faire cet été, de s’en servir pour s’entre-déchirer, ce n’est quand même pas banal ! »
Mais taire les opérations AZF et des balles de 9mm…
« Attendez, Monsieur le directeur, si vous saviez par où étaient passées ces sommes, à savoir la banque de compensation luxembourgeoise, vous saviez donc où elles étaient arrivées, non ? »
Non…
« On savait que le nœud était sans doute ce trust de droit anglais. Bien sûr : d’où votre nom de code à Kandahar, qui est en fait le nom de code de l’opération de votre soutien ! »
Alors qu’outre-manche, c’est « Isidore », avec un I comme Icare… Curieux ces idées bizarres d’envoyer des messages subliminaux à travers des noms de code.
« Mais ça ne cadrait pas : Il y a bien trop d’argent sur ce trust. Et en plus de l’argent dont on n’a retrouvé aucune trace en retour à des fins illégales ! C’est par ce trust qu’il vous fallait commencer. »
Il faut concéder qu’il y a en effet un mystère quant à la finalité de cette montagne d’argent.
Trop d’argent, Paul se retient de lui expliquer que non, au contraire. Et il devait savoir, l’agent Almont, puisqu’il prétend se faire rembourser son pays à « avancer » 15 milliards de dollars aux Koweïtis en réparation du préjudice subi sur ce larcin.
Pas logique…
« Et vous n’avez pas interrogé le gérant du trust ? »
Le vieux Lord est un cousin de la Reine d’Angleterre : intouchable. « Et puis il est mort avec son secret depuis. On ne sait pas. »
Pourtant le trust vit, lui.
« Parce qu’il est géré par sa veuve ! Vous verrez, puisque je suppose que c’est elle qui a provoqué votre arrivée jusqu’ici. Un sacré numéro celle-là : intraitable, mignonne, plus que cela même, mais intraitable en affaire. Elle a repris les affaires de son mari et les mène de main de maître !
Ce qui nous gêne, ce n’est pas tant qu’elle soit intraitable sur le sujet. Ce sont deux choses : il y a actuellement plus de 30 milliards d’euros sur ces comptes, en valeur, exclusivement françaises, à part quelques placements non significatifs en Allemagne. C’est beaucoup trop. On cherche tout au plus 20 à 24 milliards en tenant compte des intérêts courus échus. Et puis, deuxième chose, la clé pour disposer de tout cet argent. On n’en a aucune idée.
»
Pourquoi seulement 24 milliards de dollars ? « Personnellement, j’ai compté plus de 35 milliards d’euros. Soit au cours actuel du dollar presque le double ! »
Réponse de béotien : « Justement, ça ne correspond à rien de connu. Je veux bien qu’avec les fluctuations de taux de change entre le dollar, la livre, l’euro et avant le « french-franc », qu’il y ait des ajustements à faire. Mais dans tous les cas il y a 6 ou 7 milliards de dollars de trop ! »
Et les indemnités de guerre ?
« Vous croyez ? Ça se pourrait bien être ça en effet. Mais il n’y en a que 3,5 milliards de dollars qui ont été détournés. Et ils ont également disparu, on s’en est rendu compte, effectivement. Ça voudrait dire que nos services n’ont pas fait le rapprochement ? Et que de toute façon il en manque. Si c’est ça, vous êtes très fort ! »
C’est ça, puisque Paul avait été lancé sur la piste du « Capitaine Haddock » par l’agent Lison et de lui préciser que ce n’est pas 3,5 milliards mais 6,95, d’après ce qu’il a pu reconstituer cet été.

« Vous avez été lancé sur cette piste parce que le « Commodore Jean-Charles » est une grande gueule. Mais son histoire n’est pas apparue comme crédible à mon agence. En revanche, c’est une excellente approche d’un système mafieux au plus haut niveau de votre État de cette époque-là ! »
Et puis, toutes ses propres démarches sont restées vaines. « Je ne pensais pas qu’elle puisse vraiment vous mettre sur la piste de l’escroquerie dont a été victime le Koweït pour ses puits de pétrole, qui mettait, en plus, l’honorabilité de plusieurs entreprises US en cause !
»
Pour Almont et son service, les deux affaires ne pouvaient pas trouver le même support d’arrivée : c’était stupide de lier.
« Manque d’imagination, au contraire. Les deux affaires sont liées. La première marchant plutôt bien pour les indemnités de la « Division Daguet », pourquoi ne pas la réactiver sur l’escroquerie du procédé Ferrayé ? À mon avis, ils ont agi dans l’urgence, sans réfléchir aux conséquences », note Paul.
Peut-être, acquiesce l’agent de la CIA, quand même dubitatif par tant d’amateurisme.
« On fait quoi, Monsieur le Directeur ? »
Ils vont dîner. C’est l’heure avancée du tea-time. « Il faut que je vous tuyaute sur Lady Joan. »

Lady Joan Thornner est pareille à la description faite à Paul, la veille au soir par Almont. Une femme jeune, blonde, pétillante, ultra-mince, avec de longs membres fins, y compris les doigts, et dotée d’une forte poitrine de très bonne tenue. D’ailleurs, on ne voit que ça au premier regard, malgré, ou à cause de sa tenue moulante et col roulé sous veste, juste avant de remarquer l’immense sourire chevauché par une paire de prunelle d’un bleu clair délavé irradiant et quelques tâches de rousseur sur le nez.
Assez déconcertante. Elle doit avoir autour de 40 ans, mais en paraissait dix ou quinze de moins, peut-être même vingt : Pas une seule ridelle sur le visage, des mains et des ongles impeccablement entretenus.
Et le vêtement plutôt chic, avec quelques bijoux de grande valeur ici ou là, mais sans être ostentatoires, pour mettre l’ensemble en valeur : une vraie « bimbo chique ».
« Monsieur de Bréveuil, ravie de vous accueillir ! » sa voix est douce et « jeune », rajoutant au premier effet provoqué par son entrée dans le champ de vision…
« J’ai très peu de temps, mais j’étais informée par les services de sa gracieuse majesté qu’un émissaire du gouvernement français viendrait ces jours-ci pour me quérir de quelques affaires ayant trait au « Solutré-Jarnac Trust » ? Je suis donc toute ouïe ! »
Paul, un peu embarrassé se présente et est immédiatement coupé.
« Puis-je vous demander vos habilitations ? »
Quelles habilitations ?
« Monsieur, personne ne m’a précisé ni votre identité. Vous pouvez être un bandit de grand-chemin. Ni l’objet de votre visite. Or, non seulement je suis lié par un contrat de trusting qui m’oblige à différentes choses, notamment gérer au mieux les fonds qui nous sont confiés, également d’en faire contrôler les comptes annuellement par un auditeur accrédité auprès de nos Cours royales. Mais à aucun moment de rendre des comptes à d’autres qu’aux seuls bénéficiaires du contrat de trust. Sans leurs signatures sur un mandat de représentation, je suis donc tenue de me taire. »
Et qui sont-ils ?
« Si vous l’ignorez, je ne vois pas bien de quel droit je peux vous renseigner. Sorry ! Je me dois de ne répondre qu’à eux. Ou leur mandataire habilité. C’est toute l’honorabilité de la corporation des Lloyds qui serait remis en cause si je violais l’une des clauses de notre contrat. »
Pour un accueil « intraitable » avait prévenu Almont, s’en est un.

« M’obligeriez-vous à revenir entouré de force de l’ordre et munis d’une commission rogatoire internationale ? Au risque d’un scandale qui pourrait éclabousser jusqu’à l’auguste hôte de Buckingham-Palace en dépassant toute la profession des vénérables membres des Lloyds ? Vous en êtes apparentée, si je ne m’abuse ? »
Pas glorieux, mais bon, sur le moment, il ne trouve que cette réplique-là.
La dame reste calme. Une lumière scintille dans ses yeux. Elle se met à griffonner sur un post-it et reprend la parole, sans émotion perceptible dans la voix, sur un ton presqu’aimable.
« Désolé de vous décevoir. Dans le cadre de mon travail, je ne peux rien pour vous, avec ou sans commission rogatoire de vos juges : Ils n’ont aucune de valeur dans ce royaume tant que la chambre des Lords n’en aura pas décidé autrement. Mais je vous invite à poursuivre vos efforts, Cher Monsieur. »
Elle se lève, tourne autour de sa table de bureau style victorien et entraîne Paul vers la porte en lui glissant le post-it dans la main.
« J’ai été ravie », fait-elle en guise d’au revoir.
Paul, pas vraiment heureux d’avoir fait le voyage pour être éconduit aussi rapidement et comme un gamin, lui rend la courtoisie.
Sur le post-it, une adresse, inconnue pour un non-londonien et une heure… tardive dans la matinée. Un rendez-vous…
Voilà qui est curieux. Il le fourre dans sa poche de pantalon avant de retrouver son équipe et celle d’Almont sur le trottoir.
Alors ?
« Choux blanc. Il me faut un mandat, mais je ne connais pas le nom du mandant ! »
« Je vous l’avais dit : coriace ! Il va falloir passer aux choses sérieuses. J’ai une équipe pour ça « Charlotte » ! »
« Charlotte », c’est qui celle-là se demande « Dominiquette » qui écoute aux portes avec son anglais primaire ?
« On se calme. J’ai besoin de réfléchir, Monsieur le Directeur. On ne va quand même pas envoyer la « home-fleet » pour dérider les fesses de cette bonne femme : ça ferait scandale ! ».
Il faut trouver un moyen de lui faire cracher son morceau, rétorque son vis-à-vis.
« Oui ! Il doit y avoir un moyen. Mais j’ai besoin de réfléchir pour le trouver. Je vous propose qu’on se retrouve demain au breakfast à l’hôtel. D’ici là, on se sépare et on réfléchit chacun dans son coin ! »
L’américain accepte avec quelques réticences et part de son côté vers son hôtel avec ses sbires.
« Commandant » fait Paul en s’adressant à « Dominiquette ». « Voilà ce qui se passe : Elle n’a pas voulu ou pas pu parler dans ses locaux. Mais j’ai rendez-vous avec elle tout à l’heure. Il faut donc qu’on se sépare. Vous filez à l’hôtel et ramassez toutes nos affaires. Vous allez ensuite rendre votre artillerie et on se retrouve à l’avion, près à décoller d’un moment à l’autre dans l’après-midi. Comme si on rentrait. »
Ça ne colle pas du tout avec sa perspective de faire un peu de shopping chez Harrods, ni avec sa mission de protection. Et puis le laisser seul avec une femme dont on sait qu’elle peut être redoutable, ça ne l’emballe pas vraiment non plus : « Je vous rappelle, Commandant, que vous êtes sous notre protection parce qu’on en veut à votre vie ! »
Qu’elle ne s’en fasse pas. Il y a une voiture de police en filature et il ne serait pas étonnant que les services secrets de sa royale majesté en soit aussi, un peu plus loin. « Je suis en sécurité, ne vous en faites pas ! Faites ce que je dis, il faut que je me sépare des chiens de garde. On se revoit à l’aéroport tout à l’heure. Si ce soir, à vingt heures, heure locale je ne vous ai pas donné signe de vie, alors oui, vous vous inquiéterez. Entendu ? Vous refilez le bébé au ministère et vous ne restez pas ici. »
Voilà une mission qui prendra toujours un tour inattendu : laisser la chèvre à portée des loups, c’est quand même assez inconcevable de la part d’un officier de la marine.

À la grande surprise des trois groupes de couverture, celui de Scotland-yard, celui du MI6 et celui de la CIA laissé à la traîne par Almont, le groupe des français se sépare, laissant « la cible » isolée.
Paul flâne, fait « lèche-vitrine » un temps. Le temps de repérer ses suiveurs. Appliquant la technique apprise dans le temps lors du stage de commando-marine, il presse le pas dans une direction à la recherche de foules plus compactes. Une fois sur une artère de plus forte fréquentation, il dépasse une entrée de station de métro. Les trois voitures suiveuses se rapprochant, il stoppe devant une vitrine, jusqu’à ce qu’elles dépassent à leur tour la bouche de métro. Il revient en sens inverse, tourne la rue dans le dos de la circulation automobile et se rue dans l’escalier du métro le plus proche.
Les suiveurs comprennent. Sortent de leurs véhicules et s’engouffrent à leur tour dans la bouche de métro, alors que Paul introduit un ticket, qu’il vient d’acheter, dans le tourniquet.
Quand la rame arrive, Paul ne sait pas si il est ou non rattrapé. À vrai dire, il ne sait même pas dans quelle direction il va. Peu importe. Deux stations plus loin, il descend et reprend son allure tranquille le long du quai. Au moment où les portes vont se refermer, il se jette véritablement dans la rame et repère qu’un suiveur en fait autant à 20 mètres de là, alors que deux autres n’y parviennent pas.
À la station encore suivante, il reste, puis à la sonnerie fait mine de sortir rapidement. Vite imité par son suiveur. Et remonte dans la rame au moment où les portes se ferment. Cette fois-ci il est seul. Il n’y a plus qu’à repartir en sens inverse deux stations suivantes et sortir prendre un taxi à qui il donne le post-it laissé par Lady Joan.
Le chauffeur maugrée en regardant l’heure inscrite sur le bout de papier.
Vus les embouteillages et la dense circulation, pas sûr qu’ils n’arrivent pas en retard au lieu-dit.


Opération « Juliette-Siéra » (XXVII)

Vingt-septième chapitre : En attente d’instructions

Avertissement : Ceci est un roman, une fiction, une « pure construction intellectuelle », sortie tout droit de l’imaginaire de son auteur. Toute ressemblance avec des personnages, des lieux, des actions, des situations ayant existé ou existant par ailleurs dans la voie lactée (et autres galaxies), y compris sur la planète Terre, y est purement, totalement et parfaitement fortuite !

Le « rodéo » n’en est pas pour autant terminé. Arrivé à l’adresse indiquée, une porte s’ouvre au sommet de quelques marches, sur un solide gaillard en casquette et livrée le conduit à travers un dédale de couloirs d’une maison cossue du quartier des docks, pour déboucher sur la rue parallèle de derrière, après avoir traversé un petit jardinet typiquement britannique.
C’est le chauffeur de Lady Joan qui pilote une Rolls pas si indiscrète que ça dans cet univers où il y en a tant, et dont les rideaux sont tirés sur les fenêtres des fauteuils-arrières où se glisse Paul.
Le chauffeur retourne souvent sur ses pas en virant à gauche à plusieurs reprises, comme si il voulait faire le tour des pâtés de maisons et finalement file vers la côte jusqu’à arriver dans le parc d’une vaste demeure au style Victorien donnant sur la mer du Nord.
Paul est accueilli par un maître d’hôtel qui le conduit au grand salon-terrasse et lui fait savoir que Milady Joan invite son hôte à déjeuner. Mais qu’elle aura un peu de retard. Il lui faut patienter.
En fait, la Rolls brune repart dans le grésillement des gravillons des allées du parc vers Londres pour la ramener : une bonne heure d’attente à profiter de la vue sur les vas-et-viens de la marée montante en contrebas.

« Mister de Bréveuil » fait l’hôtesse dans un français presque parfait, si ce n’est cet accent légèrement « so british » propre au pays, « je suis vraiment navrée de vous avoir invité si loin de Londres. C’est la demeure de feu Lord Thornner. Et ici nous pourrons parler plus à notre aise de l’affaire qui vous préoccupe : à Londres, je ne pouvais pas. Vous ne m’en voulez pas, au moins ? »
Tout dépend de ce qu’elle a à lui dire. Et ça commence très fort.
« Mettez-vous à votre aise. J’ai fait servir une collation dans ma chambre. Si vous voulez bien me suivre ! »
La maison est si vaste qu’il n’y a pas de boudoir où déjeuner ?
Menu typiquement britannique, avec des mets aux couleurs et consistances curieuses. Mais savoureux. Un excellent flacon de bordeaux décanté en carafe par le maître d’hôtel qui s’éclipse si tôt le service ordonné.
« On m’a dit que vous étiez un « bon coup ». Ils sont si rares. J’espère bien y goûter pour en apprécier toute la saveur. Préférez-vous vous restaurer avant, ou après ? »
Voilà une tournure pour le moins assez inattendue.
« Lady Joan, je ne suis pas venu pour ça. Nous avons une éducation, en France, qui nous interdit de nous jeter bestialement sur les femmes du monde. Et puis… vous pourriez être déçue.
Il me manque une donnée relative à mon problème du trust que vous gérez. Savez-vous qu’il s’agit d’argent sale, de l’argent volé à mon État ?
»
Oui, elle sait ce « détail… navrant ».
Et de raconter son histoire.
En fait, c’est son mari qui a ouvert le trust. Elle vivait en Suisse à cette époque-là. « Je ne suis rentré à son service qu’en 2000. Comme femme de chambre ici même. L’année suivante, il m’épousait en troisième noces. J’ai été son dernier plaisir terrestre. Il est mort, octogénaire dans la chambre d’à côté, exactement au moment où il tentait de me faire un enfant. »
Belle inspiration…
« Ce n’est que fin 2001 que j’ai été adoubée, après une multitude de vicissitudes, par les Lloyds pour être l’unique héritière de mon mari et pouvoir reprendre ses affaires. Et c’est un peu plus tard que j’ai appris pourquoi et comment ce trust avait été créé par son généreux donateur. »
De la volonté expresse de son fondateur, les sommes sont à restituer au Trésor public français en mars 2016.
Pourquoi 2016 ?
« Sans doute parce que ça cadrait avec trois septennats de Présidents français et que mars est la période où les candidats à la magistrature suprême sont en campagne assourdissante pour des élections au mois de mai suivant.
Manifestement, votre Président de l’époque souhaitait, et sans doute de façon posthume, peser une dernière fois sur la vie politique de votre pays.
Son objectif, ça ressort de quelques notes manuscrites de feu Lord Thornner, était de démontrer que les institutions de votre Vème République, qu’il a toujours combattu depuis 1958, étaient viciées : n’importe qui arrivé à la tête de l’État pouvait détourner n’importe quelle somme, même gigantesque, sans que personne ne s’en aperçoive ni ne demande des comptes.
Malgré tous les contrôles possibles et imaginables, les contre-pouvoirs, la censure de votre Parlement, l’honnêteté ou non des ministres et de leurs administrations.
Vous imaginez les retombées en pleine période de campagne électorale !
Ça échappe à tout contrôle et c’est bien ce qu’il démontre depuis 1991. Lui seul savait et en appelle à une réforme profonde de vos institutions en lançant sa bombe posthume trois septennats plus tard à compter de son départ de la vie politique.
Le combat de toute une vie de conviction, Monsieur de Bréveuil !
»
Voilà qui est totalement surprenant, estime Paul.
Iconoclaste, même.
Mais rassurant : Paul a la conviction qu’un homme de gauche comme lui, ne peut pas être un vulgaire bandit de grand chemin. Il ne peut qu’avoir eu un dessein précis quand il détourne les sommes de la division Daguet et celle du procédé Ferrayé.
Cette « révélation » ne fait que conforter son opinion sur le sujet et il en est soulagé sur le moment.

« Voilà qui me rassure, Milady. Mais nous ne pouvons plus attendre 2016. Ces fonds détournés, leurs véritables ayant-droits le réclame assez vertement. Et je suis chargé de le récupérer pour le compte de mon gouvernement. »
Prouvez-le, répond-elle avec son joli sourire et sa voix douce.
Comment ?
« Dans les statuts du trust, que voici » fit-elle en tendant un mince dossier posé sous la desserte voisine de leur table, « il est indiqué que seul le Président de l’élection de 1988 peut disposer, en qualité de fondateur du trust, de l’usage des fonds, et ce jusqu’à sa mort.
Et tant mon mari que moi-même, avons scrupuleusement respecté ces statuts dans le fonctionnement et les placements effectués avec ces fonds.
En revanche, après son décès, il nous faut la signature conjointe du Président et du Premier Ministre en exercice pour en disposer.
Voici le mandat, en 5 exemplaires qui seront enregistrés par nos soins à la conservation des hypothèques de Paris au titre des actes innommés, qu’ils doivent signer pour permettre à votre pays de disposer de l’intégralité des actifs du trust, déductions faites de nos honoraires et commissions.
»
Et la dame d’ouvrir le fin dossier sur la première page de celui-ci.
Incroyable : tout était donc prévu ?
« Et vous abandonnez la gestion de ses avoirs sans autre contrepartie ? »
La contrepartie, ils verront ça ensemble.
« Ces actifs ne nous appartiennent pas, en tant que membre des Lloyds. Ils n’ont jamais été notre propriété. D’autant que nous savons tout en l’ignorant, qu’il s’agit forcément d’argent sale. D’argent qui n’a en plus jamais bénéficié à l’économie de l’Angleterre ni à celle du Commonwealth. »
Tout a toujours été investi et réinvesti en France, selon les instructions reçues.
Elle sort un inventaire joint aux statuts du trust, que Paul parcoure rapidement : c’est conforme, sous réserve d’inventaire détaillé, à ce que la conseillère de la Cour des comptes régionale a reconstitué.
« Nous ne faisons que vous restituer le devenir de ce que vous avez déjà ! »
Et pourquoi n’avoir pas dit tout ça en début de matinée au siège de sa compagnie.
« Pour deux raisons : Je n’ai rien à vous dire que vous ne sauriez pas déjà. C’est dans les instructions. C’est clair, précis et impératif. Et je ne peux pas violer une clause statutaire de ce trust dans le cadre de mes fonctions et mandats professionnels… »
Alors pourquoi les violer sur la côte ?
« C’est la deuxième raison, pris en ses deux branches : C’est de l’argent « sale ». Et pour une femme honnête, c’est un poids considérable, quoiqu’en pensent les moralisateurs de la vie financière… dont votre actuel Président, futur Président du G20 en 2011, dans deux ans.
La deuxième branche, c’est qu’à part les américains qui posent les mêmes questions régulièrement, disons tous les 5 ans, mais auxquels je ne peux pas répondre du fait des statuts du trust, manifestement, tout le monde à part moi, a perdu les « clés » pour déboucler le processus d’explosion de vos institutions d’outre-manche.
»
Elle avait posé la question de la conduite à tenir au Foreign-office. Instruction : aucune information à quiconque. C’était carré du point de vue juridique. Mais pas d’explosion de la République française qui aurait pu être imputée, même indirectement à un sujet de la Couronne britannique.
« Alors, nous rêvions de votre arrivée depuis des années pour déboucler cette affaire au meilleur contentement de tous ! »
Et là, patatras, un officier de réserve qui débarque comme attendu et prévu, mais sans même savoir de quoi il parle. « Je n’allais quand même pas laisser encore du temps au temps. C’aurait été inconcevable.
D’autant mieux que le septennat n’existe plus chez vous et que la date de 2016 ne correspond plus à rien. Pensez-donc, à deux ans de la fin du deuxième quinquennat de votre actuel Président, ou de son successeur, ce n’est plus une bombe atomique, c’est un pétard décalé ! Il rate complètement son objectif.
Or, par ailleurs, j’étais tenue au courant de la poussée américaine sur votre actuel Président, qui se veut, en plus, mener une politique de rupture d’avec les us et coutumes passées. Comme on ne sait pas qui lui succédera, l’occasion faisant le larron, il fallait bien vous recevoir jusqu’ici pour vous remettre les clés sans violation ni des intentions du fondateur, ni provoquer un tremblement de terre, le tout en respectant les devoirs de ma charge.
»
Brillante, la fille, à résoudre sa quadrature du cercle personnelle, pense Paul en finissant d’écouter l’exposé et de déguster le fond de son verre de vin.
C’est largement cohérent.

…/ Aparté n° 13 /…

Il sait désormais ce qu’il lui reste à faire. Rejoindre City-Airport et provoquer un RDV de compte-rendu au ministère : sa mission touche à sa fin.
Enfin.
Sitôt de retour à Paris, Paul prend RDV avec le ministère, là très rapidement. Le lendemain, pas tout-à-fait aux aurores, mais juste après la pause-café d’avant d’aller bosser, il est reçu par le Général Wimereux et le colonel Gabeaux pour leur brosser le tableau du résultat de ses recherches.
Est-il sûr de ses informations totalement explosives ?
« Naturellement. Mieux que ça, puisqu’elles sont confirmées par le gérant du trust : il me demande de transmettre un pouvoir de disposer des actifs gérés à faire signer par le Président et le Premier ministre, conjointement.
Il a rajouté mon nom, mais on doit pouvoir le changer. J’y ai vu comme une certaine malice à le faire, sachant que je pouvais ne pas accepter.
»
Nous avons donc un problème. Non pas de recueillir les signatures, ni de trouver un mandataire ad hoc, mais de savoir comment dénouer tous ces actifs.
« Ce n’est plus mon problème, mon général. C’est le vôtre. Moi, j’en ai terminé. Par ailleurs, j’ai aujourd’hui l’assurance que je ne suis plus en danger. Je souhaite donc être relevé de ma mission et de la troupe mobilisée pour me protéger. En revanche, j’aimerai qu’on examine sérieusement ici, au moins pour services rendus, mes demandes de subventions… »
Il est coupé net !
« Plus tard, Commandant. Votre mission n’est pas terminée ! »
Ah ? Et pourquoi donc ?
« Les fonds ne sont pas rentrés. Seulement identifiés et localisés, ce qui est très bien. Vous faites honneur à votre uniforme… »
« Que je ne porte plus, Messieurs ! »
« On ne vous aurait pas choisi en haut-lieu si une seule personne avait pu ne pas vous faire confiance et considérer que vous ne faites plus partie de la maison ! »
Au juste, ça sert à quoi de démissionner ?
« Maintenant, il me semble qu’il vous faille nous proposer un système juridique qui permette à la France de récupérer ces fonds pour en faire le meilleur usage. Vous êtes parfaitement compétent pour réfléchir à des solutions acceptables. Alors, au boulot ! »
Trop fort, pense Paul pour lui-même !

« Tout dépend de ce que vous voulez en faire : Demandez plutôt des instructions à vos commanditaires. Sortir les actifs, ce n’est pas compliqué. D’autant mieux qu’on sait ce qu’ils sont. Les liquider et les affecter, au moins partiellement aux remboursements qu’exigent les américains, là, c’est une affaire qui regarde le Trésor public, pas moi ! »
Justement, il est vraisemblable qu’il se pourrait que cela se fasse hors le Trésor public. « C’est ça qu’il vous faut chercher. Je ne vois pas comment on va leur donner 34 ou 36 milliards de recettes supplémentaires venues de nulle part sans qu’il y ait au moins un fonctionnaire-comptable qui se pose une question imbécile !
»
Et s’ils suggéraient de noyer le tout dans le grand-emprunt dont il est question dans la commission ad hoc du moment ? « Vous prenez les 100 milliards prévus, vous y glissez les 35 à 36 dedans ou en plus, ni vu ni connu. Et vous remboursez rapidement ce qui est dû aux américains via l’échelonnement prévu à la convention d’emprunt. Ce seront les premiers servis. Voilà ! Aussi simple que ça. »
Les deux officiers qui font face au Capitaine de corvette Paul de Bréveuil en restent pensifs, comme interloqués.
« Vous savez faire ça ? »
Pas compliqué : on loge dans une SC porteuse des actifs liquides ou quasi-liquides. Les américains souscrivent à une augmentation de capital et ils dissolvent la SC pour récupérer les actifs. « C’est sans droit de mutation si la SC est à capital variable. 1.000 € à la création. On y loge les créances comme dans une structure de défaisance. Ils souscrivent 1.000 € ensuite et les fondateurs se retirent pour leur 1.000. Ils dissolvent la SC et s’attribuent les actifs. Si c’est de l’immobilier, là, il y aura des droits de mutation. Mais pas sur des créances. Simple ! »
Paul aurait parlé chinois ou hébreu, c’aurait eu exactement le même effet.
« Bien. Je constate que vous maîtrisez ces problèmes bien mieux que nous. Je vous propose donc de nous faire un rapport écrit sur vos trouvailles et d’exposer les solutions que vous avez en tête. Nous, on se fait confirmer l’histoire de la dette vis-à-vis de l’Amérique et on transmet à qui de droit. »
Dès qu’ils ont un retour, ils le tiennent au courant.
Autrement dit, ils attendent des instructions…
« En attendant, permettez-moi de vous féliciter, Commandant. Je ne devrais pas vous le dire, puisque je n’en ai pas la compétence, mais je me permettrai d’appuyer non seulement une montée en grade… de réserve, bien entendu, mais également à une médaille. Vous l’avez amplement mérité compte-tenu du service que vous venez de rendre à la Nation. »
Paul ne court pas après les médailles. Il préférerait qu’on s’occupe un peu plus des demandes de subvention.
« J’ai mon idée là-dessus, soyez rassurés. Une chose toutefois, comment avez-vous fait pour obtenir ces mandats du gérant : il n’a aucun intérêt à vous faciliter la tâche. C’est une grosse fortune à gérer qui lui échappe, à ce gestionnaire… de fortunes, un gros manque à gagner… »
Il ne va pas leur faire le coup de raconter qu’une femme, même une dame du monde, n’a jamais rien à lui refuser, quand il s’y prend comme il faut.
« Je crois qu’ils sont parfaitement conscients de la situation plus qu’ambiguë de l’origine des fonds.
Et il me semble qu’on leur a fait comprendre qu’ils n’avaient pas à se rendre complice d’une déstabilisation grave de la vie politique en France.
Ils attendaient donc qu’on se manifeste pour nous refiler la patate chaude
».

Les deux chefs d’état-major se retrouvent une fois de plus place Saint-Augustin, dès le lendemain.
« Toute cette histoire est incroyable. »
Mais on a retrouvé ce que les américains exigeaient qu’on reprenne et ce que beaucoup d’officiers et sous-officiers savaient exister, par la rumeur persistante.
« Comment le reprendre, cher ami, sans provoquer un bouleversement général, telle est la question ? Ils en ont une idée, au sommet de l’Etna ? »
Pas vraiment : Le Président est rentré dans une colère noire des grands jours. Rien ne se passe comme il le souhaite. La situation politique commence à lui échapper et il hésite encore entre flanquer le pavé dans la marre, ou se faire tout petit… « Tu sais bien qu’il n’a plus qu’une ambition, c’est de se faire bien voir de tout le marigot des politiques international. La Géorgie de l’été dernier lui manque. Il lui faut être le premier de la scène internationale pour lui faire oublier le décrochage de l’opinion en politique intérieure. La crise ne l’aide pas et je ne sais pas s’il est bien entouré. On claque un pognon monstrueux en gabegies et personne ne décide d’un plan de rigueur. On ne parle que de relance, de prêts aux banquiers, de grand emprunt. »
On frôle la catastrophe économique et sociale. « Il suffit d’un rien pour que les banques déposent leur bilan, tu sais. Ça va mal ! »
Les trois dizaines de milliards retrouvés doivent aider à passer ce cap.
« La moitié seulement, enfin le tiers. Je te rappelle que si les dires des américains disent vrais, il y en aura une bonne dizaine qui leur sera reversée ».
Que fait-on ?
On attend le rapport de Paul de Bréveuil et éventuellement ses solutions. « Il est capable d’en trouver, c’est le seul qui maîtrise bien l’ensemble du problème, sur le sujet. »
Après, on avisera.


Opération « Juliette-Siéra » (XXVIII)

Vingt-huitième chapitre : Le compromis

Avertissement : Ceci est un roman, une fiction, une « pure construction intellectuelle », sortie tout droit de l’imaginaire de son auteur. Toute ressemblance avec des personnages, des lieux, des actions, des situations ayant existé ou existant par ailleurs dans la voie lactée (et autres galaxies), y compris sur la planète Terre, y est purement, totalement et parfaitement fortuite !

Le lapin posé par « Charlotte » au Sofitel de Saint-James, après avoir faussé compagnie à son équipe de bleusailles la veille, n’est pas pour plaire à Charles Almont.
Il en fait une « grosse colère » à l’encontre de « ses » amateurs avant de filer à Waterloo-station, direction gare du nord à Paris.
Pour finalement se présenter en fin de matinée au siège parisien de la MAPEA où l’on attend le patron, en visite matinale au ministère.
« Où étiez-vous passé ? » attaque-t-il avant même de dire bonjour, quand Paul rentre en coup de vent au bureau.
Il n’a pas de compte à lui rendre. « Françoise ! » fait Paul à sa secrétaire-standardiste-hôtesse d’accueil, « J’ai oublié de vous informer que j’ai invité ce monsieur pour un petit déjeuner. Vous pourriez nous faire chauffer un « continental breakfast » avec des croissants chauds ? »
« Venez, Monsieur le Directeur. Il faut que nous fassions le point, tous les deux ! »
Et Paul d’entraîner son visiteur dans la salle du Conseil.
« Je constate que le blindage des fenêtres a tenu le coup », fait ce dernier en regardant les trois traces d’impacts de balle de ses tireurs…
Efficace.
C’est du Saint-Gobain.
« Elle vous a donné rendez-vous dans un lieu sûr, n’est-ce pas ? J’imagine qu’elle doit savoir que ses locaux sont « piégés » depuis longtemps ! »
Ça tombe sous le sens. En tout cas pour la première assertion. Pour la seconde, Paul emballe le tout dans une affirmation générale… Voilà ce que c’est que de faire des phrases à plusieurs propositions en même temps !
« J’ai besoin de vous » commence l’agent spécial de la CIA.
Moi aussi, répond son vis-à-vis !
Et de résumer la situation. « Milady Thornner m’a rendu les clés du trust. Maintenant, elles sont entre les mains de mon gouvernement. Ma visite de ce matin : c’était urgent et je vous prie de m’excuser pour le faux bond londonien. Ma mission d’abord. »
Le directeur peut comprendre.
Seulement voilà… « J’ai de nouveau un problème : Je sens qu’on va me coller la suite sur le dos, à tous les coups. À savoir l’apurement de nos dettes à l’égard de votre pays, dont mes chefs vérifient ses prétentions, et la liquidation du trust.
Ce n’est pas vraiment mon métier, les liquidations, ça me met le bourdon au moral, mais il me semble qu’ils ne voudront pas mettre trop de monde sur le sujet, venant de notre administration. Et j’ai manqué d’à propos en imaginant déjà des voies de sortie de ce merdier qui ne fasse pas trop de bruit.
»
De quoi s’agit-il ?
« Est-ce que votre administration serait capable d’accepter des créances arrivées à échéance sur le Trésor public français en remboursement de ce qu’on vous doit ? Il vous suffira d’encaisser le coupon final. »
Là, Charles Almont ne comprend pas : il s’attend à un chèque ou un virement encaissé sur un compte de l’Otan dont on lui précisera le numéro.
« Vous ne les connaissez pas : radins comme pas possible quand il s’agit de faire un chèque. Et puis ça passerait par un compte du Trésor en Banque de France, donc impliquerait au moins deux types « hors circuit » qui verront passer ces sommes. Autant de personnes à mettre au parfum, sans compter la hiérarchie. Ce n’est pas possible ! »
Par conséquent, le virement ne peut que se faire « en douce », hors les comptes publics de la Nation. « Et justement, nous disposons d’une tierce personne morale de pleine capacité, à savoir le trust lui-même ou son successeur : ce serait idiot de notre part de ne pas en profiter, convenez-en ! »
Admettons et alors ?
« Alors, pourriez-vous convaincre vos patrons d’accepter la manip ? Il n’y a aucun risque vu la nature des actifs du trust. » Et Paul de lui montrer l’inventaire fait par Joëlle Lidoire.
« Vous voyez, entre novembre et janvier prochain, il y a quelques milliards d’euros attendus en remboursement de la dette, très officielle celle-là, de la France. Le reste peut se recéder sur les marchés : il suffit de votre feu vert pour s’en occuper rapidement. »
Comment vous transférez ces OAT français dans le patrimoine de l’Otan ?
« On peut très bien envisager de faire un don. Mais on peut aussi user de mécanisme juridique moins voyant en cantonnant ces titres sur une société support dans laquelle vous rentrerez au capital pour 1.000 euros. Et on vous laisse la place. Vous le dissolvez et accaparerez la totalité de ses actifs dont vous disposerez à votre guise. »
Attention, c’est dangereux. « Il faut des hommes de toute confiance et un contrôle efficace au niveau de la Maison-Blanche, parce que le détournement est assez facile à faire même pour des imbéciles ! »
Vu comme ça, ça peut s’envisager. Mais il lui faudra en référer avant, pour tout accord.
« Et le reste, vous comptez en faire quoi ? »
Aucune idée. « On fera comme il sera décidé rive-droite. »
Même pas un peu de « gratte » ?
« Je ne mange pas de ce pain-là. J’espère tout juste, en retour, une bienveillance particulière pour l’usine que je dirige dans l’Ardèche. »
Sait-il que les travaux de ses bureaux d’études intéressent sa hiérarchie à lui ? Ce qui peut très bien s’arranger au plan financier ?
« Monsieur le Directeur. Vous savez bien que c’est parfaitement impossible. Je ferai ça sans accord préalable, je serai éliminé dans la minute. Et vous n’auriez rien d’autre qu’un autre clampin à ma place. Vous n’êtes pas raisonnable ! »
Si « coopération » peut exister, c’est au niveau des gouvernements que ça se décide en la matière. Et uniquement à ce niveau-là.

« Commodore, comment avez-vous fait pour convaincre Lady Joan ? C’est un mystère pour moi. Ça fait des années que nous avons mis la pression, directement ou par appareil gouvernemental interposé pour dénouer la situation. Et vous, en une seule entrevue discrète, vous y parvenez alors qu’on s’est cassé le nez jusque-là. Quel est votre secret ? »
Il y a un secret qu’il peut partager avec un homme de secret : le dessein politique du Président de la gauche-unie qu’il lui explique rapidement.
« Quelle que part, c’est assez malin de sa part. Et je pense que c’est respectable. Mais c’est bien ce qui a empêché jusque-là Lady Joan et son mari, de vous révéler ce secret. En revanche, avec le quinquennat, le « piège institutionnel » s’effondre de lui-même. Lady Joan avait donc hâte que je me présente pour récupérer le magot au nom du peuple français. Magot dont elle ne s’est jamais sentie propriétaire, tout juste dépositaire. »
L’explication suffit au Directeur France de la CIA.
« Je comprends » fait-il avant de reprendre. « Rien de personnel avec cette lady, alors ? »
Que répondre ? Abonder serait mentir et il est des mensonges utiles. Dénéguer serait salir une réputation.
« Que cherchez-vous à me faire dire que je ne dis pas ? »
Almont réfléchit à ce qu’il voulait faire : en parler plus tard ou amorcer déjà le poisson ?
« Lady Thornner est une femme fort influente au Royaume-Uni. Elle gère, avec son cabinet, beaucoup d’intérêts. Et dans ces intérêts, il y a une entreprise écossaise qui nous intéresse passionnément… »
Et il veut que je rentre dans son intimité, pense Paul ?
« Je vous arrête ! Une chose à la fois : D’abord le trust. Deuxièmement, je ne suis pas votre agent, et je ne prends mes ordres que, soit venant de Matignon, comme vous avez pu le constater à Kandahar récemment, soit de mon ministère de tutelle. Pas de Langley ni de Washington ou de n’importe où ailleurs. »
« Vous êtes pourtant MON meilleur agent en Europe, figurez-vous ! »
Sur ordre et contrainte de la tutelle, uniquement. « Ce sont eux qui décident finalement. Vous connaissez ma chaîne de commandement. À vous de voir. Et notez que ce n’est pas non plus mon métier : il y a des agents mieux formés que moi pour ce genre de chose, n’est-ce pas ? »
Oui, mais… Et puis Almont abandonne et en revient au sujet du moment.
« Okay, old chap ! Je file à Washington et je vous tiens au courant par l’agent Lison. Je prends trop de risques de confusion en venant jusqu’à vous, ici-même. Même si la situation l’exigeait. Fameux vos croissants, mais je ne comprends pas comment vous pouvez boire du café aussi fort ! »
Ce n’est rien : « Avec une bonne rasade de rhum, c’est bien meilleur, croyez-moi. Mais le soir, il faut le faire avec une rasade de whisky irlandais. Sans ça, ça trouble le sommeil ! »
Du lard ou du cochon ?
La perspective n’empêche pas les deux hommes d’en rire sur le moment.
Reste à faire le rapport demandé par la hiérarchie et se remettre au travail pour l’usine.

Dans les jours qui suivent, le cours des choses semble reprendre une normalité perdue au début de l’été.
En fait, « au plus haut niveau », ça fermente sévère.
À l’Élysée, entre le plan de soutien des banques, le plan de relance de l’économie et le grand-emprunt avec le rapport de la commission « Carreaux-Pète-jus », on ne sait plus où donner de la tête. Il faut aussi boucler les lois de finances fiscale et sociale, y faire glisser des mesures issues du rapport Tabarot, coordonner la réforme de la taxe professionnelle, avancer sur la taxe carbone et piloter les députés et leurs amendements.
Tout ça dans la précipitation habituelle en plus de « gérer » les relations internationales, les sommets du Pittsburg, de Copenhague en ligne de mire, après la déconvenue, la « claque » même, de la rencontre de Strasbourg sans passer par l’Élysée du Président américain en début d’année et le sommet de Londres tout autant navrant.
À Pittsburg, la solution avancée par « Charlotte » n’a pas encore le feu vert du Président américain. Son homologue français plaide pourtant ardemment pour « ne pas faire de vague » dans l’opinion publique.
« Si nous sommes obligés de déballer l’ensemble sur la place publique, vous pensez bien qu’il y aura des retombées des deux côtés de l’atlantique en passant par l’Angleterre… »
Ça ne concerne que la France, lui a été-t-il répondu.
Ambiance.
À Londres, le discours « moralisateur » du patron de l’Élysée a sonné encore moins bien : on lui a vertement rappelé ses devoirs pour couper court à toute initiative…
Même Gordon s’en est mêlé. Et Merkel de rajouter sa « petite-voix ».
La totale.
Copenhague doit impérativement être un retour en grâce, ardoise réglée, pour faire une entrée par la grande porte à la Maison-Blanche, peut-être avant Noël.
Une des exigences du Président français, qui flatte son ego et lui donnerait un coup de pouce en matière de politique intérieure : c’est qu’il y avait des élections régionales, en mars 2010.

À Washington, on devint un peu plus précis au fil du temps. Pourquoi déstabiliser un Président et un pays avec un scandale énorme en perspective, alors qu’il a finalement fait ce qu’on attendait de lui et dans les délais fixés par l’administration précédente ?
D’accord, pas sans « coup de pied au cul » : l’agence a bien travaillé.
Après tout, la France et ses ports en eaux-profondes sur la façade atlantique, la possibilité de traverser l’espace aérien, qui avait été refusé quand il a fallu bombarder le leader libyen sous son tipi, sont toujours indispensables à l’Otan et son Président a été « fabriqué » par l’agence depuis si longtemps.
Il y a bien l’alternative du banquier mondial, mais il ne s’est pas encore prononcé et il est mouillé jusqu’au cou dans l’affaire Ferrayé.
Même si « quéquette sauvage en liberté », il fait un peu « tâche » à son poste : ce n’est après tout qu’une fonction dont on peut démissionner, n’est-ce pas ? Avec ou sans pression. L’ambition politique faisant le reste…

Début octobre, les décisions tombent. « Charlotte » sera en charge de piloter le dénouement des actifs du trust britannique. « Mais à condition d’être étroitement contrôlé par un agent du Trésor ». L’agence « France-Patrimoine » étant toute désignée pour s’assurer du bon déroulement et guider « Charlotte » dans ses œuvres de dépeçage.
À la même époque, son excellence de la place de la Concorde fait savoir que l’affaire des transferts de bon du Trésor français souscrits par le trust, tout ce qui est à échéance courte, l’Otan peut les accueillir en paiement du remboursement de l’avance faite au Koweït plus de 10 ans auparavant, mais à condition que l’essentiel soit déjà liquidé.
Reste alors à « habiller » l’ensemble. L’idée d’utiliser l’affaire du « grand emprunt » est retenue de son côté par le secrétariat général de l’Élysée.
« D’une pierre deux coups : ça ne coûte rien au Trésor. Opération blanche. Et ça peut rapporter gros pour le solde. »

Fin octobre Jean-Charles Huisne et Gabrielle Choisille, tout deux fonctionnaires du Trésor, l’un Contrôleur général, l’autre inspecteur principal, détachés l’un et l’autre à l’agence « France Patrimoine » chargé de liquider les actifs immobiliers de l’État au mieux du marché, les garnisons, campements en déshérence de l’armée par exemple, mais également des droits à construire, du matériel inemployé, des créances gérées par le CDR ou d’autres organismes discrets du même genre, sont désignés pour aviser « Charlotte ».
Aviser et en même temps « contrôler » la liquidation du trust anglais.
Wimereux, dans la voiture qui l’emmène dans les bureaux de Bercy avec le toujours « Capitaine de corvette » De Bréveuil explique.
« Nous les avons choisis avec le plus grand soin. Il y avait deux doctrines. Soit des agents, qu’il nous faut de haut niveau, à la probité impeccable. Vous nous les piloter et ils gardent le silence à vie… Exactement comme Joëlle Lidoire. Un profil idéal celle-là. Jeune, intelligente, mariée à un type sur lequel on peut faire pression. Et de surcroît, jeune mère de famille.
Or, par malchance, nous n’en avons pas trouvé qui ne soient pas assez peu ambitieux pour nous présenter un jour ou l’autre la menace de l’ouvrir.
Soit des fonctionnaires hautement compétents, mais avec un passif qui nous permet, en cas de fuite demain ou après-demain, de déjouer une tentative de chantage.
»
L’état-major a tranché. Le premier est un prête défroqué depuis fort longtemps qui est un dépressif récidiviste. La seconde est une militante UMP dont quelques images et vidéos pornographiques pourraient refaire surface sur le web. « Une starlette du porno série « Z » reconvertie dans le service de l’État. Nous avons pensé que ça pourrait faire votre affaire. »
« Vous faites allusion à quoi, mon général ? »
Il ne saura pas.

Lui est un « petit gros », au trois-quarts chauve, sautillant d’un pied sur l’autre avec un petit rire rocailleux et stupide. Une bouille sympathique. Elle est un grande fausse blonde châtain un peu décatie, qui avait dû être superbe avec ses formes généreuses et sa voix haut-perchée, à une époque très reculée.
« Madame, Monsieur. Ravi de faire votre connaissance », fait Paul après que le général en uniforme étoilé, histoire « d’en jeter », ait fait les présentations. « Avant de poursuivre de quoique ce soit, je vous laisse le choix. Mais à faire immédiatement. Si vous vous savez incapables de garder un secret d’État, ici, maintenant, mais surtout demain ou plus tard, dans 10 ou 20 ans, quelle que soient les circonstances, vous sortez immédiatement. Votre décision vous appartient et il ne vous en sera pas tenu rigueur. »
Pas de réaction.
« En revanche, si vous êtes sûrs de pouvoir oublier à jamais et dès le lendemain ce que vous avez fait le jour même dans le cadre de votre travail avec moi, soyez les bienvenus. »
Pas de réaction immédiate. « On va travailler sur un secret d’État d’une très grande importance. Nous devons être… ». Paul se tourne vers le général. « … même pas une dizaine en vous comptant à être au courant de son contenu. Chacun, d’entre nous a déjà accepté par avance la perspective de se faire éliminer en cas de fuite. Sans autre forme de procès. Est-ce clair ? »
Éliminé ? Ça veut dire quoi, demande la femme aux yeux verts. « En terme militaire, ça veut dire neutralisé. Effacé. Une définition qui vous convient ? »
Le type est à peine ébranlé, mais elle, elle semble plus rétive. La question qui lui vient à l’esprit c’est pourquoi eux.
« Parce que nous avons confiance. Mais aussi parce que nous avons les moyens de vous contraindre. Et vous savez chacun de quoi je veux parler » insiste le général.
« Perso, je ne veux pas savoir » rétorque Paul. « Je fais confiance au général, mon supérieur dans cette affaire. C’est d’ailleurs à lui et lui seul que vous avez devoir de faire part de mes éventuelles faiblesses constatées ou supputées dans le déroulement de la mission qui nous est confiée. J‘en ai accepté les termes et conséquences », rajoute Paul.
« À moins que vous soyez dans l’obligation d’en référer directement à l’Élysée. Le Président, le Secrétaire général et le chef d’état-major sont nos seules autorités de tutelles. Aucun ministre, ni aucun autre fonctionnaire ou militaire », insiste le général.
« S’il n’y rien d’illégal, il n’y a pas de raison de refuser », répond Huisne.
« Vous avez été justement choisis pour veiller à trois choses : la parfaite légalité de ce que nous allons faire, la totale neutralité du point de vue fiscal et la conformité avec nos objectifs décidés en haut-lieu. »
La femme adhère à son tour à l’avis de son chef. « Et de quoi s’agit-il qu’il faille un si grand secret ? ».
Les deux officiers se font confirmer l’adhésion au principe du secret absolu des deux fonctionnaires du Trésor. « Je vous rappelle que « l’opération Isidore » est couverte par le secret-défense. Ce qui signifie que même un juge assermenté ne peut pas en connaître ! » entérine le général Wimereux.

Pour répondre au contrôleur général, Paul reprend. C’est très simple. « Nous disposons de 34 à 36 milliards d’euros cantonnés dans un trust anglais. Ces actifs sont composés globalement en trois tiers. Un tiers directement placé en obligations du Trésor à des échéances diverses. L’autre en Sicav, FCC et FCP détenant essentiellement de la dette financière bancaire. Le troisième se retrouve sous forme de parts de SCI ou de SCPI, détenant les immeubles. De la pierre-papier gérée directement ou par gérants bancaires interposés.
Le tout devra être liquidé le plus rapidement possible sans pour autant perturber les marchés financiers.
»
Jusque-là, rien d’impossible. L’immobilier, c’est un peu la spécialité de miss Choisille. Les titres, celle de Huisne. Et lui de remarquer que plus les marchés sont liquides, plus c’est aisé.
« Oui mais l’originalité de l’opération, c’est que nous allons souscrire au « grand emprunt » qui chauffe à l’Élysée. Et en totalité en plus. Avec une contrainte clé : 15 milliards de dollars devront être remboursés à l’Otan, sur ces fonds, avant Noël. »
« Ce n’est pas possible ! », s’exclame le petit-chauve après un rapide petit calcul.
Comment faire entrer 35 milliards et en faire ressortir un peu plus de 45/47 ?
« Et sans que ça se voit, ni que ça coûte, avec la contrainte de la neutralité fiscale en plus du « juridiquement inattaquable ». Vous voyez le deal ? À vous de nous faire du caviar ! », répond Paul.
Ces deux là se regardent, pour le moins ahuris.
Pourquoi ne pas envisager de se faire « effacer » tout de suite ?


Opération « Juliette-Siéra » (XIX)

Vingt-neuvième chapitre : Haute-voltige

Avertissement : Ceci est un roman, une fiction, une « pure construction intellectuelle », sortie tout droit de l’imaginaire de son auteur. Toute ressemblance avec des personnages, des lieux, des actions, des situations ayant existé ou existant par ailleurs dans la voie lactée (et autres galaxies), y compris sur la planète Terre, y est purement, totalement et parfaitement fortuite !

« Voilà comment les choses vont se passer », commence Paul.
Et d’expliquer que le trust subventionne un « fonds dédiés ». Article 140 de la LME…
« Mais ça génère des crédits d’impôt ! Ce n’est pas neutre pour le Trésor », proteste Jean-Charles.
« Uniquement pour les donateurs domiciliés en France. Or, je vous ai dit qu’il est britannique. »
Et pourquoi pas une fondation dans ce cas-là, c’est plus orthodoxe.
« Pas question d’utiliser des fondations existantes avec pignon sur rue et charge de manipuler les fonds comme on l’entend : ce serait remettre d’autres personnes dans le secret d’État. Pas question non plus d’utiliser la mienne, on pourrait s’y perdre et attirer l’attention. Quant à en créer une, ça va prendre des mois. Idem pour une association reconnue d’utilité publique, les autres ne pouvant recevoir des dons. Et les services du Préfet concernés vont demander des comptes.
Le fonds dédiés est nettement plus simple d’autant que c’est cette grande maison ici même qui valide le schéma. Ce n’est pas pour rien que nous vous avons choisi, puisque vous en êtes issus tous les deux.
»
Et une structure helvétique ? « C’est ça ! » s’insurge Paul. « Pour se prendre encore un juge incontrôlable sur le dos ? Pas question ! »
L’objection levée, Paul continue, le général Wimereux buvant du petit-lait en écoutant l’exposé de l’agent imposé par le Chef d’État-major, qu’il a déjà écouté par trois fois, mais sans rien y comprendre jusque-là.
Actif, les titres du trust. Passif, une dotation de subvention d’investissement conforme à l’objet social : « Vous me soignez ce détail. Il s’agit de prendre en charge des dettes républicaines. Ce qui ne veut rien dire. Et de souscrire tout emprunt émis par l’État, dont nous savons tous les trois qu’il s’agira de les abandonner, une fois l’opération faite. »
Abandonner une créance ? Comment est-ce possible sans que ce soit un produit.
« Je vais vous expliquer. Première étape, on cantonne les titres les plus liquides dans une SC à capital variable de 1.000 euros. C’est notre « fonds dédié » qui possède le capital social. Il cède ces actifs-là à ladite société civile… »
Mais pourquoi ne pas les apporter en capital ?
« Parce que la SC doit ne rien valoir, nominalement. Actif, les titres. Passif un compte-courant au nom du fonds. Tous les deux, vous bazardez les titres et récupérez du cash. Pour l’essentiel, ce sera le Trésor public qui rembourse ses obligations en avance sur le terme. »
Avec quel argent ?
« Une seconde, s’il vous plaît Madame. Une fois qu’on atteint la contre-valeur de 15 unités en dollar, l’Otan souscrit à hauteur de 1.000 euros au capital social. Pas de droit d’enregistrement à prévoir puisqu’on est en capital variable et qu’il n’y a pas d’immobilier. Ce n’est même pas un acte à enregistrer. Le jour même, le « fonds dédiés » sort du capital social. On se retrouve avec une société civile dont toutes les parts se retrouvent réunies en une seule main. Le lendemain, l’AG de dissolution est convoquée. Et dans les 15 jours, les fonds cantonnés sont la propriété de l’Otan par dévolution de tout l’actif. Il n’y a pas de droit de partage, ni d’impôt sur un éventuel boni de liquidation, puisqu’on est dans l’article 8 du CGI. Ça vous va ? »
Les trois personnes qui écoutent Paul en restent un peu étourdies. C’est le général qui rompt le silence le premier : « Je croyais qu’on devait faire faire un rescrit ? »
Ça, c’est pour « blinder » l’opération, de façon à couper court à toute tentative d’un contrôleur territorial qui viendrait mettre son nez dans l’affaire par inadvertance. En attendant la prescription fiscale : après, le dossier est de toute façon classé.
« Notez que la création de la SC, je suis dedans pour 100 euros, le fonds dédié à créer pour 900 euros, est à faire immédiatement. Et elle sera dissoute avant la fin de l’année. »
Quant à la procédure de l’article L. 80 B du CGI, elle passera par l’Élysée, sans contreseing du ministère des finances : c’est là la seule irrégularité mineure consentie à la procédure. « Si un jour on rencontre un os, on trouvera bien un directeur ayant délégation de signature, juste le temps d’apposer son paraphe si nécessaire, le tout pour verrouiller totalement le système du point de vue fiscal. »

Mais alors, c’est qui qui paye ? Le Trésor ou le fonds ?
« Officiellement le Trésor : il rembourse ses obligations émises dans le passé. Mais vous n’ignorez pas qu’il n’a pas d’argent. Donc on va le lui fournir.
Or, vous n’êtes pas sans ignorer que les banques de notre pays ont reçu, il y a plusieurs mois, des dizaines de milliards d’avance de trésorerie. Une grande partie a été remboursée, mais il en reste. Chacune gère également des Sicav, des FCC et des FCP qui servent à leur refinancement sur les marchés.
Eh bien, puisque le fonds dédiés en possède pour plus de 13 unités, nous allons faire de même, avec une autre SC à capital variable et liquider ses titres.
Attention, rapidement, mais sans déstabiliser les marchés : il s’agit de se financer par les marchés, simplement. Ce faisant, dès que l’opération est terminée, l’Agence France-Trésor devient le nouvel et unique associé de cette SC là.
Même cause, même effet, réunion de toutes les parts en une seule main, dissolution et dévolution des actifs au Trésor Public, ni vu ni connu. Or, je crois que vous êtes tous les deux accoquinés avec vos collègues de ladite agence. Donc à vous de jouer.
Idem pour les fonds gérés sous forme de « pierre-papier ». Une troisième SC et même dévolution, mais à l’agence « France-patrimoine », qui se chargera de liquider la pierre-physique et les reliquats de l’opération reçue en dévolution.
Je suis le gérant de ces trois SC. Vous êtes mon comptable. Je suis le patron du fonds dédié, vous êtes mon trésorier et vous Madame, notre secrétaire de Conseil d’Administration.
»
Il s’agira d’être réactif et de ne pas se tromper dans les arbitrages et la circulation des flux et des jours de valeur.
Et pourquoi ne pas rembourser directement l’Otan avec du papier émis par les institutions financières bancaires ?
« Justement, parce qu’on veut effacer l’existence des bons du Trésor avec l’argent du marché sur les autres nature de titre. Ces derniers réapparaîtront un jour ou l’autre, au moins à leur échéance. Mais, car il y a un mais, on ne tient nullement en haut lieu à ce qu’un malin fasse le lien entre l’Otan et des créances balancées n’importe comment sur le marché.
Ni avec nos OAT tirés sur le Trésor. Et je rajouterai qu’on ne laisse pas non plus le Trésor américain le soin d’arbitrer l’opération autrement qu’à la marge : trop dangereux pour les épargnants du pays ; on le fait nous-mêmes !
»
Et puis, selon les réactions des marchés financiers, il se peut qu’il n’y ait pas assez pour éteindre la dette américaine.
« C’est sûr que jusqu’à la fin de l’opération, la bourse aura du mal à se redresser… » prédit Huisne.

« Deux impératifs : Nous sommes 6 à être au courant de ces opérations. 3 à les mener à bien. Il n’est pas question de déléguer à vos staffs respectifs. En revanche, je vous héberge tous les deux au siège social de la MAPEA, de l’autre côté de la Seine, à deux pas : Vous bénéficierez ainsi de la logistique des locaux.
Il n’y en aura qu’un 7ème à savoir : le commissaire aux comptes du « fonds dédié ». On fait les choses à la régulière et on liquide et dissout le fonds avant Noël : ce sera donc mon commissaire.
Pas question de laisser à un prochain gouvernement, au plus tôt en 2012, le temps de fouiller dans nos opérations financières. On boucle pour que la prescription fiscale tombe le 31 décembre 2012 au soir.
»
Le deuxième impératif ?
« Notre Président doit être en mesure d’annoncer en décembre prochain que le Grand emprunt sera d’un montant de 35 milliards d’euro.
13 milliards de remboursement attendus des banques au moment de l’effort de refinancement du début d’année.
10 milliards de rachat de papiers arrivés à terme effectué sur les marchés par l’Agence France-Trésor.
Et 11 et 12 milliards empruntés directement sur la place, dont partie sera financée par vos ventes via l’agence France-patrimoine.
En définitive, Il ne devrait coûter que 7 milliards au pays en effort d’investissement l’année prochaine, moment où une loi de finances rectificative, vraisemblablement en mars 2010, autorisera l’exécutif à engager la dépense et à lever les fonds.
On n’a pas le temps de l’intégrer dans la loi de finances classique de fin d’année, actuellement en discussion devant le Parlement. Et tout dépendra des résultats de votre travail des prochaines semaines.
»
Des questions ?
Des centaines de questions, mais rien ne sort.

« J’ai par ailleurs trois cas particuliers à traiter dans toute cette masse. Mais il ne s’agit que de quelques dizaines de millions d’euro.
Mes frais : 3,4 millions seront attribués par le fonds dédié à « CAP Investigation ». Une prime de 1 pour 10.000. Je compte la réinvestir dans un second « fonds dédié » à ma seule botte pour assurer le besoin de financement de recherches appliquées de ma petite usine de l’Ardèche.
Le Secrétariat général de l’Élysée n’a pas émis d’objection et ça lui évitera de consommer du grand emprunt en subvention de recherche.
Une vraie prime d’aviseur de 50 millions d’euros qui filera à une prochaine fondation destinée à construire quelques grand-voiliers, à créer par un aviseur rencontré à Malaga.
Et une indemnisation à hauteur de 24 millions d’euro à un dénommé Ferrayé ou ses ayants-droits désignés, sans qui tout ceci ne serait pas possible. Il s’agit d’indemniser à raison de 1 pour 1.000 sa participation à ce vaste effort de nettoyage.
»
Mais seulement si les uns et les autres réclament ces sommes.
« Je vous en parle, parce que sur ce second fonds, je compte bien utiliser les effets de leviers fiscaux sur les donations, mon Général. Bon, ce n’est pas grand-chose, mais je compte sur vous deux, Monsieur, Madame, pour être tout autant respectivement les Trésorier et Secrétaire du conseil d’Administration de ce second fonds de dotation. »
Il semble qu’à part Paul, autour de la table, personne ne comprenne vraiment la manœuvre de haute voltige financière.
Même le général Wimereux, pour qui c’est la 4ème fois qu’il l’écoute avec avidité.
Quant aux deux autres, ils ont tout juste capté qu’ils bossent désormais « rive-gauche » et en solo… Voilà qui ne sera pas vraiment simple !
Mais avec un « chef » pareil, ils en auraient peut-être assez pour combler leurs carences.
« Vous êtes sûr que le Trésor n’est pas perdant, dans cette affaire ? » questionne Jean-Charles.
Paul reste un instant coi, comme tétanisé à l’idée de ne pas avoir été assez clair.

« Monsieur le Contrôleur Général, j’aimerai bien savoir comment il pourrait être perdant. L’opération se solde par l’effacement de 23 unités de dette contractée par lui-même ou au nom de nos banques, plus 11 à 12 autres unités à termes plus ou moins rapide en foncier.
Moyennant quoi il en abandonne le même montant, 12 à 13 selon la parité Euro/dollar, immédiatement et sans décaissement autre que les jours de valeur.
Vous préférez que ces fonds restent en à dormir en Angleterre ?
»
Mais d’où viennent ces fonds anglais ? Pourquoi ?
« Ne posez pas les questions dont vous n’aurez jamais la réponse !
En revanche, il vous est impératif d’être vigilants aux normes juridiques, y compris leur enregistrement si nécessaire, à la validité juridiques des actes auxquels il ne doit manquer aucune virgule, leur rapidité d’exécution et à la neutralité fiscale de l’ensemble. Nous comptons absolument sur vous.
Et hors les 77,4 millions de « traitement spécial », vous serez l’un et l’autre, ou les deux, témoins immédiats et privilégiés de tout ce que vous souhaitez savoir ou voir.
En revanche, les questions idiotes, du genre qui pourraient vous faire bêtement basculer au travers d’une fenêtre d’immeuble grande-hauteur, évitez, s’il vous plaît.
»
Solide… Ils en blêmissent tous les deux !
Dans quelle galère ils se sont engagés ?
« La question des compensations à attendre pour ce travail hors norme, c’est de votre ressort ? »
Le regard du Général croise celui de Paul : vont-ils se retrouver avec le syndicat unifié des agents des impôts sur le dos, d’ici peu ?
Sentant le piège venir, Paul prend les devants.
« À compter de ce jour, et je vous rappelle ma question préalable du début de cet entretien à laquelle vous avez tous les deux répondu par l’affirmative, vous êtes détachés de votre administration pour entrer au service de la MAPEA.
Naturellement, dans le privé, on paye un peu plus que dans le public. Mais pas énormément.
Si la boutique vous plaît, à vous de faire votre demande de « mise en disponibilité » à votre administration. Mais l’essayer, c’est parfois l’adopter, je vous préviens.
»
Au moins, il les aura sous la main, ces deux là…
Visiblement, le général apprécie : lui n’a pas les moyens de subordonner tout le monde.
Un bon élément a dit, le jour de son enlèvement par la coréenne, le chef d’État-major dans les locaux de la DCRI…

Courant octobre, les choses se mettent rapidement en place : les fonds dédiés et sociétés civiles sont créés, immatriculées, publiées. Les comptes bancaires sont ouverts. L’inventaire des actifs est bouclé et les valeurs sont surveillées comme du lait sur le feu.
Lady Thornner peut venir recueillir les signatures des mandats de transfert à Paris qu’elle a fait préparer par ses clercs.
Miss commence très fort en reluquant le physique de Gabrielle et énonce en anglais qu’elle apprécie que Paul prenne goût aux fortes poitrines.
« Soyons sérieux, Milady. Nous avons du travail : il convient de vérifier que tout est en ordre ».
L’échange de signatures et les actes de transfert d’actifs sont entérinés au siège social de la MAPEA, ce jour-là.
S’en suit une scène assez cocasse.
Paul, pour faire honneur à son hôte, l’invite à déjeuner dans un des hauts-lieux gastronomiques de la capitale, accompagnés par le Trésorier et le Secrétaire du Bureau du fonds dédié nouvellement créé.
L’homme le plus riche de France, pour quelques-temps seulement, peut faire l’effort de faire découvrir le chevet de Notre-Dame de Paris depuis le fait d’un restaurant internationalement réputé pour sa recette de canard au sang, au-dessus du quai de la tournelle.
Ils sont accueillis par un : « La table de Monsieur le Baron n’attend plus que Monsieur le Baron et ses invités ».
Baron ?
Noblesse de second empire : « Ma famille a toujours servi son pays ! »
Lady Joan est installée en direction de Notre-Dame, face à Paul qui du coup tourne le dos à la cathédrale. Ce n’est pas orthodoxe, mais cette disposition permet aux deux autres, rien qu’en tournant la tête, de mirer la Seine en contrebas.
Le repas se passe, jusqu’à ce, s’exprimant en anglais, Lady Joan s’adresse à Paul.
« Si ce n’est vous qui me faites du pied, est-ce donc notre voisin ? »
Huisne serait-il « hot for you ? »
Gabrielle Choisille lève le nez de son assiette : « Vous parlez de quoi ? ». De la température de nos mets. « Mais elle est parfaite. C’est vraiment délicieux. »
Et lady Joan de poursuivre : « Seriez vous choqué si je poursuis ? »
Pas le moins du monde. Il aurait simplement envisagé que l’après-midi se passe à son avantage.
« Peut-être aviez-vous prévu compensations. Je vous invite à dîner pour poursuivre cette conversation ? »
« D’autant que j’aimerai vous parler d’une information captée par hasard il y a quelques semaines, » poursuit-il en français.
De quoi s’agit-il.
« Il se trouve que mon contact américain souhaite que je m’intéresse tout particulièrement à une entreprise écossaise dans laquelle vous auriez quelques intérêts. »
Elle ne voit pas de quoi il s’agit : il y a plein d’entreprises dans les diverses participations qu’elle gère.
« Rassurez-vous, je lui ai seulement indiqué d’en référer à ma chaîne de commandement. Mais de toute façon, je me réserve le droit de refuser toute nouvelle mission. Ce n’est pas mon rôle ni ma fonction. »
Jean-Charles est manifestement troublé durant le repas. Lady Joan et Paul s’en amusent alors que la Gabrielle commence à perdre sa bonne humeur.
La cerise sur la gâteau, c’est quand au moment de se séparer, Lady Joan invite Jean-Charles dans son taxi : « Vous est-il possible de me faire visiter votre ville avant de me ramener à mon hôtel ? » lui demande-t-elle sur le trottoir…
Une croqueuse d’hommes, la veuve !

Et, une fois partis, Gabrielle s’adresse à Paul sur un ton véhément : « Vous croyez ce que je crois ?
Mais comment fait-elle ? Mon chef ! Avec cette poufiasse toute refaite de partout ! Même son trou du cul doit être un faux !
Vous vous rendez compte, lui qui ne touche jamais à personne au bureau, qui est marié en plus, le voilà qui s’envoie en l’air avec cette pimbêche qui pourrait être ma mère ?
»
Elle exagère… un peu, là, non ?
« Il y a des femmes, c’est comme ça, elles ont un charme qui les rendent irrésistibles. Il leur suffit de claquer dans les doigts et tous les hommes tombent à genoux à leurs pieds ! »
« Claquer dans les doigts ? Mon œil ! Vous voulez dire qu’elles sont juste blondes avec une grosse poitrine. »
Ça rajoute au charme et ne lui retire rien. « Mais ce n’est pas l’essentiel. Claquez dans les doigts plus qu’à votre tour, Gabrielle, et vous verrez que vous avez tout ce qu’il faut pour faire tomber à vos pieds n’importe qui ! »
Elle lève le bras et claque des doigts, l’air furieux.
Une invitation ou une opportunité ?
Paul met à terre un genou devant elle.

…/ (Aparté n° 14) /…


Opération « Juliette-Siéra » (XXX)

Trentième chapitre : Débouclage final

Avertissement : Ceci est un roman, une fiction, une « pure construction intellectuelle », sortie tout droit de l’imaginaire de son auteur. Toute ressemblance avec des personnages, des lieux, des actions, des situations ayant existé ou existant par ailleurs dans la voie lactée (et autres galaxies), y compris sur la planète Terre, y est purement, totalement et parfaitement fortuite !

Lady Joan repasse au siège social de la MAPEA en fin d’après-midi, alors que plus personne n’y séjourne hormis Paul.
« Alors ? » lui fait-il
Alors rien : « C’est un bande-mou doublé d’un éjaculateur précoce ! » raconte-t-elle désabusée.
Elle n’a même pas eu le temps de lui faire sa surprise inaccoutumée. Vient-elle pour une compensation ?
« J’ai repensé à ce que tu m’as dit ce matin ! »
Quoi donc au juste ?
« J’ai bien une amie écossaise qui gère une partie de la fortune de son grand-père… »
L’autre partie, c’est le cabinet de feu Sir Arthur, qui la gère. Le foncier et les métayages, uniquement.
« C’est une famille assez curieuse », poursuit-elle alors que Paul sert l’apéritif.
Il y a le grand-père, un nonagénaire, Sir Philip. « Un ami intime de mon mari. Je crois qu’ils ont fait la guerre ensemble, dans la Royal-Navy ».
Il a eu un fils mort brutalement avec son épouse. « Ils ont laissé trois enfants à la charge du grand-père. Sir Henry, qui s’occupe d’ethnologie. Accessoirement il est gay. Jamais là quand il le faut, coûtant une petite fortune à parcourir les jungles du globe à étudier les civilisations de sauvages. »
Lady Margaret. « Une paraplégique assez mignonne, engoncée dans son fauteuil à roulettes, qui s’est installée dans une aile du château familial, n’en sort même pas pour dîner et fait des recherches sur l’Intelligence Artificielle, la robotique et autres choses sans intérêt. »
La cadette, Lady Catherin. « Mon amie. Nous avons le même âge et appartenons au même club ».
Quel club ?
Paul ne le saura pas dans l’immédiat. Il n’aura droit qu’à un mystérieux : « Tu sauras peut-être si tu sais t’y prendre… Ce n’est pas de ça dont je veux te parler », fait-elle de sa douce voix.
« Elle s’occupe de la distillerie familiale et d’une entreprise industrielle locale qui fait du traitement de surface. Tu sais, les puces, les pièces délicates de l’industrie de pointe. »
Comme si Paul peut tout savoir. Tout ce qu’il comprend, c’est qu’il ne s’agit pas de nettoyage de sols.
Et alors ?
« Feu Sir Arthur y a investi beaucoup d’argent chez son ami. Mais l’essentiel des gains de ces deux entreprises est absorbé par les dépenses somptuaires en matériel divers à destination du laboratoire de Sir Philip. Et celui-ci est inaccessible. » Quant au savant, il n’émerge de son laboratoire que de temps à autre. On ne sait pas ce qu’il y fait. « Même quand on lui coupe le courant, il ne réapparaît que pour prendre livraison de nouvelles machines ou de nouveaux appareils de mesure ».
Un vieux fou ?
Que peut donc Paul pour ces écossais ?

« Je me suis renseignée sur toi, depuis notre première rencontre. On m’a dit que tu étais un brillant ingénieur, sorti de polytechnique, doublé de talents de pilote d’aéronavale. »
Paul confirme et résume sa courte mais dense carrière sous les drapeaux et ailleurs à son interlocutrice.
« Ne crois pas que je sois un espion à la solde de mon gouvernement. L’opération « Isidore » est une sorte d’accident, dont je ne sais même pas qui me l’a attribuée. Vraisemblablement une erreur de casting.
Finalement, grâce à toi, je ne m’en sors pas trop mal. C’est déjà ça.
»
Ou veut-elle en venir ?
« Les américains s’intéressent à ce conglomérat familial. Je ne sais pas pourquoi mais je le devine. Moi, j’y ai des intérêts. Et mon amie le dirige tant bien que mal. Pourrais-tu en savoir plus ? Pour me rendre service. »
Comprendre, savoir le pourquoi de l’intérêt des américains ? Ou savoir où file son pognon ?
« Les deux… Comprends, mon ami. Catherin est une amie. Une amie qui compte. Je me verrais mal la savoir en danger sans tenter de l’aider. D’un autre côté, j’aimerai bien valoriser les intérêts de sa firme et en même temps la mienne. Or, il me semble que tu travailles pour une SA d’armement. »
Et alors ?
Oui, la MAPEA est une entreprise familiale à taille humaine qui a pour quasi-unique client l’armée au sens large, et quelques autres.
Oui, on y a des projets technologiques avancés en développement. Mais ils viennent de trouver leur financement. En faisant jouer la chaîne des crédits d’impôts, dotation en fonds de recherche et crédit d’impôt recherche, il y en a pour deux ans avant d’aboutir et de rechercher de nouveaux financements.
Croit-elle pouvoir lui tirer les vers du nez aussi facilement ?
« Il se pourrait qu’il y ait des synergies entre vos deux entreprises. Je ne sais pas lesquelles, mais si la CIA cherche à savoir, c’est qu’il y a sans aucun doute en la matière. »
Un peu court comme raisonnement.
Mais pas forcément infondé.

« Milady. Je te ferai la même réponse que l’agent de la CIA qui m’en a parlé le premier. Ma chaîne de commandement passe habituellement par mon Premier ministre. Pour le reste, je suis tenu au secret militaire. Et je n’ai pas pour habitude de fouiller là où on ne me le demande pas. »
Même si c’est une faveur demandée par une jolie femme ?
« Surtout ! C’est peut-être un piège façon Mata-Hari. Tu sais, même si on n’est plus au temps de la guerre froide, la guerre technologique persiste. Et je ne me vois pas aller dénicher des petits secrets chez les royaux sujets de ta très gracieuse Majesté. Ni livrer ceux de la République contre quelques étreintes, aussi sublimes soient-elles… »
Tu me déçois, fait-elle savoir.
« Un rapprochement entre deux chefs d’entreprises, ça s’est déjà vu. Leurs gouvernements sont sollicités avant toute opération majeure, c’est tout. Rien ne t’empêche de rencontrer mon amie, tu sais ! Juste prendre contact. Personne ne te le reprochera. »
Effectivement. « Organise-nous ça à l’occasion d’un congrès quelconque. Je peux aussi solliciter mon gouvernement via les américains. Demain, les uns et les autres n’auront, provisoirement, plus rien à me refuser. On pourra toujours improviser. »
Tu es un amour, s’entend-il répondre.

…/ (Aparté n° 15) /…

Le temps passe.
Jean-Charles et Gabrielle font leur travail consciencieusement. La Bourse parisienne hésite à ne pas être vendeuse, pour finalement aller rechercher les 4.000 points avant la liquidation de fin d’année. Mais sans franchir cette barre symbolique, alors même que toutes les autres places financières, après quelques hésitations, surperforment la place parisienne…
Ces deux là arbitrent les avoirs cantonnés dans les SC de telle façon que d’un côté, il y a du dollar et des bons du trésor américain, de l’autre des avoirs liquides libellés en euro.
Il faut dire que les dizaines de milliards que représentent les fonds du fonds de dotation et des SC de Paul pèsent à la vente.
Fin novembre, tout est fin près pour le transfert du capital de la première SC entre les mains de l’Otan.
Manque plus à Washington que de désigner un mandataire ad hoc. Ce sera Charles Almont.
Naturellement. Pour lui, c’est un grand honneur et la réunion de signature a lieu dans les locaux de l’ambassade parisienne des États-Unis, en présence de son excellence l’ambassadeur.
Discours simples et courts. À huis-clos.
Aux petits fours dressés sur une table pour l’occasion de la « confortation dans le respect mutuel de deux grandes démocraties face aux défis du monde », Charles Almont, nouvellement directeur-adjoint de la branche « Europe continentale », adjoint au Directeur Europe, Ivan Niwe présent pour l’occasion, en profite pour relancer « Charlotte ».
« Avez-vous pensé à la petite affaire dont je vous ai parlé lors de mon dernier séjour dans votre belle ville ? »
« Naturellement. Vous connaissez mes conditions, n’est-ce pas ? »
Bien sûr qu’il s’en rappelle. Mais ce n’est pas de ça dont il veut parler. Estime-t-il qu’il peut avoir une ouverture favorable, ou pas du tout ?
L’occasion est trop belle : « Je ne jurerai de rien, mais disons que Lady Joan pourrait ne pas me refuser quelques menus services. Je ne garantis rien, bien entendu. Souvent femme varie. Mais d’ici le début de l’année prochaine, quand j’en aurai terminé avec toute cette affaire-là, si j’ai les autorisations et accréditations que vous savez, pourquoi vous refuserai-je d’essayer d’en savoir plus, après tout le mal que vous et votre pays vous êtes donnés pour le plus grand bien du mien ? Un prêté pour un rendu. »
Mais qu’il veille avant toutes choses aux accréditations et ordres de mission. « Notamment vis-à-vis de vos homologues britanniques. Au moins autant que des miens. »

De leurs côtés, Le Capitaine de corvette Gijou a pu faire son trekking dans le grand nord à la recherche du soleil d’équinoxe d’automne.
À son retour, elle est promue Capitaine de Frégate le même jour et au même endroit que Paul de Bréveuil l’est aussi, au même grade ! Peut-être que désormais, on ne lui gâchera plus ses vacances estivales…
La cérémonie, a lieu à Toulon fin novembre.
Émotion garantie pour toute l’équipe de Fox qui fait le déplacement.
Emily Lison repart de son côté pour enregistrer son disque à L.A. Plus tôt que prévu.
Et sans avoir pu approcher Paul avant son départ.
Le Lieutenant-colonel Solre est enfin détaché à Tahiti, comme le souhaitait, depuis si longtemps son épouse : à eux la douceur des alizés tropicaux.
Le Général Li-Phong se frotte les mains : Son agent Mahido est réapparue dans les rues de Paris après quelques semaines d’absence.
Elle a repris contact selon la procédure prévue à cet effet.
Pour l’heure, elle reste en « quarantaine » au restaurant de Mylène, à aider au service. Mais ce n’est pas à désespérer, puisqu’elle a obtenu des papiers et sa naturalisation française.
Un jour où l’autre, on en saura plus sur ce de Bréveuil et ses activités.
Joëlle Lidoire a repris son travail à la Cour des comptes régionale de Marseille. Elle est en instance de divorce et se bat pour la garde de ses filles…
Elle obtiendra la garde partagée alors qu’elle sera promue à Paris et rattachée à Tracfin, là où son ex est déplacé à Bordeaux. Il avait demandé l’Alsace…
Charlotte, la vraie, de « CAP Investigations », voit passer un jour sur le compte un relevé avec des tas de zéro. Elle soupçonne Aurélie d’une arnaque quelconque et s’affole avant de se rassurer auprès de Paul.
De toute façon, les fonds ne restent pas plus d’une semaine : Le « Boss » fait jouer la « clause croupier » insérée dans les statuts de leur petite société et réalise son opération de donation à son fonds de dotation.
C’est tout juste s’il laisse un peu de trésorerie supplémentaire.
Maître Lardco est averti par Paul que si il s’adresse à la bonne personne et selon la bonne procédure, son client peut espérer quelques minimes compensations indemnitaires… « Mais estimées suffisantes par l’Autorité ». À prendre ou à laisser.
Ce qui laisse l’avocat assez perplexe sur ses prétentions.
Quant au « Capitaine Haddock », il est appelé un jour au téléphone.
« Vous vous souvenez de moi ? Malaga, Amiral ! »
Bien sûr qu’il se souvient. « Les voleurs ont été dépouillés à leur tour. » À lui de monter sa fondation. Mais il voudra en savoir plus… plus tard.

Et tous ces mouvements de fonds remontent tout au long de la hiérarchie bancaire. Le procureur en est saisi et fait débarquer, un matin du début du mois de décembre, un substitut accompagné d’un commissaire de la brigade financière et d’un lieutenant de police du même service. Entre Isabelle, la PDG qui passe justement ce jour-là signer quelques contrats de fournitures et Françoise, la secrétaire encore plus émotive que jamais sur ce coup-là, il y a grande improvisation.
Jean-Charles et Gabrielle finissent par recevoir ces messieurs.
« Mais vous savez, le patron ici, ce n’est pas moi ! » se dégonfle assez sûrement le bonhomme devant l’assurance du trio.
Au grand dam de Gabrielle qui se tait dans son coin, acharnée à lire des rapports d’expertise.
Paul, alerté par la secrétaire, rentre en trombe de déjeuner d’avec un client dans les dix minutes qui suivent.
« De quoi s’agit-il, Messieurs ? » Les uns et les autres se présentent sur un ton qui se veut menaçant.
« Et que puis-je pour vous ? »
On lui explique que les forts mouvements sur les comptes intriguent l’agence où les comptes bancaires, Banque de France, Caisse des dépôts et une banque commerciale, sont ouverts.
« Et alors ? Il est interdit d’ouvrir des comptes au nom de personnes morales, dans ce pays ? »
Pas vraiment, mais les montants importants qui laissent supposer un trafic d’influence ou une origine « sale », illégale, sinon obscure desdits fonds…
« J’admets que vous puissiez avoir des soupçons. Ce n’est en effet pas tout-à-fait habituel. Néanmoins, je suis dans l’obligation de vous opposer le « secret-défense » avant que vous ne poursuiviez vos investigations plus avant. Il me coûterait de devoir mettre au secret trois fonctionnaires de mon pays du seul fait qu’ils aient fait consciencieusement leur boulot. »
Quel « secret-défense » ?
« Celui-là. » Et Paul de saisir son téléphone et de composer un numéro par les raccourcis du clavier. « Le Général Wimereux, s’il vous plait. C’est urgent. De la part du Capitaine de frégate Paul de Bréveuil. « Opération Isidore », s’il vous plait. »
L’un des flics tente d’arracher le combiné téléphonique des mains de son détenteur. Paul se recule instantanément.
« N’approchez pas ! Je serai dans l’obligation de faire usage de la force ! »
« Parce qu’en plus vous nous menacez ? » réplique le substitut, alors que les policiers sortent leurs armes de leurs étuis et mettent en joue Paul.
« Tout doux ! Rangez vos flingues, vous n’êtes pas menacés ni même en situation de légitime défense… Précision : mes locaux sont sous surveillance vidéo… Mes respects mon Général. J’ai un petit problème à régler sur le champ. Je vous propose de bloquer les accès de mon immeuble… Oui, j’ai un substitut du Procureur encadré par deux officiers de police judiciaire qui s’inquiètent pour ma santé mentale et me soupçonne de blanchiment d’argent. Je leur précise quoi au juste, mon général ? »
Silence de plomb dans une oreille alors que dans l’autre, Paul entend nettement le général déglutir avant de reprendre sa respiration et d’éructer dans l’appareil téléphonique.
« Oui, mon général. Je sais bien que c’est du blanchiment. Mais doivent-ils repartir en sachant que c’est pour le compte du gouvernement qui les paye tous les mois, ou dois-je taire même cette information ? »
S’en est presque comique : le trio de justiciers en écarquille les yeux au point qu’on peut penser qu’ils vont sauter de leurs orbites.
« Les neutraliser ? Vous n’y pensez pas, mon général : Pas en présence de trois femmes dans mes locaux ! »
Les deux flics relèvent leurs armes vers le visage de Paul.
« Bien sûr, mon général. Mais je préférerai qu’ils reçoivent des ordres de leur hiérarchie. Il me semble qu’ils deviennent nerveux et pourraient être amenés à se méprendre sur nos intentions véritables. »
Paul fait un clin d’œil à Gabrielle qui reste dans ses petits souliers, l’air complètement tétanisée, la bouche ouverte.
Encore un peu et, soit elle, soit Jean-Charles vont finir par faire pipi sur eux.
« À vos ordres mon général ! » Et Paul raccroche. « Vous allez devoir patienter cinq petites minutes avant de recevoir un appel de vos patrons respectifs. Je peux vous offrir quelques rafraîchissements, en attendant ? »
Le substitut opte pour un Perrier rondelle. « Françoise, sans faire de geste brusque, pourriez vous avoir l’amabilité de préparer un Perrier rondelle pour Monsieur le substitut et un glaçon ou deux mouillés dans du scotch pour moi, s’il vous plaît ? », fait-il à l’interphone.

À peu près au moment même où la secrétaire entre, faisant s’entrechoquer les verres maladroitement poses sur un plateau dans la salle de conférence encombrée de dossiers et d’écrans d’ordinateur, la rue bruisse de claquements de portières des commandos du ministère arrivés en trombe et en crissant du pneu, le téléphone du commissaire vibre.
Puis celui du substitut sonne.
« Bien, Monsieur le Directeur ! » fait le flic avant de reprendre à l’adresse de tous. « Désolé Monsieur le procureur, mais il y a méprise. Nous ne sommes jamais venus jusqu’ici. Nous ne vous avons jamais accompagné aujourd’hui. Ce sera dans notre rapport dès ce soir. » Et à l’adresse de son collègue : « Viens ! On se casse. Mes respects, capitaine ! », fait-il avant de prendre congé.
« Mais… Mais… ». Le substitut est quant à lui plus rétif à déguerpir, accroché à ses convictions et son portable, et malgré la défection de son escorte policière.
Puis il raccroche. « Capitaine, je ne sais pas comment vous avez fait. Il est clair que cette subite intervention du Parquet n’est pas claire et suscite des questions renversantes… »
Paul se veut rassurant : « Ne vous inquiétez pas, Monsieur le substitut. Tout ce que nous faisons ici n’a strictement rien d’illégal au contraire. Si vous êtes capable de tenir un secret d’État tout au long de votre vie, je peux même être plus précis sans violer ma mission. »
L’autre hésite et puis acquiesce.
« Nous n’avons fait que voler des voleurs. L’argent de la Nation rentre au bercail. Et de telle sorte que demain, il n’y ait plus aucune trace de nos actions. C’est tout ce que je peux vous dire et vous en savez déjà trop pour votre sécurité. » Il pense aux noms du général et de l’opération qu’il a prononcé en la présence des trois hommes.
« En bref, vous n’êtes jamais venu. Tout ceci n’a jamais existé. Les ragots, rumeurs et délations seront classées sans suite. Jusqu’à n’avoir jamais existé. Il en va de la sécurité de nos institutions républicaines, croyez-moi ! »
Une question toutefois : « Pourquoi l’armée et vous en particulier ? »
Paul éclate de rire : « Ah ça ! Je me serai bien passé de ce cadeau empoisonné : il m’a gâché mes vacances d’été et me pollue l’esprit quant à mon travail. Je ne peux pas vous répondre parce que je n’en sais rien.
Peut-être tout simplement parce qu’aucun autre service de la République ne pouvait le faire pour ne pas réunir toutes les conditions de sa réussite. Allez savoir ? Enfin non, n’essayez pas de savoir : moi qui suis le premier concerné, je me passe bien de la réponse, figurez-vous !
»

On n’entendra plus jamais parler de cet… « incident ».
Nulle part et personne.


Opération « Juliette-Siéra » (XXXI)

Trentième-et-unième chapitre : Derniers épilogues

Avertissement : Ceci est un roman, une fiction, une « pure construction intellectuelle », sortie tout droit de l’imaginaire de son auteur. Toute ressemblance avec des personnages, des lieux, des actions, des situations ayant existé ou existant par ailleurs dans la voie lactée (et autres galaxies), y compris sur la planète Terre, y est purement, totalement et parfaitement fortuite !

Lundi 14 décembre 2009
Le Président tient conférence de presse sur le « Grand emprunt » ce matin-là devant un parterre de ministres et de journalistes.
Le Grand emprunt est annoncé à hauteur de 35 milliards d’euros. C’est en réalité 13 milliards de remboursement attendus des banques au moment de l’effort de refinancement du début d’année.
C’est un peu plus de 10 milliards de rachat de papier arrivé à terme effectué sur les marchés par l’Agence France-Trésor depuis quelques semaines.
C’est donc seulement entre 11 et 12 milliards empruntés directement sur la place.
Moins cher qu’un appel public au bon peuple, qu’il est prétendu.
Donc pas de taux annoncé, ni de durée envisagée.
Qui y souscrira ? Personne ne se pose la question, ni dans les rangs des journalistes, ni dans celui des ministres, ni encore moins chez les analystes financiers.
Pas les particuliers, en tout cas. Même pas les institutionnels.
Les taux et conditions ? Rien.
Seulement l’information que l’effet sur le budget de la Nation sera de 7,1 milliards au moins en 2010, financé par des économies budgétaires.
Avec un dollar à 1,40 € à 1,50 €, ça donne presque 10 milliards de dollar par an : En trois ans, la dette de la France, en solde de tout compte des années de la gauche unie, sera éteinte, intérêts inclus !
Trois ans à ce rythme-là, le taux effectif global dudit emprunt est de 10 %, ce qui donne à peu près une égalité avec le même emprunt, à presque 20 ans et à 1,5 %, taux accepté par l’organisation de Bruxelles pour les reliquats.

Mot clé de la conférence de presse : « Ce n’est pas un plan de relance (…). Crise ou pas crise, de toute façon il aurait fallu le faire ! »
Belle vérité : incontestable pour qui est au courant – et ils sont peu nombreux – de l’opération « Isidore ».
Mais le mot de « plan d’investissement » n’a été lâché que pour parler d’avenir, sur lequel le président s’étend longuement : il s’agit bien de mobiliser de l’argent, certes, mais en pariant à la fois sur un « effet de levier » financier à hauteur de 39 milliards sur plusieurs exercices et à la fois sur les efforts budgétaires typiquement étatiques à fournir.
Dont 11 milliards pour les universités de recherche anglophone dans leurs programmes, l’ouverture de marchés nouveaux aux investisseurs privés anglo-saxons, l’excellence industrielle dans les PME, plus, et notamment, dans le numérique, l’innovation industrielle et les biotechnologies, avec une petite enveloppe de 5 milliards pour le développement durable.
Époustouflant : tout le monde n’y voit que du feu !
De l’argent il y en aura. Il y en aurait eu, de toute façon, justement avec ces « fameux efforts » et économies à réaliser puisqu’avec la durée de mise en place des programmes, on serait arrivé à la même chose, même si finalement ils seront irréalisables, comme chacun s’en doute sans oser le dire : pas bien grave, puisque c’est déjà préfinancé.
L’emprunt n’est une nécessité que pour étancher la soif, d’un coup d’un seul, de l’Otan : un coup de bonneteau, pas vu pas pris.
Du grand art.

Le plan de « Charlotte » peut donc être finalisé, noyé dans la masse de l’annonce présidentielle, le tout contrôlé par le médiateur du crédit, et les deux ex-premiers ministres qui ont œuvré, sans le savoir, chacun de leur côté à « nettoyer » leur manque d’intérêt, au moment où ça se passait sous leur nez à chacun, de toutes ces lâchetés et détournements passés.
Paul mérite plus que sa quatrième sardine de capitaine de frégate, mais bien les cinq dorées et argentées de capitaine de vaisseau.
Et en plus, pour ne rien gâter, le Président veillerait aux aides à accorder pour l’avion hypersonique en céramique ! Il s’en est fait la promesse.
Comme de toute façon, le fonds de dotation privé de Paul a déjà fait la soudure de trésorerie et générera des crédits d’impôts remboursables en 2010 qui seront à leur tour réinvestis, il n’y a plus de souci pour les travaux de recherche sur l’avion en céramique : premier vol, prévu pour le 14 juillet… si tout va bien.
Après le jeu des questions-réponses, le Président cherche du regard « Charlotte » à qui il doit ce coup fumeux. Il a pris soin de faire vérifier qu’elle est bien invitée. Mais, « il » s’est éclipsé dans l’agitation du moment, et le Président n’a pas su mettre un nom sur le visage des quelques femmes présentes qu’il ne connaissait pas parmi les participantes à cette conférence.
En réalité, Paul est bien passé, en civil comme on le lui avait indiqué. Perdu dans le carré des anonymes accrédités et, sur le moment, il ne voit pas ce qu’il vient faire ici.
Peut-être espère-t-il une petite annonce pour sa MAPAE : mais c’aurait été hors-sujet ce jour-là jusqu’à attirer l’attention des invités respectueux de l’annonce présidentielle.

Le ménage est fait. Reste au Président de la République de savourer sa « parole donnée » au sommet de Copenhague. Après-demain, doit se tenir une conférence à huis-clos entre une vingtaine de chefs de gouvernement : il trouvera bien l’occasion d’aborder le Président Américain et lui refaire part de son souhait de se faire inviter à la Maison-Blanche en signe de reconnaissance.

Mardi 22 décembre 2009.
Le fonds de dotation originel et les deux SC de cantonnement sont officiellement liquidés, dissouts.
La bourse de Paris peut remonter à tutoyer les 4.000 points. La prescription extinctive commencer son compte-à-rebours.
Si alternance il y a, le futur ministre du budget n’aura que 8 mois pour lancer les éventuelles poursuites d’ordre fiscal. Qui se casseront le nez sur un rescrit parfaitement conforme émanant d’un directeur habilité de la DNEF, le service qui sera sans doute choisi pour enquêter, depuis que la procédure « Tracfin » s’est retrouvée indéfiniment contrariée.
« L’opération Isidore » est terminée et les rapports et comptes-rendus d’entretiens envoyés aux archives couvert par le secret-défense.
Peut-être que d’ici-là, dans 50 ans ou un siècle, elles seront déclassifiées.
Peut-être jamais…
Jean-Charles annonce qu’il prend sa retraite dès l’ouverture du prochain trimestre. En fait, il se voit bien « buller » dans le Gard où il possède une petite maison familiale. Si son épouse veut bien le suivre.
Mais il se voit bien aussi revenir faire du « consulting » dans l’orbite de la MAPEA : il apprécie Paul et, secrètement, il n’en est pas revenu de la façon, calme et féroce à la fois, où il a fait front à l’occasion de l’épisode des justiciers débarqués au siège.
Quant à Gabrielle, elle poursuit sa mission, bien plus vaste, de liquider les actifs immobiliers de la Nation impécunieuse. C’est son métier depuis 2007, à part entière, après avoir fait campagne électorale municipale dans le département du Pas-de-Calais, dont elle est originaire.
Ses fonctions-là plus celles de première-adjointe chargée des finances dans sa commune l’accaparent à plein temps.
Pour la famille Nivelle et les salariés du groupe ardéchois, ils revoient avec soulagement leur patron revenir aussi fréquemment qu’auparavant.
Et sans les pandores en tenue de combat.
Personne ne posera de question, sauf, en Conseil d’administration et en CE, au moment ou Paul annonce une ligne de crédit venant d’un fonds de dotation qu’il pilote.
Mais il reste évasif : « Je vous l’avais promis. Je tiens parole. »
Dont acte : il fait ce qu’il dit et dit ce qu’il fait. La confiance se restaure, tout simplement.

Lundi 22 mars 2010
Les dés sont jetés : la soirée électorale a tourné au désastre pour le Président et sa majorité. Il s’en est fallu d’un cheveu de perdre les deux régions métropolitaines tenues par la droite parlementaire.
La Corse de son ami Ange Santini a basculée sous la poussée des régionalistes et autonomistes. Santini paye son jusqu’auboutisme sur le Plan d’aménagement du territoire qui faisait la part belle à ses amis politiques locaux. Il l’avait retiré, mais trop tard : À l’opposition de gérer le problème…
L’ire présidentielle s’abat sur son ex-garde des sceaux : « Qu’est-ce qu’elle fout là, celle-là ? On ne l’a pas vu de la campagne et elle vient nous réclamer de revenir aux fondamentaux ? Dehors ! »
Elle rentrera en taxi et sans garde du corps. Le soir même.
« Je veux un Pindevilliste et un Rackchiquien » ! C’est la consigne à appliquer après les nominations d’ouverture qui ont tant excédé l’électorat traditionnel de la droite républicaine.
L’un pour empêcher l’homme du « non à l’Onu » de revenir dans les allées du pouvoir : c’est une condition exigée par l’ambassade.
L’autre pour que les « Rackchiquiens » puissent vérifier que l’argent qu’ils n’ont pas voulu voir est revenu, que les dettes sont effacées et que désormais, les jeux des commissions et rétro-commissions à venir sont clairs et transparents.
L’homme de confiance sera donc au Budget, chargé d’enterrer définitivement « l’opération Isidore » dans son ministère.
À condition de promouvoir l’actuel titulaire.
Ce sera au ministre de l’Éducation nationale, dont le titulaire vient de se prendre une veste, mais autant que les 10 autres qui se sont lancés dans la bataille des régionales à contrecœur s’en sont pris une aussi, qui fera les frais de l’opération.
De toute façon, les patrons de l’Élysée ne l’aiment pas.

Dimanche 28 mars 2010
Le Capitaine de frégate Paul de Bréveuil arrive dans la soirée à Kaboul par le vol régulier depuis Londres.
Il est conduit à la base aérienne de Graham, dans un convoi discret mais sous bonne escorte.
Il y a une sorte de fièvre dans les rangs sitôt l’entrée franchie : prépare-t-on un « grand coup » ?
Air-Force-One est attendu d’un moment à l’autre : Le Président américain est à bord.
Il doit rencontrer le Président Afghan puis visiter les troupes stationnées dans la base de la banlieue de la capitale afghane.

Pendant qu’il discoure, un petit détachement emmène Paul dans l’avion présidentiel. Et il attend.
C’est un avion confortable, mais il ne se passe rien dans le petit salon des invités où Paul est consigné : il ne sait même pas pour quelle raison il est là.
Charles Almont, le nouveau directeur-adjoint « Europe occidental », hors la Grande-Bretagne, donc plutôt « continentale occidentale », le rejoint un peu plus tard.
Visiblement heureux de retrouver « son meilleur agent », en chaire et en os.
« Le Président souhaite vous remettre la « médaille présidentielle de la Liberté » (Presidential Medal of Freedom) en personne et avant de rencontrer votre Président.
Mes services vous ont préparé un petit speech. Mais… vous en faites ce que vous voulez, comme d’habitude
».
Ça parle du devoir de combattre le terrorisme international : Moscou vient de se prendre deux bombes tchétchènes dans son métro !
« La Médaille présidentielle de la Liberté, rien que ça ! »
C’est, avec la Médaille d'or du Congrès (Congressional Gold Medal), qu’il a déjà reçue et accordée par un acte du Congrès, la plus haute décoration civile des États-Unis. Elle est décernée uniquement par le président des États-Unis à des personnes, américaines ou non, qui ont fourni « une contribution particulièrement méritoire pour la sécurité ou les intérêts nationaux des États-Unis, un monde de paix, ou des efforts remarquables dans le domaine culturel ou autres, public ou privé. », normalement remise à son récipiendaire le 4 juillet, jour de la fête nationale américaine, ou à n’importe quel moment, choisi à la discrétion du président américain.
Les promus sont choisis par le président, de sa propre initiative ou sur recommandation.
« J’ai fait quoi pour mériter cet immense honneur ? »
Bien sûr qu’il le sait : et il se l’est fait résumer par Almont.
« Mais peut-être voudriez-vous que nous parlions des petits joyaux que vous fabriquent vos ingénieurs Ardéchois. Je me suis laissé dire que vous manquiez cruellement de financements gouvernementaux ! »
« Je ne suis pas sûr d’être habilité à vous en parler », le rembarre Paul, avec un sourire en coin.
« Vous savez, on y fait que tenter de reproduire plus ou moins bien les travaux menés dans vos propres laboratoires secrets. Vous devez savoir ça, n’est-ce pas ? »
Oui, il sait. Pas tout, mais il peut évaluer le reste.
« Sauf surprise inattendue ! »
Lesquelles ? Il n’y en a pas à attendre. « Tout est archi-connu dans le domaine. Les surprises, s’il devait y en avoir, se sera dans une bonne décennie. Peut-être plus », ment adroitement Paul.
Finalement l’avion décolle, direction finale Washington via une base aérienne américaine, quelque part dans le monde.

« Well ! Je suis très heureux, au nom du peuple Américain, de vous décerner l’une de nos plus hautes distinctions honorifiques : la médaille présidentielle de la Liberté, pour service rendu à la paix dans le monde et à nos deux pays, Commodore De Bréveuil… ».
Pas un mot d’argent…
Applaudissements.
« Mister President, Ladies and Gentlemen, Je suis très honoré et surtout très ému, tout comme un jeune communiant qui reçoit le saint sacrement pour la première fois (rires dans le salon présidentiel de l’avion qui poursuit sa montée en altitude)… je n’en dirais pas plus sur les expériences qu’un homme peut connaître dans sa vie au fil de l’apprentissage des choses… de la vie (nouveaux éclats de rire polis dans la carlingue), car cette distinction reçue me touche.
Profondément.
Non pour les efforts qu’elle représente, ni pour… les « services rendus » à nos deux patries respectives.
Mais seulement parce qu’elle nous rapproche encore plus les uns des autres. Vous la Démocratie rayonnante que le monde entier admire et envie, nous, la démocratie de la « Vieille Europe », souvent vilipendée, mais solidement assise sur son Histoire et ses traditions séculaires, que nous avons pour partie commune.
Nous en sommes tous les fils et notre dignité à tous est de rester fidèles à ces valeurs que nous incarnons…
»
Il fait court.
Mais termine par : « Monsieur le Président, je dois être le seul français à qui votre nation a décerné ses deux plus hautes distinctions. La prochaine fois, il vous faudra en créer une toute spécialement pour moi ! Merci à tous. »
Nouveaux rires…
Applaudissements.
Arrêt buffet.
Paul est déposé à l’escale technique, sur un aérodrome proche Londres : il lui faut un taxi pour rejoindre Heathrow et rallier Paris, sa breloque en poche.

Mardi 30 mars 2010
Le Président français, après avoir encaissé le « jet-lag » léger de son vol à bord de l’Airbus A 300 tout neuf-refait, au dessus de l’Atlantique, et fait une conférence de presse à l’Université de Colombia de New-York comme d’une mise en bouche la veille, est enfin reçu avec son épouse à dîner à la Maison-Blanche.
Il est le dixième chef d’État à franchir les portes du « sein des seins » depuis la dernière élection présidentielle US.
Pas pour un dîner d’État mais, consécration des consécrations, pour deux heures de réception en tête-à-tête, intimiste… Qui sont réduites à moins de 90 minutes mais se terminant assez tard dans le petit-matin.
Il va pouvoir enfin clore cette affreuse affaire d’argent détourné qui plombe depuis près de deux décennies les relations entre les deux alliés.
Et peut-être négocier le soutien de l’administration Obama pour sa réélection.
C’est ce soir-là que ça se joue : Où la « tentation de Venise », savamment préparée par son épouse qui a dit jusque-là sur tous les tons qu’elle souhaite qu’il rentre tous les soirs pour se laisser pouponner pas ses soins et aucune autre.
Ou le démarrage d’une nouvelle campagne électorale qui s’annonce particulièrement difficile.
L’ambassade vient de lui transmettre, via son officier de liaison, le contenu d’un récent sondage : 59 % de français ne souhaitent pas qu’il se représente, contre 37 % qui le souhaitent.
« Pas insurmontable… en deux ans », commente-t-il…
Mais à la sortie de ce dîner, les choses ne sont pas aussi claires que ça.
Et l’épouse présidentielle se taira désormais sur le sujet de ses ambitions pour son mari.
Il faut rentrer d’urgence à Paris et prendre la mesure des événements à venir.
Circulent en effet d’horribles ragots sous le manteau, que « La Tribune de Genève » révèle sur son site. D’ici à ce que ça déborde dans la presse française, il n’y a pas longtemps à attendre.
Il s’agit d’allumer des contre-feux et rapidement. Même son père est sollicité pour faire entendre sa « douce musique ».
Mais c’est une autre histoire.

Samedi 3 avril 2010
Le scandale va éclater. La presse internationale en est pleine.
La campagne présidentielle de 2012 est lancée.
Les fidèles sont mobilisés.
On jette la vindicte sur l’ex-garde des sceaux.
On parle de complot étranger.
On en profite pour lâcher la « bouée » de l’argent… des fois que quelques malins aillent fouiner dans les affaires secrètes du Palais.
Si cette dernière piste prend, il s’agira « d’allumer » tous les cancaniers. D’une pierre deux coups : ils seront tous tenus à jamais de se taire.
C’est aussi une autre histoire.

Mercredi 7 avril 2010
Le « Capitaine Haddock » reçoit pas e-mail le « proto-manuscrit », à relire, d’un roman anonyme retraçant toute cette histoire et « l’opération Isidore ».
Pour avis.
C’est alors un gros document de plus de 187 pages sous Word. Il mettra du temps à le lire, trouvant l’écriture laborieuse et sans talent, d’autant qu’il s’agit d’un « premier jet ». Pas facile de se plonger dans cette histoire.
Pas facile non plus de relever les incohérences, les non-dits, les erreurs, de dates, de lieux, de noms, de chiffres, les invraisemblances.
Et puis si l’idée finale est séduisante, même si elle ne correspond à rien, le déroulé n’est pas suffisamment étayé.
L’œuvre d’un « primate plumitif » en herbe.
Il l’enrichira pour les deux chapitres le concernant.

30 avril 2010
Bassano écrit une nouvelle fois au ministre des finances : il veut que sa plainte pour usurpation d’identité soit suivie d’une enquête des services.
Sans suite…
Un peu avant, il reçoit le proto-manuscrit version papier.
Il consultera aussi sa version électronique, mise en ligne avant l’heure .
Et transmettra les liens d’avec les quelques siens .

Samedi 22 mai 2010
Paul de Bréveuil est à Londres pour ce week-end de la pentecôte. Il y rencontre Lady Joan qui le pilote jusqu’à Norwich, au nord de la capital de l’empire Britannique, afin de rencontrer Lady Catherin qui y possède une demeure.
Mais c’est une autre histoire .

Samedi 19 juin 2010
« Pindevil », soutenu par quelques « Rackchiquiens » historiques, annonce la création officiel de son parti politique.
Charles Almont s’en inquiète. Il part bientôt à la retraite, lui aussi, son bâton de maréchal en poche.
Sa hiérarchie se montre plus circonspecte. « Vous savez, entre un guignol qui ne tient pas sa queue dans son pantalon et un revanchard dont les dents rayent le plancher, nous avons de toute façon la solution de rechange », lui assure-t-on.
C’est de toute façon l’affaire de son sous-directeur-France.
Le Président émet à l’occasion la nouvelle « doctrine officielle » après le passage du Président français à la Maison-Blanche : « On n’a plus de sujet de contentieux, si je ne m’abuse ? Pourquoi intervenir dans des situations où nos intérêts sont de toute façon assurés ? »

Au même moment, l’équipe de France de football est balayée en Afrique du Sud à l’occasion de la coupe du monde.
Ça s’emmêle un peu les pinceaux dans le gouvernement qui ne tient plus en place sur le sujet.
On jette en pâture à l’opinion publique, pêle-mêle, des histoires de cigares incongrus, des frais de déplacements iconoclastes, des « us et coutumes » relatifs au train de vie ministériel hors de proportion avec les efforts budgétaires annoncés pour l’ensemble des français qui les priveront de « garden-party » le jour de la fête nationale, mais pas de défilé (un des rares moments où les forces armées peuvent bruler un peu de carburant hors « théâtre d’opération ».
Français qui eux n’ont qu’une hâte, c’est de partir enfin en vacances.

Vendredi 30 juillet 2010
Un blog anonyme, comme il y en a des centaines de milliers d’autres, met en ligne les premiers épisodes de toute cette affaire, et ce durant tout le mois d’août.
Heureusement, il est très peu lu et ce n’est qu’un roman. Les noms y sont tronqués, les personnages aléatoires. Leurs actes encore plus.
Inattaquable en droit.
On l’aura vite oublié.
D’autant que le quasi-même texte étant déjà sorti sur un blog encore plus anonyme au mois de mai dernier, sans inquiéter personne pour autant, malgré les nouvelles réglementations en cours et à venir.
Mais on se pose la question de savoir comment toutes ces informations, aussi précises, ont pu sortir des cénacles d’initiés. Sont exclus le trio des « perquisitionneurs » du siège de la MAPEA.
Ni même, « Jean-Charles », bien calme dans sa retraite du Gard, ni « Miss Gabrielle » qui se tient à carreau sans que l’on ait eu à lui rappeler sa jeunesse passée de starlette du porno.
Ils n’en savent pas assez et aucun d’eux n’est allé au-delà de leurs investigations du mois de novembre dernier.
Soit Paul de Bréveuil a parlé, soit la fuite vient de son entourage direct, soit de sa hiérarchie.
Pas possible autrement. Et pourtant, le Capitaine de frégate de réserve interrogé sur ce mystère est rapidement mis hors de cause.
Reste la piste de la hiérarchie : il y a bien eu des fuites et rumeurs sur le couple présidentiel dès le mois de mars dernier !
Noyées dans les affaires Bettencourt, de la femme de l’ex-ministre du budget passé aux affaires sociales et travail, du Préfet du projet du « Grand Paris » et tant d’autres autour du train de vie des ministres dans une cacophonie footballistique ahurissante de la fin du mois de juin.
Et personne d’envisager sérieusement un seul instant que tout ceci ne soit qu’une « simple construction littéraire ».
« Il s’agit d’être prudent : si la nouvelle se confirme, à savoir que cette histoire fasse buzz, il conviendra de prendre des mesures. »
Ce qui, sur le moment, n’est même pas envisageable, compte-tenu de la piètre qualité d’écriture.
Et puis on oubliera, c’est le pari de l’Autorité… Il y a des choses plus urgentes à régler.
Et c’est encore une autre histoire…


Opération « Juliette-Siéra » (XXXII)

Trente-deuxième chapitre : Vendredi 27 août 2010

Avertissement : Ceci est un roman, une fiction, une « pure construction intellectuelle », sortie tout droit de l’imaginaire de son auteur. Toute ressemblance avec des personnages, des lieux, des actions, des situations ayant existé ou existant par ailleurs dans la voie lactée (et autres galaxies), y compris sur la planète Terre, y est purement, totalement et parfaitement fortuite !

Le monde a changé en cette fin d’été 2010. Paul guette l’Airbus A 320 qui fait sa descente au 350 pour aborder la piste de Poretta par le sud. Hier, il a invité le « Capitaine Haddock » qui voulait le rencontrer de toute urgence. « Eh bien venez. Je vous cueille à l’aéroport de Bastia par le premier avion. Je vous emmène faire un tour en mer et vous montre une petite surprise… ufologique » a-t-il rajouté comme pour le faire rappliquer plus vite !
L’autre, ne s’est évidemment pas fait prié. Il avait tout juste le temps de rejoindre Orly et d’embarquer pour le premier vol vers Bastia, quasiment vide dans ce sens là en cette fin de saison. Et puis, ça fait toujours plaisir de rencontrer quelques ex-collègues dans le cockpit.
Paul est au rendez-vous.
« Heureux de vous revoir ! » commence Haddock. « Vous savez ce qui se passe ? » demande Haddock oubliant qu’ils s’étaient séparés en se tutoyant, l’année dernière.
Ça dépend sur quel sujet… Il sait plein de choses, bien évidemment.
« Vous avez des bagages ? » Juste le nécessaire en bagage à main. « Eh bien je vous emmène vous mouiller un peu les pieds : j’ai une surprise pour vous ! »
Mouiller les pieds, Paul ne peut pas mieux dire : après un petit parcours sur des routes impossibles contournant l’aéroport à cheval sur la moto de Paul, l’équipage contourne la « Canonica », une vieille chapelle construite sur les ruines d’une plus anciennes encore, puisque datant du VIème siècle, et ils se retrouvent tous les deux à « Mariana-plage ». Longue plage située sur la mer Tyrrhénienne, l’un à retirer les chaussettes et remonter le bas de pantalon sur le sable frais, pendant que l’autre embarque tant bien que mal sa moto sur le « youyou » balloté par les vagues.
Direction le ketch mouillé à quelques encablures.
Passé les vagues de la petite houle résiduelle qui viennent mourir sur la grève, Haddock questionne : « Où va-t-on comme ça ? »
Voir un prototype sur la BA 126, dite Capitaine Preziosi, de Solenzara. « On est attendu pour un vol d’essai sur le coup des 14 heures. C’est à une trentaine de nautiques, on aura le temps de se préparer à déjeuner à bord. Si ça vous dit, vous en êtes ! »
Et pourquoi à voile et pas en voiture ou à moto.
« Vue la circulation en cette période de grands retour, on mettrait presque autant de temps. Et puis il y a des radars tout le long de la N 198… Casse-gueule les freinages à l’emporte-pièce. »
Par ailleurs, Paul fera hiverner son voilier une partie de la morte saison au port de plaisance voisin.
« Et puis on pourra déjeuner à bord avant ! » Le café d’Air-France laissant comme un goût de revenez-y et le départ matinal a été tellement précipité, que la perspective est finalement la bienvenue…
« Un vol d’essai de quoi ? »
LE prototype sorti des labos et ateliers de la MAPEA au mois de juin dernier.
« Nous avons fait quelques essais statiques dans la cour de l’usine. C’est juste un démonstrateur. 16 tonnes à pleine charge. Mais le premier vol, il y a une semaine a failli tuer le pilote. Depuis, il a renoncé. En venant se poser jusqu’ici en catastrophe. Nous, nous allons tenter de le ramener à Aubenas, en faisant un essai température, vitesse et altitude ! Juste histoire de valider le concept… »
Cinglé le capitaine de corvette…

Une fois la manœuvre de dérapage sur le mouillage, toutes voiles dehors et bien réglées, la pale du pilote automatique immergée, le cap au sud, Paul à la roue de barre située en poste central, Haddock se dit que c’est le moment de commencer à l’enquérir des nouvelles de Paris.
« Je suis ravi de vous rencontrer et de participer à un petit vol d’essai, mais savez-vous ce qui se passe à Paris, en ce moment ? »
Il pleut, non ?
« Pas du tout. Votre enquête est en ligne depuis le début du mois ! Sur un blog anonyme. Avec de tels détails qu’il ne peut venir que de vous. »
Oui, ça, il est au courant. « Ces pages ont été mises en ligne depuis un cybercafé au mois de mai et j’ai été soupçonné d’avoir transmis ce texte à un certain René Dupont qui l’aurait romancé. C’est vrai que certains détails sont assez troublants. La trame elle-même l’est tout autant. Mais un, je ne connais pas, ni d’Ève ni d’Adam ce Dupont ; deux, mon rapport ne couvre qu’une toute petite partie de cette histoire mise en ligne. Il tient en même pas 10 feuillets de synthèse. Je ne vois pas comment on peut en tirer une trentaine de post, sauf à se tamponner les 3.627 pages des annexes et des comptes. Même moi, je n’ai pas pu faire plus court. D’autant que ce gars-là n’est pas connu des services de police, n’est militant de rien et à rien, n’a pas vraiment d’activité professionnelle assumée. S’il avait voulu se refaire ou seulement améliorer son train de vie, il l’aurait vendu, son roman.
Trois, mon rapport a été remis en deux exemplaires papiers et un CD-Rom crypté avec une clé de 1.024 bits. Sauf à avoir le code de cryptage, tous les ordinateurs de la planète réunis mettraient un million d’année avant d’espérer le casser. Si fuite il y a, ça ne peut venir que de vous, ou du ministère.
»
Non ! Pas au mois de mai, mais là, durant le mois d’août. Et ce n’est pas fini.
« Le blog de l’ignoble infréquentable ! »
Ah ? « Peut-être qu’il a juste pompé les textes mis en ligne, ailleurs et avant alors ? »
« Ça veut aussi dire que vous confirmez avoir abouti et récupérer les fonds de la division Daguet ? ».
Paul ne confirme rien : Il le lui avait déjà fait savoir. « J’ai déjà oublié dont vous voulez parler, « old chap ». Je suis sur autre chose et je vais vous montrer ce qu’on peut faire avec trois sous et quelques bouts de ficelle, si vous voulez bien risquez votre peau sur un prototype avec moi ! »
Présenté comme ça, ce n’est pas si sûr.

En fait, le « Capitaine Haddock » est venu pour parler d’encore autre chose, si Paul de Bréveuil ne veut pas revenir sur « l’opération Isidore ».
Les langoustes grillées sur le barbecue du bord commencent à dégager un fumet exquis. « Je vais aussi vous faire du figatellu, un sifflard du pays qu’on mange normalement avec des œufs au plat. Vous verrez, c’est nettement plus fort que ces machins achetés hier soir au pêcheur de Solenzara qui a dû les trouver à Rungis le matin même… Je le fais cuire après, parce que ça dégage un fumet qui pourrait gâter les langoustes ! »
Haddock n’en a cure. Il veut livrer ses messages.
Tout d’abord le remboursement à l’Otan des fonds récupérés sur l’extinction des puits de pétrole en feu du Koweït est d’une extrême importance, car l’Otan a une importance vitale pour la paix sur la planète. C’est en effet autour de l’Otan que va se constituer une « gendarmerie planétaire », seule capable d’assurer un véritable contrôle des États qui seraient tentés par des dérives totalitaires.
La conversation revient sur le « prototype-démonstrateur » qui est stationné, à la va-vite à Solenzara. « Mon pilote d’essai a eu un mal fou à contrôler sa machine. Vous verrez, ça ressemble à s’y méprendre à l’un de vos OVNI qui vous passionnent tant ! Une machine qui est à revoir… Les buses de carburant, les ailerons, le pilote automatique du bord qui n’est pas assez rapide. Il s’est envoyé en voile noir à plusieurs reprises. Et nous on va tenter de ramener le prototype à Aubenas sans se casser la gueule. J’aimerai bien voir la tête des céramiques des bords d’attaque quand même ! »
Il a une licence « pilote d’essai », pour piloter un prototype, au fait ?
« Non mais ce n’est pas grave : il est à moi, enfin à ma boîte. Et vaut mieux le ramener par les airs que par la route : ça attirera moins les regards indiscrets en haute altitude ! »

Le « capitaine Haddock » rebondit : « Savez-vous que j’ai participé, le 12 novembre 1997, à une conférence au National Press Club de Washington, qui rassemblait les plus indiscutables témoignages d’OVNI ? Je dois vous avouer que l’exposé du Général-major Wilfried de Brouwer, de la force aérienne belge, a été extrêmement convaincant, car la défense belge a répertorié près de 400 observations indiscutables d’OVNI sur près de six mois. D’ailleurs, un organisme indépendant en a répertorié encore plus : près de 2.000 en deux ans… »
Paul, se tait : la langouste au charbon de bois mérite un peu d’huile d’olive semée avec attention et parcimonie, au goutte-à-goutte, pour éviter de tout flamber.
Et puis ce n’est pas 2.000 mais 4.500 observations qui on été faites en 50 ans, dont 1.500 en France, dont une bonne dizaine sont répertoriées comme « absolument sûres » par la COMETA.
Une commission de haut-gradés de toutes les administrations concernées de près ou de loin par l’espace aérien.
De plus, en qualité d’ex-pilote de chasse, il est parfaitement au courant des consignes en cas de rencontre avec un OVNI. Dès qu’il est identifié au radar, on va au visuel, mais en aucun cas il est question d’acquérir la cible au radar de tir : on ne sait pas si la réplique de l’engin inconnu peut être immédiate, et définitive… Mais il n’en avait jamais croisé dans sa courte carrière de militaire.
Le « capitaine Haddock » poursuit toujours aussi imperturbablement son laïus : « La planète est sous surveillance depuis des décennies par une ou plusieurs civilisations extraterrestres qui sont particulièrement alarmées par le niveau de corruption et d’irresponsabilité de nombreux dirigeants politiques. Le détournement des indemnités de la guerre du Golfe ainsi que l’affaire de l’escroquerie sur l’extinction des puits de pétrole ne peut qu’attirer l’attention de nos visiteurs au même titre que les milliers de têtes nucléaires opérationnelles… ».
Oui, oui ! Et emporter Dupont à publier ses post. Ou l’autre d’ignoble !
« Et vous pensez vraiment que les États-Unis attachent une grande importance à tous ces phénomènes ? ».
« Voyez-vous, je suis très connu aux USA dans les « services » pour avoir été le dénonciateur du détournement des indemnités de la guerre du Golfe. Ce détournement a révolté toute la haute hiérarchie de l’armée américaine – vous en savez quelque chose - et, lorsque j’ai témoigné au NPC à Washington, j’ai eu l’énorme surprise de constater que mon témoignage était repris en priorité par CNN qui l’a diffusé, en boucle, pendant 48 heures… »
La Une de CNN ! Mazette le « quart d’heure de gloire » en boucle !
« Vous voulez dire que votre témoignage a été retenu en priorité, avant tous les autres, parce que vous traitiez aussi le dossier de la guerre du Golfe ?... ».
Haddock opine du chef et sait qu’il a été compris.
« C’est exactement cela. Si l’observation que j’ai faite d‘un OVNI au-dessus de Paris avec mon équipage est spectaculaire, les autres observations auraient tout aussi bien pu faire la une de CNN. Il y avait notamment « Fife Syming Tonne », le gouverneur de l’Arizona, qui témoignait sur l’observation de Phoenix et il pèse un tout autre poids médiatique aux USA que moi-même. Ceci est peut-être une coïncidence, mais j’ai eu droit à d’autres « coïncidences » qui ne trompent pas »
Admettons. C’est curieux pour des américains, mais comme ils ont toujours considéré les « frenchies » comme des empaffés un peu cinglés ou déjantés, ça allait peut-être dans le bon sens du moment.

« La défense française et la défense américaine ont suivi très attentivement toutes mes actions contre la trahison de « Thieriment ». Le fait que je n’ai jamais pardonné sa trahison envers nos armées ne pouvait qu’être bien prise par les Américains qui savaient, de plus, que les fonds de l’Otan faisaient partie du même dossier. Et c’est vraisemblablement la raison pour laquelle cette observation d’OVNI a été diffusée en priorité sur CNN. »
Ah ?
Lier de bas-détournements de fonds, certes spectaculaires par leur montant, avec des affaires de petits-hommes-verts, c’est assez osé, en effet.
« Savez-vous que la présence extraterrestre sur la Terre est classé à un niveau de confidentialité supérieur à celui de l’armement nucléaire ? »
« Ouais, peut-être. Mais qui donc a organisé cette fuite dévoilant mes supposées turpitudes pour récupérer les fonds de la Nation sur le web ?...
».
« La fuite du dossier sur le web trouve naturellement son origine à l’état-major des armées qui refuse toujours que l’élite de la Marine, de l’Armée de l’Air et de l’Armée de Terre, continue à être prise par les dirigeants politiques pour un ramassis de « Pov’Kons aux ordres », comme c’est le cas depuis trois décennies !... »
Admettons, même si ce n’est pas tout à fait comme ça que Paul a pu voir les choses…
Le « capitaine Haddock », dont le verre commence à se vider sérieusement, fait un bilan de l’état d’esprit des amiraux et des généraux qu’il côtoie depuis plus de quinze ans : « Voyez-vous capitaine, si les relations de la défense avec « l’Etna » sont courtoises, il n’en demeure pas moins que l’addition sur les détournements de fonds de l’époque de « Thieriment » est loin d’avoir été présentée à la classe politique. Ces détournements de fonds publics ne seront jamais « digérés » par nos militaires qui ne veulent pas être complices d’actes illégaux comme le détournement des indemnités de la guerre du Golfe ou l’escroquerie de l’extinction des puits de pétrole en feu au Koweït. Vous savez que les officiers formés dans nos écoles militaires, École Navale, École de l’Air et Saint-Cyr, sont tout à fait conscients de l’exigence du respect de la loi pour les crimes et délits ainsi que pour la conduite à tenir face aux ordres illégaux. »
Oui, il sait ! L’article 40 du Code de procédure pénale précise que « Toute autorité constituée, tout officier public ou fonctionnaire qui, dans l'exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d'un crime ou d'un délit est tenu d'en donner avis sans délai au procureur de la République et de transmettre à ce magistrat tous les renseignements, procès-verbaux et actes qui y sont relatifs ».
L’instruction ministérielle n° 201710 relative aux devoirs du soldat à qui un ordre illégal à été ordonné précise sans aucune ambiguïté qu’un militaire, mis dans une telle situation, doit « refuser les ordres illégaux », et le révéler ce fait « par tout moyen, directement et dans les plus brefs délais : soit au ministre de la Défense, soit à son chef d'état-major, soit à l'inspecteur général de son armée ».
Il connaît son Code, Paul.
« Cette instruction définit les conditions dans lesquelles les militaires doivent appliquer les prescriptions de la loi portant Statut Général des Militaires et celles du décret du 15 juillet 2005 portant règlement de discipline générale. L’état-major des armées connaît parfaitement cette réglementation et se base sur les lois pour refuser toute véritable complicité avec les politiques qui ont réalisé ces détournements de fonds. »
Manquerait plus que les officiers d’état-major se mettent à contravention avec leurs propres textes…
« La seul raison pour laquelle la défense n’a pas encore transmis à la justice toutes les informations qu’elle possède, et qui sont autant de délits ne pouvant pas faire l’objet du secret défense, a tenu dans la difficulté à identifier puis à récupérer ces fonds. »
Pourquoi me raconte-t-il tout ça, se demande Paul ? Il fait beau, le clapotis de l’étrave sonne claire, le fasseillage de la bordure du foc annonçant avec régularité la légère abattée du pilote automatique. Il fait beau et encore chaud.
Ne comprend pas qu’on puisse ainsi se fatiguer pour de vieilles histoires.
L’état-major en savait déjà assez long sur… sa propre ignorance dans cette affaire, quand les cartons secret-défense sont arrivés au siège parisien de la MAPEA avant même qu’on lui tire dessus.
C’est après, quand il leur a remis le dossier de synthèse et les annexes, qu’ils ont pu en mesurer tout le gouffre.
« Il faut, d’autre part, ne pas nuire à l’image de la France ou encore à nos relations avec nos alliés de l’Otan. Toute une série de raisons qui font que le dossier peut difficilement être rendu public sans provoquer une crise politique qui entraînera la fin de la Vème république. Aussi la meilleure solution est-elle une fuite humoristiquement organisée sur le web. »
Donc, Dupont, c’est lui ?
« C’est une étape de communication qui va indiquer très clairement à nos dirigeants politiques corrompus, ou lâches, que les chefs d’état-major, actuels ou en retraite, ne baisseront jamais la garde sur la corruption politique… ».
On en avait vu d’autres, mais admettons : ce n’est plus lui, mais bien une équipe de scribouillards du ministère qui s’est tamponné tout le contenu du rapport. « M’en tamponne le coquillard ! », pense Paul. « Ce rapport, c’est leur propriété, finalement : ils en font ce qu’ils veulent. »
« Certes ! Mais à titre personnel, quelles ont été les conséquences de vos propres actions « main-propre ?... ».

« En fait, la conséquence la plus visible de mon action a été, jusqu’à maintenant, l’arrêt de la grève des pilotes « d’Air-Transe » pendant le Mondial de Foot en juin 1998 ; souvenez-vous du battement médiatique qui a eu lieu au début juin 1998 pour stigmatiser les pilotes de ligne – ces privilégiés – qui entamaient une grève pour conserver leurs salaires exorbitants et avantages divers alors qu’un échange « salaire-actions » était proposé par « Jean-Cyril Spin-Etna ». Cela correspondait à la politique égalitariste d’un gouvernement de gauche incapable de réaliser que les efforts doivent être rémunérés en fonction de la responsabilité et des obligations d’un métier, et que l’égalitarisme salarial – promue par des dirigeants corrompus jusqu’à la moelle - n’est rien d’autre qu’une immaturité infantile qui condamne un pays à la stagnation ou même à l’effondrement ». Paul avait lu cette histoire-là sur le blog d’alerte éthique , en effet : le couplet « idéologique ».
« Lors de la grève à « d’Air-Transe » de juin 1998, les pilotes étaient particulièrement remontés et lorsque que j’ai informé « Jean-Charles Kore-Bête » du dossier déposé au ministère des finances sur le détournement des indemnités de la guerre du Golfe, il m’a immédiatement répondu : « Si le gouvernement lance ses « chiens de guerre » sur les pilotes nous rendrons public cette histoire de détournement de fonds en mondovision !... »
« J’ai lu ça sur votre blog. Admettons : ils se sont immédiatement calmés en haut lieu de la « gauche plurielle », je suis au courant. »
Le « capitaine Haddock », très satisfait de sa révélation, se reprend une rasade de whisky sur la réserve du bord (qui n’est pourtant pas du Loch Lomond ) et continue : « J’ai su par la suite que des membres du syndicat des pilotes auraient reçu des menaces destinées à les faire taire. Je n’en sais pas plus, mais une chose est certaine : la grève s’est soudainement arrêtée le 8 juin 1998 lorsque j’ai écrit au ministre des finances de l’époque, celui qui fait banquier mondial actuellement, pour lui rappeler le dossier de la guerre du Golfe. J’avais envoyé, de plus, ce courrier à toute la presse et aux télévisions, et le gouvernement a compris qu’il fallait immédiatement céder aux pilotes « d’Air-Transe » sous peine de voir un gigantesque scandale éclater. De plus, il aurait été immédiatement confirmé par les pays du Golfe ou par des sources d’Outre-Atlantique. Le gouvernement et « Air-Transe » n’avaient pas d’autre choix que de céder. Et ensuite le syndicat des pilotes n’a plus bougé sur le dossier… ».
Un grand n’importe quoi, là : si les courriers avaient été aussi fracassants, il y aurait bien eu un tabloïd pour les reprendre !
On sait tout des positions coïtales des uns et des autres, alors une pareille énormité, elle aurait fait le tour de la planète en peu de temps !
Il se la pète, le « capitaine Haddock », dès qu’on passe aux alcools forts !
« Attendez ! Je dois tout d’abord souligner que l’arrêt de la grève a été faite avec l’aide de mon conseil « Maître Rouflaquette », avocat à la cour, et qui a été aussi le destinataire de tous mes courriers aux différents ministres des finances qui se sont succédés depuis 1998.
Ensuite, le résultat du conflit a été que, au lieu de 20 % de moins de salaire, les pilotes long-courriers ont eu 50 % de salaire en plus par une série d’avantages comme le paiement des « heures créditées », qui sont des heures de vol payées pour chaque journée passée à l’hôtel (4 heures de vol payées pour chaque jour d’hôtel), ou encore un forfait journalier accordé par le fisc au titre des frais réels pour les d’indemnités en escale…
Vous voyez que l’action du « capitaine Haddock » a été très positive pour les pilotes de ligne qui gardent malgré tout en réserve ce dossier au cas où les dirigeants actuels auraient la mauvaise idée de remettre en question leurs avantages…
».
Bé voyons ! Que deviendraient tous ces pauvres pilotes sans « Haddock » ?
« Quant à « Jean-Charles Kor-Bête », qui était un copain rugbyman de « J-C Gay-Sot », le ministre communiste des transports de l’époque, on lui a vendu la compagnie « Ayr-Lib » qui était en faillite, qu’il a rachetée pour une poignée de figues en plaçant tous les actifs intéressants dans son Holding « HolKo » ; « HolKo » pour « Holding Kore-Bête » !... »
Et puis il a fini devant un tribunal correctionnel pour faillite frauduleuse, tout le monde sait ça.
Paul perçoit que le « capitaine Haddock » est prêt à lâcher quelques confidences supplémentaires. « Ça va bientôt être prêt. Que savez-vous de plus que je ne sache pas déjà ?... ».
« Haddock », alors que Paul lui sert sa langouste, avant de mettre au feu les figatelli tranchés tout du long par moitié afin que le gras dégouline franchement dans la braise, sait maintenant qu’il peut confier au Capitaine de corvette Paul de Bréveuil le véritable niveau de soutien qu’il a obtenu des « étoiles ».
« Il faut que vous sachiez que toutes les actions que j’ai entreprises sont suivies avec une extrême attention par l’état-major des armées, car j’ai trouvé la faille du système en faisant une déclaration à la BCR du Havre en janvier 1998 au sujet du détournement des indemnités de la guerre du Golfe.
Mon action pendant la grève des pilotes a été extrêmement bien prise à l’état-major des armées car le dossier était alors « sur les rails » : parfaitement connu des principaux dirigeants politiques et des médias, et, de plus, la défense nationale était parfaitement « dédouanée » sur cette affaire car le dossier avait été transmis par une voie officielle au ministère des finances
».
« Pas mauvais, hein ? » répond Paul, les doigts s’attaquant à la carcasse de sa bestiole. « Et alors, quelles ont été les réactions de la défense nationale à la suite de votre action ?... ».
« Voyez-vous capitaine, l’arrêt de la grève des pilotes de juin 1998 a permis à la défense de se sentir déchargée d’un énorme poids qui était celui du devoir de se taire, façon d’une trahison monstrueuse, car le dossier avait atteint les salles de rédaction. L’Armée de l’Air m’a immédiatement fait part de sa vive satisfaction, d’une façon que je n’aurais jamais imaginée... »
« Ah ? Que voulez-vous dire ? »
« Capitaine, quelques jours après l’arrêt de la grève des pilotes de juin 1998, je suis descendu en TGV sur Bordeaux et le train a été attaqué par un Mirage 2000, en entrainement bien sûr ! J’étais assis à tribord et, près de Tours, j’ai vu un Mirage 2000 nous rattraper – il volait à faible vitesse – et faire une passe de tir sur ma place, puis un break pour dégager…Une façon de me dire : « nous sommes bien là, merci ! » ».
Pas commun, en effet… Faut imaginer le travail du pilote pour décoller un avion, toutes les autorisations à obtenir, y compris pour survoler un train à basse altitude hors des espaces réservés à l’armée, le boulot de navigation et de minutage pour retrouver la cible. Pas un hasard, bien entendu. Sans compter le travail de renseignement en amont !
Mais peut-être bien aussi une menace… Il n’a pas pensé à ça, le « Haddock » dégustant de la langouste.
Paul se montre sceptique : « C’est peut-être une coïncidence, avec un entraînement exceptionnel au tir sur un TGV… ? ».
« Assez peu probable ; les pilotes de chasse évitent les passes de tir sur des cibles civiles et, de plus, j’ai eu une deuxième manifestation de ce genre et qui n’est pas passé inaperçue – c’est le moins que l’on puisse dire…
Pendant la présidentielle de 2007, je suis intervenu en continu sur le web pour rappeler aux candidats socialistes l’histoire du détournement des indemnités de la guerre du Golfe afin de soutenir le candidat « Krasosky » et empêcher la victoire de la gauche.
Puis, au bout d’un an, ne voyant venir aucune action sur le dossier, en juin 2008, j’ai envoyé un courrier à « Garde-Là Kiki » afin de lui rappeler le dossier. Et là j’ai eu l’énorme surprise, quelques jours plus tard, de voir une patrouille de trois Transall survoler, à 50 mètres de haut et à très basse vitesse, mon « château » situé en plein milieu d’un petit village du pays de Caux.
L’altitude et la vitesse de ces Transall correspondaient aux caractéristiques d’un lâcher de paras de nos Forces Spéciales… L’un des ces Transall était blanc, et les deux autres kaki… Ce survol a bien sûr été remarqué par tous les habitants de mon petit village
»…
Bé un peu plus, il se prenait des cocoïs sur la tronche, le « Haddock » ?
« Vous voulez dire que l’Armée de l’Air a envoyé trois Transall en formation au-dessus de votre château pour vous remercier de votre intervention ?... ».
« C’est exactement cela. Les militaires sont tenus par leur devoir de réserve et tout officier qui enverrait une lettre de ce type à la ministre des finances serait immédiatement sanctionné par sa hiérarchie. Même le commandant de gendarmerie Matelly a été renvoyé récemment pour avoir exprimé son point de vue sur le rapprochement gendarme/police. C’est dire si la « grande muette » est réduite au silence dans les rangs, même encore aujourd’hui.
Or, ce n’est pas du tout ma préoccupation et je suis beaucoup plus libre d’agir qu’un officier d’active surtout que je mets aussitôt mes courriers en ligne sur le web !...
».
Paul avait pu en lire beaucoup…


Opération « Juliette-Siéra » (XXXIII)

Trente-troisième chapitre : Fin de parcours

Avertissement : Ceci est un roman, une fiction, une « pure construction intellectuelle », sortie tout droit de l’imaginaire de son auteur. Toute ressemblance avec des personnages, des lieux, des actions, des situations ayant existé ou existant par ailleurs dans la voie lactée (et autres galaxies), y compris sur la planète Terre, y est purement, totalement et parfaitement fortuite !

Les figatelli sont ôtés du feu… c’est plus « âpre » que les langoustes à l’huile d’olive, filet de citron et herbes du maquis…
Le « Capitaine Haddock » imperturbable sait qu’il arrive en zone sensible : « Presque tous… Il y a bien entendu quelques rares courriers que je garde en confidentiel parce qu’ils sont très ciblés, mais, dans la grande majorité des cas, mes courriers sont mis en ligne afin de déstabiliser le pouvoir politique lorsqu’il est corrompu… Voyez-vous, le pouvoir c’est, d’abord, l’information. Les hommes de pouvoir ont toujours contrôlé l’information, mais internet permet de faire éclater des siècles de culture du secret d’État… La technique que j’emploie permet de mettre à nue la crapulerie de certains de nos dirigeants politiques… Ils perdent ainsi progressivement leur pouvoir… ».
Un putschiste sur le pont, entre les deux mâts dont les voiles poussent le bateau jusqu’à destination. On aura presque tout vu sur ce voilier. Manque plus qu’une attaque de pirates somaliens !
« Rappelez-vous ce que je vous ai dis à Malaga. Les dirigeants politiques savent très bien qu’ils ont dépassé la ligne rouge de la corruption et que les « services » ne pardonneront jamais la trahison du détournement des indemnités de la guerre du Golfe. Il est souhaitable que les politiques restent tranquilles. Ce n’est franchement pas recommandé de chercher des ennuis avec les forces spéciales… D’ailleurs les politiques se souviennent tous du groupe AZF… ».
Paul comprend que derrière la fanfaronnerie, le « Capitaine Haddock » ne rigole pas du tout.
Quand il s’agit de vie et de mort, des engagements des uns et des autres, du respect des règles éthiques, c'est-à-dire tout un ensemble de valeurs qu’il connaît bien puisqu’elles sont à la base de son propre engagement, les choses deviennent sérieuses.
« Cher capitaine, vous devez savoir que « l’Opération Haddock » n’est pas limitée à la défense. De nombreux fonctionnaires sont littéralement écœurés du niveau de corruption et de la médiocrité de nos dirigeants. Je dois vous avouer que cette opération comportait à l’origine un très haut cadre des douanes, Jean Renaudin, qui avait été l’un des cinq directeurs à compétence nationale de la Douane. Il avait été le directeur de la région Nord-Ouest. Je le connaissais très bien. C’était un authentique gaulliste, un grand serviteur de l’État, et il a apporté à « l’opération Haddock » des renseignements d’une extrême importance qui ont permis de définir la stratégie la plus adaptée. »
Ah ? Et de quoi s’agit-il ?
« La direction de la douane se trouve confrontée au même problème que l’état-major des armées : ils ont un devoir de réserve et sont soumis au pouvoir politique même si celui-ci est tordu ou malhonnête. Très prochainement, un ancien sous-officier de l’armée, « Marcel de Saint-Prière », champion de France de tir en 1991, remettra aux douanes des informations confidentielles sur le dossier de l’extinction des puits de pétrole du Koweït. Cette action sera le point de départ de l’Opération « Jean Renaudin ».
Gardez cela pour vous. Si les amiraux et les généraux sont révoltés par le détournement des indemnités de la guerre du Golfe, ils ne le sont pas moins que les sous-officiers. N’oubliez pas que nous avons régulièrement des blessés ou des tués dans nos opérations spéciales et que nos sous-officiers sont les premiers concernés sur le terrain.
D’ailleurs l’Union Nationale des Sous-officiers a écrit à « Garde-Là Kiki » pour demander des explications sur mes accusations à la suite du courrier de juin 2008. La réponse de la ministre à « Jean-Paul Rahan », président de l’association, est absolument stupéfiante !
»
Paul n’en doute pas une seule seconde…
« Vous êtes assis ? C’était du : « Nous ne pouvons pas confirmer ou infirmer les accusations du « capitaine Haddock ». Il faut tout de même le faire, non !... »
Bé oui, logique.
« Commandant, comment voulez-vous avoir une opinion éclairée, quand on est associée d’un cabinet d’avocat anglo-saxon, sur un truc que personne n’a vu passer, pas même les douanes ? Logique comme réponse !
A-t-on idée de demander aux douanes de vérifier des mouvements de fonds qui partent des EAU, de Doha, Dubaï ou Koweït-city et qui vont en Suisse, à Londres ou dans les îles Caïman sans franchir les poste de douanes frontaliers ? Faut être débile !
C’est comme demander au Pape la preuve que Dieu existe. Le pauvre, il ne l’a jamais vu ! Donc les services ne peuvent ni affirmer ni confirmer.
»
Une nouvelle fois, imperturbable, le « Capitaine Haddock » poursuit…
« Si ça sort, les douanes seront alors confrontées à un dossier explosif et devront aller chercher des infos auprès de leurs collègues suisses, de Tracfin, etc.… Ils découvriront rapidement le « Pot aux Roses », c'est-à-dire le Trust britannique et les sommes faramineuses qui y étaient déposées ainsi que les transferts de fonds vers l’Otan. Bien sûr tout ceci est légal, mais ce qui n’est pas légal, c’est d’avoir dérobé 3,5 milliards de dollars à la défense… Les douanes seront alors confrontées à l’impérieuse nécessité de respecter l’article 40 du code de procédure pénale et de transmettre le dossier au procureur de la république car le délit n’est pas prescrit en raison de la demande de prime d’aviseur que j’ai faite et qui lève la prescription… ».
Complètement à la masse : Les effets du « petit-rosé-frais » confronté à la brise du large et au soleil de plomb ?
« Vous avez bien fait de passer, Commandant. Il vous faut comprendre deux ou trois choses avant de repartir sur le continent.
Un : Ni les douanes, ni la PAF, ni Tracfin ne verront rien.
» Tracfin, il s’en était chargé en décembre dernier.
« Deux : En admettant que les fonds rentrent, tout le monde n’y verra que du feu. Il y a assez d’outils dans l’arsenal juridique pour ça, et croyez-moi, je ne suis pas le seul à savoir m’en servir dans le pays. » Et puis le Président avait fait très fort lors de sa conférence de presse de la mi-décembre sur le « Grand-emprunt ».
« Trois : de toute façon, ils sont totalement indécelables. Pour y parvenir, il faut forcer la porte de bien des gens qui sont loin d’être des abrutis de lampistes, qui ont eux aussi des protections au plus haut niveau et éplucher des millions de lignes d’opérations financières pour en apercevoir les traces, ce qui n’est pas à la portée du premier venu. »
L’énonçant, Paul qui l’avait fait, aime bien la perspective, finalement…
Mais le « Capitaine Haddock » poursuit jusqu’à l’agacement.
« En fait, ce sont les douanes qui vont faire exploser le système. Ils ne peuvent pas être complices d’un détournement de fonds de cette importance et n’auront pas d’autre choix que de faire avancer le dossier car, s’il passe en phase explosive, ils en seraient complices ! »
Elles ne feront rien exploser du tout. Les dés sont déjà jetés. La bombe thermonucléaire sur les institutions désamorcée et les morceaux éparpillés, dissouts, recyclés.

« Vous, vous vous voyez bien en justicier à vouloir faire sauter la République, comme « Sir-vaine », à plusieurs reprises, virer tous les politicards honnis, me semble-t-il. Je ne sais pas ce qu’ils vous ont fait à titre personnel. À mon avis, vous avez été brisé dans votre carrière de pilote d’une façon ou d’une autre. Je vous offre une compensation : vous dégourdir les pinceaux sur un prototype comme jamais vous n’en avez vu.
Le type qui a pu imaginer de détourner autant d’argent, il poursuivait sans doute le même but : faire péter les institutions à un moment ou à un autre. C’aurait pu être intelligent de sa part.
Mais il a oublié qu’en laissant une ardoise, y’a un moment où il faut passer par la caisse et rendre l’indu.
Ceci étant, c’était bien imaginé.
Et de vous à moi, vous pensez réellement qu’on en serait arrivé là ? Aucun de nos alliés n’a intérêt à voir voler en éclat nos institutions. Aucun responsable politique, aucun français, à part Besancenot, et encore.
Et jamais l’armée n’aurait laissé le pays partir à vau-l’eau en tapant sur la classe politique, même la plus pourrie, et ce malgré les nombreuses rancœurs et trahisons !
Ne rêvez pas Commandant ! Tous ces plans sur la comète ne sont que billevesées et redevenus purs fantasmes. Vous arrivez comme le fisrt de Cav’, après la bataille. Tout est terminé et bien terminé.
Alors arrêtez un peu et aidez moi plutôt à la manœuvre d’entrée de port, s’il vous plaît !
»
Car entre-temps, ils sont arrivés au large de Solenzara qui dessine les silhouettes ramassées de ses maisons sur le fond des crêtes de montagne dont Paul sait qu’au-delà, elles donnent sur les magnifiques aiguilles de Bavella.
Il s’agit de lancer le moteur, d’affaler les voiles, de les ferler correctement le long des baumes, de ranger les focs proprement dans leurs sacs avant de les enfiler dans la soute à voiles. De préparer le mouillage, et les haussières qui serviront d’amarre ou de garde, cul-au-quai.

Une demi-heure plus tard, ils passent tous les deux devant le Vulcan II qui les accueille à l’entrée de la 126 et filent vers un hangar semi fermé.
L’engin est noir, sans dérive ni empennage. Une « galette » évasée, vu du dessus, un losange arrondi. Vu de profil, une soucoupe. Rebondie de face, longiligne de profil.
« Je vous présente le prototype « Nivelle 001 ». On l’a baptisé « Isabelle » en l’honneur de notre pédégère. C’est un démonstrateur qui n’aura sans doute pas de successeur, faute de fonds et d’intérêt pour notre aéronautique. En ce moment, on fait un autre prototype, mais il s’agit d’un drone d’observation. »
Pendant que les mécaniciens s’affairent à ranger la moto de Paul dans le coffre, les deux hommes font le tour de l’oiseau.
« Comme vous pouvez le voir, les entrées d’air sont à géométrie variable situées sur l’intrados. Tout l’appareil est dessiné comme d’une seule aile à forte flèche. Pas de gouverne : on a une sortie de turboréacteur classique centrale, un Snecma de location, sans postcombustion au centre et deux tuyères spike de statoréacteurs de part et d’autre. Tuyères plates qui servent d’aileron à toutes les allures pour corriger l’assiette et le roulis.
Les ailerons sont encastrés dans la flèche des bouts d’ailes et on a aussi un superbe aérofrein qui peut se déployer en queue et servir aussi de gouverne aux faibles vitesses en cas de besoin. Normalement, il est noyé dans le corps du fuselage arrière, autour du turboréacteur.
»
L’originalité tient dans le revêtement des bords d’attaque : tout en céramique réfractaire.
« Mais plus que cela. C’est la méthode de cuisson qui permet d’en faire un monobloc, d’un seul tenant, contrairement à la technique des tuiles employées pour la navette américaine. Nous sommes censés en tester la tenue mécanique, à la friction avec les aérosols à haute vitesse en suspension dans la haute atmosphère. Car les blocs sont encastrés et non pas collés. Tout casse ou tout tient d’un seul tenant, pas comme avec la navette qui peut perdre ses tuiles et se désintégrer à la première défaillance. »

Paul explique qu’avec 9 tonnes de carburant, ils en ont pour un peu plus d’une heure de vol. Qu’il s’agit maintenant d’être tracté jusqu’au pied de la piste, sous une bâche pour que les observateurs éventuels postés sur la montagne n’aperçoive que le minimum. De filer cap au 180 jusqu’aux côtes sud de la Sardaigne et de grimper à 90.000 pieds.
« Vous verrez, ça pulse un grand coup dès que les statos se déclenchent. Normalement, on devrait aller tutoyer le mur de la chaleur à plus de Mach 5 et se chauffer à 1.200° C. Si ça ne vous tente pas, il y a un avion de liaison pour Vélizy en fin d’après-midi. Et je comprendrais. »
Mais le « Capitaine Haddock » reste subjugué par l’engin et la perspective offerte : Pas question de renoncer au dernier moment !
« Pour dessiner ces plans, je me suis inspiré d’un prototype que j’ai croisé à Nellis AFB en 97 pendant mes stages de formation de l’aéronavale. Ce n’est juste qu’une première étape avant un autre projet plus ambitieux, d’avion orbital à deux étages récupérables et un booster perdu. Qui part du concept d’Hermès de chez Dassault et du projet Saphir, des russes des années 70, lui aussi avorté. »
Paul explique dans le vestiaire alors qu’ils enfilent chacun une combinaison anti-G, qu’en fait la température au point d’arrêt augmente à raison de 20 % du carré du Mach, le tout calculé en Kelvin et rapporté à la température ambiante. Haddock sait ce détail. « Le reste, c’est une question de sinus de la flèche d’attaque de l’aile et de son profil. Le carré de Mach 5, c’est 25. 20 %, c’est 5. 5 fois 273 – 58° K, c’est 1.017 ° C à la pointe. On va essayer d’aller un peu plus vite pour se faire du douze-cents degrés. Et on rentre. Ça vous va ? »
Pour sûr qu’on n’a pas tous les jours l’occasion de ce genre d’expérience.
Et entre les acrobaties des mécanos enfilant la moto du capitaine de frégate dans la soute et de voir le bonhomme se contorsionner pour atteindre le siège du pilote, trop petit pour sa carrure imposante, ce sont des souvenirs à garder bien au chaud ! Pour sûr…
S’il survivait à l’expérience.

« Bon ! Faut que je vous dise qu’après le premier vol, on sait que les buses d’arrivée du carburant dans la chambre de combustion des statoréacteurs sont mal dimensionnées. Faut dire aussi qu’un stato, plus ça compresse, plus ça pulse. Et plus ça dégage, plus ça va vite. Plus ça va vite et plus ça compresse. Et comme il n’y a aucune pièce en mouvement, ce n’est pas facile à contrôler.
Par ailleurs, le pilote automatique peut très bien nous envoyer en voile noir. C’est un machin de série qu’on retrouve sur tous les chasseurs, mais qui est manifestement sous-dimensionné dans ses réactions. Alors, on règle le problème à la main et à la mollette du trim. Mais si vous sentez le voile noir arriver et que je suis dans les pommes, débrancher « Pedro » et poussez doucement sur le manche sans nous foutre à la baille… Y’a pas de canot de sauvetage !
»
Un système d’éjection, peut-être ?
« Même pas sur ce prototype. Le suivant, si un jour il existe, c’est tout le poste de pilotage qui est éjecté. Mais là, on avait ni la place ni le temps. Je vous explique : on voulait faire un passage au-dessus de Paris au dernier 14 juillet. À Mach 4 et à 70.000 pieds, histoire d’affoler Taverny.
Et si par hasard on croisait un Boeing « d’Air-Transe », à tous les coups il nous aurait pris pour un UFO !
»
« Je vous assure que… » commence « Haddock ».
Paul sait.
Mais fait remarquer que c’est juste une illusion d’optique.
« Vous le savez comme moi, commandant, en vol on n’a pas de repaire. Déjà en mer, estimer au sextant une grandeur d’iceberg, ça n’a rien d’évident sans un coup de radar pour estimer la distance, alors à haute altitude, il suffit de tracer sur une cible de loin et changer de cap à un moment où à un autre. À Mach 3 ou 4, l’observateur à l’impression que vous vous taper une accélération d’enfer. On en fera l’essai tout à l’heure en virant sur l’aile au large de la Tunisie ou de l’Algérie. Je suis sûr d’avaler un 180 en moins de 30 secondes sans prendre plus de 3 G dans le virage. Soit, en perpendiculaire, 6°/seconde. Vu de loin et d’un point fixe, ça donne l’impression, à 2.680 nœuds, de faire une accélération de 33 G… »
L’explication est connue de tous.
« Vous savez ça parce que ça fait longtemps que vous pilotez ce prototype ? »
Non, c’est la première fois.
Rassurant, ça…
« Tout n’est que calcul ! » répond Paul en mettant la manette du turboréacteur au tableau, après avoir reçu l’autorisation de Zara-tour de décoller sur la 18.

L’engin s’ébroue puis saute en avant. 12 secondes après, il est en l’air. Paul rentre les ailerons et il accélère en montée rectiligne. À 250 nœuds, les portes des statos se referment doucement sur l’arrivée d’air du turboréacteur à l’en étouffer. Et là, ils sont tous les deux plaqués contre le dossier de leur siège-baquet.
L’avion se met à grimper à vive allure. Paul débranche le pilote automatique qui ne va pas assez vite sur le trim et appuie sur le manche. Rien y fait, c’est trop fort. Zara-approche annonce qu’il faut rejoindre la fréquence de Rome-center. Et Paul tout à sa manœuvre pour éviter la perte de connaissance laisse le commandant « Haddock » répondre et régler la radio.
« Maintenant, silence radio. On va se retrouver sur Agadir en moins de rien. Pas question de s’identifier ! »
En quatre minutes, ils ont déjà dépassé l’altitude de croisière du Concorde. Plus aucun avion ne vole au-dessus, sauf peut-être le SR-70.
En notant que le Concorde était réputé pour avoir consommé le tiers de ses réserves de carburant pour en arriver là et atteindre Mach 2 en petites accélérations du régime moteur, alors que le Nivelle 001 n’en est même pas à 10 %.
« Oh, le SR-70 monte à 80.000 pieds, d’après les pilotes qui m’en ont parlé. Peut-être même à 120.000. Mais le plus curieux avec cet avion là, c’est qu’il est fait en un Inconel X, un alliage secret à base de titane-acier-nickel. Ou autre chose. Ce n’est pas important. En revanche, à chaque retour au sol, le plus drôle de l’affaire, c’est que les mécanos « repassent » véritablement les plis faits par les filets d’air dans le métal avec un chalumeau ! »
« Haddock » est en sueur dans sa combinaison. Il parvient à se détendre seulement quand l’avion est stabilisé impeccablement à 90.000 pieds. Buses d’injection ouverte au maximum. Paul a les yeux rivés sur la sonde du thermomètre de pointe. L’assiette est très stable. Pas de vibration. À l’approche des 1.100 °, il réduit légèrement les gaz, sans pour autant ne percevoir qu’un léger ralentissement de l’accélération. 3.000 galons/heures de kérosène sont indiqués par le débitmètre. Pour 2.700 nœuds.
Mach 5,3 ! 2.835 nœuds : 1.236° C affichés sur la pointe de la sonde avant…
Paul bascule doucement l’appareil sur la tranche tribord et donne quelques coups sur le manche. L’avion circule lentement d’abord, pour changer de cap, puis plus vite au fil des tirées de Paul, sans perdre plus de 20 pieds à l’altimètre.
« Trop fort Pedro ! » s’exclame le « Capitaine Haddock »
« Bé oui ! Je ne comprends pas. Il a failli nous mettre dans les vapes tout à l’heure, et là, il réagit très bien… Y’a un truc qui ne colle pas. Faudra revoir tout ça au labo ! »

Le retour vers la France se passe toujours très haut. Paul s’identifie avant d’entrer dans la zone de contrôle de Marseille. À Mach 4. Pas de vibration, buses ouvertes au minimum.
« En revanche, la rampe de commande des buses d’admission est complètement à revoir. Quand on n’est pas prévenu, c’est un coup à se casser la gueule. Je comprends mieux Jeff, notre premier pilote d’essai. Idem pour ces satanés volets : la solution technique n’est pas bonne. »
Une vraie bombe, le « Nivelle 001 ».
« On devrait peut-être commencer à penser à descendre, non ? » estime « Haddock ».
Normalement oui. À 200 nautiques, ils volent nettement trop haut et devraient être déjà à 60.000 pieds.
« Vous avez raison : à cette vitesse-là, on est sur Aubenas dans 4 minutes. »
Paul débranche une nouvelle fois Pedro et pique du nez, à la limite du voile rouge naissant.
« Putain ! Ces sangles et ce siège sont vraiment inconfortables ! » Faut dire qu’il y a de quoi se mettre l’estomac à la gorge et que Paul n’est pas physiquement fait pour les sièges-baquets dont les rembourrements lui vrillent les omoplates depuis tout à l’heure…
Puis il sort les ailerons. Et là, stupeur, l’avion plonge et décélère à vive allure, à en faire encore plus mal aux épaules avec les courroies de ceintures de sécurité.
Paul rentre les ailerons… L’accélération est vive et la consommation de carburant s’envole !
« Écoutez ! On va tenter un truc qui n’est dans les manuels… Je coupe les statos, et vous me faites la radio. Mais vous vous tenez près à lancer le turbo quand je vous le dirai. Le bouton du démarreur est là et la commande de la valve d’injection ici. Mais faut attendre que les portes s’ouvrent. Sans ça on va finir totalement à sec avant d’arriver. Ça vous va ? On se fait un plané en espérant que je ne me goure pas trop dans le cap à suivre. »
C’est sûr que ce n’est dans aucun manuel du parfait pilote…
« C’est vous le commandant de bord. Essayez de vous guider sur le radiophare et avec l’ILS ».
Et voilà le « Capitaine Haddock » qui farfouille dans les boutons de la radio du bord comme un vrai « pro », pour régler les appareils de radionavigation et joindre la tour d’arrivée.
Dix minutes plus tard, à jouer sur les entrées/sorties des ailerons, tout en s’appliquant à se mettre dans l’axe de la piste et ne pas faire de trop brusques variations d’altitude, l’autorisation d’atterrir arrive enfin.
« Clear pour apponter ? On sort le train ! »
Paul joue avec les ailerons pour finir par glisser sur la piste à 140 nœuds, bien dans l’axe, sans avoir à rallumer le turbo, sauf en final, pour sortir de la piste et aller au parking.
Où l’engin est pris en charge par l’équipe au sol qui attend depuis le début de l’après-midi l’arrivée du prototype.
« J’avoue que beaucoup de choses sont à revoir sur ce piège ! Mais les céramiques ont tenues : Même pas une égratignure, ni même un pli ! » dit Paul fier comme un pape, une fois sorti de cet engin d’enfer.
Sacrée machine ! « Et vous avez financé ça comment ? »
« Commandant, vous m’avez dit un jour que si j’arrivais à « voler les voleurs », je devais vous faire signe. Bé voilà ! Je vous avais prévenu en début d’année et là, je vous montre que je me suis servi. C’est assez probant, pour vous, non ? »
Pas croyable…
Et la liste de tous les matériels dont ses copains des douanes, des armées, de la marine ont besoin ?
Et ses Clippers ?

« Ah, ça, commandant, il faut en demander l’autorisation aux autorités. Politiques… Comme je l’ai fait moi-même. Ils devraient vous écouter avec une certaine attention. Pour ma part, je suis aussi passé par Oséo pour les compléments, vous savez le « machin » qui draine des fonds pour des projets innovants. Le « Grand-Emprunt » de notre Président, ça vous rappelle quelque chose ? »
Le « Capitaine Haddock » en reste scotché, bouche ouverte.

3 commentaires:

  1. Pas mal...Promis juré
    le logiciel Promis (Prosecutor's Management Information System) est capable d'espionner l'ensemble des transactions financières mondiales et de traquer les donneurs d'ordre. Alors, la vérité va bientôt éclater au grand jour par la publication notamment des relevés de tous les corrompus disposant de comptes dans les paradis fiscaux (en juin 2006, l’IEA a estimé que la France est le plus corrompu des pays industrialisés).

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  2. Et 26ème mondial au plan de "l'honnêteté" de l'environnement des "affaires" : nous savons ça !

    Mais pour le moment, tout le monde s'en contrefout : ce qui compte c'est les "affaires à lili de chez "bête-en-cours".
    Et encore, ça ne durera que le temps de la rentrée sociale qui prendra le relai.

    Merci à vous pour toutes les informations que vous avez pu me fournir entre temps, qui confirmaient celles que j'avais déjà recueillies pour faire ce roman !

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